Le chanteur rock Raine Maida (Our Lady Peace) et la musicienne Chantal Kreviazuk se souviennent des pédagogues qui ont pavé le chemin de leur carrière.
De Richard Ouzounian
Photo par Kharen Hill
«La vie de chaque élève emprunte un parcours singulier, et chaque élève est unique.»
Raine Maida, vedette rock canadienne et chanteur principal du groupe Our Lady Peace, sait de quoi il parle. Maintenant âgé de 49 ans, il suit un parcours singulier depuis l’âge de 12 ans.
Son épouse, la musicienne tout aussi accomplie Chantal Kreviazuk, est d’accord avec lui : «Les êtres humains sont en développement jusqu’à la mort», déclare-t-elle. Le cheminement de sa carrière musicale a commencé alors qu’elle n’avait que 5 ans et se poursuit toujours plus fort 40 ans plus tard.
Une grande variété d’enseignants de l’Ontario et du Manitoba ont participé à la formation de Chantal Kreviazuk et de Raine Maida. C’est avec plaisir qu’ils parlent d’eux et expriment leur gratitude.
Leur plus récent projet de carrière consiste en un album et un documentaire, tous deux sortis cette année sous un même titre : I’m Going to Break Your Heart.
L’album et le film illustrent l’impitoyable honnêteté dont ils font preuve l’un envers l’autre, tant dans leur vie personnelle que professionnelle. «C’était un projet holistique, raconte M. Maida. Chantal et moi sommes deux forces différentes, deux personnes dynamiques qui s’affrontent parfois tout en sachant qu’elles doivent trouver un équilibre.»
«Ça fait des années que nous travaillons là-dessus, affirme Mme Kreviazuk, en riant. Tout ce que nous avons fait avant n’était qu’une pratique pour aboutir à ce moment charnière.»
Chantal Kreviazuk a grandi à Winnipeg. Elle a fait ses études simultanément dans deux établissements : la Balmoral Hall School pour ses études générales et le Manitoba Conservatory of Music pour le piano.
«Ils étaient forts, solides, mais je ne pensais pas que je finirais par les connaitre ni qu’ils apprendraient à me connaitre. Tout ça a certainement changé au fil des années.»
«Trois femmes différentes m’ont influencée au cours des années, se souvient Mme Kreviazuk. En 1re année, c’était Mme Kim. Elle était très ferme, mais bonne pour moi. Je jouais à l’oreille, mais elle m’a montré comment il fallait faire les choses.
«Puis ce fut Mme Riske. Elle voulait m’orienter vers l’excellence. Elle était comme ça dans tous les aspects de sa vie; quand elle jouait, quand elle était chez elle, cela ressortait dans son style aussi, poursuit-elle. J’avais peur à chaque leçon! Pas d’elle, mais de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Elle mettait la barre très haut parce qu’elle était persuadée que je pouvais l’atteindre.
«Ensuite, il y a eu Mme Machovec. Elle m’a encouragée à improviser. Elle aimait tellement la musique, ça la rendait radieuse! Elle souriait, rayonnait et ne se fâchait jamais», raconte Mme Kreviazuk.
La formation de M. Maida a emprunté un chemin bien moins linéaire, qu’il décrit comme une «série de sommets et de vallées». Au début des années 1980, alors qu’il fréquentait l’école All Saints Roman Catholic School, à Etobicoke (Ontario), il a eu le sentiment qu’«il y avait une sorte de créativité en [lui], mais il ne comprenait pas ce que c’était».
Puis, il a compris. Il se souvient qu’un enseignant lui avait présenté les poètes de la «beat generation», dont Jack Kerouac et Allen Ginsberg : «En quelques années, je me suis mis à écrire mon propre matériel dans le style “forme libre” du “courant de conscience”. Comme j’aimais aussi la musique, je me suis mis à combiner les deux.»
Au secondaire, deux enseignants ont joué un rôle important dans le choix de carrière de M. Maida : H. Jeremy Packard et Maurice R. Cooke. À l’époque, ils étaient respectivement directeur et directeur adjoint du Ridley College (une école préparatoire indépendante à Saint Catharines, en Ontario).
«On ne sait jamais sur quel chemin la vie nous mènera ni qui aura le plus d’influence sur la direction qu’elle prendra, affirme M. Maida. Quand mes parents m’ont envoyé à Ridley, pour moi, c’était la pire idée qui soit. Ils m’éloignaient de mes amis et de toutes mes petites habitudes.
«Mais, en fin de compte, cela m’a sauvé la vie. En tout cas, cela l’a certainement changée.»
Sans aucun doute, le jeune homme qui réfléchit à cette période dans Naveed, le premier album d’Our Lady Peace, était tourmenté, contrarié par le divorce de ses parents, découragé par les tentatives de suicide de ses amis et frustré de ne pas connaitre sa destinée.
Il a vécu tout ça à Ridley, sous le regard vigilant de MM. Packard et Cooke. «Je me souviens qu’au début, je ne voyais en eux que des gars responsables, raconte M. Maida, en riant. Ils étaient forts, solides, mais je ne pensais pas que je finirais par les connaitre ni qu’ils apprendraient à me connaitre. Tout ça a certainement changé au fil des années.
«Le temps que j’ai passé à Ridley était un peu mouvementé, de dire M. Maida avec une pointe d’amertume, mais MM. Packard et Cooke ne se laissaient pas tromper par les apparences.
«Durant ces années, c’était comme s’il y avait deux gars qui luttaient en moi, ce qui n’est pas surprenant parce que j’essayais encore de me faire au divorce de mes parents et de donner un sens à des tas d’autres choses qui se passaient en moi.»
D’un côté, le jeune Raine avait fondé un groupe de musique avec d’autres élèves, il excellait dans de nombreux sports et était un leadeur naturel. «À Ridley, il y avait un grand sens de la communauté. Ça m’attirait. J’avais besoin de quelque chose de solide dans ma vie à l’époque.»
De l’autre côté, il admet : «J’avais beaucoup de mal à me conformer à ce genre de vie. Et j’étais tellement absorbé par la musique que rien d’autre ne comptait autant dans ma vie. Rien d’autre.» Il ajoute : «Je me rendais à Saint Catharines les samedis soirs pour jouer dans des pizzérias ou des clubs de punk rock. Dans ce temps-là, on n’avait même pas le droit de quitter le campus le samedi soir!»
«Je m’attendais à de la colère et à de la discipline, mais au lieu de ça, ils ont manifesté un degré de compréhension que je n’avais jamais connu de ma vie.»
En fin de compte, MM. Packard et Cooke ont eu vent des escapades du jeune Raine et l’ont fait venir dans leur bureau pour avoir une franche discussion avec lui. À sa grande surprise, il n’a pas été expulsé. «Je m’attendais à de la colère et à de la discipline, mais au lieu de ça, ils ont manifesté un degré de compréhension que je n’avais jamais connu de ma vie», dit M. Maida. Tout en faisant clairement comprendre à Raine qu’il ne pouvait pas continuer de transgresser les règles et de sortir du campus pour aller donner des spectacles de rock, MM. Packard et Cooke ont reconnu le rôle important que la musique allait vraisemblablement jouer dans sa vie.
«Tu as accompli de grandes choses ici, à Ridley, lui dit M. Packard, en mentionnant le groupe musical d’élèves qu’il avait fondé et le concert pour Amnistie internationale que Raine avait organisé. Il est clair que la musique est la chose la plus importante pour toi.»
Les deux enseignants l’ont encouragé à suivre sa voie et à poursuivre sa passion. Et c’est ce qu’il a fait. Trois ans plus tard, il cofondait Our Lady Peace.
L’appui que Raine Maida et Chantal Kreviazuk ont reçu de leurs enseignants au cours de leurs années de formation leur a donné une idée bien ancrée de la façon dont on doit traiter les jeunes.
«C’est ce que nous disons toujours à la maison, dit M. Maida en pensant à ses trois fils : “Il ne faut jamais détruire le rêve d’un enfant.”»
Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).