Louise Leclair-Bélanger cherche, si possible, à connaitre ses nouveaux élèves avant la rentrée des classes. C’est une des stratégies de son enseignement différencié.
De Philippe Orfali Photos : Matthew Liteplo
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L'année scolaire 2018-2019 n’est pas encore terminée que Louise Leclair-Bélanger, EAO, se renseigne déjà sur les élèves qui vont fréquenter sa classe à la rentrée.
Alors que les élèves ne pensent qu’aux vacances d’été, l’enseignante de 6e année de l’école élémentaire catholique Lamoureux, à Ottawa, elle, réfléchit à la meilleure façon d’accueillir ses nouveaux élèves dans sa classe en septembre. Passion du hockey pour l’un, besoin irrépressible de bouger pour l’autre; elle tiendra compte des particularités de chacun, se promet-elle.
«En les regardant évoluer dans la cour d’école, j’essaie autant que possible d’apprendre à les connaitre, de tisser des liens avec eux. Je me renseigne sur leurs intérêts et leurs passetemps afin de les intégrer dans mes stratégies d’enseignement», résume-t-elle.
L’enseignante discute aussi avec ses pairs et les parents quand cela s’avère possible, mais elle préfère se concentrer sur ses échanges avec les enfants. «C’est important pour moi de me faire ma propre petite idée», prend-elle soin de préciser.
La passion pour la profession enseignante qui l’anime est au cœur de sa pratique pédagogique. Elle excelle dans l’art de personnaliser son enseignement afin que chaque élève ait la chance de s’épanouir, de se réaliser dans son parcours scolaire, et ce, dans un milieu stimulant.
C’est l’un des facteurs qui l’ont menée à recevoir un Certificat d’excellence dans le cadre des Prix du Premier ministre du Canada pour l’excellence dans l’enseignement, prix qui lui a été décerné lors d’une cérémonie en mai dernier au Centre national des arts (CNA).
Mme Leclair-Bélanger enseigne à l’école Lamoureux depuis presque 30 ans, ayant décidé que c’était dans ce centre d’enseignement personnalisé qu’elle souhaitait poursuivre sa carrière.
À Lamoureux, l’approche pédagogique est basée sur les principes de la méthode Montessori, lesquels mettent l’accent sur le respect du rythme de chaque enfant et sur la responsabilisation des élèves pour leur apprentissage. L’objectif est de les aider à développer leur autonomie et à avoir le sens des responsabilités.
L’enseignante a progressivement fait siens ces principes, devenant au fil des années un modèle pour ses pairs.
«Mme Louise est tout simplement une enseignante qui dégage le bonheur en salle de classe. […] Elle a vraiment un don pour reconnaitre les habiletés de tous. Nous nous sentions très valorisés», précise une de ses anciennes élèves.
L’enseignante reconnait d’emblée que l’approche personnalisée nécessite une certaine dose de courage et d’audace pour les professionnels qui la pratiquent. Mais elle insiste pour dire que tant les pédagogues que les élèves peuvent en retirer des bénéfices, qu’ils évoluent dans une école d’enseignement personnalisé ou non. C’est l’état d’esprit qui compte.
Un des éléments au cœur de son approche est la souplesse de l’aménagement de sa salle de classe. Sa classe est un second chez-soi pour l’enseignante, «une sorte de refuge», et elle tient à ce qu’il en soit de même pour ses élèves.
«Si la Louise Leclair-Bélanger d’il y a cinq ans mettait les pieds dans sa salle de classe d’aujourd’hui, elle aurait tout un choc», lance à la blague l’enseignante, qui se décrit comme étant hyper-structurée.
«Avant, le concierge de l’école me taquinait parce que j’avais mis des rubans adhésifs sur le plancher pour indiquer exactement où allaient les pupitres!»
Ces pupitres ont depuis longtemps été relégués aux oubliettes. Dans plusieurs cas, les traditionnelles chaises aussi. Idem pour la plupart des tableaux noirs. «Je ne le cacherai pas, ça a été une adaptation difficile, mais aujourd’hui je suis très satisfaite du résultat et de l’effet que cela a eu sur ma classe», dit-elle, ajoutant qu’elle s’est beaucoup inspirée de certains collègues pour y parvenir.
Ici et là dans la salle, les enfants qui arrivent découvrent tapis de yoga, coussins, ballons de stabilité et même des vélos stationnaires installés sous les tables de travail, destinés aux élèves atteints de trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité. «Cette nouvelle réalité nous oblige à nous adapter nous aussi. Avec leur bicyclette, ils peuvent bouger et apprendre en même temps», soutient-elle.
Les élèves peuvent choisir d’écrire dans leur cahier, sur de petits tableaux personnels effaçables ou encore sur les tableaux aux murs. Elle est persuadée que cette «autogestion» responsabilise les élèves. Son bureau, quant à lui, est situé en retrait, à l’arrière de la classe, afin de consacrer l’essentiel de l’espace aux différentes zones d’apprentissage.
Aux murs sont affichés quelques éléments de rappel de la matière à l’étude, mais sans plus. Un autre espace est consacré à la manipulation des OzobotMC, des robots que les élèves prograMment et à partir desquels ils relèvent des défis dans des situations d’apprentissage des mathématiques et du français.
La surintendante de l’éducation du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est, Marie-France Paquette, EAO, qui a eu l’occasion de travailler avec Mme Leclair-Bélanger, voit d’un bon œil cet aménagement. «Louise transforme l’expérience de l’apprentissage en créant un environnement qui donne le gout d’apprendre», reconnait-elle.
Lorsque la cloche retentit dans l’école pour marquer le début des cours, Mme Leclair-Bélanger est à l’affut, saluant chaleureusement chaque élève. Ce contact matinal permet d’obtenir leur respect, mais aussi de déterminer leur état d’esprit. «Si quelque chose ne va pas, on le voit à l’arrivée. Ça me permet de proposer des activités en conséquence, le temps que les choses se placent.»
En début de journée, l’élève consulte son «contrat» et les fiches de travail qu’il contient. Il fait un choix dans l’ordre des activités à effectuer, mais un contrat doit être terminé avant d’en entamer un autre.
Le début de l’année scolaire peut quelquefois être mouvementé, le temps que se bâtisse la relation de confiance entre l’enseignante et les élèves. Toutefois, une fois la première semaine terminée et que les élèves ont fait leurs premiers choix, elle soutient avoir peu ou pas de discipline à faire.
«Louise maitrise vraiment l’art de la différenciation. Elle est à l’écoute des élèves et leur permet de développer leur leadeurship en les plaçant toujours au centre de leur apprentissage. Les élèves sont impliqués dans toutes les décisions et peuvent influencer les projets de la classe. Elle réussit, année après année, à amener tous ses élèves à croire en eux. Quel que soit leur profil, chacun des élèves qui passent par sa classe en sort confiant et valorisé», observe Annik Rouse, EAO, l’ancienne directrice d’école du centre d’enseignement personnalisé Lamoureux où elle a travaillé pendant quelques années.
Surintendante de l’éducation, Marie-France Paquette abonde dans le même sens. «Mme Leclair-Bélanger transforme l’expérience de l’apprentissage en créant un environnement qui donne le gout d’apprendre. Elle développe le leadeurship et la voix de l’élève en les plaçant au centre de leur apprentissage. Ses gestes pédagogiques réfléchis permettent à tous les élèves de sa salle de classe de s’épanouir et de vivre des expériences d’apprentissage authentiques», dit-elle.
Par exemple, pour un élève difficile, mais complètement passionné du hockey, elle a acheté des cartes de hockey. Une de ses premières tâches à la rentrée fut d’établir un mode de classement des cartes dont tous pourraient bénéficier. «En songeant à des tâches comme celles-là, on montre à l’élève qu’on l’accepte. Il voit qu’on tient compte de son opinion, de son avis, et qu’on le respecte. C’est lui l’expert. Ce faisant, on établit un respect mutuel. L’enseignement devient alors beaucoup plus facile», explique Mme Leclair-Bélanger.
Un simple exercice d’exploration et d’exploitation d’applications sur ordinateur a, pour sa part, mené à la tenue de Lamo-Techno, sorte de foire technologique où les élèves ont présenté près de 25 ateliers aux élèves et aux enseignants de toute l’école. De simples travaux en classe sont donc devenus des projets collectifs d’envergure grâce à l’enthousiasme et à la mobilisation des élèves.
Ses élèves ont aussi décidé de créer un site internet qui offre des leçons et des activités liées au sujet, en plus de mettre sur pied la Soirée technologique pour les familles, qui visait à appuyer les parents dans le virage technologique. «Le niveau d’implication et de connaissances des élèves a été tel que ceux-ci ont joué le rôle d’enseignants auprès de leurs propres enseignants, conclut Mme Leclair-Bélanger. Ils m’avaient dépassée depuis longtemps.»
Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.