Travailler en toute sécurité

«J’amène avec moi quelqu’un avec qui j’avais l’habitude de travailler. Il a perdu une main et il est à peine plus âgé que ces jeunes», déclare Yvon Larivière de Hawkesbury, en parlant de ses présentations sur la santé et la sécurité au travail.



de Rosemarie Bahr

Un nombre considérable de jeunes se blessent au travail. Les élèves doivent connaître leurs droits et poser des questions.

Larivière travaille à Ivaco, une usine de sidérurgie, et est membre du syndicat des Métallos. Il fait partie des centaines de gens d’affaires, de militants syndicaux et d’enseignantes et enseignants à la retraite qui se promènent de classe en classe pour sensibiliser les jeunes aux dangers potentiels du milieu de travail.

En 1999, 16 jeunes de 15 à 24 ans en Ontario ont été tués au travail. En 1998, 18 personnes ont perdu la vie, soit 16 jeunes hommes et deux jeunes femmes.

Chaque année, plus de 15 000 jeunes se blessent au travail. Les blessures les plus courantes sont les microtraumatismes et les entorses, les coupures, les piqûres et les ecchymoses, les fractures, l’inflammation des joints et les brûlures. Toutes proportions gardées, plus de jeunes se blessent et se tuent au travail que tout autre groupe d’âge.

SENSIBILISATION
Dans le cours d’introduction aux affaires de Barbara Tkach, Doug McAndless parle aux élèves de 9e année de cette jeune femme qui travaillait comme caissière à temps partiel depuis l’âge de 14 ans. Âgée de 19 ans seulement, elle est incapable de prendre une tasse de la main gauche, car elle souffre du syndrome du canal carpien. Fréquent chez les personnes qui utilisent des ordinateurs, ce syndrome provoque une compression des nerfs du poignet. À titre d’exemple, McAndless invite les élèves à fléchir le poignet, un geste qui leur est familier, car ils emploient tous des ordinateurs.

Ancien enseignant de London à la retraite, McAndless a passé sa journée à la Hill Park Secondary School de Hamilton pour expliquer aux élèves qu’il importe de poser des questions et de faire valoir leurs droits lorsqu’il s’agit d’assurer leur santé et leur sécurité au travail.

Il présente ensuite un vidéo mettant en vedette deux jeunes qui se sont blessés au travail. En guise de conclusion, il souligne trois points : tous les employés, y compris les étudiants à temps partiel, ont le droit de connaître les dangers potentiels, de participer aux comités de santé et de sécurité au travail et de refuser d’effectuer des tâches qu’ils jugent dangereuses.

LE SIMDUT
McAndless présente les symboles du Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT) et les symboles identifiant les produits dangereux. Il fait ensuite promettre aux élèves de consulter leur employeur chaque fois qu’ils verront des produits qu’ils ne connaissent pas et de demander qu’on leur apprenne comment les utiliser.

Peu d’élèves ont déjà un emploi. McAndless demande quels sont les dangers auxquels ils sont exposés au travail et la formation qu’ils ont reçue à cet effet. Il propose des exemples illustrant chaque situation.

Jane McCormick enseigne le programme coopératif à la West Hill Secondary School d’Owen Sound. Tous les ans depuis quatre ans, McAndless ou une personne du Workers Health and Safety Centre vient présenter le programme Sensibilisation des jeunes au travail. «Les élèves ont beau lire la documentation, déclare McCormick, ce sont les présentations et les histoires vécues qui ont le plus d’impact.»

«La majorité de ces jeunes travaillent à temps partiel, ajoute-t-elle. Quand Doug leur demande s’il y a un comité de santé et sécurité au travail, 99 pour 100 répondent qu’ils ne le savent pas. La plupart d’entre eux travaillent dans un restaurant de service rapide ou dans des endroits où les risques d’accidents sont très élevés. Le plus effrayant, c’est que la grande majorité de ces jeunes n’a reçu aucune formation en matière de sécurité.»

SENSIBILISATION DES JEUNES AU TRAVAIL
McAndless coordonne le programme Sensibilisation des jeunes au travail du Workers Health and Safety Centre, organisme provincial qui offre des programmes de formation sur la santé et la sécurité au travail, principalement par l’entremise des représentants syndicaux, lesquels ont reçu une formation dans ce domaine.

Ce programme est présenté chaque année à plus de 36 000 élèves de l’Ontario. Mis sur pied en 1988 par le Centre et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, Sensibilisation des jeunes au travail est devenu un projet commun du Centre et de l’Industrial Accident Prevention Association (IAPA), association d’entreprises qui offre également des programmes de formation à la santé et la sécurité au travail.

Le programme est financé par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, auparavant la Commission des accidents du travail. Le Centre et l’IAPA dispensent tous deux le programme, et le matériel de présentation est disponible en français comme en anglais. Les présentateurs de l’IAPA sont des bénévoles du secteur privé. Ceux du Centre sont généralement des enseignantes et enseignants à la retraite et parfois des représentants syndicaux. Ces présentateurs partagent tous une passion pour le sujet et ont à cœur le bien-être des élèves.

EN ROUTE VERS LA PRÉVENTION
Ann Wilson, enseignante à la retraite de la région de Timiskaming et ancienne présidente de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, se promène de Gravenhurst jusqu’à Cochrane pour présenter le programme Sensibilisation des jeunes au travail. Elle fait partie de la quarantaine d’enseignantes et d’enseignants à la retraite recrutés par McAndless. Wilson croit fermement que tout le temps qu’elle consacre au projet aura prouvé son utilité si elle prévient au moins une blessure.

«Je crois que c’est une excellente occasion pour les élèves d’entendre quelqu’un d’autre leur parler d’un aspect différent du travail. À mon avis, la plupart d’entre eux se souviennent davantage des exemples que de la théorie. Et c’est justement le but des exemples», ajoute-t-elle.

Un exemple qu’utilise Neil Davis, enseignant à la retraite de Peel, est celui de Sean Kells. Sean transvidait un produit chimique inflammable d’un bidon non mis à la terre à un autre lorsque le bidon a explosé. C’était sa troisième journée de travail, et personne ne lui avait dit que cette manœuvre pouvait être dangereuse. Il est mort à 19 ans.

Une élève a avoué à Davis qu’elle avait elle aussi transvidé un produit chimique dans un plus petit contenant. De quel genre de produit s'agissait-il? Elle n’en avait aucune idée.

Davis lui a demandé s'il y avait une étiquette. Elle n'a jamais vérifié. «Mais comment peux-tu faire un travail sans te soucier de ta sécurité?», lui demanda-t-il. Sa réponse : «Si cela avait été dangereux, on ne m’aurait pas demandé de le faire.»

DES EMPLOYÉS TROP CONFIANTS
«Ils ont confiance en leurs parents, leur enseignante ou leur enseignant, et transposent cette confiance à leur employeur. C’est là l’erreur, car contrairement à l’enseignante ou à l’enseignant, l’employeur ne se préoccupe pas autant de la vie et du bien-être du jeune», ajoute Davis.

En parlant aux élèves, Davis s’est aperçu qu’il existait un fossé important entre la loi et les conditions de travail réelles.

«Après avoir entendu ma présentation, les jeunes sont un peu plus conscients du fait que tous les postes comportent des risques, mais qu’ils ont des droits en vertu de la loi. Il faut avoir le courage de promouvoir ces droits. N’hésitez pas à les défendre et ils seront reconnus.»

Les écoles invitent régulièrement des représentants de l’IAPA. Conseiller auprès de l’Association, John VanLenthe présente le programme Sensibilisation des jeunes au travail depuis plus de quatre ans dans des écoles de Burlington à Oakville. «Nous commençons à leur faire comprendre que la formation est importante et qu’ils doivent poser des questions, remarque-t-il. Ils sont jeunes et ils veulent faire bonne impression. Il est difficile de les conditionner à poser des questions. En tant qu’employeur ou superviseur, nous devons nous assurer qu’ils ont l’information pertinente.»

Ellen Shaeen-Hanright, qui donne également des présentations pour l’IAPA, gère le volet santé et sécurité au travail de l’entreprise IMAX. Son message aux élèves : «Soyez attentifs à ce que vous faites, car un accident est vite arrivé et en bout de ligne, vous êtes responsables de votre sécurité.» Elle remarque que les jeunes sont habituellement ouverts à ce sujet et que les récentes campagnes entourant la mort de jeunes travailleurs comme David Ellis et Sean Kells les ont généralement sensibilisés à la question.

JOUR DE DEUIL
Le cas de David Ellis fait l’objet d’un vidéo présenté dans le cadre d’un autre programme de santé et sécurité au travail, celui-là offert par le syndicat des Métallos du Canada. Ellis avait 18 ans lorsqu’il a été tué par un multirobot boulanger pendant sa deuxième journée de travail.

Il y a cinq ans, les Métallos ont mis sur pied le Jour de deuil en Ontario. Depuis, le 28 avril commémore les travailleurs qui se sont blessés ou qui sont morts au travail. Le syndicat a décidé que ce serait là un bon moyen de sensibiliser les jeunes aux questions de santé et sécurité au travail.

Au cours des semaines précédant le 28 avril, les travailleurs du métal ont communiqué avec les écoles. Voyant la réponse enthousiaste du personnel enseignant et des élèves aux présentations données par les porte-parole en santé et sécurité, les Métallos ont décidé il y a deux ans d’offrir également le programme dans le reste du Canada. L’an dernier, ils ont rencontré 30 000 élèves. De nos jours, les écoles invitent les Métallos dans leurs classes à tout moment de l’année.

Le programme des Métallos est semblable au programme Sensibilisation des jeunes au travail. Les présentations sont données en français ou en anglais, et le matériel est disponible dans les deux langues.

Jour de deuil international : une initiative canadienne
Se battre pour les vivants tout en pleurant nos disparus

En 1984, le Congrès du travail du Canada a déclaré le 28 avril Jour national de deuil pour les personnes tuées ou blessées au travail. Cette date a été choisie comme journée commémorative parce qu’elle marque aussi l’anniversaire de la troisième lecture de la première loi du Canada sur l’indemnisation des travailleurs et travailleuses (Loi sur les accidents du travail – Ontario, 1914).

Le NPD a soumis un projet de loi d’initiative parlementaire demandant au parlement de reconnaître officiellement cette date. La Loi sur le Jour de compassion pour les travailleurs est entrée en vigueur le 1er février 1991.

Depuis, l’AFL-CIO (fédération des syndicats américains) a aussi adopté cette journée pour commémorer le deuil de travailleurs et travailleuses. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a organisé le premier Jour international de deuil le 28 avril 1996.

PASSEPORT VERS LA SÉCURITÉ
Au cours des quatre dernières années, la Greater Peterborough Safe Communities Coalition a mis sur pied un projet pilote intitulé Passport to Safety en vue de renforcer la formation en matière de santé et de sécurité donnée dans les écoles.

Plusieurs communautés ont mis sur pied des coalitions de sécurité communautaire dérivées de la Safe Communities Foundation. En 1994, la mort de Sean Kells alors qu’il n’avait que 19 ans a incité son père à mettre sur pied la Fondation en vue d’empêcher que d’autres familles vivent ce genre de deuil. S’inspirant d’un concept de l’Organisation mondiale de la santé, les communautés forment des coalitions de sécurité communautaire chargées d’élaborer des programmes de santé et de sécurité visant à prévenir les accidents les plus fréquents dans leur région.

Le passeport vers la sécurité est un livret remis aux élèves lorsqu’ils suivent leur premier cours de santé et sécurité, soit le programme Sensibilisation des jeunes au travail. Estampillé chaque fois qu’ils suivent un cours de sécurité, ce passeport leur permet de prouver à leurs employeurs potentiels qu’ils connaissent les principales consignes de sécurité.

Les commanditaires du programme espèrent ainsi que les employeurs accorderont la préférence aux jeunes qui ont suivi les cours. Certains sont dispensés par la Croix rouge, l’Ambulance Saint-Jean, les YMCA ou la coalition de la région de Peterborough. Les cours actuellement offerts dans les écoles de la région de Peterborough sont : Sensibilisation des jeunes au travail, SIMDUT, utilisation de l’équipement protecteur, sécurité en cas d’incendie et prévention des microtraumatismes répétés.

Jusqu’à maintenant, 4 000 élèves de la région de Peterborough ont participé au programme. Tous ont suivi le cours de Sensibilisation des jeunes au travail et 2 000 d’entre eux ont également suivi un autre cours.

À titre d’employeur, Tom Sayer, président de la Safe Communities Coalition, remarque : «embaucher quelqu’un qui connaît les consignes de sécurité de base constitue un atout, car cette personne sera généralement plus réceptive à la formation». Sayer est responsable de la fabrication à l’entreprise GE à Peterborough.

OBLIGATION DE L’EMPLOYEUR
L’employeur a également l’obligation d’offrir de la formation pertinente lorsqu’il embauche un élève. «Ce que nous tentons de faire, ajoute Sayer, c’est d’offrir à nos employés certains outils. Tous doivent suivre le SIMDUT, par exemple. Mais ils doivent également savoir qu’ils peuvent aller chercher de l’information sur toute tâche qu’on leur demande d’effectuer.»

Le programme de passeport en est maintenant au stade d’évaluation. Une fois l’évaluation terminée, l’ensemble ou une partie du programme pourra être diffusé plus largement, ce qui sera une bonne nouvelle pour le personnel enseignant, car le curriculum accorde davantage d’attention à la santé et la sécurité au travail.

En effet, le nouveau programme-cadre d’orientation et de formation au cheminement de carrière offert en 10e année, cours obligatoire d’un demi-crédit, exige que les élèves nomment les responsabilités et les droits principaux des employés et des employeurs et qu’ils expliquent pourquoi il existe des normes de sécurité en milieu de travail.

Compte tenu du grand nombre d’élèves qui travaillent à temps partiel et des élèves qui font 40 heures de travail communautaire, il est de plus en plus important qu’ils comprennent la nécessité de poser des questions afin d’assurer leur sécurité.

Ressources

Sensibilisation des jeunes au travail www.yworker.com/francais/ywa_fran.htm

Workers Health and Safety Centre www.whsc.on.ca
Pour organiser une présentation, communiquez avec Doug McAndless mcandless@gtn.net; télécopie au 519-672-2449.

Renseignements à l’intention des étudiants : www.gov.on.ca3.gov.on.ca/LAB/stu/factf.htm  

Renseignements à l'intention des nouveaux travailleurs et des étudiants travaillant en Ontario : www.gov.on.ca3.gov.on.ca/LAB/stu/studf.htm

Ministère du Travail de l’Ontario www.gov.on.ca/LAB/mainf.htm
Ces pages offrent une panoplie de renseignements utiles sur les normes, la santé et la sécurité au travail.

JobSmart www.uswa.ca/jobsmart
Initiative des Métallos du Canada www.uswa.ca

Commission des normes de travail du Québec, Section jeunesse www.cnt.gouv.qc.ca/jeunes/jeunesse.htm
Ce site renferme des renseignements utiles sur les normes du travail ainsi qu’un jeu questionnaire instructif.

Industrial Accident Prevention Association www.iapa.on.ca
Pour organiser une présentation, téléphonez sans frais en Ontario au 1-800-406-iapa (4272).

Dans la région de Peterborough, le programme Passport to Health and Safety
safecommunities@peterboroughinfo.com

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