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Enseignants remarquables

Portrait de maître Ronald Caza sur fond uni pâle.

Une sphère d’influence

Chef de file dans le domaine de la plaidoirie, Me Ronald Caza se souvient de deux enseignants en particulier qui ont nourri son talent d’orateur, l’ont ouvert au monde et l’ont fait viser haut, très haut.

De Philippe Orfali
Photo : avec l’aimable autorisation de Me Ronald Caza

Quand Me Ronald Caza prend la parole à la Cour supérieure de l’Ontario ou lorsqu’il s’adresse aux juges de la Cour suprême du Canada, ses adversaires ont tout intérêt à être bien préparés. Une réflexion que se faisaient déjà, il y a quelques décennies, les enseignantes et enseignants qui pouvaient compter sur sa présence dans leur salle de classe!

Défenseur renommé des droits des minorités linguistiques au pays, l’éminent plaideur a contribué de multiples façons à l’évolution de la société ontarienne, tant comme avocat que comme bénévole. Mais c’est probablement la lutte acharnée qu’il a livrée comme principal avocat de SOS Montfort qui a le plus contribué à bâtir la renommée de ce fils de Chelmsford, en banlieue de Sudbury. (Vers la fin des années 1990, le mouvement SOS Montfort s’est opposé avec succès à la fermeture de l’hôpital Montfort – seul hôpital universitaire de langue française en Ontario.)

Me Caza pratique le droit en français et en anglais depuis plus de 25 ans, et a été décoré cette année de la Médaille du Barreau du Haut-Canada pour sa contribution majeure à la profession juridique. Il raconte que ses aptitudes exceptionnelles en plaidoirie et cet amour du fait français trouvent leurs origines dans le club de débat du collège Notre-Dame de Sudbury et dans la salle de classe de sœur Rachelle Watier.

«Une chose est sûre, je ne me serais jamais rendu jusque-là sans mes enseignants, tous mes enseignants, dont sœur Rachelle Watier. Il y a aussi eu Michel Démoré. Ce sont deux enseignants qui ont eu un impact majeur sur ma vie, dit-il d’emblée.

«Ils ont joué un rôle extraordinaire dans ma prise de conscience en tant que francophone. C’était tellement important pour eux, et surtout, ils faisaient l’effort de nous expliquer pourquoi c’était important.» Me Caza insiste pourtant sur le fait qu’ils ne sont pas les seuls à avoir façonné son avenir. Il en va de même pour chacun des autres enseignantes et enseignants qui ont croisé son parcours, de la maternelle à la 13e année, aux écoles Monseigneur-Côté, Jacques-Cartier, Immaculée-Conception et Champlain de Chelmsford, puis au collège Notre-Dame. «Je me souviens du nom et de la contribution de chacun d’entre eux.»

Une vocation

«Sœur Watier croyait réellement en l’éducation, dit-il en parlant de celle qui lui a enseigné de la 11e à la 13e année. Elle parlait avec une grande sincérité. Pour elle, c’était vital de nous transmettre son intérêt pour la matière enseignée. De plus, elle nous respectait et ne nous regardait jamais de haut. Lorsqu’on discutait, on sentait que ça se faisait d’égal à égal. Ce n’était pas notre amie; c’était notre enseignante. Pourtant, il y avait quelque chose dans la façon qu’elle avait de s’adresser à nous qui faisait qu’on se sentait tout de suite aimé et respecté.»

Comme bien des enseignants qui se démarquent et qui ont un effet durable sur la vie de leurs élèves, Michel Démoré a su lui aussi émerger du lot grâce à son approche hors des sentiers battus. Quelque 40 ans plus tard, Ronald Caza se souvient encore de sa dégustation de fruits exotiques dans sa salle de classe du nord de l’Ontario. Ce jour-là, l’enseignant avait annoncé à ses élèves : «On va faire quelque chose de spécial.» Puis, sous leurs regards intrigués, il avait sorti de son sac toutes sortes de fruits provenant de contrées lointaines, dont une grenade, se rappelle Me Caza. «Ça ne touchait pas directement à la matière, mais, pour lui, c’était une question d’ouverture d’esprit; il nous ouvrait au monde. Il était important pour lui qu’on ait le goût d’essayer de nouvelles choses et qu’on prenne conscience du monde qui nous attendait.»

Une soif de connaissances

Ronald Caza était un garçon curieux, voire assoiffé de connaissances… et un brin bavard, se souvient sœur Watier, dont la carrière en éducation s’est échelonnée sur pas moins de 43 ans, d’abord à titre d’enseignante à l’élémentaire, à partir de 1964, puis au secondaire dès 1975. En 1984, elle devient directrice du collège Notre-Dame, poste qu’elle conservera jusqu’à sa retraite en 2007. Ce sont plusieurs milliers d’élèves qui ont ainsi bénéficié de son attention, de son affection et de ses conseils judicieux. Pourtant, elle n’hésite pas une seconde quand on lui demande de parler du jeune Ronald Caza.

Portrait de sœur Rachelle Watier. Elle a enseigné à Me Caza de la 11e à la 13e année.
«Sœur Watier parlait avec grande sincérité. Pour elle, c’était vital de nous transmettre son intérêt pour la matière enseignée», se souvient Ronald Caza.

Photo : avec l’aimable autorisation de sœur Rachelle Watier

«Ronald, c’était l’élève que tout enseignant voulait dans sa classe! Il était intéressé et intéressant. Il avait un esprit vif et beaucoup d’humour. Et il posait tellement de questions! C’était donc un élève qui exigeait beaucoup des enseignants!, se souvient l’enseignante à la retraite, aujourd’hui animatrice provinciale chez les Sœurs de la Charité d’Ottawa.

«On avait intérêt à être bien préparés à répondre à ses questions et à ses arguments. C’était parfois demandant, mais cela permettait à toute la classe d’aller plus loin. Je ne pense pas qu’il s’en rendait compte, mais par sa présence en classe, Ronald poussait l’apprentissage un cran plus loin.»

Ses enseignants appréciaient aussi cet élève brillant pour bien d’autres raisons, affirme-t-elle. «Il avait un côté très humain avec ses copains. Il était attentif aux autres. C’était un leader, dès son jeune âge. C’est pour ça que je suis persuadée que sa carrière d’avocat a pris racine à l’école. Dans le club de débat, c’était toujours lui le meilleur!»

Chose certaine, le jeune Ronald Caza prenait très au sérieux l’école et toutes les activités parascolaires. Participant autant aux sports qu’aux concours d’art oratoire, au parlement jeunesse et au club de débat, il s’est démarqué dans plusieurs de ces activités. Il a notamment remporté une médaille d’or en tant que débatteur, à l’échelle locale, puis provinciale et nationale.

Des valeurs humanistes

De son passage dans la salle de classe de sœur Watier, l’avocat dit avoir retenu combien il est important de toujours donner le meilleur de soi-même, non seulement en ce qui a trait à l’éthique du travail, mais aussi et surtout comme être humain. Un célèbre passage du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, qu’il avait lu dans la classe de sœur Watier, adorne aujourd’hui un des murs de sa résidence de Carlsbad Springs, près d’Ottawa : «On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.»

Cette approche humaniste faisait partie intégrante de l’approche pédagogique de l’enseignante, dit-il. Heureux hasard, son épouse, Lyne Caza, EAO, a été pendant neuf ans directrice de l’école élémentaire catholique Le Petit Prince, dans le quartier Vanier d’Ottawa (aujourd’hui l’école élémentaire catholique Horizon- Jeunesse). «Cela explique peut-être pourquoi j’ai un biais tant favorable envers la profession enseignante!», plaisante-t-il.

«Pour moi, il n’y a personne de plus important dans la vie d’un enfant qu’un enseignant. Et j’ai été très chanceux sur ce point-là.»

Il poursuit, plus sérieusement : «En tant qu’avocat, j’ai traité bien des dossiers touchant les enseignants. Je me rends compte que ce n’est pas un simple emploi; c’est une profession. Ils ne partent pas le soir en laissant leur travail sur le bureau. Ce n’est pas une question de salaire ni d’heures de travail. La très vaste majorité des enseignants ont à cœur l’intérêt fondamental des jeunes. Ils sont là pour les faire cheminer dans leur vécu. Pour moi, il n’y a personne de plus important dans la vie d’un enfant qu’un enseignant. Et j’ai été très chanceux sur ce point-là.»

L’enseignement a d’ailleurs fait partie intégrante de sa vie professionnelle, puisque Me Caza a été, pendant près de dix ans, responsable du cours de procédure civile à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa (section de common law en français). De 1999 à 2005, il a aussi été responsable de la composante de la plaidoirie civile du cours d’admission au Barreau de la section de langue française, à Ottawa. Aujourd’hui retraitée, Lyne Caza contribue, quant à elle, à la formation des directions d’école à titre d’experte-conseil pour le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Une façon pour le couple de redonner à sa communauté.

Désormais grand-père d’une petite-fille d’âge scolaire, Me Caza continue de vouer une admiration sans bornes aux professionnels de l’enseignement. Fait à souligner, il a gardé le contact avec sœur Rachelle Watier. «On s’envoyait des lettres. Je l’ai tenue informée des moments importants dans ma vie. Un enseignant ne devrait jamais hésiter à garder ce lien avec ses élèves», conclut-il.

Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).