L’année scolaire 2019-2020 a eu son lot d’obstacles pour maints nouveaux enseignants, mais l’augmentation de la demande cette année, et probablement dans les années à venir, laisse présager de nouveaux gains d’emploi.
De Frank McIntyre et Elizabeth Malczak
Illustration: iStock
Le taux de chômage des enseignantes et enseignants en début de carrière continue de reculer. Et puisque le nombre d’étudiants en enseignement en Ontario est insuffisant, il est clair que cette pénurie continuera de donner du fil à retordre aux conseils scolaires.
Les nouveaux diplômés en enseignement de la province signalent un taux de chômage moins élevé pour l’année scolaire 2019-2020 que les années précédentes. Selon le dernier sondage, le taux de chômage des diplômés en première année de carrière en Ontario se situe à 6 %, tandis que le taux moyen des enseignants dans leur deuxième à cinquième année de carrière est entre 2 et 3 %. Ces chiffres sont bien inférieurs aux taux de plus de 10 % enregistrés ces dernières années.
Malgré le marché du travail favorable en 2019-2020, le chemin n’a pas été facile pour ceux qui ont voulu progresser d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps plein.
La fermeture des écoles en mars 2020 a mis fin à l’emploi de quantité de suppléants à la journée et a réduit le nombre de journées d’enseignement par semaine pour d’autres. Beaucoup d’enseignants en première année de carrière disent qu’ils n’ont pas enseigné autant qu’ils le voulaient pendant l’année scolaire; ce taux de sous-emploi a grimpé de 14 % en 2019 à 34 % en 2020. Les retards dans les entretiens d’embauche et les nominations après la fermeture des écoles se sont ajoutés aux effets de la pandémie de COVID-19.
Dans l’intervalle, les conventions collectives des fédérations d’enseignantes et d’enseignants de la province ont permis de résoudre les incertitudes futures concernant le financement lié à l’effectif moyen des classes pour les conseils scolaires. En effet, on ne parle plus d’augmenter le nombre d’élèves par classe dans les écoles secondaires de 22/1 à 28/1. Néanmoins, la moyenne est passée à 23/1 en 2019-2020, comparativement à 22/1 l’année précédente, une augmentation qui réduit les possibilités d’emploi au secondaire.
Les effets combinés de la fermeture des écoles et de l’augmentation de l’effectif des classes au secondaire se manifestent dans la différence des taux de chômage entre les divers cycles d’enseignement chez les enseignants en première année de carrière.
Le manque de nouveaux enseignants pour répondre aux besoins annuels en matière de recrutement en Ontario ces dernières années a réduit le chômage chez les enseignants en première année de carrière à tous les cycles. Or, les résultats de notre sondage 2020 s’écartent de cette tendance.
Le faible taux de chômage de 6 % signalé en 2019 s’est maintenu aux cycles primaire-moyen, une baisse significative par rapport aux 16 % rapportés en 2017. Le taux de chômage des enseignants en première année de carrière aux cycles intermédiaire-supérieur a, pour sa part, doublé, passant de 4 % en 2019 à 8 % en 2020, quoique ce taux reste bien inférieur aux 15 % enregistrés en 2017. Les enseignants d’éducation technologique en première année de carrière connaissent également une hausse du taux de chômage, qui est passé de zéro en 2019 à 13 % en 2020. Le faible nombre d’enseignants d’éducation technologique et de répondants au sondage justifie toutefois une certaine prudence dans l’interprétation de ce résultat. Selon les résultats de l’enquête de cette année, le chômage aux cycles moyen-intermédiaire est passé de 3 à 4 %.
L’embauche d’enseignants en première année de carrière dans la province a diminué à 80 % dans notre sondage de 2020, contre 86 % l’année précédente. Les écoles indépendantes de l’Ontario ont, quant à elles, presque doublé leur embauche, passant de 6 % en 2019 à 11 % en 2020. À l’extérieur de la province, l’embauche a grimpé de 6 à 8 %.
La première section, intitulée Enseignants en début de carrière ayant un poste permanent, comporte un graphique à barres qui montre le pourcentage d’enseignants en début de carrière ayant un poste permanent dans un conseil scolaire de langue française, d’enseignants qualifiés pour enseigner le FLS dans les conseils scolaires de langue anglaise, et d’enseignants anglophones dans les conseils scolaires de langue anglaise.
La deuxième section, intitulée Taux de chômage des enseignants en première année de carrière, comporte quatre diagrammes circulaires qui montrent le taux de chômage des enseignants en première année de carrière aux cycles primaire-moyen, moyen-intermédiaire, intermédiaire-supérieure, et en éducation technologique entre 2017 et 2020.
Les différences selon la langue d’enseignement et les employeurs persistent dans le rapport de cette année sur la progression des enseignants en début de carrière passant d’un emploi à temps partiel à un emploi permanent. Les enseignants des conseils scolaires de langue française passent rapidementde la suppléance ou d’un contrat à long terme à un contrat permanent. Plus de la moitié d’entre eux trouvent un emploi permanent dès la première année et quatre enseignants sur cinq y sont parvenus en troisième année de carrière. De même, près d’un diplômé qualifié pour enseigner le français langue seconde (FLS) sur trois dans les conseils scolaires de langue anglaise décroche un contrat permanent pendant sa première année; en cinquième année de carrière, quatre enseignants sur cinq en détiennent un.
En revanche, seuls 5 % des enseignants des conseils scolaires de langue anglaise non qualifiés pour enseigner le FLS ont décroché un emploi permanent au cours de leur première année de carrière, et seulement 43 % y étaient parvenus après cinq ans. Cette très lente progression professionnelle constitue, en partie, des restes du surplus importants d’enseignants qualifiés pour enseigner en anglais observé récemment.
Le processus d’embauche à entrée progressive dans les conseils scolaires de langue anglaise s’est avéré un autre obstacle au lancement de la carrière des enseignants non qualifiés pour enseigner le FLS. L’admissibilité à l’embauche n’étant pas transférable d’un conseil scolaire à l’autre, les enseignants devaient donc attendre les ouvertures de postes permanents au sein de leur propre conseil scolaire après avoir accumulé une ancienneté suffisante. Même les suppléants très expérimentés ne pouvaient pas considérer des postes pour lesquels ils étaient qualifiés ailleurs qu’au sein de leur propre conseil scolaire.
En 2020, on a toutefois modifié cette règlementation provinciale. Dès l’année scolaire 2020-2021, les conseils scolaires pourront généralement prendre en considération tous les candidats qualifiés pour les contrats à long terme et les postes permanents, et non seulement ceux qui sont déjà employés par leur conseil scolaire ou avec qui ils ont de l’ancienneté. Au fil du temps, ce changement permettra à un plus grand nombre d’enseignants qualifiés pour enseigner en anglais de progresser plus tôt d’un emploi précaire à un emploi permanent, et ce, où ils souhaitent enseigner à long terme.
Le marché du travail ontarien pour les enseignants en début de carrière en 2020 est très différent de celui des dernières années, marquées par le surplus de personnel. En 2014, près de 33 000 diplômés en enseignement de l’Ontario ayant obtenu l’autorisation d’enseigner au cours des cinq années précédentes étaient actifs sur le marché du travail dans la province. On estime que 7 700 d’entre eux se trouvaient au chômage cette année-là. Six ans plus tard, le groupe comparable sur le marché du travail comptait environ 20 000 personnes actives, soit une réduction d’environ 40 %. Le taux de chômage moyen ayant chuté de 24 à 3 %, le nombre estimé d’enseignants en début de carrière au chômage en 2020 a diminué à environ 600.
Les données actualisées que nous utilisons pour prévoir chaque année le nombre de nouveaux enseignants et de départs à la retraite indiquent une marge beaucoup plus étroite qu’à aucun autre moment au cours des deux dernières décennies. Le chômage chez les enseignants en début de carrière devrait encore diminuer au cours des prochaines années. Le nombre de nouveaux enseignants sera insuffisant pour pallier les départs à la retraite, ainsi que pour prendre en charge les classes supplémentaires nécessaires pour accueillir le nombre croissant d’élèves à l’élémentaire et au secondaire dans certaines régions.
La section, intitulée Taux de chômage en début de carrière, comporte deux diagrammes circulaires qui montrent le taux de chômage des enseignants en première année de carrière et celui des enseignants de la deuxième à la cinquième année de carrière en 2014, en 2017 et en 2020.
La démographie sous-jacente de l’offre et de la demande d’enseignants sera très difficile pour les conseils scolaires dans les années à venir. La pandémie de COVID-19 rend la gestion de ce déficit de remplacement des enseignants encore plus ardue. Parmi les membres de l’Ordre, depuis 2019, plus d’enseignants que prévu n’ont pas renouvelé leur inscription en 2020, ce qui a entrainé la perte d’environ 3 600 enseignants qualifiés pour enseigner en Ontario. On ignore si et quand ces enseignants «manquants» pourront être disponibles afin de répondre aux besoins futurs en personnel. De plus, si la crise sanitaire persiste en 2021, cela pourrait causer d’autres départs.
En outre, on s’attend à ce que les suppléants mis à pied en mars 2020 aient eu la possibilité de reprendre leur carrière lors de la réouverture des écoles en septembre dernier. La plupart d’entre eux nous ont dit qu’ils le voulaient. Les conseils scolaires ont embauché du peronnel enseignant pour combler les besoins des classes en 2020-2021, tant en virtuel qu’en présentiel, avec des classes temporairement réduites lorsque des ressources supplémentaires ponctuelles étaient autorisées. Ils ont octroyé plus de contrats à long terme et pourvu plus de postes permanents en puisant dans leur liste de suppléance.
Au cours des prochaines années, les conseils scolaires devront relever le défi du recrutement dans toutes les sphères, des listes de suppléance à la journée aux postes permanents. La pénurie s’aggravera pour les conseils scolaires de langue française. Les conseils scolaires de langue anglaise connaitront eux aussi des pénuries audelà des pédagogues qualifiés pour enseigner le FLS, et ils devront recruter massivement pour pourvoir les postes vacants à l’élémentaire et au secondaire.
Le nombre de programmes de formation à l’enseignement en Ontario n’est pas suffisant pour répondre aux besoins futurs, et beaucoup moins d’enseignants viennent s’installer en Ontario de nos jours qu’auparavant.
En attendant que ces problèmes soient résolus, il existe un bassin de nouveaux enseignants potentiels en Ontario. Les conseils scolaires peuvent les recruter pour répondre à certains des besoins à court terme. Durant les années de pénurie d’emplois, de nombreux diplômés de l’Ontario ont déménagé dans d’autres provinces et d’autres pays pour commencer leur carrière. En 2020, plus de 2 000 membres de l’Ordre résidaient à l’extérieur de l’Ontario. Les résultats de notre plus récente enquête révèlent que bon nombre d’entre eux souhaitent revenir dans la province. Le règlement révisé permet non seulement d’embaucher des enseignants d’autres conseils scolaires de la province, mais il donne aussi aux conseils scolaires plus de latitude pour embaucher des enseignants de l’extérieur de l’Ontario.