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Pratiques exemplaires

Photo d'Isabelle Montigny, enseignante agréée de l'Ontario, debout devant un comptoir et une cuisinière dans un atelier de cuisine.

La faim justifie les moyens

Les délices d’une bonne alimentation, ça s’enseigne! C’est du moins l’avis d’Isabelle Montigny, EAO, qui a trouvé sa vocation en enseignant une matière qui la passionne : la nutrition.

De Philippe Orfali
Photos : Matthew Liteplo

Exclusivité en ligne : visionnez un portrait numérique de nos Pratiques exemplaires à oct-oeeo.ca/portraits.

Pour Isabelle Montigny, EAO, l’épidémie d’embonpoint et d’obésité chez les jeunes de l’Ontario est l’affaire de tous. C’est pourquoi au moment d’accéder à la profession enseignante en 2013, la nouvelle diplômée férue de nutrition s’est donné pour mission de transmettre à ses élèves sa passion pour l’alimentation saine, une bouchée à la fois.

En mars dernier, soit quatre ans plus tard, ses efforts sont récompensés quand on lui décerne l’un des prix Éducation Nutrition de l’Ontario. Ce n’est toutefois pas l’occasion de s’asseoir sur ses lauriers… ni de plier son tablier.

Mme Montigny travaille à l’école secondaire catholique Sainte-Marie de New Liskeard, dans le nord-est de l’Ontario. Il y a une dizaine d’années à peine, c’est elle qui était assise sur les bancs de cette école. Aujourd’hui, elle y enseigne l’éducation physique et la nutrition, un cours optionnel offert de la 10e à la 12e année.

Se destinant tout d’abord à une carrière de diététicienne, elle étudie un an les sciences de la nutrition à l’Université d’Ottawa, puis s’inscrit au programme d’Éducation physique et Santé de l’Université Laurentienne, attirée par l’occasion d’avoir une influence décisive sur la santé et la formation de futurs adultes.

«Une alimentation saine, c’est extrêmement important, souligne-t-elle. Tout le monde est au courant des problèmes d’alimentation qui affligent les jeunes, mais aussi les moins jeunes. De plus en plus, on ne sait plus cuisiner et donc on y consacre peu de temps. Or, nous savons maintenant que toutes sortes de maladies sont liées à notre mode de vie. Pour moi, c’est essentiel d’agir et je trouve mon rôle d’enseignante idéal pour cette raison.»

Photo d'Isabelle Montigny, enseignante agréée de l'Ontario, debout derrière un comptoir dans un atelier de cuisine, avec trois élèves à sa droite. L'élève du milieu est en train d'ajouter un oeuf à la farine.
Une bonne partie du cours de nutrition de Mme Montigny (à droite) se déroule dans le laboratoire de cuisine, ce qui permet aux élèves de bénéficier de ses conseils et d’apprendre à manier différents outils de cuisine dans un milieu expérientiel.

Selon Statistique Canada, 20,7 % des jeunes au pays font de l’embonpoint ou souffrent d’obésité. Les études ont prouvé que l’excès de poids expose les jeunes à des problèmes de santé évitables, tels que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, les problèmes articulaires ou encore les troubles de santé mentale.

Ces problèmes, Isabelle Montigny est déterminée à les attaquer à la source. Elle vise à démystifier l’alimentation et la cuisine en général en concevant des cours pratiques et participatifs.

Une bonne partie de son cours de nutrition se déroule dans le laboratoire de cuisine, ce qui permet aux élèves de bénéficier de l’appui et des conseils de l’enseignante, et d’apprendre à manier différents outils de cuisine dans un milieu expérientiel. Mme Montigny, toutefois, fait remarquer que les notions inculquées durant ses cours peuvent être enseignées dans le cadre d’autres matières et à toutes les années d’étude.

Par exemple, l’une d’entre elles consiste à demander à ses élèves de documenter la préparation et la dégustation du déjeuner à la maison. «Ils doivent photographier les ingrédients, la préparation et le résultat final. L’idée est d’offrir un repas à un proche, que ce soit un membre de la famille ou un ami, et d’incorporer les quatre groupes alimentaires que sont les légumes et les fruits, les produits céréaliers, les produits laitiers et ses substituts, et la viande et ses substituts.»

C’est une bonne occasion pour discuter de l’importance du déjeuner et du bénéfice de s’alimenter en bonne compagnie, explique l’enseignante. Cette réflexion fait ensuite l’objet d’un travail écrit.

Dans sa classe (et comme le rappellent d’ailleurs les diététistes), il n’y a pas de bons ni de mauvais aliments. Tout est question d’équilibre. Bien manger signifie consommer une variété d’aliments des quatre groupes alimentaires, ce qui permet d’être bien et en santé.

Dans la même veine, on évite d’associer la question de poids à une alimentation saine ou de critiquer les choix des autres élèves. Les activités se doivent d’être inclusives et respectueuses de la réalité socioéconomique et culturelle de chacun.

Mme Montigny retient également l’importance d’éveiller, chez les jeunes, la curiosité pour l’alimentation et la préparation des repas. C’est pourquoi son atelier de cuisine ressemble parfois à un laboratoire où s’affairent d’ambitieux scientifiques.

«On passe beaucoup de temps en labo de cuisine afin de connaître et de comprendre les différents ustensiles qui nous permettent de cuisiner, et pour expérimenter les méthodes de cuisson et différents mets. Au début du cours, les jeunes hésitent souvent à manier certains objets, mais cela change rapidement», poursuit Mme Montigny.

Dans ces laboratoires, chaque groupe ou élève a sa propre station de préparation. «Ils suivent les étapes d’une recette, et nous sommes là pour les guider. Ce qui est encourageant, c’est qu’ils apprennent vite!»

D’autres activités sont plus théoriques, mais tout aussi nécessaires pour bien comprendre les préceptes de l’alimentation saine et d’un mode de vie actif. Dans ses cours d’éducation physique et de nutrition, Isabelle Montigny propose à ses élèves d’aller marcher dans les bois avec la famille ou les amis, puis d’écrire un paragraphe qui décrit les programmes de leur communauté qui encouragent l’activité physique; ou encore, ils doivent faire des repas seuls ou avec quelqu’un d’autre et expliquer l’importance d’apprendre à cuisiner quand on est jeune. Certains ont même créé une page web pour présenter leurs travaux.

Ingénieuse, Mme Montigny est parvenue à débloquer des fonds supplémentaires pour les cours de nutrition afin que ses élèves puissent préparer le déjeuner de leurs camarades de classe. Cela leur permet de bien commencer la journée, car, comme elle le répète, ce premier repas est bel et bien le plus important, surtout pour des adolescents en pleine croissance.

«Quand on ne mange pas le matin, on manque d’énergie et on est fatigués, mais on peut aussi avoir des maux de tête, voire des étourdissements, signale-t-elle. Et tout cela a un impact sur la réussite scolaire. On sous-estime encore trop souvent l’importance d’apprendre et d’enseigner avec un ventre plein.»

Les études démontrent aussi que les jeunes qui ne mangent pas le matin ont tendance à continuer à l’âge adulte. «Cela peut ralentir le métabolisme de base, ce qui veut dire qu’on risque davantage de faire de l’embonpoint pour le restant de ses jours. J’évite toutefois de parler de poids», ajoute Mme Montigny.

Outre l’espoir d’être reconnue pour ses efforts, Isabelle Montigny a visé le prix Éducation Nutrition de l’Ontario avec l’idée de faire croître le budget consacré à ses activités pour promouvoir une alimentation saine. Ce prix est remis dans le cadre du Mois de la nutrition et est décerné conjointement par les Producteurs laitiers du Canada, Les diététistes du Canada, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario et l’Association des enseignantes et des enseignants catholiques anglo-ontariens. Il souligne et appuie des idées originales et intéressantes pour l’enseignement de la nutrition, provenant d’enseignants de la maternelle à la 12e année en Ontario.

«Nous avons aimé le projet d’Isabelle parce qu’il soutient ses élèves tout au long d’activités pratiques qui permettent de développer des compétences essentielles, comme savoir préparer des repas pour la famille ou les amis», explique Andrea Kirkham, gestionnaire de projets provinciaux, nutrition et éducation à la santé chez les Producteurs laitiers du Canada.

«Cela leur permet d’apprendre à planifier des repas en s’appuyant sur le Guide alimentaire canadien, à développer des plans de repas qui suivent les apports quotidiens recommandés et à apprécier le fait de s’asseoir avec ses proches pour profiter ensemble d’un bon repas. Ce sont trois choses qui permettent aux élèves d’apprendre à s’alimenter sainement toute la vie.»

Les recherches démontrent que nombre de jeunes ne consomment pas assez de légumes, de fruits ou de lait, et souffrent de carences nutritionnelles, rappelle Mme Kirkham. «Les enseignants jouent un rôle important en inculquant aux élèves une bonne alimentation et nutrition, et en les aidant à développer leurs compétences en ce sens. Bien manger peut aider les élèves à se sentir mieux, et à mieux réussir à l’école et dans la vie.»

Mme Montigny leur donne l’exemple, ajoute Mme Kirkham. «Manger bien, être physiquement actif et se sentir bien dans sa peau, c’est un outil d’enseignement très puissant.»

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

5 conseils pour enseigner la nutrition

Ambassadrice convaincue de l’alimentation saine, Isabelle Montigny, EAO, fournit quelques conseils à ses collègues à toutes les étapes du parcours scolaire.

  1. Pensez pratique

    Il est important d’offrir aux élèves l’occasion d’expérimenter dans un laboratoire de cuisine et d’essayer plusieurs méthodes culinaires. Ce conseil s’applique également si vous intégrez l’alimentation à d’autres matières!

  2. Admettez vos échecs

    Si vous ratez une recette, dites-le. Il est important pour les élèves de savoir que vous avez vécu des échecs dans la cuisine. Ils auront moins peur de faire à leur tour des erreurs. Ils comprendront aussi qu’il faut savoir persévérer.

  3. Évitez la critique

    Ne critiquez pas le goût des mets préparés en classe. Si les élèves n’ont pas très bien réussi une recette, encouragez- les à réessayer. Il faut apprendre, mais il est aussi très important de s’amuser pendant les laboratoires de cuisine.

  4. Sortez du cadre

    Une fois que les élèves ont eu la chance d’essayer plusieurs méthodes culinaires, permettez à ceux qui le veulent d’être créatifs, même s’ils ne suivent pas une recette au pied de la lettre. L’autonomie leur donnera de l’assurance.

  5. Variez le menu

    Sortez des sentiers battus. Choisissez une grande variété de recettes de tous horizons, que ce soit une tarte au sucre ou une salade au quinoa. Vous toucherez ainsi un plus grand nombre d’élèves et ils s’en souviendront mieux.

Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).