Jose et Kathryn Vicente et leurs fils vivent la réalité de la double cohorte et le désarroi de léducation postsecondaire qui, de lavis de plusieurs, semparera de lOntario dès 2003. Cest à cette période que les derniers élèves de 13e année de lOntario termineront leurs études secondaires en compagnie des premiers diplômés du nouveau programme de quatre ans faisant ainsi passer à 300 000, soit le double, le nombre délèves destinés aux études collégiales et universitaires ou au marché du travail. En outre, la hausse du nombre de personnes en âge de fréquenter luniversité et souhaitant obtenir une éducation postsecondaire vient empirer la situation. La double cohorte ne représente pas quun accroissement temporaire, daprès des porte-parole des universités, mais un nouveau plateau, et ce chiffre nest pas prêt de diminuer dans les années subséquentes. Les inquiétudes vont bien au-delà des simples chiffres, et les Vicente ont toutes les raisons de sinquiéter. Non seulement ont-ils deux fils à la Holy Cross Catholic Secondary School à Kingston un à lancien programme, Phillipe en 11e année, et un au nouveau programme, Alexandre en 10e année mais ils ont aussi Daniel, en 9e année. Kathryn Vicente croit que son plus jeune subira aussi les contrecoups de la double cohorte, car il sera en compétition avec ceux qui nauront pas été acceptés la première fois et qui seront retournés à lécole pour améliorer leurs notes et leurs chances. EFFET DENTRAÎNEMENT Les enseignantes et enseignants de Phillipe Vicente ont suggéré quil prenne certains CPO en 12e année afin de répartir les cours les plus difficiles sur une plus longue période et de se donner plus de temps pour améliorer les notes quil pourrait juger trop basses. Le principal conseil quAlexandre Vicente ait pu recevoir de ses enseignantes et enseignants renvoie à ce que dautres enseignantes et enseignants, directrices et directeurs décole et porte-parole duniversités ont dit : travaille fort et obtiens de bonnes notes. Il est clair ici que lobtention de notes élevées jouera un rôle prépondérant sur son avenir. Les jeunes Vicente font aussi partie du groupe qui, de lavis de plusieurs, aura le plus de difficulté, soit des élèves qui veulent être admis à des programmes spécialisés comme linformatique et le génie. Les programmes en arts et en sciences humaines devraient mieux être en mesure daccueillir un plus grand nombre détudiants que les programmes très contingentés. Laîné des Vicente est déjà inscrit en génie à lUniversité Western Ontario, ce qui avantage les plus jeunes qui pourront profiter de son expérience quand viendra le temps de répondre aux exigences dadmission. Alexandre veut sinscrire en génie à Western Ontario; Phillipe vise aussi le génie mais à lUniversité Queens. ENGAGEMENT DE
LUNIVERSITÉ Pourtant, on craint que les universités ne puissent prendre lexpansion nécessaire dici 2003 et quelles nauront dautres choix que de hausser les critères dadmission. Ainsi, bien que les jeunes Vicente conservent une moyenne de B+ ou mieux, leur mère nest pas convaincue que cela sera suffisant en 2003. «Les universités accepteront dabord les meilleures notes», dit-elle. Les Vicente et leurs fils ont commencé à étudier les options qui soffrent à eux comme le programme combiné détudes collégiales et universitaires qui nécessite trois années détudes en technologie électrique auxquelles il faut ajouter un programme universitaire de deux ans. «Au bout du compte, on obtient un baccalauréat en génie et ce que lindustrie recherche : une connaissance pratique et théorique», ajoute-t-elle. Ce que craignent les parents et le personnel enseignant, cest quavec la hausse de la demande pour une place dans un établissement postsecondaire, les préalables et les droits de scolarité devront aussi changer. Pour George Granger, registraire de lUniversité McMaster, un rehaussement des préalables à ladmission pourrait constituer un moyen pour les universités de parer à laugmentation des demandes. En outre, la concurrence sera encore plus féroce. Dans son numéro de lan 2000 consacré au classement des universités, la revue Macleans signalait que la proportion détudiants admis à luniversité avec une moyenne de 75 pour 100 ou plus était à la hausse depuis 1995. Linda Nicolson, porte-parole du ministère de lÉducation, dit que la situation na pas vraiment changé. «Quand un élève choisit un programme qui lintéresse, il doit faire des choix déchirants et ensuite travailler sans relâche pour obtenir de bonnes notes et être admis à ce programme.» Le gouvernement sest engagé à fournir suffisamment de places et daide financière pour aider tous les élèves qui veulent faire des études universitaires, sempresse dajouter Nicolson. «La double cohorte fait partie de nos plans depuis un certain temps et ne devrait pas inquiéter outre mesure les parents et les élèves.» OÙ TROUVER DES
RÉPONSES? Frank Reinholz, président du conseil décole et lui-même père de trois garçons au secondaire, ne savait pas combien de personnes se présenteraient à lassemblée. Quel ne fut pas létonnement des organisateurs quand 350 parents se sont présentés, soit un nombre impressionnant quand on sait quà Holy Cross, la double cohorte compte quelque 500 élèves. La recherche menée par le conseil a produit une longue liste de faits alarmants sur les universités ontariennes. Même sans la pression créée par la double cohorte sur le système, les universités sont déjà presque au dernier rang par rapport à celles des autres provinces canadiennes en matière de financement, dencadrement et de droits de scolarité. La double cohorte ne fera quaggraver cette situation. Depuis lassemblée à Holy Cross, le gouvernement provincial a affecté 891 millions de dollars du Superfonds de croissance pour appuyer lexpansion des installations universitaires. Les collèges communautaires ont aussi reçu des fonds de cette initiative afin de les aider à absorber une augmentation de près de 20 pour 100 du nombre de demandes dadmission au cours des prochaines années. Le ministère de lÉducation a amorcé une étude de cinq ans sur la double cohorte en octobre dernier pour effectuer le suivi des élèves de 9e et 10e années jusquà un an après leur départ du secondaire. Daprès des porte-parole du Ministère, cette étude les renseignera sur les intentions des élèves dici octobre. Les données serviront ensuite à déterminer la taille de la double cohorte et à comparer les intentions des élèves à ce quils feront une fois leurs études secondaires terminées. Le Ministère a aussi demandé à deux universitaires Alan King de Queens et Jean-Claude Boyer dOttawa de mener une étude à long terme sur lincidence de la double cohorte sur leffectif universitaire. Ils analyseront les données sur les demandes dinscription aux établissements postsecondaires reçues par le passé et dautres facteurs pertinents et feront une enquête auprès denviron 80 000 élèves sur leurs intentions après la fin de leurs études secondaires. Les chercheurs étudieront aussi dans quelle mesure les élèves du secondaire daujourdhui sadaptent à la restructuration entreprise récemment. Leur premier rapport devrait être prêt à la fin de mars 2001, dit King. «Il devrait ajouter passablement dinformation sur la question.» Deux des questions qui, daprès le ministère de la Formation, des Collèges et Universités, pourraient rester en suspens visent les capitaux dexploitation et lembauche de professeurs. Ces deux secteurs ont encore espoir que le gouvernement annoncera une hausse des capitaux dexploitation dans son budget du printemps. Howard Rundle, président du Collège Fanshawe de London et président du comité des présidents de lAssociation des collèges darts appliqués et de technologie de lOntario, est persuadé que laide financière sera débloquée. «Je ne vois pas comment cela pourrait ne pas se produire. On ninvestit pas un milliard de dollars en installations pour ensuite ne pas affecter les fonds nécessaires au personnel.»
COMBIEN DÉLÈVES? En outre, lexpansion des installations physiques ne répond pas aux problèmes soulevés par les changements rapides apportés au système scolaire pour les élèves du secondaire : nouveau curriculum, nouveau système dévaluation, profession enseignante démoralisée, ressources inadéquates, hausse des droits de scolarité, réduction de laide financière. Le fils de Reinholz, actuellement en 11e année, a déjà subi les contrecoups de lélimination de la 13e année. Lan dernier, il a dû se servir de deux manuels de mathématiques pour en faire un complet étant donné quil manquait des pages à chaque copie. Le conseil scolaire avait décidé quil ne dépenserait pas dargent pour lachat de nouveaux manuels pour une année seulement. «Donc, pendant ses études secondaires, il devra travailler avec du matériel au bord de la désuétude», dit Reinholz qui croit quun manque de planification de la province signifie que ses enfants reçoivent une éducation de qualité inférieure. Afin de compenser certains de ces désavantages, le fils de Reinholz reçoit les services dun tuteur de lUniversité Queens et il est question de cours dété. ENCORE PLUS DE
DEVOIRS «La matière quils doivent couvrir en si peu de temps est incroyable. Leurs notes et leur confiance en souffrent», précise Gilles Lamarche, chiropraticien de Timmins et père de trois élèves au secondaire. «Le problème, cest quils auraient dû accélérer le programme en 6e année pour donner aux jeunes le temps de sadapter à un rythme plus raisonnable.» «Éliminer la 13e année relève du bon sens. Cest dailleurs ce que lon a fait à dautres endroits, mais il y a un manque de planification ici. Les élèves de 10e année apprennent maintenant ce qui était enseigné en 12e année auparavant. Ils nont pas été préparés adéquatement et ils se sentent dépassés.» CALMER LES ESPRITS «Nous avons rencontré des représentants du ministère de la Formation, des Collèges et Universités qui ont su calmer nos inquiétudes, a dit Reid. Le Ministère dit quil avait prévu cet accroissement de la population postsecondaire et quil a élaboré un plan à long terme à cette fin.» Reid croit que le Superfonds de croissance permettra de répondre aux besoins dinstallations et que le gouvernement affectera laide financière appropriée. Pour ce qui est des autres points en suspens, Reid ajoute quen éliminant la 13e année, lOntario ne fait que ce que les autres provinces ont déjà accompli. Pour lui, une question demeure sans réponse, toutefois : la nécessité daffecter plus de personnel enseignant dans les collèges et universités. «Nous suivons la question de près et attendons plus dinformation.» LES ÉLÈVES DE
10e ANNÉE SONT VULNÉRABLES Ils seront en compétition directe avec des élèves dun an leurs aînés et comptant une année de plus au secondaire. Les élèves de 10e année doivent aussi sadapter à un nouveau curriculum et tous les problèmes que cela comporte depuis deux ans. «Tout est nouveau, dit Grant Yeo, directeur de léducation au Conseil scolaire de district de Durham, les livres, les plans de cours, la formation du personnel enseignant, lévaluation, les bulletins.» Élèves et parents ont fait part de leurs préoccupations aux conseillers en orientation, au personnel enseignant et aux administrateurs scolaires, mais la plupart affirment nobtenir que peu daide ou dinformation. PAS DE RÉPONSE
DES ÉCOLES «Nous nen disons pas beaucoup aux élèves, car nous navons que peu de réponses à leur donner», ajoute Phil Hedges, président de lOntario School Counsellors Association et directeur de la Delhi District Secondary School à Delhi dans le sud de lOntario. Les parents et élèves de lécole ont demandé sil était possible pour les élèves de 11e année daccélérer leur programme afin de terminer leurs études secondaires une année avant la double cohorte. En vertu de ce plan, les élèves laisseraient tomber presque tout le travail optionnel pour se concentrer sur la réussite de leurs CPO et dautres préalables au programme dans lequel ils souhaitent sinscrire. Ici, Hedges fait une mise en garde. Les élèves qui veulent accélérer leur formation devront redoubler dardeur et être sûrs de ce quils voudront faire une fois quils auront leur diplôme détudes secondaires. En outre, un programme accéléré nest pas aussi riche et diversifié, car il oblige lélimination des sports, de la musique et dautres intérêts. La possibilité de ralentir sa formation est une autre possibilité que pourraient envisager les élèves, mais les conseils scolaires hésitent à en parler. Le problème selon cette formule, daprès Hedges, réside dans le fait que les élèves de lancien programme devront suivre des cours du nouveau curriculum pour lesquels ils sont encore moins préparés que ceux du programme de quatre ans. PROGRAMMES ACCÉLÉRÉS Max Reed, élève de 17 ans en 11e année à lécole North Toronto Collegiate, penche vers loption du programme accéléré, mais il ne croit pas que cette option soit très populaire. «La plupart des élèves croient quils sen tireront mieux avec le programme de cinq ans et quils obtiendront ainsi des notes très élevées. Ils croient aussi quavec le programme accéléré, il y aura trop de travail.» Reed dit aussi que les élèves dun an plus jeunes que lui se sentent désavantagés de deux façons. «Ils croient que les universités choisiront des élèves qui compteront cinq années détudes secondaires plutôt que quatre et, étant donné que le curriculum de 10e année na pas encore fait ses preuves, ils ne sont pas certains de la façon quon les évaluera. «Dans notre cas, nous savons que lon se basera principalement sur les notes de nos six CPO. Les élèves de 10e année, eux, ne savent pas à quoi sattendre», conclut Reed. Les élèves de langue française et leurs parents expriment les mêmes inquiétudes que ceux de langue anglaise, mais ils doivent aussi composer avec une autre réalité : il nexiste quun nombre limité détablissements où ils peuvent poursuivre leurs études en français. Cela pourrait les obliger à abandonner lidée détudier en français afin davoir accès à des études postsecondaires. |
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