Si vous voulez qu'ils réussissent...
Une enseignante extraordinaire définit ses stratégies pour créer un milieu d'apprentissage.
Leanne Miller

Pour réussir, les enfants ont besoin de «régularité et de créativité» dit Betsy Ramsay-Currie. «Et ils ont besoin de croire en eux-mêmes. Ils ont besoin de pourvoir apprendre et montrer leurs aptitudes et leur travail à des pairs qui ont d'autres aptitudes. Ils peuvent ainsi apprécier le travail en commun.» Ramsay-Currie a consacré toute sa carrière à créer des milieux d'apprentissage permettant aux élèves de réussir. Elle est l'une des dix récipiendaires du Prix remis aux enseignantes et enseignants de l'année par le Toronto Sun en 2001, pour lequel plus de 1 200 éducateurs de l'Ontario avaient été mis en candidature.

«Nous avons appris dans un monde magique, un milieu d'apprentissage avant-gardiste, rempli d'émerveillement et de découvertes; une véritable quête de la connaissance. Elle a créé une classe que je n'oublierai jamais - remplie de couleurs, d'énergie, de découverte et d'exploration. En fait, une approche et une passion de la vie que je n'ai cessé de porter en moi depuis», écrit un ancien élève de Ramsay-Currie en appui à sa candidature.

Betsy Ramsay-Currie a commencé à enseigner dans des écoles élémentaires de la région de Toronto en 1960, a déménagé à Orillia en 1991 et a pris sa retraite en 1996. Elle continue de faire de la suppléance et du bénévolat dans des écoles du comté de Simcoe. Elle a enseigné toutes les classes de la maternelle à la 8e année, ainsi que l'anglais langue seconde, la lecture et les études autochtones. Elle a été instructrice du programme menant à la qualification de directrice ou de directeur d'école à l'IÉPO/UT, a coordonné en été des programmes d'enrichissement pédagogique, a enseigné un cours menant à une qualification additionnelle et a également enseigné pendant deux ans à Singapour avec son mari, directeur d'école. «On peut dire que j'ai vraiment touché à tout!», dit-elle en riant.

Bien commencer
«Je crois fermement que le meilleur milieu d'apprentissage est un milieu où les élèves se sentent en sûreté, capables de prendre des risques, et où ils reconnaissent les avantages de faire partie d'une équipe : leur classe.»

 

«Une fois qu'ils sont à l'aise, ils réussissent mieux.»

Ramsay-Currie a toujours tout fait pour créer ce milieu, où qu'elle ait enseigné. «Je parle aux enfants des théories sur les hémisphères gauche et droit du cerveau, en leur expliquant qu'ils auront probablement un ami dans la classe qui pourra épeler sans effort. Je les fait rapidement se tester eux-mêmes pour voir quel est leur côté dominant et je les aide ensuite à identifier leurs forces et leurs faiblesses. Nous parlons de ce qui les stresse à l'école et des stratégies à employer pour combattre ce stress. J'invite aussi les parents à me parler des problèmes de leurs enfants. Une fois que j'ai une bonne vue d'ensemble des aptitudes de mes élèves, je modifie le programme pour répondre à leurs besoins.»

Ce n'est pas la seule stratégie que Ramsay-Currie utilise au début de l'année : elle évalue aussi les aptitudes en mathématiques d'une manière peu conventionnelle. «La plupart des enseignants commencent par revoir ce qui a été fait l'année précédente. Les enfants qui ont eu de bonnes notes ou qui ont une bonne mémoire réussissent, et ceux qui ont eu des difficultés ou qui n'ont pas de mémoire accrochent et, tout de suite, on a une situation d'échec et de frustration. S'ils ont eu des difficultés l'année d'avant, pourquoi les remettre dans la même situation dès le début d'une nouvelle année?»

Elle commence donc par un nouveau concept mathématique, ce qui donne un nouveau départ et une chance égale à tout le monde. «De cette façon, je peux voir comment ils apprennent et appliquent un concept, ce qui est plus important que de tester leur mémoire en mathématiques. Chacun a une chance de réussir et la première rencontre des enfants avec les maths est positive. Je veux qu'ils se sentent à l'aise par rapport à la classe et à l'apprentissage, et cette stratégie les aide à le faire. Plus tard, nous réviserons et je verrai leurs faiblesses, mais je ne veux pas commencer une nouvelle année sur une note négative.»

Groupes hétérogènes
Ramsay-Currie croit tellement au travail d'équipe qu'elle déplace les élèves en cours d'année. «Je veux que tout le monde travaille avec tout le monde. Dans la vie, il est essentiel de s'entendre avec les autres et de savoir reconnaître la valeur de ce qu'ils nous offrent.»

Une des premiers projets qu'elle donnait toujours à ses élèves de 3e année portait sur les continents. «Je formais des groupes au hasard et chaque groupe devait faire une recherche sur un continent. Ils faisaient leur recherche ensemble et élaboraient ensuite un projet qui reflétait à la fois ce qu'ils avaient appris et leurs capacités d'apprentissage individuelles. Il y avait souvent des modèles tridimensionnels, des cartes, des images, des rapports et des éléments audiovisuels. Chaque élève avait l'occasion de montrer ses points forts et de travailler avec d'autres qui pouvaient combler une faiblesse qu'il aurait eue. Le groupe ne pouvait réussir à présenter un projet complet qu'en travaillant ensemble.»

Généralement, Ramsay-Currie forme des groupes d'élèves hétérogènes et insiste sur le fait que s'entendre avec les autres est plus important que de ne travailler qu'avec ceux qui ont des aptitudes scolaires similaires. Mais elle encourage les groupes homogènes pour certaines activités de lecture et de mathématiques.

L'art dramatique
Une de ses stratégies d'enseignement et d'apprentissage les plus utiles est l'art dramatique. Ramsay-Currie affirme que «les enfants ont besoin de pourvoir exprimer et ressentir des émotions. Cela ne cesse de me surprendre que même des élèves de 7e et 8e année sortent des habits de la malle aux costumes et adoptent un rôle. C'est une façon de fuir la réalité pour eux, bien sûr, mais cela leur donne l'occasion d'exprimer des émotions et d'explorer des problèmes dans un environnement sûr et où ils peuvent trouver de l'aide.»

 

«...je ne veux pas commencer une année sur une note négative.»

Le travail de Ramsay-Currie avec des élèves autochtones lui a ouvert les yeux sur les besoins particuliers des élèves et l'a encouragée à s'efforcer d'atteindre chaque enfant. Elle a vu trop d'enfants autochtones rejetés par un système éducatif qui ne leur correspondait pas. «Cela me brise le cœur de voir ces enfants en marge de la société, et trop souvent ça commence à l'école.» Ramsay-Currie a toujours eu à cœur d'aider les enfants autochtones de sa classe.

«Je commence par leur donner du pourvoir. Les autochtones étaient à Orillia avant nous, et donc, nous nous concentrons sur leur histoire, leur culture et leur style de vie. Nous parlons de la chasse, de la pêche et de l'agriculture, qui étaient leur façon d'assurer leur subsistance, et puis nous étudions le maniement de la pagaie, leur artisanat et leurs traditions. Tous les élèves trouvent cela fascinant, et quand nous intégrons musique, théâtre et costumes, les enfants s'y mettent vraiment. Il suffit de nourrir un sentiment de fierté chez ces enfants, et ça marche. Une fois qu'ils sont à l'aise à propos de leur identité, ce sentiment se transpose dans leur vie quotidienne, et ils réussissent mieux à l'école.»

À l'écoute de leurs besoins
Mais Ramsay-Currie ne s'intéresse pas qu'aux enfants autochtones. Pendant des années, elle a organisé des Girls' Clubs. «Les filles ont toujours des problèmes de confiance en soi, se posent beaucoup de questions sur la vie, et ne reçoivent pas toujours toute l'aide dont elles ont besoin», dit-elle. Ces clubs essaient de combler ce vide. Nous nous retrouvons à midi et j'essaie de faire venir des professionnelles pour qu'elles parlent de leur métier aux filles et leur servent éventuellement de modèle dans la vie. J'ai même amené un instructeur d'arts martiaux pour leur apprendre à se défendre. Un soir par mois, nous nous réunissons pour cuisiner, regarder un vidéo et bavarder. Je choisis des films à thème comme Pretty in Pink ou Centre Stage ou la série Degrassi. Les filles adorent ça et elles retirent vraiment beaucoup du fait de pourvoir discuter de questions délicates comme la sexualité, les parents ou la drogue.»

Ramsay-Currie a toujours gardé la même approche de l'enseignement. «Je détermine les besoins de mes élèves, puis je crée les moyens pour y répondre.» Une autre façon d'y parvenir sont les mini-sorties. «Des petits groupes d'élèves décident de ce qui les intéresse dans la communauté, ils trouvent un parent qui veut bien les accompagner, ils préparent tout et les voilà partis. Ils emmènent un Polaroid et, à leur retour, ils présentent à la classe ce qu'ils ont appris. Rendez les enfants responsables de leur propre apprentissage, et vous serez étonnés des résultats et de leur maturité.»

Un apprentissage inoubliable
«Je veux que mes élèves se souviennent d'avoir été heureux à l'école et d'avoir aimé apprendre; c'est pourquoi chaque année j'introduis un projet qui sort de l'ordinaire. Une des choses les plus importantes que je leur enseigne est de savoir faire une recherche et poser des questions. Ce sont des habiletés dont ils auront besoin toute leur vie : ils oublieront le nom des personnes que nous avons étudiées, mais ils se rappelleront comment les retrouver», dit-elle.

«C'est très amusant de préparer un grand projet, et cela permet aux enfants de se déguiser et de faire l'expérience d'une autre époque, mais derrière, il y a tout un travail de recherche et les enfants apprennent un tas de compétences et de connaissances précieuses. Au cours des années, nous avons fait des films et fabriqué des fusées; une année nous avons transformé notre classe en longue maison et vécu dedans pendant une semaine. La CBC est même venue faire un reportage. Les enfants n'oublieront jamais cela, ni à quoi ressemblait la vie d'un autochtone canadien dans les années 1820. Nous avons étudié les fantômes de Casa Loma, nous avons fait un dîner de pionniers à Fort York, en prenant la TTC en costume d'époque, les paniers à provisions au bras. Faites-les vivre ce qu'ils apprennent, et ils ne l'oublieront jamais.»

L'orthographe autrement
Ramsay-Currie pense que le meilleur apprentissage est celui qui répond aux besoins individuels. Elle offre une approche pratique de l'orthographe en 3e année. «Utilisez le dictionnaire; c'est un outil exceptionnel qui fait une bonne partie du travail. Commencez par montrer aux élèves comment l'utiliser (très important la vie durant), puis évaluez leurs aptitudes et distribuez à chacun un dictionnaire approprié à son niveau scolaire.

«Disons que nous travaillons sur la lettre L. Les enfants doivent trouver dix mots d'au moins six lettres commençant par L (ou de sept ou huit lettres, selon leur niveau). Le dictionnaire leur donne le sens et la prononciation. Ils doivent recopier les mots et leur sens puis les mettre en commun avec un partenaire du même niveau. Les élèves doivent écrire deux phrases en utilisant deux de ces mots dans chacune d'elles, puis je ramasse. Je peux contrôler en même temps l'orthographe, la grammaire, la syntaxe et la ponctuation.»

Bien que cela représente beaucoup de travail de correction, Ramsay-Currie croit que c'est l'occasion idéale de faire participer des parents ou des élèves bénévoles. Elle fait ensuite des mots croisés ou d'autres activités amusantes et éducatives avec les mots étudiés et s'assure qu'ils seront intégrés dans des exercices d'écriture créative ou d'autres activités linguistiques chaque semaine.

Qualifications additionnelles
Il y a plus d'élèves en difficulté de nos jours, et Ramsay-Currie y voit une occasion de relever un défi. «Chaque enfant en difficulté représente un défi, et c'est une des choses qui me passionnent dans l'enseignement. Ma tâche est d'examiner les problèmes et de tenter de les résoudre. Les enseignants qui n'ont pas suivi de formation en counselling et en éducation de l'enfance en difficulté gagneraient à suivre ces cours.

«De plus, les personnes rencontrées pendant ces cours sont inestimables. J'ai souvent plus appris de mes collègues que des lectures et des instructeurs. Ces collègues sont devenus mes ressources et j'ai souvent eu recours à eux pour résoudre un problème avec un enfant.» Elle recommande à tous les enseignants, en particulier les nouveaux, de suivre des cours d'été menant à une qualification additionnelle pour élargir leur éventail professionnel et leur permettre de mieux venir en aide à leurs élèves.

Les prochains défis
Bien qu'à la retraite, Ramsay-Currie est encore active dans le monde de l'éducation. Elle fait la lecture aux enfants dans une librairie locale, souvent déguisée en lapin de Pâques ou en sorcière d'Halloween. Elle aide à élaborer le curriculum, fait des visites guidées à un musée local et fait du tutorat avec un enseignant de 6e année pour aider les élèves à se préparer au test provincial. Elle s'occupe d'un groupe de six enfants qui doivent concevoir des jeux de société pour améliorer leurs connaissances en mathématiques.

Elle fait aussi du tutorat avec d'autres, souvent des anciens élèves. Et elle garde un œil attentif sur ses élèves autochtones. Beaucoup d'entre eux ont des difficultés quand ils arrivent au secondaire et certains abandonnent.

Elle et son mari emmènent leur bagage en enseignement partout où ils vont. Même en haute mer. Ils ont été acceptés à titre d'instructeurs de bridge sur un bateau de croisière. Elle se réjouit aussi de faire de la suppléance dans les écoles élémentaires. «Heureusement qu'ils ont changé les règlements sur la suppléance. J'étais tellement déçue de ne pourvoir enseigner que 20 jours cette année, mais je suis ravie qu'on ait de nouveau droit à 95.»

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