Deux comédiennes de la fameuse série Baroness von Sketch se souviennent de leurs années d’école et parlent de deux enseignants qui ont su leur donner confiance et les appuyer dans la voie artistique qui les appelait.
De Bill Harris
Photo : Blake Morrow
La comédie à sketches semble facile quand elle est bien jouée, mais d’expérience, Aurora Browne et Jennifer Whalen savent qu’il s’agit d’un art difficile à maîtriser.
Si vous avez déjà regardé la série de la CBC Baroness von Sketch, qui connaît un énorme succès, vous savez que c’est une comédie un peu tordue, une véritable partie de plaisir et d’audace. Créée, produite, écrite et interprétée par Aurora Browne, Jennifer Whalen, Meredith MacNeill et Carolyn Taylor, cette série a défoncé les barrières et file tout droit vers sa quatrième saison.
Compte tenu du succès qu’elles ont connu et du travail acharné qu’elles ont dû accomplir pour y arriver, Mmes Browne et Whalen, nées et élevées en Ontario, gardent un excellent souvenir des enseignants du secondaire qui leur ont inculqué un profond respect pour les arts. Aurora Browne pense, notamment, à Barbara Kuschak, son enseignante d’arts au Fort William Collegiate Institute de Thunder Bay, alors que Jennifer Whalen songe, quant à elle, à Peter Kunder, son enseignant de théâtre à la Cawthra Park Secondary School de Mississauga.
«Comme j’avais quatre sœurs qui avaient déjà fréquenté cette école, j’avais déjà entendu parler de Mme Kuschak avant même d’être son élève, raconte Aurora Browne. C’était une vraie personnalité, quelqu’un qu’on entendait venir (comme elle le dirait elle-même) et extravertie, une personne qui pouvait parler de ses propres expériences autant que du travail à l’étude.»
«Quand on enseigne dans le monde des arts, l’une des plus belles choses qui puisse arriver est d’avoir la chance de voir occasionnellement ses élèves performer devant un public.»
Aurora Browne a un souvenir en particulier qui l’inspire encore aujourd’hui – un souvenir très révélateur sachant qu’elle évolue dans l’industrie de la télévision. Elle se rappelle le mécontentement et la frustration qu’avait exprimés Mme Kuschak à propos des rénovations que l’on faisait dans la salle où elle enseignait les arts.
«Elle nous a dit : “Je n’arrive pas à y croire, je discutais avec cet architecte et je lui ai demandé où nous allions mettre les livres. Eh bien, il m’a répondu qu’on n’avait pas besoin de livres pour enseigner l’art! Ça m’a tellement choquée!”», raconte Aurora Browne.
«J’ai trouvé ça drôlement rafraîchissant! Mes parents sont des gens plutôt tranquilles, très sincères, de bons Canadiens des années cinquante; alors pour moi, de voir quelqu’un défendre ses valeurs ouvertement, c’était incroyable.»
Et Aurora Browne a bien apprécié l’épatant commentaire que lui a retourné Mme Kuschak à ce sujet.
«Ma philosophie, c’était d’enseigner la matière, mais pas en dorlotant les élèves ni en créant chez eux de faux espoirs, dit Barbara Kuschak, une native de l’Illinois venue au Canada vers la fin des années 1960 pour étudier à l’Université Lakehead et qui habite encore aujourd’hui à Thunder Bay. Apprenez-leur à accepter les critiques constructives de façon à pouvoir penser de manière créative, à prévoir les problèmes et à anticiper les erreurs.
«On reproche trop souvent aux arts visuels de n’être qu’une simple question de goût, mais si on n’en connaît ni les traditions, ni l’histoire, ni les compétences techniques, eh bien, je m’excuse, mais ce n’est pas de l’art, pas encore! Tout ce qu’on fait et qu’on appelle art devrait être validé sur le plan de l’expression, de la conception ou de la compétence technique – préférablement par l’artiste, et pas simplement par quelque sympathisant bien intentionné.»
Ce vétéran de l’enseignement qui compte 33 années d’expérience se souvient bien des sœurs Browne, des filles remarquables qui se tenaient serrées, à l’époque, et notamment d’Aurora, qu’elle décrit comme étant la plus turbulente.
«Elle avait un humour débordant, mais elle avait aussi un côté introspectif et réfléchi, raconte Barbara Kuschak, qui a pris sa retraite en 2002. Je suis enchantée que notre amitié ait continué par le truchement des médias sociaux, et je suis maintenant une admiratrice inconditionnelle! Aucun enseignant ne pourrait être plus impressionné et ravi que je le suis!»
Barbara Kuschak et Peter Kunder ont tous deux fait comprendre un fait important à leurs élèves : l’art doit être pris au sérieux, et il ne faut pas y voir une simple fantaisie passagère.
Comme sa famille avait déménagé de London, en Ontario, à Mississauga au moment de sa rentrée en 8e année, Jennifer avait fréquenté trois écoles différentes en quatre ans quand elle est arrivée en 11e année – si l’on compte le passage de l’élémentaire au secondaire. Pour bien des élèves, cela se serait avéré beaucoup, mais pas pour Jennifer qui, après avoir découvert le programme spécialisé en arts offert à la Cawthra Park Secondary School, a pris ses parents par surprise en leur annonçant qu’elle voulait changer d’école une fois de plus!
«J’ai sauté sur l’occasion, dit-elle. Je ne me rappelle même plus de mon audition tellement j’étais nerveuse, mais je sautais de joie d’avoir été admise.»
Peter Kunder l’a impressionnée dès son arrivée, pas seulement parce qu’il était un bon enseignant et une personne d’une grande gentillesse, mais parce qu’il avait de l’expérience en tant que comédien. Une sortie scolaire avec Peter Kunder au Second City à Toronto fait partie des souvenirs impérissables de Jennifer Whalen. Mike Myers faisait alors partie de la distribution. Il jouait une première version de Wayne, son personnage que l’on a connu plus tard dans le fameux Wayne’s World.
«Ça a vraiment orienté toute ma carrière, dit Jennifer Whalen, qui a d’ailleurs fini par prendre un cours à Second City au début de la vingtaine. Je n’y serais peut-être jamais allée sans la sortie scolaire de M. Kunder.»
Bien que Peter Kunder ait grandi à Stratford, en Ontario, sa famille ne s’intéressait pas vraiment au théâtre, et ce n’est que des années plus tard qu’il est allé faire un tour au festival de Stratford. Ayant commencé sa carrière en enseignant aux adultes au Humber College à Toronto, il a ensuite enseigné l’anglais au Parkdale Collegiate Institute, puis a ajouté l’art dramatique quand cette matière a fait son entrée dans le programme scolaire dans les années 1970.
Durant ses années au Parkdale Collegiate Institute, Peter Kunder a travaillé avec Ken Gass au département d’anglais et s’est lié d’amitié avec lui. Fondateur du Factory Theatre de Toronto, M. Gass lui a fait découvrir le monde de l’interprétation et du jeu théâtral. M. Kunder a quitté son poste d’enseignant au milieu des années 1970 pour se consacrer à temps plein à sa carrière de comédien. Il est retourné à l’enseignement deux ans plus tard, mais cette fois-ci à la T.L. Kennedy Secondary School de Mississauga où il est resté sept ans avant d’accepter un poste d’enseignant à la Cawthra Park Secondary School.
«Le directeur a eu l’idée de créer un programme d’art pour la région parce que l’école souffrait d’une baisse d’inscriptions, se rappelle M.Kunder. C’était une coïncidence que je m’y sois retrouvé à ce moment-là, mais quel heureux concours de circonstances!»
Peter Kunder a enseigné dans cette école de 1980 à 1999, puis est retourné enseigner aux adultes, cette fois, à Brampton, au Sheridan College, où il est resté 14 ans. Cet enseignant chevronné ayant 45 années d’expérience à son actif se souvient de Jennifer Whalen comme d’une élève affable, brillante et qui excellait dans un domaine que lui-même trouvait laborieux.
«L’une de ses forces était l’improvisation, raconte Peter Kunder. On ne passait pas beaucoup de temps à faire de l’impro en classe – ce n’était pas une de mes forces; moi, ma force, c’était plutôt la mémorisation –, mais on y consacrait une unité de temps chaque année et Jennifer était toujours brillante.»
Selon Peter Kunder, quand on enseigne dans le monde des arts, l’une des plus belles choses qui puisse arriver est d’avoir la chance de voir occasionnellement ses élèves performer devant un public.
«Je regarde la série Baroness von Sketch. Jennifer y est formidable. Évidemment!», dit M. Kunder.
Quel que soit votre domaine de prédilection, l’une des clés du succès, c’est d’honorer son art. Grâce à Barbara Kuschak et à Peter Kunder, c’est ce qu’ont appris à faire Aurora Browne et Jennifer Whalen. Et, aujourd’hui, avec une émission à l’antenne autant prisée du public que saluée par la critique, les téléspectateurs peuvent s’émerveiller de la créativité qui en ressort et se laisser embarquer dans une aventure hilarante.
Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).