Partagez cette page 

Enseignant remarquable

Photo de la nageuse olympique Penny Oleksiak, debout avec les bras croisés, aborant un air de confiance.

Fendre la vague

Quand le destin amène à se croiser Penny Oleksiak, quatre fois médaillée de natation aux Jeux de Rio, et Bryan McAlpine, EAO, enseignant d’éducation physique et athlète depuis toujours, la recette est gagnante.

De Richard Ouzounian
Photos : Raina+Wilson

Dévouement. Désir. Détermination. Discipline. Ces mots vous accueillent dès votre entrée dans le gymnase du Monarch Park Collegiate Institute, à Toronto. Ils y étaient longtemps avant que Penny Oleksiak s’inscrive dans cette école de l’est de la ville. Qui sait? Peut-être ont-ils joué un rôle dans le succès de la nageuse qui est l’une des deux athlètes ayant remporté ex æquo le plus grand nombre de médailles olympiques au Canada. Après tout, c’est là qu’elle s’est entraînée jusqu’aux Jeux olympiques 2016 de Rio et que Bryan McAlpine, EAO, a fourni son appui à l’adolescente. Il lui a en effet fait suivre un programme d’entraînement physique éreintant mais efficace, pendant un semestre, avant l’été de ses victoires.

Ma rencontre avec Mlle Oleksiak dans le gymnase par un matin froid de décembre m’a aidé à comprendre le tissu de contradictions qu’est son image. Un air presque concret de force physique profonde émane de sa personne : à 16 ans, elle mesure déjà 1,85 m. Elle garde toutefois le sourire charmeur, un peu timide, d’une adolescente ordinaire. Rongeant distraitement ses ongles vernis bleus, la jeune détentrice de records discute du trophée Lou Marsh qu’elle a remporté la veille. Quand on lui demande comment elle se sent par rapport à sa nomination de meilleure athlète du pays et à ses gains sur de nombreux super-athlètes, elle répond : «C’est très important pour moi, surtout parce qu’on m’a mise sur un pied d’égalité avec Sidney Crosby. Je gage qu’il n’a jamais entendu parler de moi. Mais ça, c’était avant; maintenant, il faut passer à l’étape suivante.»

Penny Oleksiak en a surpris plusieurs à Rio. Personne ne sait ce que lui réserve l’avenir. «Certains disent que Penny pourrait devenir l’athlète la plus médaillée de l’histoire du sport au Canada, affirme Bryan McAlpine, qui était son enseignant d’éducation physique l’an dernier. On ne doit pas oublier qu’elle n’a que 16 ans, il faut relâcher la pression.»

Le personnel enseignant du Monarch Park veille à accorder autant d’attention aux activités scolaires que sportives de l’élève de 11e année, approche que ses parents encourage fermement.

«Ma mère et mon père m’ont toujours dit que je suis une élève d’abord et une athlète ensuite», dit Mlle Oleksiak en riant. Elle est la plus jeune de cinq enfants qui démontrent tous une aptitude athlétique. L’expérience leur a inculqué cette philosophie. Son frère Jamie est déjà célèbre comme défenseur de la LNH pour les Stars de Dallas.

Garder l’équilibre entre les travaux scolaires et les activités sportives, ce qui semble naturel pour l’olympienne, n’a pas toujours été facile. En 9e année, elle a eu du mal à tenir le coup et ses notes en ont souffert. «Une fois arrivée en 10e année, j’ai compris que j’avais besoin d’aide», admet Mlle Oleksiak.

Bryan McAlpine, athlète depuis toujours, comprend l’effet du stress associé à l’obligation de suivre un programme complet d’études tout en restant compétitif dans un sport de haut niveau. «Penny s’entraînait trois heures le matin et trois heures le soir, explique le pédagogue. Le conseiller en orientation travaillait avec ses enseignants afin de s’assurer qu’elle fasse la majorité de ses études en ligne, pendant les quelques heures libres entre les séances d’entraînement.» Grâce à ce plan d’ajustement clé, Mlle Oleksiak a pu participer plus souvent à la vie scolaire, ce qui a toujours été important pour elle.

«Monarch Park m’aide à garder les pieds sur terre. Tout le monde m’offre leur appui, sans être intrusif. Je ne passe pas mes journées à signer des autographes», explique l’adolescente, récemment nommée athlète féminine canadienne de l’année par la Presse canadienne.

M. McAlpine a parfois tendance à croire que Mlle Oleksiak et lui étaient destinés à se croiser. Alors qu’il était capitaine de l’équipe de golf de l’Université Queen’s, il a pris la décision charnière de poursuivre une carrière en enseignement plutôt que dans le sport professionnel; il a obtenu un baccalauréat en éducation physique, puis un diplôme en enseignement. Pendant sept ans, il a enseigné à la Northern Secondary School, à Toronto. Ensuite, il a opté pour le Monarch Park Collegiate Institute, où il occupe le poste de chef de la section des sports.

Son objectif principal est d’aider les élèves à découvrir un mode de vie sain qu’ils pourront maintenir toute leur vie. «Nous essayons d’enseigner la force de caractère, pas seulement les sports, déclare l’enseignant. Cela me rappelle la fameuse citation : “Le sport ne forge pas le caractère. Il le révèle.”»

Photo de la nageuse olympique Penny Oleksiak et de Bryan McAlpine au Monarch Park Collegiate Institute, entourés d'équipement de conditionnement physique.
Penny Oleksiak, nageuse olympique en 11e année au Monarch Park Collegiate Institute avec Bryan McAlpine, EAO.

Mais qu’arrive-t-il quand un immense talent croise son chemin?

«Dès que j’ai rencontré Penny, j’ai reconnu son énorme potentiel. C’est une athlète pure. Elle possède le caractère, l’aptitude, l’ambition, la volonté, tout ce qu’il faut.»

Mais l’enseignant, qui compte 13 ans de carrière, a découvert qu’enseigner à Penny Oleksiak lui sert aussi.

«Je lui demande toujours ce qu’elle fait pour s’entraîner mentalement. Je veux apprendre d’elle afin de transmettre l’information à mes élèves, explique M. McAlpine. Elle a une confiance tranquille : elle n’est pas arrogante, mais n’a pas peur d’échouer. J’admire son courage.»

L’approche de Mlle Oleksiak est étonnamment simple. «Avant la course, je me dis toujours que l’épreuve sera difficile et la fin douloureuse, et ce, que je gagne ou que je perde. Autant faire de mon mieux!

«Si je perds, je l’accepte et je trouve la cause du problème. Si je gagne, je l’accepte et j’essaie de l’oublier afin de relâcher la pression, explique la nageuse. Il faut apprendre à laisser aller les choses.»

Que dire des quatre médailles, symboles de records olympiques, qu’elle rapporte de Rio? «Je crois que je les ai remportées parce que je me suis entraînée très fort. Je ne m’attendais pas à réussir, mais je crois que je les ai méritées.»

M. McAlpine est d’accord. «On savait que son objectif était de se faire accepter dans l’équipe olympique, du moins d’en faire partie. À mesure qu’elle s’améliorait, on se disait : “Elle a de bonnes chances. Elle pourrait gagner. Elle pourrait remporter une médaille.”»

Si vous empruntez les couloirs de Monarch Park ces temps-ci avec Penny Oleksiak, vous n’entendrez pas le son d’une foule en délire, mais le rire d’une adolescente entourée de ses amis; une jeune femme qui est à l’heure actuelle la plus grande sportive au Canada.

Bryan McAlpine est heureux. Non seulement parce qu’il a la chance d’enseigner à un prodige olympien, mais parce qu’il a atteint son but dans la vie. «Tout ce que j’ai toujours voulu, c’est de concentrer mes efforts sur mes élèves et les aider à découvrir leur potentiel – quel qu’il soit.»

Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).