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Pratiques exemplaires

Photo d'Isabelle Montigny, enseignante agréée de l'Ontario, debout devant un comptoir et une cuisinière dans un atelier de cuisine.

Petite école deviendra grande

Une directrice d’école met son expérience, son énergie, ses idées et son don pour rallier les gens au service d’une école dont la population explose en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

De Philippe Orfali
Photos : Matthew Liteplo

Exclusivité en ligne : visionnez un portrait numérique de nos Pratiques exemplaires à oct-oeeo.ca/portraits.

En 2015, Lucille Plante, EAO, quitte une école d’Orléans pour prendre la direction de l’école élémentaire catholique Bernard-Grandmaître, à Ottawa. Habitée d’une énergie débordante et prête à relever un nouveau défi, elle n’aurait toutefois jamais pu imaginer quels défis l’attendaient dans cet établissement qui allait devenir l’école élémentaire la plus populeuse du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est. Près de trois ans plus tard, et ayant perdu de vue le nombre de défis que son équipe a relevés, elle est fière des accomplissements et du succès de tous! Son histoire est la preuve qu’avec une bonne planification et un leadership fort, tout devient possible.

Située dans la banlieue privilégiée de Riverside-Sud, à Ottawa, l’école Bernard-Grandmaître a connu, en l’espace de dix ans, une croissance exponentielle, passant d’une centaine d’élèves à près de 700, dont la plupart sont issus de familles exogames. Cette montée en flèche de la population a provoqué de nombreux bouleversements dans l’école, laquelle fut obligée d’ajouter des classes portatives, de s’agrandir plusieurs fois et de composer avec un taux de croissance effréné du personnel. Ces défis sont venus s’ajouter aux nombreuses initiatives prévues au calendrier du conseil scolaire.

«Chaque année, une toute nouvelle équipe venait s’ajouter à l’équipe d’enseignants déjà en place. Tout changeait si vite qu’on en perdait le souffle! Quand je suis arrivée à l’école, le personnel, les élèves, les parents…, on avait tous un peu perdu de vue le bien-être, le vivre-ensemble au sein de notre communauté scolaire. Alors, on s’est tout de suite attelés à la tâche», se souvient la lauréate du prix Canada’s Outstanding Principals (2017) [directrices et directeurs remarquables du Canada] pour son leadership exemplaire au sein de sa communauté scolaire.

Ce prix, remis annuellement par Partenariat en Éducation, reconnaît les contributions exceptionnelles des directions d’école dans les établissements scolaires publics. Il rend hommage aux chefs d’établissement de toutes les provinces et de tous les territoires qui ont accompli quelque chose de vraiment remarquable en matière d’éducation publique en faisant preuve d’innovation et d’esprit d’entreprise.

Mme Plante a été sélectionnée pour le succès de ses démarches d’instauration de changements, du développement de partenariats stratégiques et de son approche collective dans la prise de décision, explique Ron Canuel, présidentdirecteur général de Partenariat en Éducation. «Lucille a lancé un projet d’amélioration qui se concentre sur trois points : la numératie, la construction identitaire, et le bien-être et la sécurité. Elle a formé un comité d’école pour chacune des priorités et a établi un cadre d’échange pour stimuler la collaboration entre enseignants. Son but est de garantir un changement durable ainsi que l’amélioration des résultats des élèves. Nous sommes fiers d’honorer ses accomplissements.»

L’enseignante, animatrice pédagogique, directrice d’école et mère de quatre enfants a plus d’un tour dans son sac. «L’enseignement est ma seconde carrière, mais c’est véritablement ma vocation, ma passion. Mes multiples expériences m’ont pavé la voie et elles me servent toujours.»

Forte de cette expérience diversifiée, elle savait qu’il ne faut pas s’attaquer illico à une situation, mais commencer par prendre un peu de recul. «Pendant mes trois premiers mois, j’étais à l’écoute. J’observais. J’évaluais les besoins de chacun. J’ai pris le temps d’analyser l’école, d’écouter les messages que me lançait le personnel, de juger du meilleur endroit où mettre l’énergie, de songer aux stratégies les mieux adaptées à la réalité de Bernard-Grandmaître. Eh oui, j’ai aussi été très claire sur les choses que je voulais voir ici!», confie-t-elle de son bureau à l’école.

Dans ce processus, les normes de déontologie de la profession enseignante de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, c’est-àdire l’empathie, le respect, la confiance et l’intégrité, lui ont été d’une grande aide. «À chaque réunion, on sortait les normes. Elles nous ont servi à élaborer le plan d’amélioration de l’école», se remémore-t-elle.

Ce plan triennal a mis à contribution l’ensemble du personnel. Mme Plante a mené des discussions individuelles et en groupes. Des équipes ont été formées, chacune ayant pour mandat différentes facettes de la vie à l’école et de son programme éducatif. L’agenda des journées pédagogiques et des rencontres du personnel était bien rempli pour les quelque 60 enseignants, éducateurs et autres employés qu’il y avait désormais à l’école. «C’était un projet de longue haleine, pour lequel chacun devait y mettre du sien quotidiennement», souligne Mme Plante.

La première année, l’équipe-école s’est concentrée sur l’analyse de la situation, la prise de conscience et la collecte des données sur l’établissement et sa communauté. Tout le monde a appris à se connaître. L’amélioration du climat de travail figurait parmi les principales priorités de Mme Plante, mais aussi du personnel enseignant lui-même, se souvient Patricia Rodier, EAO, enseignante à l’école.

«On était tous prêts à relever le défi. De la résistance au changement, il n’y en a pas eu ou presque à l’arrivée de Lucille, explique la jeune femme, enseignante depuis neuf ans, dont huit à Bernard-Grandmaître. Et tout a changé : le climat, la vie scolaire, les relations interpersonnelles et la confiance en notre potentiel en tant que personnel enseignant. On a besoin de plus de personnes comme Lucille dotées d’une main de fer dans un gant de velours, capables de rallier les gens.»

Dans les couloirs de l’école aussi, la présence de Lucille Plante se fait sentir. Même si Bernard-Grandmaître compte 675 élèves et pas moins de 31 classes, partout où elle passe, Mme Plante salue les enfants par leur prénom, s’informe sur les projets de l’un, sur les passions de l’autre. Les élèves le lui rendent bien, la saluant chaleureusement.

«La machine roule bien. Il y a plusieurs avantages à être une grande école. Le plus grand défi est surtout d’apprendre à tous se connaître, de travailler en équipe. On met beaucoup l’accent sur le jumelage. Les enseignants apprennent les uns des autres.»

À la rentrée 2016-2017, Mme Plante a accentué la mise en œuvre de certaines stratégies visant à redéfinir la culture de l’école pour créer un milieu où règne la bienveillance, autant chez les élèves qu’au sein du personnel. Son plan, clairement affiché dans son bureau, est aussi entre les mains des enseignants, qui peuvent s’y référer en tout temps.

La troisième année du plan qui s’achève actuellement, c’est celle de la consolidation. «Cette année, ça passe ou ça casse. Et nous, on passe!», s’exclame-t-elle fièrement.

«On a uniformisé nos pratiques et on a suivi les formations qui étaient nécessaires pour nous améliorer. Le plus grand défi pour une direction, c’est de réduire l’écart entre les nouveaux jeunes enseignants qui ont 50 documents à lire pour être à la page, et ceux, plus chevronnés, qui ont soif de s’améliorer.»

Elle est aujourd’hui ravie de constater tout le travail qui a été accompli et la détermination dont son personnel a fait preuve pour y parvenir.

Photo d'Isabelle Montigny, enseignante agréée de l'Ontario, debout derrière un comptoir dans un atelier de cuisine, avec trois élèves à sa droite. L'élève du milieu est en train d'ajouter un oeuf à la farine.
Lucille Plante, EAO, s’est arrêtée pour parler à des élèves dans la bibliothèque, comme elle aime le faire durant ses rondes.

Elle ne baisse pas pour autant la garde. «La culture d’une école, c’est fragile : ça peut changer du jour au lendemain. Il faut être vigilant au quotidien. C’est à nous, en tant qu’enseignants et direction, d’avoir le courage et la volonté nécessaires pour garder le cap. C’est ça, le leadership, dit Mme Plante. On est concentrés sur notre objectif, tel un laser.»

Outre la construction identitaire, la littératie et la numératie, Mme Plante tenait à améliorer les installations, y compris la cour de récréation. Pour véritablement transformer une école, il est important de se fixer des objectifs et d’avancer sur divers fronts en même temps.

«On a 150 pneus. Un amphithéâtre ou “classe verte” est en cours de construction. On a commandé des ballons de basket. On a prévu un carré de sable, des jeux sur le pavé… », énumère-t-elle, des étoiles dans les yeux.

C’est sans compter la prochaine campagne de financement de l’école qui permettra d’assurer la construction d’un nouveau parc de jeu pour les classes de maternelle-jardin d’enfants. Chose certaine, les projets de Lucille Plante et de son équipe ne s’arrêteront pas là.

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

5 conseils pour changer la culture de son école

Changer la culture d’un établissement scolaire n’est pas chose facile, mais avec leadership et discipline, c’est tout à fait possible, assure Lucille Plante, EAO, qui offre ici quelques conseils.

  1. Guider au lieu de dicter

    Les comités de la réussite ont permis au personnel de l’école d’adhérer à des décisions beaucoup plus facilement que si j’avais imposé moi-même ces directives.

  2. Élaborer un mandat clair

    Comme pour tout organisme, votre école doit se doter d’une mission et d’une vision adaptées à la réalité sociale, économique et démographique du secteur, de sa population et de son personnel.

  3. Garder l’objectif en vue

    Il y aura des journées – même des semaines! – plus difficiles que d’autres. Dans ces situations, il faut retourner à l’essentiel de votre plan et garder le cap sur les objectifs fixés.

  4. Miser sur le positif

    Un incident mineur ou un entretien avec un parent mécontent peut ternir une bonne journée. Quand on est conscient de l’effet perturbateur des imprévus, on peut éviter de voir tout en noir.

  5. Les élèves d’abord

    Cela semble simple, mais on perd parfois la cible de vue. Notre travail, nous le faisons pour les jeunes. Les élèves doivent toujours et avant tout être au cœur de nos préoccupations.