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Pratiques exemplaires

Photo de Johanne Séguin, EAO, debout, le dos contre un mur carrelé.

Des joyaux à l’école

Johanne Séguin a troqué sa vie de globetrotteuse pour une carrière en enseignement. Elle consacre sa formidable énergie à la réussite de ses élèves en trouvant mille façons de les motiver.

De Philippe Orfali
Photos : Matthew Liteplo

Exclusivité en ligne : visionnez un portrait numérique de nos Pratiques exemplaires.

Avant de se consacrer à l’éducation en langue française en 2010, Johanne Séguin, EAO, parcourait le globe à titre d’exportatrice et d’importatrice de pierres précieuses. Si elle a troqué une longue carrière hors du commun pour une vie plus traditionnelle au pays, l’énergique femme d’affaires n’avait pas pour autant envie de se la couler douce. Alors qu’elle cherchait autrefois rubis, saphirs et émeraudes, Mme Séguin, devenue enseignante au cycle intermédiaire, s’applique aujourd’hui à dénicher et à polir le génie mathématique chez ses élèves.

«Mon travail consiste à montrer aux jeunes comment aller chercher la motivation nécessaire pour apprendre. En 8e année, ce n’est pas à moi de leur donner tout cuit dans le bec, et ce n’est plus à leurs parents de le faire. C’est à eux de prendre la responsabilité de leur apprentissage», explique avec franc-parler cette franco-ontarienne de Cornwall.

Pour les y aider, elle s’est équipée. Les étagères, armoires et ordinateurs de sa salle de classe du Collège catholique Samuel-Genest, dans l’est d’Ottawa, sont pleins à craquer d’outils pédagogiques en tout genre. Si elle n’a pas glané ces ressources sur l’internet ou dans des magasins spécialisés, elle les a carrément inventées.

La passion qu’elle voue à sa profession et l’efficacité de ses pratiques ne sont pas passées inaperçues. Elles lui ont valu récemment un Prix du premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), un honneur qu’elle partage cette année avec une quinzaine d’autres enseignants canadiens.

Depuis 1993, ces prix rendent hommage aux enseignants des paliers élémentaire et secondaire dans toutes les disciplines. Le travail de plus de 1 500 enseignants a jusqu’à maintenant été souligné.

Le jury a notamment salué Mme Séguin pour son utilisation de techniques novatrices, comme une salle de classe inversée durant laquelle les élèves apprivoisent l’autoapprentissage grâce à des vidéoclips en ligne; la création de jeux mathématiques interactifs semblables à des salles d’évasion qui stimulent l’intérêt des jeunes pour les maths et la résolution de problèmes; l’organisation d’ateliers avec des étudiants de la Faculté de génie de l’Université d’Ottawa qui permettent aux élèves de Mme Séguin de se familiariser avec la robotique, la programmation et l’impression 3D; et la mise en place d’un programme de tutorat animé par certains de ses anciens élèves, qui vise à appuyer des jeunes ayant quelques difficultés dans leur cheminement scolaire.

Photo de Johanne Séguin, EAO, à la bibliothèque. Un élève est debout à sa droite. Trois autres élèves sont assis à une table devant elle et font des travaux scolaires. Derrière eux se trouve un tableau blanc avec des équations.
Johanne Séguin, EAO, a recours à de nombreux outils pour que ses élèves se sentent valorisés et que tous soient mis à contribution.

Son soutien à la réussite des élèves au moyen de la technique de l’enseignement en spirale (qui permet à l’élève de revenir sur les notions enseignées au cours des semaines précédentes afin de mieux les assimiler), a également été reconnu par le gouvernement du Canada.

«Du fait qu’elle varie ses techniques d’un cours à l’autre et qu’elle est animée d’un engagement sans pareil, Mme Séguin a le don de rendre l’apprentissage des mathématiques captivant, même chez les élèves qui pensent ne pas avoir de prédisposition pour cette matière», souligne Amélia, une élève qui fréquentait la classe de Mme Séguin l’année dernière.

«Elle ne nous dit pas simplement “OK, ouvrez votre livre à telle page” ou “Recopiez les notes aux tableaux”. Mais c’est tout autre chose avec elle», dit-elle.

Une des activités préférées de la préadolescente et de plusieurs de ses camarades est Classcraft, une plateforme de ludification de l’enseignement conçue au Canada et employée par Mme Séguin.

Grâce à ce site éducatif qui ressemble à un jeu vidéo, l’enseignante du Conseil catholique des écoles du Centre-Est organise quotidiennement des activités de résolutions d’énigmes ou de problèmes liées de près ou de loin aux maths. Pour chaque bonne réponse, les élèves gagnent des pièces d’or servant à bonifier leur personnage. Fait intéressant : les parents peuvent également se mettre de la partie.

«Aujourd’hui, un élève se transformait en chat après avoir avalé une potion de polymorphie. C’était l’évènement aléatoire prévu par le jeu. Un des groupes de la classe devait donc dire “miaou” après chaque intervention. Cela peut sembler tout simple, voire enfantin, mais c’est très efficace pour assurer la participation. Plus on participe, plus on est engagé, plus on est motivé.»

C’est un exemple parmi tant d’autres des outils auxquels Mme Séguin a recours pour que tous les élèves de sa classe se sentent valorisés et soient mis à contribution. L’enseignante n’a pas perdu de vue que son école est située dans un secteur où les inégalités socioéconomiques peuvent être assez importantes.

Pour se tenir à la fine pointe de la pédagogie, Mme Séguin s’est abonnée à une panoplie d’infolettres et s’est inscrite à des webinaires. «L’internet regorge de ressources pertinentes, mais [les] adapter au curriculum de langue française de l’Ontario nécessite du travail», fait-elle remarquer. C’est pourquoi elle a développé ses propres ressources, en créant, par exemple, des vidéos éducatives que ses élèves peuvent regarder à la maison en guise de devoirs. Ils doivent ensuite répondre à des questions dans l’interface web. Et gare à ceux qui ne prennent pas le temps d’écouter les vidéos, souvent essentielles à la compréhension des cours suivants, selon le modèle de la classe inversée.

«Ils vont l’apprendre à la dure, et puis ne le referont plus», dit Mme Séguin, l’œil espiègle.

Ses élèves ne sont pas les seuls à profiter des bons conseils et de la créativité pédagogique débordante de l’enseignante. «C’est quelqu’un qui a énormément de leadership pédagogique, qui est très dévoué envers l’épanouissement de la pratique professionnelle de ses collègues. Elle agit comme mentor auprès de plusieurs de ses collègues, c’est très impressionnant à voir», souligne Anik Charette, EAO, directrice de l’école.

«En mathématiques en particulier, elle cherche à mettre à profit son expertise non seulement à l’échelle de l’école, mais aussi à celle de la province. Elle intègre énormément de nouveautés dans sa pratique. Par exemple, elle a été le premier enseignant dans la ville à intégrer un programme qui s’appelle I3 (Investigate, Invent, Innovate). Pas une semaine ne passe sans que Johanne vienne te voir pour te dire “Ah! j’ai une idée !” Elle est sans arrêt à la recherche de nouvelles pratiques.»

Même si elle avoue qu’il faut parfois «canaliser» l’énergie débordante de l’enseignante, Mme Charette reconnaît que la contribution de Mme Séguin à la mobilisation de ses collègues est devenue indispensable. «C’est aussi une personne qui croit beaucoup au potentiel des nouveaux enseignants et qui va les prendre sous son aile.»

Sa collègue Mélanie Marcoux, EAO, qui est à l’origine de la candidature de Mme Séguin pour le Prix du premier ministre, a pu en faire l’expérience elle-même lorsqu’elle a été jumelée avec elle. Tout de suite, les deux pédagogues se sont très bien entendues. Elle s’est dite inspirée par les efforts que déploie Mme Séguin pour préparer toutes les activités pédagogiques qu’elle offre à sa classe, un travail qui, selon elle, représente des dizaines d’heures par semaine.

«Elle n’hésite pas à partager les outils ou les fichiers qu’elle a créés, et elle est toujours prête, après l’école, à passer du temps avec ses collègues pour les appuyer, leur fournir des explications ou des conseils.»

Mme Marcoux souligne également la saine franchise de Johanne Séguin, qui sait donner l’heure juste à ses collègues – et à ses élèves! – quand c’est nécessaire. C’est en quelque sorte l’enseignante de mathématiques qu’elle aurait aimé avoir au secondaire, dit-elle.

Mme Séguin ne cache pas qu’elle peut être sévère, ce que confirment les élèves avec lesquels Pour parler profession s’est entretenu. La passionnée d’éducation est exigeante. Elle admet d’emblée qu’il lui arrive de se fâcher en classe, mais elle n’hésite pas pour autant à montrer clairement à ses élèves la haute estime qu’elle a pour eux et à encourager leurs efforts. «C’est une relation spéciale que celle de l’enseignante avec ses élèves, surtout à cette période de leur parcours», insiste-t-elle.

«À cet âge-là, on est encore en développement; si on ne comprend pas, il ne faut pas se décourager! C’est pourquoi je travaille beaucoup la communication et les habiletés de la pensée avec les élèves. Je parle souvent avec eux, c’est pour moi une façon de leur montrer qu’ils sont dignes d’être remarqués et que je les respecte. Ces jeunes-là ont souvent un grand besoin qu’on les écoute et qu’on les respecte. Et je sais qu’ils me rendront la pareille, quels que soient les défis qu’on devra relever ensemble au cours de l’année scolaire. Je sais aussi que, grâce à ce parcours, ils seront mieux préparés pour les prochaines étapes qu’ils auront à franchir.»

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

Cinq conseils pour motiver

De l’avis de Johanne Séguin, EAO, l’un des premiers gages de réussite en salle de classe est l’engagement des élèves. Plus facile à dire qu’à faire? Voici quelques conseils.

  1. Discutez régulièrement avec vos élèves de la responsabilité qu’ils ont à l’égard de leur propre apprentissage. S’ils comprennent qu’il n’y a qu’eux qui peuvent décider d’apprendre, ils deviendront plus engagés. C’est un message qu’il faut réitérer régulièrement pour les motiver.
  2. Encouragez vos élèves à contribuer à l’apprentissage des autres et vous verrez des miracles! Ils se sentiront impliqués, tandis que les élèves qui éprouvent plus de difficulté disposeront d’une équipe variée de 10 «enseignants» plutôt qu’un seul.
  3. Variez le style d’enseignement pour garder vos élèves captivés. Utilisez nombre d’outils pédagogiques, du bon vieux crayon aux jeux, en passant par l’enseignement magistral. Le changement de rythme permet de rallier les jeunes dont la capacité de concentration est plus limitée.
  4. Basez votre gestion de classe sur le respect. Sans une bonne gestion de classe, les meilleures idées, les leçons les mieux préparées et les techniques les plus modernes ne remporteront qu’un succès mitigé. Cela peut sembler simple, mais c’est un élément essentiel pour susciter l’engagement des élèves.
  5. Ayez du plaisir et montrez-le! N’hésitez pas à montrer à vos élèves que, vous aussi, vous éprouvez du plaisir avec les activités et la matière enseignée, mais aussi en leur compagnie. Les élèves le ressentiront, vous rirez avec eux, et vous développerez des liens forts.