L’approche d’Algoma

Est-ce que les élèves âgés de 12 ans devraient fréquenter la même école que ceux âgés de 17 ou 18 ans? Darren Linquist en doutait. Sa fille, Hanna-Liisa, 13 ans, était déterminée à délaisser ses amis et l’école élémentaire qu’elle fréquentait depuis la maternelle pour recommencer à la White Pines Collegiate and Vocational School, l’une des trois écoles pour les élèves de la 7e à la 12e année de l’Algoma District School Board. «Disons que je trouvais le temps long», indique Hanna-Liisa.

«Hanna-Liisa a toujours été bonne à l’école, précise M. Linquist, mais elle a perdu intérêt en 5e année. Nous étions vraiment inquiets.»

Sandra Dal Cin, EAO, directrice adjointe du programme de 7e et 8e année de White Pines, explique que les écoles élémentaires d’Algoma sont généralement petites et accueillent de 100 à 250 enfants dans une classe combinée de 7e et 8e année. Les enfants restent pour la plupart dans la même classe avec les mêmes autres enfants pendant huit ans, jusqu’en 6e année.

«Nous voulons aider des élèves comme Hanna-Liisa qui veulent un nouveau départ», dit-elle.

Qu’entend-on par «nouveau départ»? Les programmes de la 7e à la 12e année des écoles White Pines et Superior Heights ont été conçus de manière à favoriser une transition graduelle vers la grande école secondaire dans un environnement supervisé où les élèves suivent un horaire rotatif de cours spécialisés dès la 7e année.

Chaque matière a son propre enseignant, et les élèves peuvent même prendre de l’avance et suivre des cours de 9e année et profiter de programmes parascolaires de sports et d’encadrement. Un nouveau programme pour les élèves de la 7e à la 12e année a été créé à Korah Collegiate and Vocational School en septembre dernier, et il en sera de même après une série de consultations menées l’an dernier à la Central Algoma Secondary School en septembre prochain. Les enfants et leurs parents en raffolent, aucun doute là-dessus!

«Nous avons passé un temps considérable à planifier et à concevoir le programme de la 7e à la 12e année au cours des huit dernières années, explique Asima Vezina, EAO, surintendante de l’éducation. Notre programme gravite autour du projet Réussite des élèves du ministère de l’Éducation de l’Ontario. Nous cherchons à faciliter l’apprentissage des élèves par l’enseignement individualisé, la différenciation pédagogique, les options d’apprentissage améliorées et la possibilité de suivre des cours du secondaire pour que les élèves fassent les bons choix le moment venu.»

Un leçon de sciences à Superior Heights. (Photo: Kenneth Armstrong)

Grâce à un laboratoire dans la salle de classe, les leçons de sciences à Superior Heights sont fort vivantes! Les élèves sont en train d’apprendre comment un mélange de borax et de colle forme une nappe visqueuse.

Classes spécialisées

Mme Vezina ajoute que, même si le programme de 7e et 8e année des écoles Superior Heights et White Pines est le même que celui des 38 écoles élémentaires du conseil scolaire, la matière y est enseignée différemment.

Chaque école a ses spécialistes de cycle intermédiaire qui donnent des leçons pratiques dans des salles de classe prévues à cet effet. Les élèves font des expériences scientifiques dans un laboratoire d’école secondaire, travaillent le bois dans un atelier sécuritaire et bien équipé, apprennent à jouer de la musique dans un studio (claviers et guitares) et ont accès à des laboratoires informatiques, à des ordinateurs portables, à des tableaux blancs interactifs et à une foule d’autres technologies.

Il ne faut jamais négliger le côté pratique si on veut intéresser les enfants aux sciences.

Mme Vezina affirme qu’il est difficile d’enseigner les sciences au cycle intermédiaire dans une école allant de la maternelle à la 8e année. «La plupart de nos écoles élémentaires n’ont pas été construites pour accueillir un laboratoire de sciences en fonction du curriculum actuel. Les manuels scolaires constituent donc le principal véhicule par lequel les sciences sont enseignées.»

Shannon Cond, EAO, abonde dans le même sens. Elle enseigne les sciences depuis qu’elle a contribué à la création du programme à l’école Superior Heights il y a huit ans. Elle avait auparavant été enseignante pendant quatre ans dans une école de la maternelle à la 8e année. Avec son baccalauréat en enseignement des sciences au cycle intermédiaire, elle sent que maintenant, elle est vraiment à sa place.

«Les enfants adorent les cours de sciences pratiques, dit-elle. Il y a des laboratoires au moins une fois par semaine. Il est clair pour moi que mes anciens élèves ne comprenaient pas aussi vite ce que je leur enseignais parce que je ne m’en tenais qu’au manuel. Il ne faut jamais négliger le côté pratique si on veut intéresser les enfants à la science.»

Mme Cond ajoute même que ses élèves participeront pour la première fois à un salon scientifique en 7e année parce que la science les captive au plus haut point.

La fille d’Annette Wishman en est un parfait exemple. Si sa fille était restée à la même école élémentaire au lieu d’aller à l’école Superior Heights en 7e année, elle se serait encore une fois retrouvée dans une classe combinée. «Elle a toujours eu de bons résultats, des A et des B. Elle collectionne maintenant les A et elle s’investit entièrement dans ses études. Elle parle tout le temps de ce qu’elle fait dans les activités pratiques en sciences. Elle a adoré le salon scientifique. Elle raffole aussi de l’horaire rotatif, le fait d’avoir différents enseignants et différentes matières. Elle a appris à gérer son temps et les résultats le prouvent.»

Un horaire unique

Pour Joseph De Rosario, EAO, ex-directeur adjoint du programme de 7e et 8e année à la Superior Heights, le succès du programme repose en partie sur les classes spécialisées. Mais il y a aussi un autre facteur important : l’horaire.

Les élèves ont un bloc de 140 minutes (avec pause de 20 minutes) de langue maternelle et de mathématiques avec un spécialiste. Le prolongement de la classe d’attache facilite la réussite des élèves, surtout en mathématiques.

«En plus d’avoir leurs leçons quotidiennes en littératie et en numératie, affirme M. De Rosario, les élèves établissent une relation avec un adulte qui restera à leurs côtés jusqu’en 12e année.» Et les relations perdurent : les enseignants de 7e et 8e année reçoivent souvent la visite d’anciens élèves qui leur demandent de l’aide et des conseils.

Le reste de la journée, les élèves suivent un horaire rotatif pour toutes les autres matières. Frank Gioia, EAO, enseigne les arts visuels, la musique, la danse et le théâtre à l’école Superior Heights. Il est très heureux de la qualité de l’équipement à sa disposition pour l’art et la musique parce que cela lui permet d’aller chercher le meilleur de ses élèves.

«Nous travaillons avec le même groupe d’élèves pour mettre leurs points forts à profit et pallier leurs faiblesses en mathématiques et en langue maternelle chaque matin et, l’après-midi, on leur enseigne les autres matières. C’est la manière dont nous aimons le plus enseigner et le contexte dans lequel nous sommes le plus créatifs.»

Justine Palmer, EAO, titulaire l’an dernier d’un poste occasionnel à long terme en français à l’école Superior Heights, est aussi très satisfaite de l’horaire rotatif. Dans une école de la maternelle à la 8e année typique, elle aurait été avec chaque élève de l’école 20 minutes par jour. À Superior Heights, elle est enseignante d’une classe d’attache de langue maternelle et de mathématiques, et fait partie des nombreux enseignants en rotation l’après-midi.

«Ce que j’aime du programme, c’est que le français est sur un pied d’égalité avec les études sociales ou l’initiation à la technologie, se réjouit Mme Palmer. Les enfants adorent le français; je n’ai même pas eu à faire de discipline ou à motiver mes élèves de l’année.»

C’était exactement le but de Mme Vezina : les programmes, comme ils sont structurés, ont favorisé un contexte d’enseignement et d’acquisition des notions propice à la réussite.

«Les enfants grandissent et évoluent ainsi sous nos yeux, ajoute Richard Tomas, EAO. Ils réussissent bien. Ils vont à leur vitesse dans un environnement où on les traite un peu plus comme des adultes.»

Une élève du cycle supérieur aide des élèves du cycle intermédiaire. (Photo: Kenneth Armstrong)

Superior Heights offre un programme de mentorat dans lequel les élèves du cycle supérieur aident les élèves du cycle intermédiaire.

Programmes spéciaux

Les enfants aiment bien qu’on les traite comme des adultes, mais certains ont besoin de plus d’attention que d’autres. Patrice Amanda Bruni, EAO, ancienne enseignante de Superior Heights, travaillait auprès d’élèves qui éprouvaient des difficultés d’apprentissage et nécessitaient ainsi un enseignement individualisé.

«Certains perdaient intérêt pour diverses raisons, précise-t-elle. La plupart d’entre eux rencontraient des obstacles sur le plan social, émotif ou scolaire. Ce ne sont pas tous les jeunes qui avaient des plans d’enseignement individualisés, mais ils avaient tous des besoins particuliers que nous ne pouvions satisfaire dans un cadre plus intime.»

Les élèves de Mme Bruni ne suivaient pas d’horaire rotatif. Ils restaient avec elle, toute la journée, dans des groupes constitués selon les capacités des élèves à travailler sur des objets à manipuler et à faire de courts blocs d’activités pratiques. Qu’arriverait-il si ces élèves retournaient à leur école élémentaire?

M. De Rosario répond qu’ils se trouveraient dans des classes plus grandes. Beaucoup auraient des difficultés à l’école qui entraîneraient une mauvaise conduite pour laquelle ils seraient expulsés de la classe. «J’en verrais beaucoup plus à mon bureau, dit-il. On le constate dans le dossier des élèves lorsqu’ils nous parviennent en 6e année : absences fréquentes, nombreuses suspensions, troubles comportementaux. Ce sont des élèves frustrés qui commencent à perdre le goût de s’investir dans leurs études. Ce sont des candidats idéaux pour notre programme.»

Et quels sont les résultats après un an dans le programme?

«Les élèves s’absentent moins, vont moins au bureau de Joe et sont moins souvent suspendus, explique Mme Bruni. Nous les rattrapons là où ils sont et ils reprennent goût aux études quand ils arrivent en 9e année, parce qu’ils connaissent bien leurs forces.»

Ce ne sont pas tous les élèves qui changent d’école en raison de leurs notes. Braydon a choisi l’école Superior Heights pour échapper à des années d’intimidation. En 6e année, il n’avait pas d’amis, ses résultats étaient mauvais et sa perception de l’école, pessimiste, aux dires de ses parents. «On ne se sent pas en sécurité, admet Braydon. On est toujours distrait et inquiet et on essaie de trouver une solution au problème.»

Sa mère se souvient de sa première rencontre parents-enseignants lorsque Braydon était en 7e année. Son mari et elle s’étaient installés à la table avec ses enseignants qui ne tarissaient pas d’éloges pour ce petit garçon tout heureux qui avait d’excellents résultats et se faisait beaucoup d’amis. «C’est une vedette, disait-on. Mon mari et moi nous sommes regardés, nous demandant : “Mais est-ce réellement notre fils?” Sur le coup, je me suis mise à pleurer, dit-elle. Ils l’avaient réchappé avant qu’il ne soit trop tard. Nous savons qu’il est en sécurité, qu’il apprend et qu’il a du plaisir à l’école avec de bons amis. Ils ont sauvé notre fils.»

Qu’en est-il des inquiétudes des parents du fait que les élèves de 7e année vont à l’école avec ceux de 12e année? Eh bien, ce n’est même pas un problème. Les élèves de 7e et 8e année vont manger à la cafétéria et utilisent les gymnases à des heures différentes de ceux du secondaire. Les programmes ont lieu dans des ailes différentes, et les élèves ont leurs propres casiers, toilettes et classes.

Interaction délibérée

«Même si le programme de 7e et 8e année est séparé du reste de l’école secondaire, les occasions d’interaction ne manquent pas, précise Michael McCabe, EAO, directeur de la 7e à la 12e année de Superior Heights. Ce n’est pas une école dans une école.»

Mettre les élèves de la 7e à la 12e année sous le même toit comporte même son lot d’avantages. Beaucoup d’élèves plus vieux encadrent en effet les plus jeunes et se portent bénévoles dans les équipes sportives de 7e et 8e année. «Ça va dans les deux sens, explique M. McCabe. Les élèves de 7e et 8e année ont des modèles à suivre et les élèves du secondaire ont des occasions de faire valoir leurs connaissances.»

M. McCabe explique que la vision de Superior Heights inclut la 7e et la 8e année dans le secondaire. «Notre but est de créer délibérément une interaction.» Les élèves de 7e et 8e année siègent au comité d’élèves et contribuent à l’album des diplômés. Tous les élèves participent aux réunions d’encouragement et aux matchs importants ensemble, et on organise des évènements scolaires tels que la journée de port du chandail rose pour dénoncer l’intimidation et le projet ABCD (Action for Building a Community that is Drug-Free). L’an dernier, les élèves plus vieux ont été les juges des projets présentés à la foire des sciences des élèves du cycle intermédiaire, et les élèves de 12e année, pour leur cours d’histoire, ont fait des présentations au groupe d’études sociales de 8e année.

Bien entendu, l’un des principaux avantages du programme est la transition vers la 9e année, qui se fait en douceur.

«Cette transition, souvent difficile, ne pose aucun problème pour ces enfants, ajoute M. McCabe. Ils connaissent l’horaire rotatif, ils ont d’excellentes capacités d’étude, de gestion du temps et d’organisation, et ils connaissent l’école et ce qu’elle attend d’eux. Ils ne brûlent pas d’étapes.»