Les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario ont fait des découvertes concernant les élèves, eux-mêmes et l’enseignement.
De Stuart Foxman
Illustration: Nathan Hackett/Anna Goodson
La gentillesse ne coute rien… Raison de plus pour la répandre. C’est le message qu’Andrea Murree, EAO, a transmis à ses élèves de 1re année à la St. Matthew Catholic School, à Toronto.
Ils ont appris un poème sur la gentillesse et ont discuté de ses nombreuses formes. Mme Murree a demandé aux enfants de dessiner au centre d’un cœur ce qui les rend uniques, puis de le montrer au reste de la classe. Elle voulait qu’ils s’apprécient mutuellement. Pour elle, ce fut la leçon la plus importante de l’année.
«Cette année n’a pas porté que sur les notes aux tests, les attentes en matière de programme d’études et les objectifs d’apprentissage, explique Mme Murree. Nous avons aussi tenté d’établir des relations au sein de la communauté scolaire, de nous épauler les uns les autres et de donner un coup de main, au besoin.»
La pandémie de COVID-19 a bouleversé le monde de l’enseignement. Les protocoles de santé et de sécurité, l’utilisation de la technologie ainsi que les transitions entre les cours en personne et en ligne ne représentent qu’une partie des nouveaux défis.
Tout au long de la pandémie, les pédagogues ont fait des découvertes sur leurs élèves, eux-mêmes et leur façon d’enseigner. Quels ont été les moments les plus difficiles? Les plus valorisants? Qu’est-ce qui leur a rappelé ce qui compte le plus? Nous en avons tiré les huit leçons suivantes.
L’école est souvent synonyme de routines. Mme Murree savait les exploiter. Elle pensait que ses élèves le savaient aussi et qu’ils apprécieraient particulièrement la structure et la familiarité en période d’incertitude.
Au lieu de cela, ils se sont adaptés de telle manière qu’elle en est émerveillée. En plein dans la plus grande perturbation de leur jeune vie, ses élèves ont simplement accepté la situation sans broncher et, selon Mme Murree, ont même gardé leur sens de l’humour. «J’ai compris que la seule constante est le changement», explique-t-elle.
L’année écoulée a amené Mme Murree à laisser aller les choses. La vie et l’apprentissage peuvent basculer dans le chaos. Nous faisons tous de notre mieux. La façon dont ses élèves ont réagi lui a beaucoup appris.
«Ils ont la capacité de voir le bon côté des choses, dit-elle. Cela a favorisé une culture de positivisme. Ils continuent à m’apprendre le secret du bonheur et la meilleure façon de passer une bonne journée.»
Comme Mme Murree, Joe Archer, EAO, a été frappé par la rapidité d’adaptation de ses élèves.
«Pour moi, le thème principal, c’est la résilience. Les élèves ont dû faire preuve d’une grande résilience pour apprendre les nouvelles façons de travailler en ligne et en personne», explique M. Archer, enseignant de mathématiques à la Lakewood Elementary School, à Port Dover.
Cela ne s’applique pas à tous les élèves. Nombre d’entre eux ont de la difficulté. Mais, pour d’autres, M. Archer est d’avis que le fait de surmonter les obstacles qui ont surgi durant l’année leur a donné de l’assurance. Cela peut bien servir aux élèves et l’a renseigné sur leur capacité.
Samantha Di Blasio, EAO, est d’accord. Avant la pandémie, elle avait parfois l’impression de surcharger ses élèves de 3e année de l’Our Lady of Peace Catholic Elementary School, à Oakville. Au cours de la pandémie, elle a constaté que sa classe avait bien accueilli la technologie (lorsque l’apprentissage pratique n’était pas possible) et qu’elle avait tenu le coup malgré les circonstances.
«Leur cerveau est comme une éponge, dit Mme Di Blasio. N’oubliez surtout pas que vous pouvez les pousser au-delà du programme d’études. Avec leurs compétences et connaissances, ils sont très capables.»
«Pour certains, c’est la chance de briller. […] Grâce à l’univers en ligne, les voix calmes et timides ont la possibilité d’exceller.»
— Joe Archer, EAO
«Au début, on avait l’impression d’enseigner dans le vide», déclare Greg Chomut, EAO, enseignant d’histoire, de musique et d’arts à la Dennis Franklin Cromarty High School, à Thunder Bay. Cette école privée des Premières Nations fait partie du Northern Nishnawbe Education Council.
Dans le passé, M. Chomut bénéficiait de la rétroaction de ses élèves. Aujourd’hui, étant donné que les élèves n’utilisent souvent ni caméra ni microphone, il ne peut pas savoir s’il retient leur attention. Les circonstances l’ont donc contraint à faire ce qui est essentiel en tout temps pour un enseignant : présenter le programme d’études d’une nouvelle manière.
Pour certaines leçons, il a réalisé des vidéos d’introduction avec des effets sonores. Quand il fait une petite blague, il ajoute des rires enregistrés. Il a également proposé certaines leçons d’histoire sous forme de balados, comme l’interview d’un survivant de la Rafle des années 1960 ou l’enlèvement à grande échelle des enfants autochtones de leur famille et de leur communauté pour les faire adopter ou les placer dans des foyers d’accueil.
«L’apprentissage à distance a peut-être inspiré ces approches, mais il est toujours important de secouer les méthodes d’enseignement, affirme M. Chomut. Assurez-vous de lancer des défis nouveaux et passionnants. Si la leçon est amusante, les élèves l’apprennent. Nous devons faire preuve de créativité.»
Les élèves n’aiment pas tous l’apprentissage à distance. Mais, pour certains, c’est la chance de briller. Les cours suivis en classe peuvent s’avérer intimidants; il s’agit d’un espace où les voix plus fortes et plus confiantes se font entendre.
«Grâce à l’univers en ligne, les voix calmes et timides ont la possibilité d’exceller», déclare M. Archer.
Brent Yacoback, EAO, enseignant de sciences et coordonnateur de STIAM à la West Ferris Intermediate & Secondary School, à North Bay, l’a également remarqué.
Selon lui, un petit nombre d’élèves qui avaient habituellement de faibles résultats en classe se sont améliorés en ligne. Ils travaillaient mieux quand ils pouvaient apprendre à leur rythme ou quand les projecteurs n’étaient pas braqués sur eux. En revanche, d’autres élèves qui brillaient en classe ont pris du recul. Peut-être qu’ils désapprouvaient le format d’apprentissage ou qu’ils étaient surmenés.
Quoi qu’il en soit, M. Yacoback est fermement convaincu qu’il n’existe pas de solution universelle en matière d’apprentissage. Un même élève peut obtenir des résultats très différents selon l’approche ou le contexte. Ce n’est rien de nouveau, mais «nous devons le reconnaitre davantage», affirme-t-il.
Quant à Mme Di Blasio, elle a découvert le bon côté de l’enseignement en ligne : les élèves de la classe ne se rendent pas compte des moments où elle fait des exercices de lecture guidée ou d’enseignement différencié avec un élève en particulier. «C’est un point positif, dit-elle. L’anonymat en ligne présente de nombreux avantages. Les élèves ne se sentent pas gênés ni mis à l’écart.»
Les cours en ligne peuvent reproduire une grande partie de l’expérience d’apprentissage en classe, mais pas la totalité. «Les interactions sociales ont vraiment manqué à beaucoup d’enfants», souligne M. Yacoback. Et ce, qu’il s’agisse de collaborer en travaillant sur des projets ou de participer aux plaisanteries habituelles. «En ligne, ce n’est pas la même chose. Nous considérions parfois cela comme allant de soi, ajoute-t-il. Je ne pense pas que nous le ferons de sitôt.»
L’absence d’occasions sociales et d’activités parascolaires a montré à Josephine Virgilio, EAO, à quel point elles sont essentielles pour les élèves. «Certains enfants survivent grâce à elles. Ils ont besoin de ces exutoires», explique Mme Virgilio, enseignante de 7e année à la St. Margaret Catholic School, à Toronto, et titulaire des qualifications d’agente de supervision et de directrice d’école, 1re et 2e partie.
Pour Mme Virgilio, le stress supplémentaire que les élèves ont subi cette année n’a fait que souligner l’importance pour les enseignants de concentrer leurs efforts sur leur bienêtre général. Elle soutient que l’objectif est d’«assurer le bienêtre mental des élèves, aujourd’hui plus que jamais».
Tous les matins, Mme Di Blasio pose à ses élèves de 3e année une question au hasard qui n’a rien à voir avec le programme d’études. Elle aborde plutôt des sujets d’intérêt général comme : «Quel aliment refuserais-tu de gouter?» ou «Quels endroits aimerais-tu visiter?»
«C’est un moyen pour les élèves de se découvrir les uns les autres et d’établir des liens», explique Mme Di Blasio.
Étant donné l’année passée entièrement en ligne, elle a gardé à l’esprit l’importance de tisser ces liens. Lorsque l’on enseigne en personne, il arrive que les élèves se dispersent dès que la cloche sonne. Cette année, Mme Di Blasio a permis aux élèves qui le souhaitaient de couper la connexion à la fin du cours, mais elle a ajouté 10 minutes à la session juste pour bavarder.
«Ils veulent parler», dit-elle.
Elle en avait besoin, elle aussi. «Saisir des moments authentiques me manquait», déclare Mme Di Blasio. Bien qu’elle n’ait pas été face à face avec ses élèves toute l’année ou peut-être pour cette raison, elle croit être plus à même de communiquer avec eux.
Un jour, un élève plutôt tranquille lui a montré une paire de chaussures LeBron James. Quelques mois plus tard, elle a demandé aux élèves de nommer la personne qu’ils voudraient rencontrer s’ils pouvaient choisir n’importe qui au monde. Elle a dit à cet élève calme qu’elle avait parié qu’il dirait LeBron.
«Il m’a dit : “Comment le saviez-vous?” Il a senti que je le connaissais parce que je l’avais écouté, même si c’était une petite chose», raconte Mme Di Blasio.
En tant qu’enseignant de sciences, M. Yacoback sait que la conception d’une expérience ainsi que les conditions dans lesquelles elle est menée peuvent fausser les résultats. L’apprentissage en ligne peut avoir sa place, mais une année d’enseignement pendant une pandémie ne permet pas forcément d’évaluer au mieux son efficacité.
Cette année n’a pas été une année normale. Les élèves étaient stressés en raison de la pandémie, tout comme les parents et les enseignants. Dans de nombreux cas, plusieurs enfants apprenaient en même temps sous le même toit. Tout le monde s’est jeté à l’eau ensemble. Certains s’en sont bien sortis. Pour beaucoup d’autres, «c’était une véritable corvée», déclare M. Yacoback.
Nous n’avons jamais fait d’apprentissage en ligne à cette échelle ni dans ces circonstances. Nous en tirerons des leçons. «Mais nous devons être prudents avant de rendre des conclusions», ajoute M. Yacoback.
Les enseignants et les élèves, comme tout le monde, ont beaucoup appris cette année sur l’infection, la protection, les masques, l’hygiène, la technologie et la gestion du stress.
La plus grande leçon à retenir vaut peut-être la peine d’être rappelée chaque jour, et pas seulement en cas de pandémie. Il s’agit d’un principe universel et essentiel pour une vie heureuse et des classes positives, et la pandémie l’a bien fait comprendre. «La vie est trop courte pour la passer dans les conflits et les désaccords. Gardez la bienveillance, la gentillesse et le courage au premier plan», déclare Mme Murree.
Au cours de cette année de pandémie, la santé des élèves de Mme Muree était primordiale. Elle a essayé de les protéger de la maladie et de l’inquiétude. Ils ont appris et suivi les règles, et lui ont écrit des notes de remerciement pour les avoir gardés en sécurité. Pour Mme Murree, une autre règle l’emporte. «Mettre la gentillesse au premier plan de la pédagogie, dit-elle, pour que les élèves se sentent en sécurité.»