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Pratiques exemplaires

La sécurité, d’abord et avant tout

La recommandation professionnelle de l’Ordre La sécurité dans les milieux d’apprentissage aide à promouvoir le bienêtre physique, social et affectif des élèves.

De Stuart Foxman
Photos : istock

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Une élève portant un masque fait une présentation devant la classe.

Le mât s’élevait à six mètres. Même si son élève portait un harnais de sécurité et semblait avoir suivi les directives, Faiza Fahim, EAO, voulait vérifier une dernière chose… juste pour être sure.

Enseignante d’anglais langue seconde à l’Albert Campbell Collegiate Institute de Toronto, Mme Fahim avait emmené les élèves dans un centre de plein air où des activités amusantes visent à favoriser l’esprit d’équipe. Le personnel du centre avait expliqué les règles et pris toutes les précautions. Pour plus de tranquillité d’esprit, Mme Fahim avait décidé de faire appel à un ancien élève d’ALS à titre d’interprète : quand le bienêtre des élèves est en jeu, on n’est jamais trop prudent.

Alors que son élève se préparait à grimper au mât, Mme Fahim lui a demandé s’il se sentait nerveux. Il a déclaré qu’il se sentait capable de passer l’épreuve. C’est alors qu’il lui a confié qu’en fait, les présentations en classe l’inquiétaient davantage. Nouvellement arrivé au Canada, il se préoccupait de l’impression qu’il donnait puisque tout était nouveau pour lui : le système scolaire, la langue et ses camarades de classe. Ainsi, avant de faire une présentation en classe, il passait des nuits blanches.

La conversation a rappelé à Mme Fahim que la sécurité se définit de différentes façons à différents moments. Parfois, la peur et la gêne peuvent être aussi préjudiciables qu’une blessure physique. La sécurité physique des élèves est primordiale, mais les aspects sociaux et affectifs de leur sécurité sont non moins importants.

«Les élèves sont-ils vus et entendus? Le climat de confiance existe-t-il dans la classe? Pour moi, la sécurité, c’est d’avoir un milieu inclusif», souligne Mme Fahim.

Les enseignants doivent détecter les situations d’apprentissage dangereuses, réagir en conséquence et minimiser les risques. La recommandation professionnelle de l’Ordre La sécurité dans les milieux d’apprentissage : une responsabilité partagée précise les attentes.

Les questions sur la sécurité alimentent quotidiennement les conversations sur l’éducation et touchent tous les milieux. Pensez aux diverses menaces qui pèsent sur les élèves : l’intimidation dans la cour de récréation, les fractures osseuses sur le terrain de jeu, les allergies alimentaires à la cafétéria, les incendies dans le laboratoire, les commotions cérébrales sur le terrain de sport, les accidents avec l’équipement, les intrus dans l’école, les mésaventures lors des excursions et les salles de classe peu accueillantes.

Un élève et un enseignant portant un masque durant un cours de sciences.

Il en existe bien d’autres et les enseignants sont des garde-fous indispensables. Selon la recommandation, «reconnaitre la vulnérabilité des élèves et agir pour la réduire sont des gestes qui relèvent de votre responsabilité professionnelle».

L’attention particulière portée à la sécurité dans son sens le plus large s’avère salutaire. Prenons l’exemple de l’actuelle pandémie de COVID-19. Elle pose manifestement un problème de sécurité majeur, et pas seulement pour les aspects qui sautent aux yeux.

Les enseignants y jouent un rôle clé : ils modélisent les meilleures pratiques, veillent à ce que les élèves portent leur masque et séparent les cohortes. «Ce sont des éléments de base», explique Isabelle Boulerice-Leblanc, EAO. Elle est tout aussi attentive aux autres besoins de sécurité liés à la pandémie.

«Beaucoup d’enfants ressentent de l’anxiété», déclare Mme Boulerice-Leblanc, enseignante-ressource à l’école élémentaire publique De la Rivière Castor, située à Embrun, à 30 minutes au sud-est d’Ottawa. Les élèves entendent parler de décès, ils savent que le virus est invisible et leurs habitudes sont bouleversées. Pour Mme Boulerice-Leblanc, la sécurité consiste à les aider à faire face à la situation et à leur offrir des conseils pour se détendre.

Il faut savoir créer un environnement où les élèves ne craignent pas de faire des erreurs. «On devrait avoir une zone exempte de jugement», déclare Mme Boulerice-Leblanc.

Michelle Finn, EAO, est d’accord. Elle enseigne la religion, les sciences humaines et les sciences sociales à la Bishop Reding Catholic Secondary School de Milton. Après avoir corrigé les devoirs et fourni de la rétroaction, Mme Finn offre à ses élèves de 12e année la possibilité de soumettre à nouveau leur travail. «C’est un état d’esprit axé sur la croissance, explique l’enseignante. Le fait d’apprendre de ses erreurs réduit le niveau d’anxiété des élèves.»

L’anxiété présente-t-elle un risque pour la sécurité? «Absolument», affirme Mme Finn. Or, réduire ce risque n’est pas forcément difficile. Prenons l’exemple de l’élève d’anglais langue seconde qui ressentait de la nervosité vis-à-vis des présentations. Mme Fahim aide les élèves anxieux en leur enseignant à être de bons membres de l’auditoire : elle leur apprend à appuyer le présentateur, à être attentifs et conscients de l’impact que leur comportement peut avoir sur lui.

Elle les encourage aussi à utiliser des stratégies qui soulagent la tension nerveuse. Si un élève a du mal à établir un contact visuel, Mme Fahim lui suggère de distribuer des images, des accessoires ou des diapositives que ses camarades peuvent consulter pendant la présentation, afin que tous les yeux ne soient pas tournés vers lui. Au lieu de demander aux présentateurs de répondre aux questions sur-le-champ, ce qui est éprouvant pour certains, Mme Fahim encourage les élèves à noter leurs questions ou commentaires à l’avance afin que l’élève ait le temps d’y penser.

«Nous ne sommes peut-être pas en mesure d’éliminer complètement le stress des élèves, mais nous pouvons leur proposer des stratégies visant à rendre la tâche d’apprentissage plus accessible», explique Mme Fahim.

Connaitre les protocoles de santé et de sécurité est fondamental, de même que comprendre le large éventail de dangers. «C’est une question de prévention», affirme Andrea McCullagh, EAO, enseignante de 1re année à l’école élémentaire publique Cité Jeunesse de Trenton.

«Les exercices d’évacuation en cas d’incendie et les procédures de confinement barricadé de l’école en font partie, ainsi qu’une attention soutenue au quotidien. Quelles sont les sources de danger? Des ciseaux, un escabeau pliant, le robinet d’eau chaude – à peu près tout, selon les circonstances», explique Mme McCullagh. Elle scrute sa salle de classe avec les yeux d’un enfant et connait suffisamment ses élèves pour savoir lequel d’entre eux est le plus à risque.

Elle sent quand la tension règne dans la salle de classe ou lorsque certains élèves ont plus de difficultés. Dans ces cas-là, elle demande parfois à tout le monde de faire une pause respiratoire ou un exercice physique. «Le climat du milieu d’apprentissage est un facteur énorme. Si les enfants voient votre classe comme un espace sûr sur les plans physique et émotionnel, vous avez réussi en tant qu’enseignant», dit Mme McCullagh.

«Il est également essentiel de savoir à qui faire appel si un élève se blesse, s’il est malade ou en danger», affirme Mme Boulerice-Leblanc. Une fois, un élève de six ans lui a dit qu’il voulait mourir. On a appelé un travailleur social, prévenu les parents et veillé à ce que l’élève reçoive de l’aide professionnelle.

D’autres menaces physiques sont faciles à détecter. Par exemple, en tant qu’enseignante de sciences au secondaire, Leila Knetsch, EAO, connait les dangers des produits chimiques et inflammables. «J’ai beaucoup réfléchi à l’aménagement du laboratoire», déclare Mme Knetsch, qui enseigne de la 9e à la 12e année à l’Albert Campbell Collegiate Institute de Toronto.

Au début d’un cours, elle passe en revue les règles de sécurité obligatoires avec ses élèves et s’assure qu’ils adhèrent aux procédures préventives, par exemple garder les bouchons sur les tubes à essai et éteindre les becs Bunsen entre chaque utilisation.

Mme Knetsch est également consciente des compétences et connaissances qui correspondent aux différentes années d’études. Selon elle, des accidents peuvent se produire lorsque les enseignants surestiment la capacité ou le bon sens des élèves.

Dans un laboratoire, de nombreuses substances peuvent présenter un danger. Comme le fait remarquer Mme Finn, la façon dont les élèves sont regroupés peut aussi former un mélange explosif. En divisant sa classe de 30 élèves en groupes, l’enseignante tente de créer un espace sécuritaire pour s’ouvrir. Elle a demandé aux élèves de nommer en privé trois camarades avec qui ils aimeraient faire équipe et s’est assuré d’inclure l’un d’entre eux dans leur groupe. Elle leur a aussi demandé qui n’irait pas aussi bien dans leur groupe.

Mme Finn a réuni les groupes à la façon d’un casse-tête. «Cet exercice était essentiel, dit-elle. Vous voulez éviter une situation où un élève serait mis à l’écart ou taquiné par un camarade de classe, ou encore où des conflits de personnalités pourraient compromettre la coopération.»

Bien que les menaces physiques soient souvent les plus évidentes, Mme Knetsch souligne aussi l’importance du bienêtre mental. «Cet élément est plus difficile. On ne sait pas toujours ce que les élèves pensent et ressentent», explique-t-elle.

Mme Knetsch s’efforce de créer un climat basé sur le respect et la coopération. Pendant les activités d’apprentissage en groupes, elle règle une minuterie pour permettre aux élèves de parler à tour de rôle. Cela évite que certains élèves dominent l’espace de discussion et fait passer un message au sujet de la classe. «Cela assure le respect entre élèves en montrant qu’ils ont tous quelque chose à dire», souligne Mme Knetsch.

Mark Gaynik, EAO, enseignant de plein air à la Nantyr Shores Secondary School d’Innisfil est d’avis que le respect est aussi une pierre angulaire de la sécurité. Destiné aux élèves de 11e et 12e année, le programme Enviroventure, qu’il dirige, comprend du camping d’hiver, un voyage en canot, une randonnée en montagne et de nombreuses excursions d’une journée. «De toute évidence, les parents se demandent si leurs enfants seront en sécurité pendant le programme. C’est là que le respect entre en jeu», dit M. Gaynik.

Il enseigne à ses élèves à respecter l’environnement et à comprendre les précautions à prendre. Ils apprennent à se respecter eux-mêmes et à reconnaitre leurs limites. Ils respectent également leurs camarades de classe; ils savent que les niveaux de compétence et de confiance de chacun varient, et qu’ils doivent s’appuyer mutuellement. «La sécurité n’est pas un concept unidimensionnel», déclare M. Gaynik.

En cas de problème, il peut appliquer les compétences qu’il a acquises lors de l’obtention de certificats de premiers secours et de premier répondant en milieu sauvage. Dans une certaine mesure, la sécurité physique est une question de formation et de liste de vérification. Or, comment favoriser la sécurité affective? On n’a pas de guide à l’appui sur le sujet, mais c’est tout aussi important.

«Nous avons un comité de santé et de sécurité qui se promène à la recherche de dangers physiques. Bien qu’aucun comité ne mesure les risques socio- émotionnels, tout bon enseignant en tient compte», explique Mme Finn.

Qu’est-ce qu’un milieu d’apprentissage sûr? Selon Mme Fahim, c’est un lieu où les élèves se sentent à l’aise de demander de l’aide et du soutien à l’enseignant. Mme Knetsch ajoute que «c’est un endroit où les élèves peuvent être eux-mêmes et nouer des relations saines».

Mme Finn souligne qu’aucun type de sécurité ne doit être négligé, qu’il s’agisse du risque de fracture, de perturbations psychiques ou de chocs émotionnels. M. Gaynik parle de constituer des «contrats de sécurité» informels. «C’est quand vous vivez de vraies expériences qui se prêtent à un soutien social et affectif, ce qui permet aux élèves de s’appuyer les uns sur les autres», explique M. Gaynik.

Toute considération concernant la sécurité est importante. Quand M. Gaynik organise des expéditions, les élèves peuvent trébucher sur un terrain accidenté, être exposés aux éléments ou à l’inconnu.

Des risques peuvent aussi se matérialiser dans la salle de classe. Pensez à la façon dont les élèves peuvent ralentir leur progrès ou faire preuve de maladresse alors qu’ils essaient de se tailler une place à l’école et avec leurs pairs. D’autres peuvent se sentir exposés à des risques sur le plan affectif. D’autres encore peuvent se sentir perdus et demander à leur enseignant de les mettre sur la bonne voie.

Dehors, M. Gaynik et ses élèves évaluent les risques. Ses conseils s’appliquent à n’importe quel milieu éducatif. «Observez les environs et évaluez les dangers, dit-il. Voyez ce qui, dans le milieu, pourrait vous rendre plus sûr ou plus sécuritaire, et prenez conscience que vous disposez de l’appui de leadeurs et de camarades de classe.»