Partagez cette page 

Contribuer au mieux-être collectif

De Toronto à l’Amazonie, les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario s’impliquent dans leur communauté et ailleurs.

De Wendy Glauser
Photos : Matthew Liteplo; Euginia Revelas Nicoletti, eao; Jason Panda, eao; et Renée MacDonald, eao.

Photo de Steven Whitaker, enseignant agréé de l’Ontario, assis dans le gymnase d’une école.
Steven Whitaker, EAO

Que ce soit en Amazonie avec des élèves pour découvrir de nouvelles espèces ou dans leur coin de pays pour donner l’occasion à des enfants défavorisés de profiter de l’expérience d’entraineurs sportifs de niveau national, les pédagogues de l’Ontario contribuent au mieux-être collectif par leur travail bénévole.

Voici quatre enseignants qui incarnent les normes de déontologie de l’Ordre (empathie, respect, confiance, intégrité) en mettant talent, temps et passion à contribution au sein de communautés locales et internationales. Laissez-les vous inspirer!

Motiver par le sport

Après plus de 20 ans de carrière, Steven Whitaker, EAO, se sentait de plus en plus frustré par une tendance qu’il avait observée chez les élèves de 4e et de 5e année : ceux qui avaient toujours bien travaillé et fait preuve de détermination commençaient à décrocher. Certains avaient carrément arrêté de faire leurs devoirs, et très peu d’effort était mis dans les travaux en classe. Dans son cours d’éducation physique, il avait également remarqué que la forme physique des élèves laissait de plus en plus à désirer.

C’est alors qu’il a eu l’idée de fonder SWAN (Sports, Wellness and Achievement Network), un organisme scolaire offrant des activités sportives et de bienêtre à Lawrence Heights, une communauté mal desservie du nord de Toronto. En partenariat avec 5 écoles de la région et plus de 30 organismes sportifs, SWAN a organisé des journées de soccer, de rugby et de baseball, et lancé des séries d’initiation au hockey, à l’athlétisme, à la course à pied et au basketball.

En amenant les enfants à reprendre gout à l’activité physique, M. Whitaker, qui enseigne à la Baycrest Public School, espère aussi leur redonner l’envie d’apprendre. «Plus vous êtes en forme, mieux vous réussirez dans tous les aspects de la vie», affirme-t-il.

M. Whitaker a constaté que la plupart des élèves ne s’adonnaient que très peu à des sports conventionnels à l’extérieur de l’école. Les saisons sont courtes, les jeux sont compétitifs et, en général, il faut déjà avoir fait du sport pour bien performer. C’est pourquoi le programme gratuit de SWAN aborde les principes fondamentaux du sport de manière amusante et captivante. M. Whitaker compte également sur l’appui d’entraineurs professionnels de divers organismes sportifs municipaux et provinciaux pour donner aux enfants une expérience de qualité.

Dans son programme, M. Whitaker a tissé un lien explicite entre la réussite sportive et la réussite scolaire. Par exemple, à Baycrest, le personnel enseignant aide les élèves avec leurs devoirs durant l’heure qui précède la séance d’entrainement dans le cadre du programme de basketball pour débutants. Les entraineurs prêtent aussi leur aide en offrant aux élèves du soutien personnalisé. «Ça les aide à se motiver», explique M. Whitaker.

M. Whitaker souhaite étendre son programme dans les écoles intermédiaires et secondaires de Lawrence Heights pour former des leadeurs dans le domaine du sport. SWAN veut offrir à des volontaires une formation gratuite et la possibilité d’obtenir la certification d’entraineur pour qu’ils puissent renforcer leur curriculum vitæ et leur leadeurship, et prendre de l’assurance. Récemment, M. Whitaker a emmené des élèves de Baycrest du jardin d’enfants à la 5e année à un entrainement sur piste d’une école secondaire locale. L’entraineur lui a dit que c’était le meilleur taux de participation qu’il avait vu de toute l’année. «Tous les élèves ont voulu venir aider les plus petits», dit-il. 

Photos d’un voyage de biologie de conservation en Amazonie et d’une œuvre à la craie à Kitchener Waterloo, en Ontario.
Biologie de conservation en Amazonie. Œuvre à la craie à Kitchener Waterloo, en Ontario.

Élargir la vision du monde

En février 2019, lorsqu’un groupe d’élèves du secondaire et des étudiants d’universités se sont rendus en République dominicaine pour faire du bénévolat, les disparités constatées étaient flagrantes. Les élèves et les enseignants ont eu droit à un repas composé de bananes plantains frites, de poulet et de poisson richement assai-sonnés, et d’un plat dominicain traditionnel composé de riz et de haricots. À l’église qui les hébergeait, sœur Maude leur a expliqué que certains enfants de l’école du quartier ne consommaient que du pain et une boisson protéinée en poudre pendant la journée.

«Nous nous sommes sentis coupables, se rappelle Renée MacDonald, EAO, une enseignante qui a fait le voyage avec 13 élèves, y compris sa fille. Elle était accompagnée de Patrice Forgues, EAO, un collègue de l’école secondaire catholique de Hearst, une communauté au nord-ouest de Timmins. La sœur nous a dit : ‘‘Vous n’avez pas l’habitude de ne pas manger. Si vous ne mangez pas, vous ne serez d’aucune aide.”»

L’importance de prendre soin de soi afin de pouvoir aider autrui était l’une des nombreuses leçons retenues lors du voyage. Mme MacDonald voit comment les leçons ont changé les habitudes des élèves et de sa fille en particulier. «Ils ne gaspillent plus la nourriture autant qu’avant et l’argent a plus de valeur [pour eux] qu’avant», explique Mme MacDonald.

Les élèves étaient divisés en deux groupes et ils passaient la journée à un batey – une communauté d’ouvriers agricoles de canne à sucre, ou à préparer des colis comprenant des sacs de farine, du riz, des haricots, du sucre, de l’huile, des sardines, des allumettes et des biscuits. Au batey, les élèves posaient des questions sur les besoins de chaque famille. «Ils ont appris à surmonter la barrière linguistique et à acquérir de l’assurance», affirme Mme MacDonald, qui a surtout remarqué un regain de confiance chez sa fille. Pendant que la moitié du groupe interrogeait les membres de la communauté, l’autre animait des jeux et activités pour les enfants.

L’expérience a élargi leur vision du monde. «Ils ont grandement apprécié la camaraderie des Dominicains», dit Mme MacDonald, qui ajoute que certains élèves ont échangé leurs coordonnées avec des orphelins de la mission. Et cela leur a ouvert les yeux sur d’autres possibilités. «Le voyage a permis à certains élèves de réaliser qu’ils voulaient travailler avec des enfants. Un autre a envisagé la possibilité de travailler pour Médecins sans frontières.» Depuis lors, trois élèves de Hearst ont décidé de se joindre à une mission en Afrique durant les congés de fin d’année.

Établir un dialogue mondial

Lors de sa dernière expédition bénévole en biologie de la conservation en Amazonie et sur les iles Galápagos, Euginia Revelas Nicoletti, EAO, et ses élèves ont dormi sous une tente près du nid d’un boa constrictor. (Les scientifiques locaux et des Sanis de la région l’ont assurée qu’il ne quittait jamais son nid!) Ils se levaient à 6 h 30 pour faire des randonnées dans la jungle, où ils ont capturé et répertorié des papillons avant de les relâcher, ont préservé de nouvelles espèces et installé des caméras à détecteur de mouvement pour filmer des animaux. «C’était fantastique de savoir que des pumas, des jaguars et des fourmiliers étaient dans les parages, mais nous ne les avons pas vus parce qu’ils avaient peur de nous», explique Mme Revelas Nicoletti, enseignante de sciences à la Holy Name of Mary College School, à Mississauga.

Mme Revelas Nicoletti est bénévole pour Operation Wallacea, un réseau scolaire qui organise des expéditions pour les élèves dans des zones protégées et soutient en même temps des recherches en conservation. Elle a participé à deux excursions : une en Amazonie, l’autre en Croatie, où des élèves ont exploré des grottes pour libérer des insectes. Ils ont aussi plongé au fond de l’océan pour compter les espèces d’herbes marines et évaluer les dommages causés aux herbiers par la pêche clandestine.

Une cohorte typique comprend environ 25 élèves d’écoles secondaires y compris une poignée d’élèves de l’école de Mme Revelas Nicoletti et d’autres écoles participantes dans le monde. Durant la journée, les élèves étaient divisés en groupes de cinq à huit avec un ou deux scientifiques par groupe.

Des élèves de l’Ontario visitent une école et travaillent bénévolement dans les champs de canne à sucre en République dominicaine.

Avant de partir, les élèves reçoivent une formation en méthodes de comptage et de collecte de données, ainsi que de nombreuses formations sur la sécurité. Ensuite, ils travaillent aux côtés de scientifiques locaux et internationaux (certains dorment dans un hamac suspendu sous des tentes dans la jungle depuis un an) pour recueillir des données. «Nos manuels enseignent les bonnes techniques d’échantillonnage et ce que cela signifie, c’est-à-dire des jours, des semaines et des années de travail méticuleux, explique Mme Revelas Nicoletti. C’est de l’apprentissage expérientiel qui permet aux élèves de mieux apprécier le dévouement de ces scientifiques et les contributions importantes aux efforts de conservation à l’échelle mondiale.»

Le travail peut parfois ressembler à une course contre la montre. «Il peut y avoir des espèces en voie d’extinction et nous ne sommes même pas conscients de leur existence. Nous devons être en mesure de faire la distinction entre les espèces qui font partie d’un écosystème en bonne santé, lesquelles sont endémiques à la région, et si des espèces invasives posent un risque de les pousser à l’extinction», explique Mme Revelas Nicoletti.

Au cours de ses excursions (elle dirige également une mission médicale tous les ans en République dominicaine), Mme Revelas Nicoletti rappelle fréquemment à ses élèves les objectifs de développement durable de l’ONU. Quand ses élèves voient des matières plastiques dans l’océan pendant qu’ils échantillonnent des poissons, ils les enlèvent. «Cette responsabilité nous appartient à tous. L’eau ne connait pas les frontières et sans eau, il n’y a pas de vie.»

Créer des œuvres inspirantes

Jason Panda, EAO, enseignant de graphisme au Kitchener Collegiate & Vocational School (KCI), veut que ses élèves contribuent à la communauté. «Je ne veux pas que les élèves fassent quelque chose parce qu’on leur a dit de le faire. Je veux qu’ils pensent à leurs gestes comme ayant un sens et un objectif.»

C’est pourquoi, au fil des ans, M. Panda a supervisé de nombreux projets artistiques communautaires, y compris une œuvre à la craie à l’extérieur de l’hôpital Grand River et une exposition annuelle (pendant cinq ans) de photos d’élèves.

Chaque année, en septembre, le Département d’art du KCI et des élèves travaillent ensemble pendant une semaine sur une œuvre colorée ornant un trottoir devant l’hôpital pour souligner le Mois de la sensibilisation au cancer infantile. «Un groupe trace les contours, tandis qu’un autre colorie, explique M. Panda. L’œuvre n’appartient à personne et, s’il pleut, on recommence. C’est le geste qui compte.»

Certaines années, le personnel de l’hôpital, les patients et les visiteurs sont sortis pour contribuer au dessin ou simplement pour voir les élèves en action. «L’objectif est d’établir ce lien», dit M. Panda, qui a appris que des membres du personnel et des patients suivaient l’évolution de l’œuvre des fenêtres de l’hôpital.

Son projet Imagine a Show, qui a duré de 2012 à 2017, a également incité les élèves à tisser des liens avec la communauté et à apprécier la pertinence de leurs travaux artistiques. Chaque année, M. Panda invitait des élèves du Waterloo Region District School Board à soumettre des photos pour une exposition. Une fois, l’hôpital Grand River a invité les élèves à prendre des photos dans les coulisses et elles ont été par la suite affichées à THEMUSEUM de Kitchener, en Ontario. Une autre fois, les élèves ont pris des photos qui représentaient, à leurs yeux, leur communauté, puis elles ont été exposées au centre commercial Conestoga, à Kitchener.

M. Panda a donné quelques ateliers en photographie dans la région de Waterloo, et il a même payé les frais d’impression des photos exposées. L’objectif était d’aider les élèves à renforcer leurs compétences en photographie et leur confiance en eux. «Une des choses les plus difficiles pour moi est d’exposer mes œuvres et de me demander si on va les apprécier et y attacher de la valeur, dit-il. Je crois qu’il est important que les enfants apprennent tôt à les partager et qu’ils n’aient pas peur de le faire.»