D’Hélène Matteau
Photo : Getty/David Sacks
Personne n’a oublié le goudou-goudou, ce terrible tremblement de terre qui a ravagé Haïti il y a trois ans. L’île ne s’en est pas encore remise et la dévastation n’a pas touché que les cœurs, les routes et les maisons. Elle a aussi bouleversé les institutions.
C’est pourquoi en 2010, quand l’Afides (l’Association francophone internationale des directeurs d’établissements scolaires) a offert son aide, les «chefs d’établissement», comme on appelle les directeurs d’école en Haïti, ont accepté de bonne grâce. Une collaboration venait de naître. Depuis, durant le mois de juillet, les pédagogues maintenant regroupés sous la bannière d’Afides- Haïti invitent une délégation ontarienne à donner des formations à l’occasion de leur colloque annuel de perfectionnement.
«Ils nous ont reçus avec tellement de chaleur. Comme s’ils nous connaissaient depuis 10 ans!», s’exclame Luc Carrier, EAO, président de l’Association des directions et directions adjointes des écoles franco-ontariennes, qui était du voyage cette année. L’expérience est encore toute vivide dans son esprit. «À la lumière des besoins qu’ils ont eux-mêmes exprimés, et à partir de notre expérience en Ontario, on a bâti un cours sur mesure, en ateliers de huit heures : leadership, imputabilité, enfance en difficulté, plan d’établissement, mission, vision, améliorations et réussite.»
Personne ne connaît mieux ce qui fait l’efficacité d’un directeur d’école que les enseignants! Michael Salvatori, EAO, chef de la direction et registraire de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, était tout désigné pour présenter là-bas la conférence principale sur les normes d’exercice et de déontologie de la profession. «Ils ont été très surpris d’apprendre l’existence d’une qualification obligatoire pour toutes les directions d’école, dit M. Salvatori, et de savoir que c’est notre organisme professionnel qui décide du contenu de ce cours. À l’heure actuelle, chez eux, il n’y a pas de système comme le nôtre pour certifier les pédagogues.»
«Les directrices et directeurs d’école portent leur profession à fleur de peau. Ils ont envie d’en parler, d’échanger. Et ces échanges font d’eux de meilleurs leaders.»
«Son intervention a donné un second souffle à la volonté des directions d’école de réglementer leur profession, commente Luc Carrier. Le modèle ontarien les inspire. Ils sont vraiment intéressés à importer le principe de normes uniques pour l’ensemble de la profession enseignante. Pour eux, c’est un pas en avant.»
Ce fut une semaine bien remplie sur le plan professionnel, sans aucun doute, mais aussi sur le plan humain. M. Carrier, qui n’en est pas à sa première expérience d’échange international, en revient chaque fois transformé. «Je suis touché de voir tout ce que nos collègues africains ou haïtiens accomplissent, malgré des difficultés inouïes, et sans baisser les bras, confie-t-il. Ça a changé ma façon de voir les problèmes (qui n’en sont pas toujours...). Le partage m’a ouvert l’esprit. Je saisis mieux les contextes, et la connexion est plus facile avec les élèves et leurs parents, surtout quand ils sont originaires d’ailleurs. Je me sens plus humain.»
«Pour moi, c’était la première fois, raconte de son côté Michael Salvatori. L’expérience m’offrait l’occasion de faire de l’action humanitaire et, du coup, de retrouver pendant quelques jours mon rôle d’enseignant. Là-bas, j’ai compris que nous faisions plus qu’apporter notre expérience : nous leur donnions la chance de parler d’eux-mêmes. C’est un vrai partage. En Ontario, nous avons le privilège de jouer notre rôle le plus important : créer un climat favorable à l’apprentissage. Mais là-bas, nos collègues font face à la sous-alimentation, aux problèmes de transport et au manque de ressources qui leur permettraient de perfectionner leurs compétences et celles des jeunes. Ils ont besoin de notre aide.»
L’expérience aura-t-elle une suite? Les délégués font plus que le souhaiter : ils le veulent! Et veulent surtout convaincre leurs pairs de les accompagner l’été prochain. «Être exposé à d’autres cultures, fait remarquer M. Carrier, à des façons différentes de faire les choses, c’est à mes yeux l’une des meilleures formations pour apprendre à nos enfants à devenir des citoyens du monde.»
Les deux hommes, bien sûr, gardent précieusement contact avec leurs collègues d’Haïti.
Maryse Legault, EAO, directrice pédagogique, programme du jardin d’enfants à la 6e année, Conseil des écoles catholiques de l’Est ontarien; Pierre Morin, EAO, directeur, école élémentaire catholique Elda-Rouleau à Alexandria; Louis Houle, EAO, directeur de l’école élémentaire catholique Saint- Victor; Linda Lacroix, EAO, directrice de l’école secondaire Hanmer et surintendante au Conseil scolaire public du Nord- Est de l’Ontario; Luc Carrier, président de l’Association des directions et directions adjointes des écoles franco-ontariennes; Michael Salvatori, EAO, chef de la direction et registraire de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.
Chaque participant a assumé le coût de son transport.