Le travail de Sylvain Plourde, EAO, touche plusieurs centaines d’élèves répartis dans des dizaines d’écoles de la région d’Ottawa. Pourtant, ces élèves ne l’ont jamais vu.
De Philippe Orfali
Photos : Matthew Liteplo
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Sylvain Plourde est directeur du Service de soutien à l’apprentissage du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE). Sa refonte de l’aide aux élèves ayant des besoins particuliers a fait ses preuves, et sert même aujourd’hui d’inspiration à plusieurs établissements ontariens.
Quelques secondes à peine suffisent pour saisir toute l’ampleur de la passion qui anime l’enseignant originaire de Fauquier, dans le nord de la province. Près de huit ans après son arrivée en poste, la voix pleine de chaleur, M. Plourde s’anime quand il aborde le sujet des progrès de «ses» élèves. Il parle avec tout autant d’ardeur et d’émotion du travail acharné de la cinquantaine de professionnels qu’il côtoie chaque jour dans le but de s’assurer qu’aucun enfant, quels que soient les défis d’apprentissage qu’il doive relever, n’est laissé à la traîne.
«Quand on peut jumeler à la fois emploi et passion, c’est une bénédiction. Et c’est ce que je fais quotidiennement depuis 2011 avec l’équipe du Service de soutien à l’apprentissage», lance-t-il.
Cette équipe est une véritable unité spéciale d’intervention. Elle est composée d’enseignants, mais aussi de psychologues, d’orthophonistes, d’éducateurs ressources et de conseillers pédagogiques, autant de professionnels chargés de venir en aide aux élèves ayant des anomalies de comportement, de communication, d’ordre intellectuel, d’ordre physique ou multiples.
Comme ailleurs, ce soutien prend la forme de programmes d’éducation de l’enfance en difficulté ou de services personnalisés.
«Nous nous sommes fixé des buts avec le conseil scolaire, et notre système d’intervention a obtenu les résultats escomptés ses dernières années. Avec le bien des élèves en tête, on a réussi à accomplir beaucoup de choses pour améliorer le nombre de réussites, de crédits accumulés et la diplomation», se réjouit-il.
Le taux d’obtention du diplôme des élèves de 12e année après quatre ans atteint en effet 96 % au CECCE. Ce résultat dépasse largement la cible de 85 % que le ministère de l’Éducation s’est fixé. Le taux de décrochage scolaire avoisine aujourd’hui le 1 %.
Sur une base plus individuelle, les efforts de l’équipe de M. Plourde visent à aider chaque élève à développer une meilleure estime de soi et sa capacité de communiquer, à acquérir un degré d’autonomie accru et à mieux s’intégrer dans l’école, la communauté et la société. Le tout se traduit en une amélioration de la réussite scolaire.
Le leadership de M. Plourde et les résultats obtenus expliquent en bonne partie le fait qu’il ait reçu en 2017 l’un des prix Canada’s Outstanding Principals (directeur exceptionnel du Canada) pour son rôle exemplaire au sein de sa communauté scolaire, souligne Ron Canuel, président-directeur général de Partenariat en Éducation qui remet annuellement ces prix. M. Plourde fait ainsi partie des 40 directrices et directeurs d’écoles du Canada, dont 15 en Ontario, à avoir reçu ce prix national.
«Même si les élèves du CECCE obtiennent déjà d’excellents résultats, Sylvain continue de rappeler à son équipe qu’on peut toujours s’améliorer. Il tient au succès des élèves et nous sommes fiers de souligner ses accomplissements.
«Directeur mobilisateur, Sylvain Plourde met l’accent sur le développement des compétences des membres de son équipe, affirme Réjean Sirois, directeur de l’éducation du conseil scolaire.
«Le leadership de M. Plourde est axé sur la réussite des élèves et il fait travailler les experts en équipe, offre de la formation et des outils, mais surtout, il ancre dans l’esprit commun que tout élève en difficulté ou ayant des besoins particuliers doit avoir toutes les chances de réussir.»
Quand ce poste s’est présenté à lui, Sylvain Plourde enseignait alors à temps plein ou presque, et ce, depuis l’obtention d’un baccalauréat en sciences sociales (économie) et de son brevet d’enseignement de l’Université d’Ottawa, en 1985. Il était alors très heureux comme chef de section, enseignant-ressource et enseignant de mathématiques.
Après un passage à la direction adjointe et l’obtention d’une maîtrise en éducation, il avait conclu que le poste de directeur d’école n’était pas pour lui.
«Je n’avais pas cette aspiration-là, même si j’étais déjà très impliqué dans la réussite des élèves et l’enfance en difficulté. Mais quand le poste de directeur du Service de soutien à l’apprentissage est devenu disponible, j’ai décidé de tenter ma chance», dit-il.
Il a été attiré par la possibilité de travailler avec les élèves dans le besoin à l’échelle systémique plutôt qu’individuelle. En étudiant ce qui se faisait en Ontario, ailleurs au pays et dans d’autres pays industrialisés, il a tiré des leçons qui lui ont permis d’encourager la réussite scolaire de cette clientèle aux besoins énormes.
Cela s’inscrivait également dans le contexte de plus en plus complexe de l’enfance en difficulté.
«À l’époque, quand j’étais en salle de classe, on parlait simplement de difficultés d’apprentissage. Aujourd’hui, on parle de toutes sortes de réalités qui sont différentes et qui, parfois, se juxtaposent : troubles d’apprentissage, enjeux de santé mentale, spectre de l’autisme… Notre défi est de répondre adéquatement à ces nouvelles réalités et de s’y adapter.»
La société a évolué, notre compréhension des différentes difficultés que connaissent ces élèves également, rappelle M. Plourde.
Les chiffres sont éloquents. En 2015- 2016, près de 350 000 élèves, ou 17,3 % de tous les élèves de la province recevaient de l’aide des programmes ou des services d’éducation spécialisée, selon les données transmises au Ministère par les conseils scolaires. Parmi ces élèves, environ 40 % ont un ou plusieurs troubles d’apprentissage.
Environ 84 % de tous les élèves (et 86 % au palier secondaire) recevant des services d’éducation spécialisée sont placés dans des classes ordinaires pendant plus de la moitié de la journée d’enseignement.
Pour tenir compte de cette évolution, on a révisé les programmes et les services pour l’enfance en difficulté au cours des dernières années. Ils reposent aujourd’hui sur cinq grands principes : la prévention par l’intervention précoce, l’amélioration continue fondée sur la science et les données fiables, le renforcement du continuum foyer-école-communauté, la recherche de partenariats avec les organismes de la communauté, ainsi que la reddition de comptes annuelle et l’évaluation périodique formelle des programmes et des services.
«Je dis toujours qu’on fournit un service aux écoles, qu’on est là pour accompagner les enseignants, pour offrir de la formation et de l’appui, et pour contribuer à la prise de conscience en ce qui concerne cette réalité. C’est véritablement un travail d’équipe entre tous les intervenants. Les membres de mon équipe sont passionnés. Ils aspirent à apprendre et ils veulent eux aussi faire progresser le système et donc nos élèves», dit M. Plourde.
Depuis quelques années, ce travail d’équipe se transpose à l’échelle de la province. En effet, les conseils scolaires de langue française et leurs spécialistes de l’enfance en difficulté collaborent à l’élaboration de stratégies communes et d’outils spécialisés pour ces élèves francophones. «C’est assez frappant de voir aujourd’hui comment tout le monde, en Ontario français, travaille ensemble au niveau de l’enfance en difficulté. On se rassemble, on s’écrit, on se questionne. C’est très valorisant de voir les retombées de cette prise de conscience et de ces efforts.»
Pour M. Plourde, le fait de quitter la salle de classe – et le contact quotidien avec les enfants – ne s’est toutefois pas fait sans difficulté, il le reconnaît. C’est pourquoi il conseille aux enseignants qui aspirent à gravir des échelons ou à occuper d’autres fonctions de se poser les bonnes questions avant de faire le saut, et ce, quel que soit leur enthousiasme quant à la question des élèves ayant des besoins spéciaux.
«Il est évident qu’au début, c’est difficile, car le lien avec les élèves disparaît immédiatement. Mais j’appuie directement les intervenants qui, eux, sont en salle de classe avec les élèves, et c’est un côté du travail qui est encourageant. Je sens que nous avons, ensemble, un impact plus grand, plus ciblé. Et ce qui est formidable, c’est qu’on voit les effets que notre travail peut avoir sur ces élèves.»
L’heure de la retraite a sonné il y a quelques années déjà pour ce passionné de réussite scolaire. Mais Sylvain Plourde ne s’en formalise pas. Après 33 années d’expérience en éducation de langue française en Ontario, il conserve encore le feu sacré.
«La retraite? Ce n’est pas du tout ma priorité en ce moment. J’ai des projets [liés à ] l’enfance en difficulté. Par exemple, je travaille actuellement sur un guide destiné aux parents... Ma retraite, elle viendra en temps opportun!», conclut-il.
Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées
Sylvain Plourde puise dans sa longue carrière pour donner quelques conseils visant à favoriser le succès scolaire et l’épanouissement personnel des élèves ayant des besoins particuliers.
Gérer l’apprentissage de tous les élèves est une tâche de plus en plus complexe. Les intervenants scolaires doivent développer et conserver cette soif d’avoir des répercussions positives sur les élèves qui en ont souvent grand besoin.
Cerner les points à améliorer est tout un défi, mais trouver des solutions logiques l’est encore davantage! Il faut faire preuve d’ingéniosité pour trouver des solutions réelles aux réalités éducatives qui se présentent sur votre parcours.
Chaque élève est une histoire en soi. Son apprentissage doit tenir compte de son vécu, de son présent et de son avenir. Les enseignants qui participent activement aux projets éducatifs des élèves finissent souvent par susciter l’espoir.
Travailler en étroite collaboration à l’intérieur des différentes communautés d’apprentissage doit être véritablement une priorité. Le travail d’équipe est le pilier du perfectionnement professionnel et de l’amélioration des résultats.
Les lois, règlements, documents ministériels et directives administratives sont incontournables. Il faut non seulement les connaître et les appliquer, mais aussi poser un regard critique constant, et ce, dans un but commun d’amélioration.