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Pratiques exemplaires

Photo de Johanne Séguin, EAO, debout, le dos contre un mur carrelé.

Rêve et réalité

Elle rêvait de diriger le magasin général de son père. C’est finalement à l’école qu’Anne Laflamme en est venue à épanouir son âme de gestionnaire.

De Philippe Orfali
Photos : Rodolphe Beaulieu Poulin

Exclusivité en ligne : visionnez un portrait numérique de nos Pratiques exemplaires.

Toute jeune, Anne Laflamme, EAO, savait qu’elle assumerait tôt ou tard un poste de leadership au sein de sa communauté, que ce soit en prenant la relève de son père à la tête du magasin général du village L’Orignal, dans l’Est ontarien, ou en devenant enseignante, puis directrice d’école.

«J’étais en 2e année à l’école catholique Saint-Jean-Baptiste à L’Orignal, et sœur Lili nous avait demandé ce que l’on rêvait d’être quand on serait grand. J’ai spontanément répondu “directrice d’école !”», se rappelle celle qui a fondé, en 2003, l’école secondaire publique Le Sommet à Hawkesbury, en Ontario, et qui dirige encore aujourd’hui cet établissement.

«Ne voudrais-tu pas commencer par devenir institutrice?», avait répliqué la religieuse, sceptique. Mais pour Anne, le parcours était clair. «Si je devenais enseignante, c’était vraiment pour devenir ensuite directrice. J’avais déjà le goût de la gestion.»

Et c’est exactement ce qu’elle a fait. Après avoir conclu qu’elle ne partageait pas la même vision que son père quant à l’avenir du magasin familial, l’enthousiaste jeune femme s’est résolument tournée vers l’éducation. Elle ne l’a jamais regretté.

En 1993, son baccalauréat en poche, elle a opté pour une maîtrise en éducation et leadership à l’Université d’Ottawa, un programme qui lui a permis de mettre en commun ses deux passions : la pédagogie et la gestion. Elle a ensuite enseigné la gestion de projet à l’université, avant d’accepter un poste d’enseignante à l’école secondaire régionale de Hawkesbury pour le Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien (CSDCEO).

«J’adorais enseigner, mais il y a des moments où j’étais exaspérée. Je me suis rendu compte que, si je voulais réellement changer les choses et agir de façon plus large, je devais me rendre plus haut.» C’est ainsi qu’elle devint directrice adjointe à l’école élémentaire catholique Sainte-Trinité, à Rockland.

Puis, un jour, en 2003, «l’occasion d’une vie» s’est présentée à elle.

Le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO) s’apprêtait alors à ouvrir une toute nouvelle école secondaire dans la région. Une décision qui ne s’est pas prise sans heurts dans la communauté tricotée serrée de Hawkesbury et des environs, car on craignait que la création d’un nouvel établissement «divise» les jeunes Franco-Ontariens entre les écoles secondaires des conseils catholique et public.

Le 27 janvier 2004, l’école ouvre enfin ses portes et accueille les élèves du module de langue française de Vankleek Hill Collegiate Institute, ainsi que les élèves de la 7e et de la 8e année de l’école élémentaire publique Nouvel Horizon, également située à Hawkesbury. L’école est, de surcroît, la première de la région à accueillir sous un même toit des élèves de la 7e jusqu’à la 12e année.

Photo d'Anne Laflamme, enseignante agréée de l'Ontario, et de trois élèves de l'école secondaire publique Le Sommet à Hawkesbury.
Anne Laflamme, EAO, ici en compagnie de trois élèves à l’école secondaire publique Le Sommet à Hawkesbury.

Les talents de leader et de médiatrice de Mme Laflamme ont été mis à rude épreuve au cours de cette période riche en rebondissements. En plus de tous les défis propres à l’ouverture d’un nouvel établissement scolaire – dont former une équipe d’enseignants et développer la culture de l’école parmi les élèves et le personnel –, il fallait gagner le soutien de la communauté. Mme Laflamme a dû jouer le rôle de porte-étendard de son école, non seulement dans son milieu scolaire et à l’échelle du conseil, mais aussi sur la place publique.

«Ça a été un énorme défi d’ouvrir cette école, se rappelle Mme Laflamme. On ne voulait pas de nous. On nous a mis beaucoup de bâtons dans les roues, et on a dû faire nos preuves une fois que la décision d’ouvrir l’établissement a été confirmée. J’allais m’acheter une paire de jeans et la vendeuse me reprochait l’augmentation de ses impôts!»

Près de 17 ans plus tard, toujours directrice de l’école secondaire Le Sommet, la fière Franco-Ontarienne sourit en pensant à ces débuts. De plus, depuis 2015, l’école offre le baccalauréat international de la 7e année jusqu’au diplôme.

Son endurance et son infaillible passion font partie des facteurs qui lui ont permis de mériter, en 2017, l’un des Prix de direction remarquable du Canada, un honneur qui rend hommage annuellement à des directions d’école provenant de chaque province et territoire canadien pour leur leadership exemplaire. Elle a également été intronisée, l’année dernière, au sein de l’Ordre de la francophonie de Prescott- Russell, de nouveau pour son leadership scolaire et communautaire.

«Mme Laflamme est un modèle de leadership et de créativité, souligne Jean-Pierre Dufour, EAO, surintendant de l’éducation au CEPEO et superviseur immédiat d’Anne Laflamme. Elle est motivée par les projets, les partenariats et les initiatives qui permettent aux élèves et aux membres de son personnel de développer leur plein potentiel», ajoute-t-il.

«Notre collègue Anne Laflamme est une directrice qui se démarque de manière exceptionnelle par son leadership mobilisateur, son engagement quotidien à faire de son école un haut lieu d’épanouissement pour ses élèves et sa présence communautaire incomparable. C’est un bonheur de la compter parmi notre équipe de directions du CEPEO, car elle sait nous inspirer au-delà de son école», affirme M. Dufour.

«Anne Laflamme a profondément à cœur d’engager chaque élève en intégrant différentes initiatives», observe Debra D. Kerby, présidente et directrice générale de Partenariat en éducation, l’organisme qui remet annuellement ce prix.

«À titre de directrice d’école, elle a lancé le programme de Baccalauréat international à l’école Le Sommet et a travaillé avec plusieurs partenaires communautaires afin de développer quatre programmes de majeures haute spécialisation, c’est-à-dire la programmation rurale, l’éducation à la santé, la culture et les arts, et la gestion du sport. Elle travaille également avec son équipe et offre des opportunités de développement professionnel. Anne est un leader exemplaire et nous sommes fiers de reconnaître ses réalisations», ajoute-t-elle.

Cette offre éducative diversifiée a été l’une des pierres angulaires de la vision qu’a élaborée Mme Laflamme pour la nouvelle école secondaire publique d’Hawkesbury. D’une part, dans le contexte particulier où elle se trouvait, elle a su convaincre la communauté du bien-fondé de ce projet scolaire en faisant en sorte que cette école se démarque des autres établissements de la région. De l’autre, il fallait persuader le CEPEO, un conseil scolaire surtout concentré en milieu urbain jusque-là, de mettre sur pied des services complets destinés aux élèves du secondaire en milieu rural. Ceux-ci devaient être aussi bons, voire meilleurs que dans la région d’Ottawa pour espérer attirer puis retenir de nouveaux élèves.

En 2006, les programmes de concentrations sportives font leur entrée dans l’école (hockey, volleyball, basketball, badminton et sports individuels). On y a ajouté ensuite les concentrations de musique et d’arts visuels. Peu après, les majeures haute spécialisation (affaires et commerce, santé et bien-être, arts et culture) ont enrichi encore plus la gamme de programmes que l’école offre aux élèves.

Enfin, en 2015, l’école a annoncé la création de son Académie internationale de hockey, laquelle accueille des joueurs venus de partout, autant de la région que de l’étranger.

«On s’est assis en équipe, on s’est retroussé les manches et on a réfléchi. C’est ainsi qu’on a développé des concentrations sportives et artistiques qui répondaient à des besoins précis. C’est ainsi qu’on a bâti ensemble une réputation d’être innovateurs, perfor- mants et créatifs. L’école Le Sommet ne s’est pas construite toute seule», dit-elle.

L’une de ses grandes fiertés demeure son équipe-école, composée depuis le début de gens engagés qui ne comptent pas les heures de travail. «Chacun des membres de mon personnel enseignant a sa profession à cœur», dit-elle, les comparant à de petites abeilles travaillant ensemble vers un seul et même but.

Par ailleurs, l’école continue de faire très bonne figure aux tests provinciaux de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), alors que les élèves de 9e année du programme appliqué se classent très au-dessus de la norme provinciale. De fait, 92 % d’entre eux ont atteint ou dépassé la norme provinciale l’an dernier, contre 51 % à l’échelle de la province. En ce qui a trait aux cours théoriques, Le Sommet se situe dans la moyenne provinciale, à 87 %; idem pour le Test provincial de compétences linguistiques.

Là encore, c’est grâce à un véritable esprit de ruche - avec Mme Laflamme pour reine - que l’école Le Sommet y est parvenu.

«Anne est constamment en quête d’excellence, dans tous les aspects de l’école, dit M. Dufour. Ses élèves sont en quelque sorte ses enfants; elle veille à ce que chacun d’entre eux réussisse. Quand des périodes difficiles surviennent, elle est très engagée pour les aider, pour trouver les ressources nécessaires, que ce soit au sein de l’école ou ailleurs dans la communauté. Elle connaît chacune des institutions locales, chacun des organismes et des comités.»

Pour Mme Laflamme, le prochain grand défi sera celui de la retraite. Une réalité qu’elle appréhende. «Je m’inquiète! On dirait que mon identité est rattachée au fait d’être directrice du Sommet. C’est ce que je fais comme travail, c’est ce que je suis. Je veux laisser la place à quelqu’un d’autre pour que cette personne ait aussi la chance de travailler avec une équipe comme la nôtre. Mais moi, c’est sûr que je n’arrêterai pas complètement. J’en suis incapable!», conclut-elle.

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

5 conseils pour gérer le changement

De l’ouverture de l’école Le Sommet il y a 17 ans jusqu’à aujourd’hui, Anne Laflamme a vécu des bouleversements et des transformations! Voici quelquesuns de ses conseils pour bien vivre le changement et y contribuer

  1. Prenez du recul.

    Le milieu de l’éducation est un milieu stimulant qui comporte parfois des moments plus difficiles que d’autres. Il ne faut pas prendre les obstacles de façon personnelle, mais les accepter comme des occasions d’apprentissage.

  2. Sachez (bien) vous servir des technologies.

    On sait que les technologies ne réinventeront pas l’éducation, mais grâce à elles, on a la capacité d’améliorer l’apprentissage. Soyez maître des changements que vous souhaitez apporter dans votre salle de classe.

  3. Voyez des occasions d’apprentissage partout.

    Tout apprentissage réel ne se fait pas sans goûter à l’échec. Il est important d’encourager la prise de risque et d’apprendre de ses erreurs en analysant les bénéfices et les difficultés qui en découlent.

  4. Assumez le leader en vous!

    Savoir bien s’entourer et être capable de choisir les bonnes personnes pour chaque poste est une qualité essentielle qui se développe. Pour ce faire, il faut prendre le temps de connaître son équipe, ses forces et ses défis.

  5. Direction ne signifie pas punition.

    Autrefois, être envoyé au bureau de la direction était synonyme de mesure disciplinaire. Aujourd’hui, le rôle de la direction a changé. On doit être un véritable catalyseur de la culture de collaboration.