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Nouveaux horizons

Des enseignants partent pour l’étranger, leurs plans de leçons sous le bras. Chemin faisant, ils vivent des moments qui vont bien au-delà d’une expérience professionnelle.

De Lisa Van De Geyn
Photo : Markian Lozowchuk; vêtements et accessoires : Ingrie Williams; coiffure et maquillage : Buffy Shields/Judy Inc.
Ci-contre pour Elisa Graceffa, EAO : veste et haut, Banana Republic; pantalon, Joe Fresh; chaussures, Town Shoes

Photo d’Elisa Graceffa, enseignante agréée de l’Ontario, entourée de ses élèves. Plusieurs sont assis sur des valises.
Elisa Graceffa, EAO, est de retour en Ontario après avoir enseigné un an en Tanzanie. «À l’aide de gestes, de répétitions et de chansons, j’ai découvert une démarche d’enseignement efficace», dit-elle.

Essayez d’imaginer une salle de classe, de petite taille et bondée d’élèves, au sol en béton et aux murs nus, où les tableaux noirs sont pleins d’éraflures et où les fenêtres sont démunies de vitres et de moustiquaires. Vous aurez alors une bonne idée de la dernière école où Elisa Graceffa, EAO, a enseigné. Cela ne vous étonnera pas d’apprendre que cette salle de classe simple et rudimentaire, grouillante d’élèves enthousiastes habillés d’uniformes en lambeaux, se trouve loin de Belle River, en Ontario, ville natale de Mme Graceffa. En fait, elle se situe dans la région de Singida en Tanzanie, car c’est là que cette jeune pédagogue passionnée a récemment enseigné, passant ses journées à travailler avec des groupes de 40 à 80 élèves, âgés de 5 à 14 ans, et ses soirées à faire du tutorat, à livrer des fournitures, à nourrir des gens et à réparer des bâtiments.

Tant au propre qu’au figuré, Singida se trouve à des milliers de kilomètres de la Faculté d’éducation de l’Université de Windsor, où Mme Graceffa a effectué son stage en 2012 – et où les salles de classe étaient somptueuses en comparaison. Alors que pupitres, chaises, tableaux blancs interactifs, cahiers, tabettes électroniques, matériel d’art et dictionnaires et même électricité et eau courante sont des fournitures de base au Canada, ce sont des luxes pour les pédagogues des pays en voie de développement.

Enrichissement

Les raisons de vouloir travailler à l’étranger sont nombreuses. Alors que certains enseignants souhaitent apprendre une nouvelle langue et explorer une autre culture, d’autres partent à la recherche d’un emploi, faute de débouchés au pays dans leur domaine de spécialisation.

Photo d’Andréanne Grenon-Savard, enseignante agréée de l’Ontario, avec des élèves de la Guadeloupe. Ils portent des masques, des bandeaux et des colliers qu’ils ont fabriqués eux-mêmes.
Photo : avec l’aimable autorisation d’Andréanne Grenon-Savard
Andréanne Grenon-Savard, EAO, apprécie le rythme scolaire en Guadeloupe. «Ici, après six semaines de travail, il y a une ou deux semaines de congé», dit-elle.

Au cours des dernières années, le nombre d’enseignants qui sont partis travailler à l’étranger, passeport et diplôme en main, a augmenté. La profession en Ontario et dans d’autres provinces connaît actuellement une période de saturation. Selon le sondage 2013 sur la transition à l’enseignement publié dans Pour parler profession, le taux d’enseignants sans emploi en première année de carrière augmente rapidement puisqu’il se situe à 38 pour cent, comparé à seulement sept pour cent il y a à peine cinq ans. Moins de 30 pour cent des enseignants trouvent un emploi dans le domaine de leur choix l’année suivant l’obtention de leur diplôme, et plus de la moitié finissent par quitter la province (ou le pays) à la recherche d’un poste. En fait, 17 pour cent des membres de l’Ordre ayant décroché un emploi en enseignement cette année scolaire l’ont trouvé à l’extérieur de l’Ontario. D’après notre sondage, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et la Chine figurent parmi les pays où l’on retrouve la plus forte représentation de membres de l’Ordre.

Occuper un poste à l’étranger dans un organisme de bonne réputation peut profiter tant aux enseignants qu’aux conseils scolaires à la recherche de pédagogues enthousiastes et qualifiés. Grâce à ces programmes, des élèves d’un pays étranger profitent d’enseignants solidement formés alors que ces derniers disposent d’une occasion d’acquérir une expérience inestimable sur le plan professionnel et personnel.

Inspirer les élèves

Le temps que Mme Graceffa a passé à l’étranger rappelle l’expérience d’une autre diplômée de l’Université de Windsor, Kimberly Cox, EAO, qui a pu accroître ses compétences lors d’un récent séjour de deux semaines en Tanzanie. Avant de partir pour l’Afrique de l’Est, Mme Cox n’enseignait pas à un niveau particulier, son nom figurant plutôt sur la liste de suppléance d’urgence du Greater Essex County District School Board, où elle faisait du bénévolat avec des élèves du jardin à la 8e année. N’ayant pas décroché de poste stable, Mme Cox s’est inspirée de l’exemple d’une de ses enseignantes au secondaire qui parcourait le globe et a décidé de s’inscrire à Teachers to Tanzania. Il s’agit d’un groupe de l’Université de Windsor composé d’étudiants, de professeurs et de diplômés en sciences de l’éducation qui se portent bénévoles dans les écoles délabrées de Singida afin d’enseigner aux élèves du Centre Kititimo pour enfants orphelins et vulnérables. Ce groupe, qui mène des travaux de secours essentiels dans la région, offrait à Mme Cox une occasion dont elle n’a pas pu se priver. «La valeur que ces élèves attachent à l’éducation est comme une bouffée d’air frais», affirme-t-elle.

«En début de journée scolaire, les élèves sont dans un état de surexcitation », ajoute Mme Graceffa en lui faisant écho. L’optimisme rayonnait littéralement dans les salles de classe. Non seulement les élèves voulaient apprendre, mais il en était de même pour la communauté et les pédagogues. «Je n’ai pas de mots pour décrire l’expérience que j’ai vécue, dit-elle. J’en ai appris plus sur moi-même, tant sur le plan personnel que professionnel, que je n’aurais jamais pu faire de toute ma vie si je n’étais pas partie à l’étranger.»

Leçons de vie

Grâce à son expérience en Tanzanie, Mme Graceffa s’estime capable de faire face à presque toutes les éventualités. Son secret? Se tenir prête à tout. «Je devais constamment improviser, surtout en matière de ressources, dit-elle. Cette expérience m’a sortie de mon quotidien et elle m’a permis de m’impliquer dans des situations difficiles, mais extraordinaires.»

Les surprises et les défis de tous les jours à Singida ont engendré chez Mme Cox un respect nouveau pour deux attributs clés qu’il faut posséder dans la profession : souplesse et adaptabilité. «Des leçons qui paraissent impeccables sur papier n’ont pas toujours du succès », d’ajouter Mme Cox, qui comprend la valeur de modifier les plans en cours de route. En tant que pédagogues, nous devons pouvoir tisser des liens avec nos élèves et adapter nos idées de façon à mettre toutes les chances de succès de leur côté», affirme-t-elle.

Andréanne Grenon-Savard, EAO, enseignante de 3e année à l’école Georges P. Vanier à Windsor pendant trois ans, a aussi tiré quelques leçons et acquis des perspectives nouvelles grâce à son travail à l’étranger. L’an dernier, Mme Grenon-Savard, en quête d’aventure, a postulé pour un échange d’emploi. Depuis lors, elle enseigne en Guadeloupe, où elle a eu l’occasion de réfléchir aux méthodes pédagogiques employées en Ontario. «Ce qui me plaît ici, c’est que le rythme scolaire est plus détendu que chez nous. Après six semaines d’enseignement en Guadeloupe, on est en congé pendant une ou deux semaines. Comme je n’enseigne pas le mercredi, je réserve cette journée pour planifier mes cours, noter les travaux ou préparer du matériel pour mes élèves, dit-elle. Je me sens ainsi beaucoup plus reposée et efficace face à mes obligations professionnelles.»

Créativité linguistique

L’un des grands défis que doivent relever les pédagogues canadiens à l’étranger est l’obstacle linguistique. Ceux qui se rendent à Singida ont la possibilité de suivre quelques cours de swahili de base, selon Mme Graceffa, mais c’est à eux de trouver des moyens créatifs de communiquer dans cette langue. Résultat : un ensemble de compétences enrichies et des notes impressionnantes sur leur curriculum vitæ. «Je devais repenser et reformuler mes propres enseignements. À l’aide de gestes, de répétitions et de chansons, j’ai découvert une démarche d’enseignement efficace», indique Mme Graceffa, ajoutant qu’elle se servait aussi d’objets de la vie quotidienne pour faire passer ses messages aux élèves. «Je profitais au maximum du grand air et cela me poussait à devenir plus créative que je n’aurais jamais pu imaginer.»

Quant à Mme Cox, elle aussi a mis à profit tous les moyens disponibles pour établir des liens avec ses élèves. Par exemple, elle utilisait régulièrement des cailloux, des bâtons et des feuilles – et c’est le sable qui faisait office de cahier. Elle a même fait résoudre des équations mathématiques par ses élèves à l’aide d’un ballon de soccer sur lequel elle avait inscrit des chiffres. Tout comme Mme Graceffa, Mme Cox a constaté que l’obstacle linguistique présentait des occasions d’apprendre. «Je me trouvais dans une salle de classe avec des élèves qui parlaient peu l’anglais, et moi-même je parlais très peu le swahili. Cette expérience m’a permis de développer un esprit d’empathie envers ces apprenants de l’anglais, qui éprouvaient sans doute les mêmes sentiments que moi à certains moments, c’est-à-dire qu’ils étaient déconcertés et incapables de formuler leurs questions», avoue Mme Cox.

Photo de Lennox Whitehead, pédagogue pour Teachers for Tanzania, assis dans une salle de classe, avec des élèves.
Photo : avec l’aimable autorisation d’Andrew Allen
Lennox Whitehead est aussi un pédagogue pour Teachers for Tanzania. Il travaille ici avec des élèves à Singida (Tanzanie).

Choc culturel

Évidemment, les villes et les écoles situées à l’étranger ne se ressemblent pas toutes. Josh Rose, EAO, a obtenu son diplôme au printemps 2013 et, pour sa première année d’enseignement, il a fait presque 12 000 kilomètres afin de se rendre à Chongqing, en Chine, où il avait accepté un poste à Maple Leaf Educational Systems (il s’agit d’un programme extraterritorial alliant le curriculum chinois et celui de la Colombie-Britannique, enseigné et dirigé par des pédagogues et des administrateurs canadiens). M. Rose a pris connaissance de Maple Leaf quand un représentant a visité sa faculté d’éducation. «Après l’obtention de mon diplôme, je souhaitais décrocher un emploi plus près de chez moi», de dire M. Rose. Cependant, il y avait un nombre limité de postes d’enseignant, surtout en art dramatique. C’est ainsi que l’idée d’aller enseigner en Chine a commencé à prendre forme. «Je suis jeune et, pour moi, le déménagement dans un autre pays représentait non seulement une option, mais aussi la possibilité de réaliser un projet qui m’intéressait.»

À bien des égards, sa transition à l’enseignement en Chine n’a pas été particulièrement difficile. Selon M. Rose, le fait que le conseil scolaire de Maple Leaf existe sous le régime du ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique constituait l’un des principaux attraits pour aller s’installer à Chongqing (ville ayant un niveau de vie comparable à celui du Canada). «Les salles de classe ici ressemblent beaucoup à celles que nous avons en Ontario», dit-il. Le conseil scolaire vise en effet à créer une expérience canadienne qui touche tous les aspects de l’école secondaire. «Je donne des cours au contenu canadien; autrement dit, j’enseigne notre curriculum tout en acquérant des expériences et des apprentissages nouveaux.»

Si M. Rose est en mesure de rester au fait du curriculum qu’il a laissé au Canada, il est néanmoins très conscient du fait qu’il vit et travaille à l’autre bout du monde, dans une culture toute différente. «C’est une aventure quotidienne – et parfois de grandes aventures. J’ai déjà eu quelques épisodes d’intoxication alimentaire pendant des voyages – mais tout devient aventure, ajoute-t-il.

Photo de Josh Rose, enseignant agréé de l’Ontario, avec des élèves à Chongqing (Chine). Ils font tous le V de la victoire avec leurs doigts.
Photo : avec l’aimable autorisation de Josh Rose
Josh Rose, EAO, est heureux de poser avec ses élèves à Chongqing (Chine). «Les salles de classe ici ressemblent beaucoup à celles que nous avons en Ontario», dit-il.

Comme le disait le surintendant de notre conseil scolaire un jour, la Chine, c’est une surcharge sensorielle constante. Il y a toujours des images, des odeurs et des sons; ils ne sont pas toujours ce que vous pourriez souhaiter, mais ils sont toujours intéressants.»

Et la prochaine étape?

M. Rose aime tellement son travail avec les élèves du secondaire à Chongqing qu’il s’est déjà réinscrit pour l’année scolaire prochaine. Ensuite, il verra s’il veut encore renouveler son contrat. «Idéalement, j’aimerais retourner dans le Sud-Ouest de l’Ontario, dit-il. Je suis un produit du système scolaire ontarien; j’ai fait mon stage en Ontario et c’est le milieu que je connais. Il ne faut pas oublier non plus que ma famille et mes amis sont là. L’Ontario sera donc toujours mon chez-moi.»

«Je suis un produit du système scolaire ontarien; j’ai fait mon stage en Ontario et c’est le milieu que je connais. L’Ontario sera donc toujours mon chez-moi.»

M. Rose estime que les avantages de travailler à l’étranger l’emportent sur les défis. «Quand on enseigne au niveau international, on est toujours confrontés à des degrés divers au choc culturel. Il est facile de se sentir dépassé mais, si on se rappelle qu’on est là pour les élèves, le travail finit par devenir agréable. Si on a un bon rapport avec les enfants et les collègues, on surmonte les frustrations qui peuvent surgir de temps en temps dans la vie à l’étranger. Cela vous permet d’apprécier à sa juste valeur l’expérience que vous vivez – une aventure tout à fait hors pair.»

Acquérir une expérience planétaire

Votre association professionnelle pourra vous aider à décrocher des occasions d’enseignement, en dehors de la province, qui répondront à vos besoins.

Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens

Envoyez votre candidature à «Project Overseas» (bit.ly/1mwX3Ut, voir colonne suivante) ou faites un échange de un an avec une enseignante ou un enseignant catholique d’Australie. La Fondation canadienne des échanges éducatifs dirige ce programme (bit.ly/Prm0ma), lequel permet aux pédagogues catholiques de ce pays de venir travailler chez nous, tout en restant à l’emploi de leur conseil scolaire et en continuant d’en recevoir le salaire.

Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO)

Participez au «Project Overseas» (bit.ly/1mwX3Ut), programme organisé par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignantes (FCE), où les candidats retenus coaniment des ateliers de perfectionnement professionnel à l’intention d’enseignants de pays développés ou en voie de développement. Les participants passent de trois à cinq semaines en été comme bénévoles dans un des pays suivants : Jamaïque, Barbade, Trinité-et-Tobago, Saint-Vincent, Dominique, Sierra Leone, Libéria ou Ouganda. La FEEO parraine 14 participants; la FCE et les fédérations affiliées couvrent toutes les dépenses.

Ontario Principals’ Council (OPC)

Les directions, directions adjointes et autres responsables de supervision ont la possibilité de vivre un échange de leadership avec des collègues en Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, lorsqu’ils s’inscrivent au programme de l’OPC appelé Leading Educators Around the Planet (LEAP) [chefs de file en éducation du monde entier] (bit.ly/1j5JCqM). Les membres peuvent également accéder au programme International School Leadership (bit.ly/1pYzJOB) proposé par Education Leadership Canada (une division de l’OPC), qui offre des cours en ligne et l’agrément, de même que des possibilités d’emploi dans le monde entier.

Ressources pour les globetrotters

Vous avez envie de vous lancer vers de nouveaux horizons en enseignant à l’étranger? Voici des organismes fiables qui vous mettront sur la bonne voie (en anglais seulement) :