L’enseignante exemplaire Sheri Alcordo, EAO

Par un vendredi pluvieux, Sheri Alcordo, EAO, se tient devant sa classe de 5e année à la Driftwood Public School et explique le travail que les élèves devront réaliser au cours de la matinée. «Souvenez-vous qu’il s’agit d’une activité qui vous aidera à acquérir du vocabulaire et des stratégies de lecture en plus d’améliorer votre attention, précise-t-elle à ses 37 élèves. Vous devrez donc utiliser un crayon ou un marqueur pour surligner ou souligner certains passages. Je vous donne cinq minutes pour lire en silence, puis nous discuterons du texte en groupe.»

Lauréate du Prix du premier ministre pour l’excellence en enseignement de 2012, Mme Alcordo croit qu’il est important d’accorder la plus grande place possible à l’enseignement dans chaque leçon. Ainsi, quelque chose d’aussi simple qu’une discussion après la lecture d’un texte devient non seulement l’occasion de comprendre le contenu, mais également d’enrichir son vocabulaire, d’écouter les arguments des autres et de soutenir ses camarades.

Mme Alcordo pose ensuite des questions à ses élèves sur ce qu’ils ont lu et, au lieu de nommer les élèves, elle leur lance un ballon «Nerf». «Certains élèves ont besoin de bouger un peu, explique-t-elle. J’essaie donc de lancer le ballon aux élèves qui apprennent différemment.»

Son style d’enseignement pour lequel elle a gagné un prix déborde de créativité. En effet, Mme Alcordo tient ses élèves occupés en leur présentant toute une variété d’activités pratiques au cours desquelles ils agissent à titre de guides, jouent des rôles, écrivent des pièces de théâtre ou des bandes dessinées, font des reportages audio et vidéo, et intègrent l’informatique.

La venue de conférenciers suscite aussi beaucoup d’enthousiasme et inspire beaucoup les jeunes. Un artiste (et musicien) autochtone faisant des créations parlées est venu rencontrer la classe l’année dernière pour présenter les traditions et la culture des Anishinaabe. Au cours de cette visite, les élèves ont eu l’occasion de développer leurs compétences en littératie et en musique en écrivant, en interprétant et en enregistrant leurs propres chansons, et en créant un cédérom. Aussi, pour les choses sous un angle politique, des représentants de différents partis sont venus en classe pour expliquer l’importance de l’administration 
municipale et pour expliquer qu’il n’est jamais trop tôt pour vouloir devenir un futur leader.

Sheri Alcordo

«Ces activités nous permettent de développer
un sentiment d’appartenance à la classe.»

Avant que les élèves conquièrent le monde, Mme Alcordo pense qu’ils doivent comprendre l’importance du respect et des ressources. Elle a donc invité une personne représentant FoodShare pour l’aider à communiquer ce message et discuter de sujets divers allant de l’économie d’énergie à la gestion responsable de l’énergie. «En en apprenant davantage sur la citoyenneté, les droits et les responsabilités, les élèves commencent à comprendre l’importance d’avoir recours aux ressources et aux personnes de leur collectivité», explique Mme Alcordo.

Célébrer la diversité

La Driftwood Public School se trouve dans un quartier de Toronto où vivent des personnes de diverses origines ethniques et où la pauvreté, les armes et les gangs ont causé de nombreux problèmes. Bien établie dans son école depuis 18 ans, Mme Alcordo s’appuie sur la diversité de la collectivité en intégrant l’art, l’artisanat, la danse et la résolution de conflits à son programme de 5e année.

En marchant dans l’école, on voit bien que l’approche dynamique de Mme Alcordo ne se limite pas aux quatre murs de sa classe. Une murale conçue et peinte par des élèves et affichée dans le corridor – représentant des gens d’origines ethniques différentes se tenant par la main, en cercle, près desquels on peut voir des scènes du quartier – est un exemple qui illustre comment Mme Alcordo sort des sentiers battus et s’appuie sur le travail d’équipe, la créativité et l’engagement social dans son travail. Un autre projet mené par la classe consistait à fabriquer une courtepointe pour des personnes ayant été touchées par le séisme et tsunami au Japon en 2011. L’idée derrière ce projet était de répandre la paix et l’amour tout en offrant du soutien.

Peu importe l’activité, Mme Alcordo insiste auprès de ses élèves pour qu’ils se témoignent du respect les uns les autres et favorise cette attitude en incluant des personnes aux origines culturelles très variées. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles elle a gagné le prix du premier ministre. Mme Alcordo n’a pas à aller très loin pour trouver des gens à inviter en classe, avec des élèves provenant de familles de divers pays tels que la Hongrie, la Somalie, la Chine, le Vietnam, la Jamaïque, le Pakistan, la Turquie, le Guyana, le Ghana et le Nigeria. Mme Alcordo préconise la participation des parents au processus et les invite à venir parler de leurs traditions. Par exemple, un parent est venu l’année dernière donner une leçon de mehndi et a ensuite expliqué la pertinence de ce type de décoration à la classe.

Puisque le respect mutuel n’est pas toujours facile, Mme Alcordo l’aborde par toutes sortes de moyens, notamment par la danse. C’est ainsi que les élèves sont allés rencontrer des danseurs de breakdancing qui les ont aidés à se joindre à un mini rassemblement éclair («flash mob»). Ils ont également participé à un programme de danse de salon appelé Dancing Classrooms, et ainsi pu ajouter plusieurs danses traditionnelles à leur répertoire.

Innovation

Le Tribes Project et le programme Peace by PEACE (Playful Explorations in Active Conflict-resolution Education) offrent des outils aux élèves pour qu’ils apprennent à maîtriser les précieuses compétences dont ils ont besoin pour collaborer, négocier, présenter leurs opinions et résoudre des problèmes. «Comme nous travaillons ensemble à un but commun, ces activités nous permettent de développer un sentiment d’appartenance à la classe, déclare Mme Alcordo. Elles favorisent aussi la bienveillance et la gentillesse, deux qualités que le Toronto District School Board encourage.»

Grâce à son dévouement, à sa passion et à sa conviction, il semble que personne ne puisse dire non à Mme Alcordo. L’enseignante a mis ses compétences de négociatrice au défi lorsqu’elle s’est attelée à la tâche de convaincre Scholastic et le Collège Frontière de donner des livres à ses élèves et qu’elle a présenté une demande de bourse qui a permis à sa classe, et à d’autres, de suivre un atelier offert dans le cadre du Festival international du film de Toronto. Ne manquant jamais d’initiative, elle a également misé sur son réseau de connaissances pour faire appel à un enseignant à la retraite afin qu’il l’aide à créer un programme pour sa classe. Le duo a ainsi mis au point un programme novateur intitulé Junior Super Hero, dont l’objectif est d’encourager la lecture, l’écriture, les compétences mathématiques et d’autres habiletés. On peut visionner la capsule vidéo sur YouTube à youtube.com/watch?v=0bfyejDSP3k.

Force intérieure

Mme Alcordo travaille fort pour être un exemple à suivre pour ses élèves. «Je leur dis que j’ai surmonté toutes sortes d’obstacles et que je veux leur montrer que l’on peut surmonter n’importe quoi, tant qu’on a de la motivation intérieure et une personne pour nous aider. Je veux être cette personne, en plus de leurs parents, pour les aider.»

Mme Alcordo n’hésite d’ailleurs pas à raconter ses erreurs et les leçons qu’elle a apprises si cela peut aider les élèves à en tirer parti. L’enseignante leur a notamment confié qu’elle n’était pas douée en mathématiques quand elle était élève et qu’elle a dû demander de l’aide supplémentaire pour y arriver. Elle leur a également parlé du deuil qu’elle a vécu lorsqu’un de ses enfants est décédé.

Réfléchir à l’apprentissage

Le respect dont fait preuve Mme Alcordo envers ses élèves remonte à l’époque de ses années d’école. Élevée par une mère divorcée qui était une des rares personnes appartenant à une minorité visible dans la petite ville de Shelburne, en Ontario, Mme Alcordo s’est sentie bannie par ses propres camarades de 5e année. «On ne favorisait pas une ambiance inclusive dans la classe à cette époque, se rappelle Mme Alcordo. En tant qu’enseignante, j’autoévalue ma pratique, car je ne veux pas que d’autres élèves ressentent ce même sentiment d’isolement.»

Pour que chaque élève se sente important, Mme Alcordo communique avec eux pendant l’été pour leur expliquer ce à quoi ils peuvent s’attendre et pour leur demander ce qu’ils aiment et n’aiment pas. Mme Alcordo étudie chacun des dossiers scolaires de ses élèves afin d’élaborer des stratégies pour ceux qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou qui sont d’une timidité maladive. (Mme Alcordo possède une maîtrise en éducation spécialisée et enseignement adapté.)

Une de ses stratégies consiste à célébrer les réussites des élèves, entre autres en plaçant un bonbon dans une jarre chaque fois qu’un élève a atteint un objectif. Quand la jarre est pleine, la classe fête habituellement sur l’heure du midi en jouant à un jeu éducatif ou culturel, en fabriquant des bracelets ou simplement en passant du temps à discuter ensemble.

Mme Alcordo veille aussi à ce que ses élèves passent du temps à l’extérieur de la classe. L’année dernière, les élèves ont jardiné, nettoyé le quartier, participé à des programmes à la bibliothèque publique, assisté et participé à des spectacles célébrant le patrimoine africain et pris part à un projet de revitalisation à Black Creek. Cette année, ils visiteront le Friends of Simon Wiesenthal Center for Holocaust Studies, où ils en apprendront davantage sur les six millions de Juifs morts en Europe, ainsi que sur ceux qui ont survécu et se sont établis à Toronto. Les élèves visiteront également une résidence pour personnes âgées afin de faire la lecture, du théâtre et de la musique pour les résidents.

L’approche inclusive de Mme Alcordo est largement connue et respectée. C’est pourquoi l’année dernière, le Toronto District School Board a choisi Mme Alcordo et ses méthodes pédagogiques comme modèle d’équité et d’inclusion dans le cadre du projet sur les pédagogies culturellement pertinentes et sensibles à l’intention du personnel enseignant débutant. Tout au long de l’année, des membres de la profession sont venus dans sa classe pour observer, apprendre et échanger sur des pratiques exemplaires. Mais ils étaient souvent dépassés. «J’ai eu des enseignants… qui pleuraient lorsqu’ils ont vu à quel point les enfants se témoignaient du respect les uns aux autres», raconte Mme Alcordo.

Aux yeux de ses collègues, Mme Alcordo est une championne en classe. «Sheri est une enseignante passionnée et attentionnée qui adopte une politique d’ouverture favorisant le partage des apprentissages et la collaboration de collègues, de familles et de membres de la collectivité», déclare Sharron Rosen, EAO, qui a travaillé avec Mme Alcordo.

«Elle défend avec vigueur les intérêts de ses élèves et leur enseigne à faire de même à titre de citoyens, raconte la directrice de la Driftwood Public School, Debra Lavine, EAO. Au cours de mes nombreuses années à titre de directrice, je n’ai jamais eu autant de parents me demander si leur enfant pouvait être dans la classe d’un enseignant particulier comme c’est le cas avec Sheri Alcordo.»

Mme Alcordo prend le tout avec beaucoup de modestie et met toujours l’accent sur les élèves. «Je reconnais que j’en suis responsable, admet-elle. Je suis déterminée à fournir un espace où les élèves peuvent se sentir en sécurité et à l’aise d’être qui ils sont et où ils oseront courir des risques afin d’atteindre leur plein potentiel sur les plans social, affectif et scolaire.»

Les cinq secrets de Mme Alcordo pour un enseignement réussi :
  1. Créez une ambiance sécuritaire et bienveillante dans la classe. Mettez l’accent sur l’inclusion et l’équité. Favorisez la confiance en soi chez les élèves en renforçant les attitudes positives. Amenez les élèves à se témoigner du respect et montrez-leur comment s’aider les uns les autres. Ayez recours au mentorat entre élèves.
  2. Soyez ouvert et transparent à l’égard des parents, des collègues et des élèves. Invitez les parents en classe comme bénévoles. Écrivez ou téléphonez fréquemment aux parents et informez-les du rendement de leur enfant en discutant autant des points positifs que des points à améliorer. Dites aux élèves où ils en sont et travaillez avec eux pour établir un plan d’amélioration. Échangez vos idées sur l’enseignement avec d’autres enseignantes et enseignants.
  3. Célébrez la diversité ethnique dans la classe. Apprenez à connaître le patrimoine ethnique de vos élèves et utilisez-le en classe pour favoriser le respect de la diversité culturelle. Invitez les élèves à parler de leur origine ethnique avec leurs camarades. Incitez-les à en parler par l’intermédiaire de présentations orales, d’œuvres d’art, de pièces de théâtre et de vidéos.
  4. Soulignez les accomplissements de vos élèves. Amenez la classe à féliciter les élèves qui atteignent leurs objectifs. Mettez des bonbons dans une jarre à chaque réussite et récompensez les élèves par une fête particulière.
  5. Lorsque vous préparez vos plans de leçon, prenez en considération les élèves qui apprennent différemment, ceux qui ont des troubles d’apprentissage ou des déficiences physiques, ainsi que ceux dont les origines ethniques et culturelles sont différentes. Créez des liens à l’extérieur de la classe en invitant des personnes-ressources et en emmenant les élèves dans la collectivité.