De Véronique Ponce
Illustrations : Paule Thibault, illustration Québec
Il n’y a pas si longtemps, la seule technologie à laquelle étaient exposés nos élèves consistait en quelques logiciels ou cédéroms éducatifs triés sur le volet par le centre de ressources de l’école. Ce temps est irrémédiablement révolu depuis que l’internet s’est propagé comme un feu de paille diffi cile, voire impossible à contrôler.
Une fois passée l’extase de la découverte du cyberespace, force avonsnous été de constater que l’internet n’apportait pas que du bon. Les écoles ont vite réagi en prenant des mesures pour réduire et contrôler l’accès à cette caverne d’Ali Baba. Devant l’avancée inéluctable de la technologie dans les foyers et la vulgarisation des téléphones intelligents et autres ordinateurs de poche, le monde de l’éducation s’est vite demandé s’il n’avait pas jeté le bébé avec l’eau du bain. En effet, les pédagogues s’entendent pour dire qu’il est important d’intégrer tous les outils disponibles pour engager les élèves dans leur apprentissage, et que la technologie regorge justement d’outils forts intéressants. De plus, la meilleure façon de vaincre ses adversaires n’est-elle pas de se joindre à eux?
Poussés par la curiosité et surtout par la nécessité d’en savoir plus, nombre d’enseignants ont pris les mesures nécessaires pour s’informer afin de mieux accompagner les élèves dans la découverte du cyberespace et de leur citoyenneté numérique. On a dès lors observé la création de diverses activités de formation pour répondre à la demande.
C’est ainsi que Tawndee Gruber, EAO, directrice de l’école élémentaire catholique St-Noël-Chabanel à Cambridge, a suivi une formation à ce sujet. Elle y a découvert le guide de l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) intitulé Voir grand dans le cyberespace (2012), qui vise à amener tant les jeunes que les adultes non seulement à réfléchir à la place de la technologie dans la vie afin d’être de meilleurs citoyens numériques, mais aussi à interagir davantage en français dans l’internet. «Ce fut pour moi une prise de conscience nécessaire pour évoluer avec plus d’aisance dans le monde des technologies de la communication», dit-elle.
Si les pratiques ne sont pas homogènes d’un bout à l’autre de la province, tous les conseils scolaires reconnaissent le besoin d’élaborer des lignes directrices visant à aider leur personnel enseignant à naviguer sur un terrain difficile. Le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est, par exemple, propose un plan de citoyenneté numérique à ses écoles. Chacune d’elles peut l’adapter selon ses besoins afin d’éduquer élèves et parents en vue d’une utilisation responsable de l’internet. Le but est, entre autres, de développer «un sens d’éthique et de responsabilité sociale en ligne». Le site web de l’école élémentaire catholique J.-L.-Couroux affiche un exemple de ce plan sous l’onglet Pour nos parents, et propose des stratégies pour veiller à la sécurité des élèves, développer les compétences en citoyenneté numérique et contrôler l’utilisation de dispositifs électroniques personnels.
«Dans notre conseil scolaire, tous nos élèves de 4e année et plus possèdent maintenant un compte Gmail et ils ont accès sans restriction à tout l’internet, explique Guy Allaire, EAO, directeur de l’école élémentaire catholique des Voyageurs, à Orléans. Dans notre école de 343 élèves, un seul parent n’a pas voulu donner sa permission. Cela montre combien les parents étaient prêts pour ce changement.»
D’autres écoles font des efforts soutenus pour mettre leur personnel enseignant au diapason. Par exemple, l’école secondaire catholique Thériault de Timmins a créé le comité Vision technologique dans le but de développer un plan à long terme. «Nos élèves sont pratiquement plus avancés que nous [en technologie]. Il est donc important de réduire l’écart! C’est à nous de faire des efforts pour intégrer la technologie dans l’enseignement», soutient le directeur de l’école, Alain Bélanger, EAO.
Si l’on admet que l’utilisation des médias sociaux par les élèves est remplie de pièges, certaines écoles trouvent qu’ils sont par contre très utiles pour communiquer avec les parents. «Cela s’est avéré particulièrement efficace lors d’intempéries récentes, pour annoncer l’annulation de transport scolaire et la fermeture d’écoles. Nous avançons avec prudence avec les médias sociaux en salle de classe, mais il serait utile d’exploiter davantage ces méthodes de communication pour nous rapprocher des parents et de la communauté», affirme Yves Mainville, EAO, directeur de la technopédagogie pour le Conseil scolaire catholique Providence. Sur ce point, Olivier St Maurice, EAO, directeur de l’école élémentaire publique Marie-Curie du Conseil scolaire Viamonde, est tout à fait d’accord : «L’école utilise les médias sociaux souvent, mais surtout pour le marketing et les communications avec les parents. Ces derniers sont beaucoup plus souvent sur les pages Facebook et Twitter qu’ils le sont dans le site web officiel de l’école».
Pour sa part, le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario a fait le grand plongeon en adoptant récemment une politique d’utilisation des médias sociaux qui reconnaît l’importance de maximiser l’utilisation de ces outils de communication. C’est en parlant avec les deux technopédagogues du conseil, Andrée Levasseur, EAO, et Danik Forgues, EAO, que l’on réalise l’ampleur de l’ambition du conseil.
L’an dernier, M. Forgues, alors enseignant à l’école élémentaire publique Le Trillium à Vanier, était responsable d’un projet pilote visant à brancher toute son école à la plateforme du nuage de Google. Tous les élèves de la 3e à la 6e année ont obtenu un compte Google et reçu un Chromebook. Abordable, il permet un démarrage rapide puisque les logiciels sont hébergés sur le nuage informatique.
Cette année, lui et sa collègue Andrée Levasseur ont pour mandat de déployer ces comptes à l’échelle du conseil scolaire. Toutes les écoles ont déjà reçu un chariot d’au moins 36 Chromebook en guise de laboratoire informatique mobile. «Les élèves adorent, ont constaté les deux technopédagogues, et rien ne motive plus un enseignant que des enfants qui débordent d’enthousiasme!»
Pour leur part, les écoles du Conseil scolaire Viamonde bénéficient toutes de l’accès sans fil à l’internet, et chaque école est maintenant dotée d’au moins un tableau blanc interactif (TBI). En tout, le conseil a déployé 239 TBI, 2 201 ordinateurs dans l’ensemble des écoles, ainsi que 1 723 portables dans 94 chariots. Cela a déclenché une frénésie de formations : «Tout le monde est en apprentissage!», déclare Claire Francoeur, directrice des Communications et du marketing pour le Conseil scolaire Viamonde.
Il est rassurant de voir qu’il existe nombre de lignes directrices pour aider les conseils scolaires et les écoles à faire profiter les élèves des nouvelles technologies de façon sécuritaire. D’ailleurs, l’Ordre publiait lui-même, dès février 2011, une recommandation professionnelle sur l’utilisation des moyens de communication électronique et des médias sociaux dans laquelle on parlait déjà de «citoyens numériques».
L’arrivée inéluctable de cet acteur puissant sur la scène éducative de langue française a aussi entraîné une question bien plus insidieuse, car les logiciels, sites web et applis offerts en anglais inondent littéralement le marché. Cela rend encore plus ardue la tâche d’offrir un milieu linguistique et culturel adéquat et respectueux de la Politique d’aménagement linguistique (PAL). Comme on le dit si bien dans le préambule de la Politique d’utilisation du français dans les technologies de l’information et des communications (Québec) adoptée en 2006 : «L’informatique n’est pas une simple technique qui peut faire abstraction de la langue et de la culture : elle traite des données, elle produit et diffuse de l’information. Elle fait partie intégrante du développement social, économique et culturel des sociétés modernes.»
Comment optimiser la transmission de la langue et de la culture françaises quand l’outil de prédilection existe principalement en anglais? Alors que les nouvelles technologies surgissent à un rythme effarant, les conseils scolaires de langue française en Ontario doivent donc, plus que jamais, surmonter deux difficultés : se doter d’outils permettant de profiter en toute sécurité des nouvelles technologies et équilibrer ce besoin avec celui de l’aménagement linguistique.
Même dans une communauté assez homogène et protégée par une Charte du français, comme celle du Québec, la question est pourtant loin d’être résolue, quoiqu’on ait fait des progrès extraordinaires ces quelque dix dernières années. Cet avancement est propulsé par le puissant organisme provincial, l’Office québécois de la langue française (OQLF), qui non seulement veille à ce que «le français soit la langue habituelle et normale du travail, des communications, du commerce et des affaires», mais qui aide aussi à l’élaboration des programmes de francisation, dont celui de la Francisation des technologies.
Au Québec, un conseiller en francisation est assigné à chaque commission scolaire afin d’assurer la conformité aux dispositions de la Charte de la langue française. Du côté des technologies, pour l’administration comme pour l’enseignement, la francisation touche les claviers (p. ex., l’inscription sur les touches doit être en français et le clavier doit être capable de générer tous les caractères du français dont les ligatures æ et oe), mais aussi la configuration des panneaux d’affichage à cristaux liquides des divers appareils (p. ex., on veut qu’une imprimante affiche «bourrage de papier» plutôt que «paper jam») et, bien sûr, toutes les catégories de logiciels, dont les systèmes d’exploitation courants et spécialisés, y compris les logiciels de géomatique.
Avant d’utiliser une technologie en anglais, les enseignants du système scolaire de langue française doivent faire une demande de dérogation à l’OQLF qui, à son tour, fait des recherches, appelle les concepteurs et les fabricants. «Souvent, on a de bonnes surprises, de dire Azim Mandjee, conseiller expert en francisation des technologies de l’information à l’OQLF, quand le logiciel demandé existe en français, mais que la commission ne le savait pas. S’il n’existe pas en français, cela nous permet de sensibiliser en amont pour que le concepteur soit conscient qu’il y a une demande et qu’il puisse le faire traduire plus rapidement. On essaye d’alimenter la demande pour que l’offre s’ajuste.» Pour alimenter cette demande, l’OQLF exige que les commissions scolaires écrivent également des lettres officielles aux concepteurs pour leur dire qu’ils souhaiteraient avoir des versions françaises.
En Ontario, chacun met du sien pour fournir un environnement technologique en français, et un survol d’une dizaine d’écoles a révélé d’excellentes pratiques. «Les logiciels utilisés dans nos écoles sont toujours installés, configurés et utilisés en français», de dire Yves Mainville. De même, tous les enseignants interrogés confirment que les logiciels pour les besoins de l’administration sont en français et que le personnel technique qui s’occupe de la maintenance de l’équipement informatique est francophone. On a toutefois relevé une pénurie de techniciens francophones ayant un bon niveau technique, en Ontario.
«Dans le cadre de l’accompagnement offert au personnel enseignant, les conseillères pédagogiques en intégration des technologies donnent aux enseignants des stratégies pour encourager leurs élèves à toujours privilégier non seulement la recherche en français, mais aussi l’utilisation de la version française de logiciels et de sites web éducatifs ou de loisirs, ainsi que du système d’exploitation de leur outil technologique personnel», de faire remarquer Danielle Venne, EAO, directrice du service d’appui à l’apprentissage (7e à 12e année), pour le Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario.
Si le Québec possède une politique depuis plus de sept ans (ainsi qu’un budget et d’autres moyens de financement consacrés à la francisation), les écoles ontariennes sont laissées à elles-mêmes pour élaborer des politiques, mettre en œuvre des pratiques en matière de technologie et veiller à la conformité. Elles disposent toutefois des services du comité consultatif du Programme d’achat de logiciels de l’Ontario, lequel évalue les logiciels proposés au Ministère, détermine les besoins en logiciels éducatifs des établissements financés par les deniers publics de l’Ontario et veille aux besoins en informatique des écoles, et ce, dans les deux langues.
Pour remédier aux lacunes, nos enseignants font preuve d’ingéniosité. Quand Jean-Luc Roy, EAO, enseignant d’informatique et de robotique à l’école secondaire catholique Thériault de Timmins, n’a pas trouvé de programmes de construction de robot à son goût en français, il a négocié un partenariat avec son fournisseur de programmes préférés en robotique. Cette entente lui a permis de traduire les instructions des programmes et de les rendre accessibles sur sa page publique dans le site web de l’école.
Rares sont les nouveaux termes du domaine technologique qui sortent simultanément en français et en anglais, mais le tableau blanc interactif est un de ceux-là. Claire Francoeur fait remarquer que cette technologie s’est implantée en même temps dans les deux langues, ce qui a permis au terme français, le TBI, de s’imposer dès le départ. Mais ce n’est pas souvent le cas. Les termes anglais ont donc amplement le temps de s’implanter avant qu’apparaisse une pluie d’équivalents français qui ne font que diviser les usagers et affaiblir la probabilité qu’un terme français ait suffisamment de succès pour qu’il fasse son entrée officielle dans la langue.
Un bon exemple est le fameux «email». En Europe, différentes formes francisées sont apparues immédiatement, dont «le mél» qui semblait en bonne voie de s’imposer. De son côté, l’OQLF a proposé le mot-valise «courriel», composé de «courrier» et de «électronique». De nos jours, on trouve un peu de tout. Dans le site du ministère de l’Éducation nationale (France), on relève «adresse courriel», mais aussi «le mél / les méls». Au Canada, le courriel domine. Difficile donc de savoir quel terme se serait implanté dans la francophonie si l’on avait laissé l’usage faire son chemin, mais le «courriel» semble gagner du terrain.
Si les langues ont toujours grandi par l’emprunt de termes étrangers, le problème de notre siècle est l’arrivée massive et disproportionnée de termes anglais par le biais de la technologie dans toutes les sphères de notre quotidien. Bien que l’attention à l’usage du français soit dans l’ADN des enseignants, le manque d’homogénéité dans les ressources rend la donne encore plus compliquée. Les divers dictionnaires en sont un bon exemple.
Dans le Larousse et le Petit Robert, deux dictionnaires généralistes très utilisés et dont le mandat est «d’établir la norme tout en orientant l’usage», on trouve tweeter et twitter. Pour sa part, le Grand dictionnaire terminologique (GDT) de l’OQLF (dont le mandat de franciser la langue est bien plus normatif que celui des dictionnaires communs) se refuse à utiliser des termes dérivés de la marque de commerce Twitter. L’OQLF voudrait qu’on envoie des «micromessages » ou des «gazouillis», deux termes que l’on retrouve dans l’administration, mais bien plus rarement dans la société.
Un excellent article affiché le 27 juin 2013 dans le site du Conseil supérieur de l’audiovisuel (France) «Langue française – Tweet ou twitt, tweeter ou twitter, twitteur et twitteuse : quels mots employer?» bit.ly/1lQUslM, on dénonçait le besoin de pouvoir se fier aux recommandations d’une commission de terminologie. En attendant, l’anglais continue de créer des dérivés et le français multiplie les néologismes : twittos, tweetos, twittosphère et tweetosphère.
«L’univers informatique des élèves est le plus souvent en anglais à l’extérieur de l’école, explique Pierre Cazabon, EAO, enseignant à l’école élémentaire publique Renaissance, à Burlington. Il faut montrer aux élèves que, par exemple, les “pièces jointes” seront des “attachments” et que “parcourir” sera “browse” à partir de l’ordinateur à domicile.» Olivier St Maurice est bien d’accord : «Les logiciels sont presque toujours en anglais à la maison. Les élèves font la grande majorité de leurs recherches en anglais et prennent beaucoup de temps à “traduire” les sources. De plus, il est rare de trouver un clavier français à la maison. Cela pose des problèmes tout au long de la période pendant laquelle les élèves n’ont pas encore mémorisé les touches».
Pour aider les élèves, Ralph Grant, EAO, conseiller pédagogique pour le Conseil scolaire Viamonde, suggère des murs de mots comme référence visuelle afin d’aider les élèves avec les fonctions des logiciels employés. «Les jeunes utilisent les termes technologiques anglais parce qu’ils ne connaissent pas l’équivalent en français. C’est à nous de les leur enseigner», affirme Emmanuelle Ritson, EAO, enseignante à l’école secondaire publique Gaétan-Gervais à Oakville. «Chose certaine, à force de voir un terme technologique utilisé régulièrement dans les ressources, ça nous aide à créer des habitudes.»
Ancienne traductrice, elle a gardé ses réflexes et consulte régulièrement le GDT. Elle n’est pas la seule. En marge d’un débat à Toronto sur l’avenir de la langue française en novembre dernier, Danielle Turcotte, directrice générale des services linguistiques de l’OQLF, annonçait au journal L’Express qu’au cours des mois de septembre et octobre 2013, l’Ontario est arrivée au deuxième rang des provinces canadiennes pour le nombre de consultations du GDT avec 115 000 visites.
«Le GDT n’est pas un dictionnaire de langue française, mais un dictionnaire terminologique. On peut l’interroger par domaine; par exemple, un enseignant peut extraire toutes les fiches du domaine des mathématiques», de préciser Azim Mandjee, qui ajoute qu’on vient de lancer la version mobile du GDT. «Cela se démocratise davantage : vous l’avez sur votre téléphone intelligent, votre tablette, votre ordinateur; c’est une multiplateforme».
L’OQLF participe à la normalisation des termes et a des échanges avec la France dans le cadre, par exemple, de la Commission spécialisée de terminologie et de néologie de l’informatique et des composants électroniques (CSTIC). Du côté pancanadien, des représentants du GDT et de Termium (l’équivalent du GDT au fédéral) se rencontrent pour échanger durant des conférences. Mais toute cette belle collaboration des terminologues et autres professionnels de la langue ne déteint pas forcément sur la minorité franco-ontarienne, même à l’ère du numérique, grand rassembleur s’il en est un.
«On s’éduque évidemment sur les termes qui viennent avec la nouvelle technologie, mais je suis plus inquiet du choix de vocabulaire quand les jeunes utilisent les médias sociaux», confie Danik Forgues. Il pense notamment aux abréviations provenant de l’anglais telles que LOL (pour Laugh Out Loud, mort de rire), BTW (pour By The Way, à propos) et aux raccourcis tels que c le fun (c’est le fun) et pk (pourquoi). Pour renverser la vapeur, Mme Levasseur suggère d’avoir une conversation en classe.
Le Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien (CSDCEO) possède des lignes directrices et des structures internes pour les divers éléments qui entourent l’ère numérique et la technologie. «Dans un monde idéal, les enseignants et les élèves pourront apporter leur propre appareil. Pour le moment, ils ont la chance de travailler avec des Chromebook, des iPad, des ordinateurs, bref, toutes sortes d’appareils. Il est à noter que ces directives sont en révision afin de les actualiser pour s’en aller vers des modèles “Apporte ta technologie”», font remarquer Sophie Robitaille, EAO, coordonnatrice intégration compétences XXIe siècle et ère numérique, ainsi que Marc Lamarche, EAO, enseignant à l’école secondaire catholique L’Escale.
Si ces appareils vont de la maison à l’école, il reste à savoir s’il sera plus facile ou plus difficile de s’assurer que les paramètres de l’utilisateur, l’affichage numérique et le clavier sont bien en français! Le Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario affirme que son personnel enseignant «encourage les parents à appuyer le cheminement déjà entamé par leur enfant à l’école en matière d’utilisation de logiciels en français lors de rencontres ou de soirées d’information».
Notons que ce modèle BYOD (bring your own device) ou ATT (apporte ta technologie) au CSDCEO est également appelé AVEC (apportez votre équipement personnel de communication) par la CSTIC, et AVAP (apportez votre appareil personnel) selon les recommandations de l’OQLF!
Dans le monde privé de Google français, on «chatte» sans problème alors que le Québec «clavarde» allègrement et que la CSTIC aimerait que l’on fasse «du dialogue en ligne». Chez Larousse, on poste des tweets alors qu’au Québec, on tente sans grand succès de microbloguer. Pas facile de s’y retrouver!
Même Pour parler profession soupèse les deux options pour remplacer le hashtag de Twitter. L’OQLF pousse «motclic », la logique étant que le hashtag est un mot-clé sur lequel on peut cliquer quand il est précédé du symbole #, celui-ci portant d’ailleurs différents noms : carré, croisillon, dièse… la CSTIC opte pour «mot-dièse»
Et n’oublions pas le selfie, fraîchement officialisé dans le volet web de l’Oxford English Dictionary (bit.ly/17Ed91H). Entre l’égoportrait, l’autoportrait, l’autophoto ou le photonombrilisme, lequel l’emportera?
La directrice générale de l’OQLF mentionnait au journal L’Express que l’Office se doit de faire preuve d’ouverture en revoyant entre autres sa politique d’emprunt aux langues étrangères. «Il faut démontrer qu’on n’est pas que dans notre tour d’ivoire et qu’on n’est pas là pour empêcher l’évolution de la langue», a-t-elle déclaré.
Le fait est que, plus le français est présent dans la communauté, moins l’anglais est présent dans le discours quotidien des élèves. C’est le cas, par exemple, de l’école secondaire l’Orée des Bois à Dubreuilville, petite communauté du Nord de l’Ontario, dont les élèves sont francophones à 98 %. «Il n’y a pas de bataille pour utiliser les mots français, explique France Demers, EAO. Chez nous, on parle de téléphones cellulaires, pas de smartphones!»
Lors de la parution du Plan fédéral d’action pour les langues officielles, en 2003, on déplorait l’absence d’un volet Communication pour couvrir les nouveaux médias et les nouvelles technologies ainsi que le développement de contenus en français. Bien que le Canada offre des outils pédagogiques de haut calibre (p. ex., des didacticiels linguistiques) visant à améliorer les compétences linguistiques, et que le pays soit un chef de file mondial des technologies langagières (notamment dans le domaine de la traduction), il reste néanmoins beaucoup de travail à faire pour développer des produits destinés non pas à apprendre le français, mais à vivre en français avec nos technologies.
Pour promouvoir les outils de francisation (dont l’utilisation du GDT) et aider les enseignants à manoeuvrer en français dans le domaine technologique, des conseillers en francisation visitent régulièrement les commissions scolaires québécoises armés d’informations et de ressources précieuses. Ils participent aussi à divers salons, comme aux réunions des professeurs de français de l’élémentaire et du secondaire, aux congrès de l’Association francophone pour le savoir et au salon de la Gestion du réseau informatique des commissions scolaires. Du côté ontarien, des conseillers pédagogiques en intégration des technologies offrent aux enseignants des stratégies pour encourager les élèves à utiliser les outils technologiques en français.
Tandis que les enseignants québécois sont chanceux d’être appuyés par de solides politiques de francisation, les pédagogues ontariens ne manquent pas de volonté et de créativité pour arriver à d’excellents résultats.
En règle générale, le soutien du français a énormément progressé et les concepteurs d’appareils technologiques et de logiciels ainsi que les opérateurs ont bien compris qu’adapter et localiser leurs produits est un gage de succès. Il est encourageant de constater une réelle volonté de collaborer entre les différents acteurs. Espérons qu’entre la tour d’ivoire et la tour de Babel, on trouvera un juste milieu.
Avec l’aimable collaboration de Nathalie Prézeau.