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Enseignantes remarquables

Photo portrait de Katherine Levac, humoriste et comédienne franco-ontarienne

Petite école, grande communauté

Une petite école de village, deux enseignantes remarquables et une communauté tricotée serré : une formule gagnante, selon l’humoriste et comédienne franco-ontarienne Katherine Levac.

De Philippe Orfali
Photos : Rodolphe Beaulieu Poulin

Aujourd’hui, sa popularité atteint des sommets inégalés au Québec et ailleurs au pays. Des centaines de milliers de spectateurs regardent ses sketches de l’émission Like-moi! et des foules se sont ruées pour assister à son premier spectacle en solo. Elle est devenue LE visage de l’Ontario français. «Elle», c’est l’humoriste et comédienne franco-ontarienne Katherine Levac.

L’artiste n’a pas chômé ces dernières années. À la télévision, on l’a vue à SNL Québec, Le nouveau show et, bien sûr, Like-moi! Elle participe à de multiples spectacles d’humour et écrit du matériel pour sa toute première tournée, intitulée Velours. Mais c’est dans une minuscule école rurale de l’Est ontarien, loin des feux de la rampe, que la vedette a grandi et trouvé sa vocation, plus particulièrement auprès de Rita Parthenais-Lalonde, EAO, et de Nathalie Langlois, EAO, les enseignantes qui ont le plus marqué son parcours scolaire.

Les liens qui unissent Rita Parthenais-Lalonde et la famille Levac semblent tout droit sortis d’un scénario. Autrefois enseignante à l’école du village de Saint- Bernardin, Mme Parthenais-Lalonde a en effet enseigné non seulement aux deux frères de Katherine – Jean-Philippe et Frédéric, qui forment le groupe musical Pandaléon –, mais également à son père et à son oncle Éric.

Comme le faisaient les institutrices à l’époque des écoles de rang, Mme Parthenais-Lalonde a enseigné à Katherine de la maternelle à la 2e année. «Rita m’a toujours marquée pour son esprit de communauté. De génération en génération, elle est là. Elle n’est pas tuable! D’ailleurs, elle enseigne aujourd’hui à ma petite-cousine», dit Mme Levac, qui poursuit en établissant des parallèles entre le travail du pédagogue et celui de l’humoriste : «Tu t’adresses à une foule, tu dois lui faire comprendre quelque chose, mais tout le monde est différent. Chacun a son passé, son expérience, sa personnalité. Il faut pouvoir s’adapter. Rita a cette capacité de comprendre qui sont ses élèves et de toucher chacun d’eux à sa manière. Elle connaît la famille de tout le monde.»

Après quatre années ensemble, on connaît les élèves «comme si on les avait tricotés, acquiesce l’enseignante. On arrive vraiment à connaître chaque élève. Pas seulement la pointe de l’iceberg, mais sa personnalité et son potentiel. Cela crée des liens forts et différents de ceux qu’on peut avoir après une seule année scolaire. Et c’est sûr que c’est ce qui s’est passé avec Katherine».

Responsable de l’enseignement des arts à l’école catholique Saint-Bernardin, Nathalie Langlois se souvient, pour sa part, de l’élève de 5e année réservée, gênée même, dont la personnalité changeait du tout au tout une fois qu’elle posait les pieds sur la «patinoire», terme employé pour désigner la scène lors de joutes d’improvisation.

«Sa timidité disparaissait; elle se transformait littéralement. Elle était drôle et aimait faire rire. De toutes les formes d’art, c’est celle qui la touchait le plus», affirme Mme Langlois.

Consciente du filon à exploiter chez son élève, elle s’est assurée de donner une place à Katherine lors des divers spectacles présentés aux parents à l’école.

Pour sa part, la jeune Katherine a retenu une leçon très importante de Mme Langlois : le fait d’avoir droit à l’échec. «Elle nous donnait plusieurs chances, nous permettait de ne pas être bons. C’est ça, improviser. C’est ça, créer. C’est dur pour un ado de se laisser aller. Elle créait un environnement où tout le monde était capable, pouvait essayer. Elle nous faisait aussi découvrir de la musique. Grâce à elle, on a découvert de nombreux artistes francophones.»

Les cours de musique et d’art dramatique ont pavé le chemin de sa carrière. «En arrivant au secondaire, je savais déjà vers quoi m’enligner. Je savais que je voulais faire de l’impro ou de la musique. J’étais déjà passionnée. Les cours de musique et d’art dramatique de Nathalie ont joué un grand rôle pour moi.»

Photo des enseignantes Nathalie Langlois et Rita Parthenais-Lalonde, encadrant Katherine Levac
Les enseignantes Nathalie Langlois (à gauche) et Rita Parthenais-Lalonde encadrent Katherine Levac, leur ancienne élève.

Aujourd’hui établie à Montréal, l’humoriste passe encore beaucoup de temps en famille à Saint-Bernardin. Elle communique encore, de temps à autre, avec ses deux enseignantes. «Il y a deux ans, je suis allée à l’école où enseignent Rita et Nathalie. On a fait de l’improvisation avec les élèves de Nathalie. C’est vraiment cool de conserver un tel lien avec une prof !»

Katherine Levac aime souligner son identité franco-ontarienne durant ses entrevues, mais aussi dans ses performances. Preuve en est son incarnation du personnage de Paidge Beaulieu, conseillère en relations amoureuses au parler franco-ontarien coloré, qui fut une révélation de SNL Québec. À l’instar de Véronic DiCaire, Katherine Levac est un symbole de réussite de l’Ontario français.

«C’est devenu un exemple à suivre. On en parle à l’école. Son succès et sa notoriété ont des répercussions partout dans la francophonie ontarienne», souligne Mme Parthenais-Lalonde qui, comme Mme Langlois, enseigne aujourd’hui à l’école élémentaire catholique Saint-Isidore du village du même nom, dans l’Est ontarien.

Katherine Levac renvoie plutôt le compliment à ses enseignantes.

«Les enseignants qui m’ont le plus marquée, ce sont ceux qui ont eu confiance en moi et qui m’ont ouvert l’esprit. Ce qui m’a le plus fait évoluer, c’est le fait qu’ils m’ont fait confiance, qu’ils ne m’ont jamais limitée malgré la taille de notre petit village, malgré un certain manque de ressources en contexte francophone minoritaire en Ontario. Ils ont fait de cette réalité une force, pas une limite.»

Katherine Levac a d’ailleurs insisté pour que la première de la tournée de son spectacle d’humoriste ait lieu en Ontario, à Orléans, en banlieue d’Ottawa. Le contraire aurait été impensable.

Son public franco-ontarien lui a bien rendu sa loyauté : les billets des quatre représentations de Velours à Orléans se sont vendus en quelques heures, tout comme ceux de Gatineau, la ville voisine sur la rive québécoise de la rivière des Outaouais.

La question de l’assimilation des jeunes Franco-Ontariens la touche beaucoup. C’est pourquoi elle prend son rôle de leader avec sérieux, à la différence de son personnage de Paidge Beaulieu!

«J’ai grandi dans un milieu très francophone où la question de l’assimilation ne se posait pas vraiment. Je n’ai donc jamais songé à gagner ma vie en anglais. Ma prise de conscience par rapport à l’assimilation, je l’ai eue, justement, en faisant de l’impro, en allant à la rencontre de jeunes d’autres régions. J’ai alors compris pourquoi mes parents et mes enseignants étaient “obsédés” par la protection de la langue. C’est en faisant de l’improvisation que j’ai compris à quel point c’est précieux. Et c’est pour ça que l’improvisation, ce n’est pas une simple affaire de blagues! C’est ultra important parce que ça permet à de jeunes Franco-Ontariens de créer et de jouer dans leur langue.»

Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).