Partagez cette page 

Enseignant exemplaire

Photo de Brent Robillard, enseignant agréé de l’Ontario, assis sur un escalier. Il est entouré de globes terrestres.

Fenêtre sur le monde

Brent Robillard, EAO, aide ses élèves à élargir leurs horizons et à devenir des citoyens du monde.

De Trish Snyder
Photos : Jaime Hogge

«Aujourd’hui, nous allons voir comment on vit dans un pays en développement», dit Brent Robillard, EAO, à sa classe de civisme (en français) de 10e année à la Thousand Islands Secondary School de Brockville. Il distribue des cartes de jeu photocopiées et établit les règles : «Vous devez choisir un scénario et accumuler autant d’aliments que possible. Quiconque accumule le plus de nourriture sera déclaré gagnant.»

Les élèves se mettent en groupes et lisent à tour de rôle des scénarios du jeu The Survivor Game créé par la Canadian Hunger Foundation. Dans un cas, un jeune homme doit choisir entre travailler à la ferme familiale et aller à l’école, trouver un meilleur emploi et subvenir aux besoins de sa famille. D’autres cartes décrivent une famille qui vient de perdre sa récolte en raison de conditions météorologiques extrêmes et, dans un autre cas, des aliments vitaux sont échangés pour des médicaments.

«Est-ce que tout le monde a la même quantité de nourriture?», demande M. Robillard à sa classe à la fin de l’activité. Les élèves éclatent de rire : un élève a obtenu deux cartes, tandis qu’un autre en a 18. «On peut en rire parce que c’est un jeu, dit M. Robillard. Mais, en réalité, que se passerait-il si suffisamment de personnes se mettaient en colère parce qu’elles n’arrivaient pas à nourrir leur famille?» Une guerre, dit un élève à voix basse. Un acte de terrorisme, dit un autre. «Qui pense que c’est juste?», demande-t-il. Personne ne lève la main.

Photo de Brent Robillard, souriant, debout devant un groupe d’élèves. Les élèves discutent entre eux avec l’appui de l’enseignant. À l’arrière-plan, deux cartes géographiques du monde sont accrochées au mur.
Brent Robillard, EAO, et ses élèves jouent à un jeu qui simule les difficultés de subvenir à ses besoins dans un pays en développement.

Un programme comme nul autre

Certains de ces adolescents ne se sont jamais aventurés plus loin de Kingston, mais M. Robillard veut élargir leurs horizons et leur faire vivre des expériences concrètes. Le cours de civisme fait partie du programme d’études internationales de l’école, programme unique qui sensibilise les élèves aux enjeux mondiaux, les inspire à faire une différence dans le monde et leur permet de participer à une mission humanitaire en Amérique centrale. Ce programme existe grâce à M. Robillard et à sa femme, Caroline Bergeron, EAO, qui l’ont conçu et présenté à l’Upper Canada District School Board, en 2004. Passionné des droits de la personne, le couple, qui a beaucoup voyagé, avait envisagé un programme de quatre ans en français ayant pour objectif de cultiver les esprits et d’encourager les élèves à poursuivre leurs études linguistiques. «Certaines écoles se spécialisent en art dramatique ou en santé et bien-être, fait valoir M. Robillard. Nous avons pensé que ce serait une excellente façon pour un élève curieux d’obtenir son diplôme.»

Chaque fois que Donald Lewis, EAO, directeur de l’école, entend la classe de M. Robillard plongée dans un vif débat, il se souvient pourquoi Robi, comme l’appellent ses élèves, a remporté le Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement dans la catégorie Nouvel enseignant de l’année en 2010-2011. «Brent a compris que les élèves s’investissent davantage lorsqu’ils réalisent qu’ils apprennent quelque chose de réellement pertinent.»

Le programme de huit crédits allie un enseignement spécialisé à un diplôme d’études secondaires. Mme Bergeron est chargée des quatre crédits de français, tandis que M. Robillard enseigne en français l’histoire canadienne, l’aide internationale et le développement, et des demi-cours sur les possibilités de carrière et le civisme, ainsi que l’espagnol. «Apprendre une autre langue est le premier pas vers la découverte du monde et d’une autre culture», explique M. Robillard. Par exemple, lorsque le groupe va au Nicaragua pour une mission humanitaire, leurs hôtes ne parlent que français ou espagnol. M. Robillard a ainsi créé une version espagnole du jeu Jeopardy, conjuguant des verbes et donnant des leçons de vocabulaire sur le tableau interactif.

Tous les ans, M. Robillard fait le point sur les enjeux mondiaux de l’heure. Dans son cours d’histoire canadienne de 10e année, il décompose les concepts du multiculturalisme et aborde tous les sujets, par exemple, les politiques d’immigration racistes du Canada au début du XXe siècle (comme la taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois) et la politique actuelle concernant les réfugiés. Dans le cadre du programme d’études interdisciplinaires, le cours sur l’aide internationale englobe l’économie, la géographie et la sociologie. M. Robillard se rappelle la fois où les élèves s’étaient indignés en découvrant l’écart entre ce qu’il faudrait pour éliminer la pauvreté (0,7 % du revenu national brut selon une estimation des Nations Unies) et ce que dépensent les pays (Canada, 0,32 %; États-Unis, 0,19 %). «Pour être un citoyen du monde, il faut être averti, de dire M. Robillard. Mon rôle est d’aborder les enjeux mondiaux avec mes élèves pour leur donner un forum de discussion.»

Les élèves s’engagent

Après la prise de conscience vient la prise en main. Au lieu de passer un test à la fin du cours de civisme de 10e année, les élèves doivent s’impliquer dans la communauté. Certains participent à des campagnes contre la pauvreté, d’autres appuient des organismes qui luttent pour les droits des femmes ou pour mettre fin à la conduite automobile avec facultés affaiblies. Un garçon a appris que les Haïtiens manquaient à tel point de nourriture après le séisme de 2010 qu’ils se nourrissaient d’argile salée. Il a, par la suite, organisé une vente de gâteaux d’argile salée à l’entrée de l’école pour attirer l’attention d’un grand nombre d’élèves et les sensibiliser à la faim, tout en recueillant quelques dollars pour la Croix-Rouge.

Grâce à l’Humanitarian Educational Leadership Programme (HELP) que supervisent M. Robillard et Mme Bergeron, les élèves sont en mesure d’accomplir d’autres bonnes actions. Une collecte de pièces de monnaie est à l’ordre du jour d’un dîner-rencontre dans le cadre duquel deux jeunes filles tentent de recruter des bénévoles pour apposer des affiches et recueillir des fonds. (Elles ont finalement amassé plus de 500 $.) Il y a une nouvelle collecte de fonds tous les mois, au moyen d’activités allant d’une course de cinq kilomètres à un jeûne de 24 heures, afin de mobiliser la communauté et de soutenir des organismes tels que Vision mondiale et Enfants Entraide.

Une délégation d’élèves du cycle supérieur se rend au Nicaragua pour une mission humanitaire de 15 jours. Ils habitent dans des maisons qui font la moitié de leur salle de classe au Canada et travaillent côte à côte avec les parents de leur famille d’accueil. Ils nettoient des parcs, débroussaillent et plantent des arbres sur des fermes, et livrent des fournitures scolaires aux enfants qui travaillent dans le dépotoir local. Les familles nicaraguayennes sont payées 9 $ par jour, par élève, pour leur hospitalité – une somme appréciable quand leur salaire moyen est de 2 $ par jour.

Il n’est pas inhabituel que des élèves fondent en larmes au cours de la première semaine. «Ils sont bouleversés par ce qu’ils voient et vivent : des chiens émaciés, des enfants nus qui traînent dans la rue, pas d’eau, même froide, des lits de camp pour dormir, précise M. Robillard. Mais quand vient le moment de rentrer, ils ne veulent pas partir, poursuit-il. En rentrant, ils se sentent quelque peu inpuissants et déconcertés parce qu’ils réalisent qu’ils ont beaucoup appris de leur expérience – comment rire lorsqu’on a rien, comment s’amuser sans jeux vidéo. C’est la meilleure façon pour les élèves de découvrir le monde et de voir de première main l’écart entre les nantis et les démunis.»

Des écrivains en herbe

«Certains élèves poursuivent des études en développement international ou en droits de la personne, déclare M. Lewis. L’influence que peut avoir un pédagogue sur ses élèves est impressionnante.»

Presque aussi impressionnant qu’amener des adolescents à rédiger des nouvelles de 30 000 mots, exploit que M. Robillard a réussi en réinventant le cours de rédaction pour en faire un cours d’études littéraires. Poète et auteur primé (il a publié son plus récent roman, Drift, en 2011), il décompose le processus de rédaction en des éléments tels que l’intrigue, la caractérisation, le point critique, le conflit et l’interversion. Avant que les élèves puissent commencer à écrire un scénario détaillé, il les encourage à envisager l’intrigue comme de courts épisodes; ils s’exercent en examinant le titre des chapitres d’un DVD de la trilogie Le Seigneur des anneaux.

Grâce à des exercices quotidiens griffonnés sur les pages d’un épais bloc-notes, les élèves écrivent davantage de mots dans le cours de rédaction que dans tous les autres cours réunis! «Je leur dis qu’à la fin du cours, leur bloc-notes ressemblera à du grabouillis», fait remarquer M. Robillard. Empruntant des idées de l’auteure Natalie Goldberg, M.Robillard commence par une phrase telle que «Je me rappelle quand…»et demande à ses élèves de la développer en écrivant sans arrêt pendant cinq minutes. Puis pendant sept minutes. Puis neuf. «Lorsqu’ils lisent leur composition à voix haute, leurs réactions sont étonnantes. Des éclats de rire, des applaudissements spontanés… on a tout entendu», s’exclame-t-il..

Les élèves n’ont pas peur de montrer leur travail parce qu’ils apprennent l’art subtil de la critique constructive dans de petits groupes de rédaction. M.Robillard prépare la classe à une évaluation par leurs pairs en expliquant les besoins de diverses personnalités : certains veulent une critique franche de leur travail et savoir ce qu’ils doivent améliorer; d’autres ont besoin d’une approche plus délicate. Les élèves choisissent la personnalité qui correspond le plus à la leur et le groupe fournit ensuite des commentaires en conséquence.

À l’instar de leur enseignant, les élèves se sont habitués à ce que leur travail soit publié. Une fille a publié elle-même son premier roman et commencé à travailler sur son second. Beaucoup d’entre eux ont gagné des concours de rédaction de nouvelle. Ce matin-là, un élève de 11e année est arrivé en serrant dans sa main une lettre d’acceptation de la revue The Claremont Review, un journal littéraire international respectable pour adolescents, qui n’accepte que moins d’un pour cent des soumissions.

M.Robillard se réjouit de jouer un rôle dans les réalisations de ses élèves, mais dit qu’il éprouve autant de satisfaction lorsqu’un ancien élève lui avoue qu’il continuera d’écrire dans son bloc-notes même s’il n’est jamais publié. «Je réalise qu’ils valorisent l’écriture et le processus créatif.»

Ouvrage collectif

Il y a quelques années, la classe de rédaction de M. Robillard a transformé des coupures de journaux du XIXe siècle portant sur les épaves dans le fleuve Saint-Laurent en Dive Brockville, livre sur la plongée sous-marine locale qui comprenait un journal de bord illustré par les élèves en arts visuels de son collègue David Sheridan, EAO. Ce livre primé, décliné en trois éditions, s’est suffisamment vendu pour financer une sculpture publique. «Brent se fait un vrai plaisir de voir ce que ses élèves ont accompli, déclare M. Sheridan, lui aussi lauréat du Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement.

«Ce n’est pas facile de trouver des enseignants qui sont prêts à investir 100 heures de leur temps pour enrichir le curriculum. Lorsqu’on travaille avec une personne de ce calibre, elle nous inspire à hausser la barre.»

Essayez le volontourisme

Pour une expérience internationale économique qui va au-delà du tourisme, essayez les programmes de volontourisme. Brent Robillard a participé à cinq missions avec Voyages Tour Étudiant (VTE). Outre le Nicaragua, VTE propose des programmes de logement chez l’habitant à Antigua, en Équateur, au Costa Rica, au Pérou et au Mexique. «La plupart des agences de voyage destinées aux élèves font équipe avec des organismes internationaux en vue d’offrir des voyages humanitaires, lesquels se traduisent en général par des coûts plus élevés, fait valoir M. Robillard. VTE travaille directement avec des groupes communautaires dans les pays d’accueil et des ONG canadiens sans but lucratif afin d’offrir une expérience authentique à prix abordable.» bit.ly/16y3Kz2

Au service des citoyens du monde

Faites découvrir la citoyenneté mondiale et les études internationales à vos élèves. Visitez le site des organismes préférés de Brent Robillard pour obtenir d’excellentes ressources gratuites :

Illustration de pages web de ressources utiles pour les élèves en quête d’information sur la citoyenneté mondiale. L’adresse des ressources, numérotées de un à six, figure en bas de page.

  1. Canadian Hunger Foundation
    bit.ly/GHFQpf
  2. Zone des profs : Affaires étrangères, commerce et développement Canada
    bit.ly/1hun6aG
  3. Canadian Geographic
    bit.ly/1aEdc1i
  4. Enfants Entraide
    bit.ly/17xFITv
  5. Nations Unies CyberSchoolBus (site en anglais seulement)
    bit.ly/GIQKdQ
  6. Oxfam Québec
    bit.ly/HsIiAF