Un plus grand partage d’histoires, de théories d’apprentissage et de pédagogies favorise les élèves.
DE STUART FOXMAN
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L’exploration de nouvelles façons de tisser des liens avec les élèves et d’aborder le curriculum est au cœur du perfectionnement professionnel. «Il n’y a pas de voie unique pour y parvenir», déclare Luanne Martin, EAO. Selon elle, une des façons consiste à enchâsser plus de perspectives autochtones dans toutes les qualifications additionnelles (QA).
«Une partie de notre responsabilité en tant que pédagogues et apprenants à vie est d’être sensible à la culture», déclare Mme Martin, qui a enseigné du jardin d’enfants à la 8e année pendant plus de 30 ans dans les écoles des Premières Nations, à environ 25 km au sud-ouest de Hamilton, en Ontario.
Cela n’a pas toujours été le cas. Aujourd’hui, tous les cours menant à une QA présentent un contenu particulier lié aux connaissances, à la culture et à l’histoire autochtones. Les QA mettent aussi l’accent sur les façons de savoir autochtones, sur les partenariats communautaires et sur les éléments d’émergence de la conscience critique (p. ex., décolonisation, pratiques réparatrices, abandon des préjugés personnels et systémiques, du pouvoir et des privilèges).
Les cours menant à une QA axée sur les Autochtones incluent aussi des cadres conceptuels particuliers à la culture et créés par la communauté. Ils positionnent les cours comme étant basés sur la communauté et dirigés par des Autochtones : des ainés, des pédagogues, des membres de la communauté, des conférenciers et des détenteurs du savoir ont guidé l’élaboration de nombreuses QA.
Aujourd’hui à la retraite, Mme Martin a participé aux consultations de l’Ordre sur les QA. Elle travaille avec Six Nations Polytechnic à superviser l’élaboration des cours menant à une QA. L’établissement offre une variété de cours, allant de l’enseignement du mohawk et de l’enseignement aux enfants des Premières Nations, des Métis et des Inuits, aux mathématiques et à l’éducation de l’enfance en difficulté.
La nouvelle orientation sur le contenu et les approches autochtones est transformatrice. Selon Mme Martin, elle améliore l’efficacité des cours et des enseignants qui les suivent, quel que soit le domaine.
Depuis de nombreuses années, Six Nations Polytechnic est un fournisseur de QA. Au cours de la dernière décennie, l’établissement a dirigé le développement de diverses lignes directrices et de cours menant à une QA, s’assurant du coup que la conception et la mise en œuvre des QA incluent l’expérience vécue et les perspectives de la communauté. Quand l’élaboration et le matériel d’une QA sont plus diversifiés, le paysage change. «Ainsi, on ne raconte pas une seule histoire, dit-elle. Nous voulons que tous les élèves se retrouvent dans le contenu qu’ils apprennent.»
«L’apprentissage doit s’appuyer sur votre vie et sur votre vision du monde selon laquelle tout est lié à autre chose», ajoute Rebecca Jamieson, EAO, présidente et cofondatrice de Six Nations Polytechnic.
En matière de population, le peuple des Six Nations représente la plus grande communauté des Premières Nations au Canada. «Nous nous efforçons de récupérer les connaissances de nos ancêtres et de les revitaliser de plusieurs façons. Un enseignement direct prodigue aux pédagogues une partie de ce matériel», explique Mme Jamieson.
Il est essentiel d’amener davantage à l’avant-plan les connaissances qui ont été marginalisées. Comme le dit Mme Martin, la réconciliation est un verbe d’action, pas seulement une reconnaissance.
Les connaissances, la culture et l’histoire des peuples autochtones peuvent être liées à tout, de la souveraineté alimentaire à l’aménagement du territoire, en passant par la justice sociale. En fait, elles peuvent faire partie intégrante d’une variété de QA ou de leçons en classe. Par exemple, selon Mme Martin, la science peut inclure des enseignements traditionnels sur l’eau ou le système solaire : c’est juste une autre façon authentique de savoir.
«Il faut remettre en question l’hypothèse selon laquelle il n’y a qu’une seule base de connaissances et une seule norme sociétale», dit M me Jamieson.
Un leadeurship et un contenu plus autochtones font plus qu’élargir la portée des sujets traités dans les QA. C’est là l’avantage.
Il est également essentiel d’élaborer des QA plus inclusives, quelle que soit la matière, «afin d’assurer que le curriculum enseigné comprend diverses façons de savoir et d’être», affirme Mme Martin.
«Le contenu autochtone se présente sous différentes formes, dont l’analyse d’un concept, explique Mme Jamieson. La façon dont vous comprenez le concept d’équilibre dans la vie et dont vous le maintenez, par exemple en sciences de l’environnement, reflète votre état d’esprit.»
L’inclusion d’une plus grande variété de théories d’apprentissage, de cadres de travail et de pédagogies peut dans certains cas aider expressément les élèves autochtones. Or, en fin de compte, elle aide tous les élèves.
Comment intégrer au mieux les points de vue des Autochtones? «La participation à l’échelle locale est nécessaire pour que les connaissances traditionnelles puissent être enchâssées de manière organique, et non comme un compartiment ou un silo distinct», souligne Mme Martin.
Par exemple, les théories d’apprentissage utilisées dans les QA doivent inclure la vision du monde, les enseignements et les pédagogies autochtones. «Mais pourquoi ne pas les inclure au sein des théories principales, au lieu de les proposer comme ajout?», demande M me Martin.
«Nous espérons que les enseignants reconnaitront que les peuples autochtones ne sont pas qu’une simple note de bas de page, poursuit-elle. Examinez de façon critique les ressources, le contenu, la formulation et les messages pour connaitre les connaissances importantes. Comprendre les problèmes, rechercher la vérité ainsi que reconnaitre l’histoire et la valeur des points de vue traditionnels de chacun permettront de réaliser d’importants progrès.»