La confiance et l’empathie sont au centre du programme phare de l’Ordre pour prévenir les mauvais traitements d’ordre sexuel
d’Andrew Fifield
Photo : iStock
«Il était à notre niveau. Il était des nôtres… et il est donc devenu une personne à laquelle je m’identifiais. Quand j’y repense, j’étais comme de l’argile entre ses mains.»
Ces mots, prononcés par un survivant de mauvais traitements d’ordre sexuel infligés par un enseignant, figurent dans les témoignages vidéos qui constituent une contribution importante à un nouveau programme en ligne de prévention des mauvais traitements d’ordre sexuel élaboré conjointement par l’Ordre et le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE).
Le programme, érigé en loi par le gouvernement provincial, sera officiellement lancé le 3 janvier 2022 et renforcera la capacité de l’Ordre à servir l’intérêt public en protégeant la sécurité des élèves. Les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario doivent tous réussir le programme d’ici le 31 aout 2022 pour rester en règle, tandis que les postulantes et postulants doivent le réussir avant de pouvoir obtenir l’autorisation d’enseigner.
«L’Ordre protège les intérêts et le bienêtre des élèves; le CCPE est donc un partenaire naturel pour nous, affirme Paul Boniferro, superviseur de la transition de l’Ordre. Bien que les cas de maltraitance d’élèves soient rares, ce programme témoigne de notre engagement indéfectible pour la sécurité des élèves en offrant des occasions de perfectionnement professionnel à nos membres.»
Le contenu du programme, enrichi de témoignages vidéos de survivants et d’agresseurs, complémente les ressources existantes de l’Ordre telles que sa recommandation professionnelle intitulée Limites professionnelles. Cette information très actuelle aidera le personnel enseignant à détecter plus rapidement les signes avant-coureurs chez un élève qui pourrait être exposé à un préjudice, puis à intervenir.
«Ce programme est la prochaine étape cruciale d’une série d’initiatives que nous avons mises sur pied au cours des deux dernières années, de dire Derek Haime, EAO, registraire et chef de la direction de l’Ordre. Cela renforcera la profession lorsque tous les enseignants agréés de l’Ontario, dont je suis, pourront faire bénéficier les élèves des avantages du programme en créant des milieux d’apprentissage plus sécuritaires et accueillants.»
«S’assurer que les pédagogues incarnent la confiance qui leur est accordée est essentiel au développement de milieux d’apprentissage sécuritaires qui appuient le bienêtre des élèves.»
Le programme et le partenariat sont les premiers de leur genre pour la profession enseignante au Canada. Ils pourront donc servir de modèle pour les autres organismes de règlementation et ministères de l’Éducation, selon Noni Classen, directrice de l’éducation au CCPE.
«J’ai eu de nombreuses conversations avec des gens des quatre coins du pays, et ils surveillent cette initiative de près parce qu’elle tracera la voie, explique Mme Classen. Il y a encore une lacune lorsqu’il s’agit d’aider les enseignants à mieux comprendre ce qu’est un comportement à risque et comment agir lorsqu’ils en sont témoins.»
S’assurer que les pédagogues incarnent la confiance qui leur est accordée est essentiel au développement de milieux d’apprentissage sécuritaires qui appuient le bienêtre des élèves. Cela permet également d’établir une distinction plus claire entre les transgressions de limites qui sont le résultat d’un mauvais jugement et celles qui peuvent être le résultat d’un abus de confiance.
«Le programme met l’accent sur ce qui crée des relations saines entre les adultes et les élèves, explique Mme Classen. Un comportement jugé préoccupant n’est pas nécessairement illégal, mais cela peut néanmoins nuire aux relations parce qu’il transgresse les limites.»
Les conséquences de cette détério-ration sont évidentes dans les récits des survivants. Pour l’élève concerné, une telle réalisation rend non seulement la révélation difficile, mais elle peut aussi nuire à son rétablissement.
«Notre objectif est de veiller à ce que les relations malsaines ne débouchent pas sur quelque chose de pire, ajoute Mme Classen. Or, si c’est le cas, nous voulons que les pédagogues aient des systèmes en place pour intervenir tôt.»
Selon Mme Classen, l’intervention précoce exige de la vigilance, car la plupart des enfants qui subissent ou ont subi de mauvais traitements n’en parleront pas. Pour ceux qui le font, la révélation n’est généralement pas un évènement ponctuel. Il s’agit plutôt d’un processus qui commence souvent par un changement de comportement pour «tâter le terrain» ou encore par la révélation de détails mineurs à un adulte de confiance et l’évaluation de sa réaction.
Qui plus est, Mme Classen suggère que les survivants qui se sentaient soutenus au moment de révéler des informations étaient plus susceptibles de se rétablir.
Ce qui fait de ce programme un nouveau modèle pour la profession enseignante au Canada, c’est le lien entre le développement de relations saines et la façon dont elles peuvent prévenir les mauvais traitements et faciliter une intervention précoce et favorable lorsqu’ils se produisent, ajoute Mme Classen.
«Par le passé, nous attendions que l’enfant dise quelque chose, dit-elle. Tout repose sur le fait qu’ils doivent révéler quelque chose de difficile, mais il n’est ni réaliste ni responsable de continuer à s’attendre à une révélation naturelle de l’enfant.»