Catherine MacDonald, EAO, sort des sentiers battus pour donner le goût de l’histoire à ses élèves.
De Trish Snyder
Photos : Joanne K
Quiconque pense que l’histoire est un sujet ennuyant n’a jamais marché sur la pointe des pieds autour d’ossements humains dans une salle de classe. «Bonjour, mesdames et messieurs!», lance Catherine MacDonald, EAO, enseignante d’histoire et d’archéologie, à ses 26 visiteurs de la 4e à la 6e année, chacun portant un macaron sur lequel est écrit «Détective en herbe». «Aujourd’hui, vous allez examiner des scènes de crime dans les bois du nord de l’Ontario.» En fait, ces scènes de crime se trouvent dans la classe : tous les meubles ont été poussés contre les murs pour faire place à des arbustes en pot et à des indices (allant d’une tasse de café à un insectifuge en passant par un casque de chantier et des gants de travail) déposés par terre en six quadrants. La tâche des équipes : examiner les indices dans leur quadrant et trouver une explication plausible de ce qui s’est produit.
Armés de loupes, de gants en caoutchouc, de rubans à mesurer et d’appareils photo numériques, les historiens en herbe passent les trois heures suivantes à photographier, esquisser, cartographier et cataloguer chaque article, comme on le fait sur un chantier de fouilles archéologiques. Dans un quadrant, une jeune fille détermine le meilleur angle pour photographier une pelle à poussière. Dans un autre, un garçon a de la difficulté à déterminer les coordonnées des ossements. Mme MacDonald vient lui donner un coup de main, avec l’énergie, la patience et la bonne volonté d’un chef scout.
«Mon Dieu, c’est un crâne!», hurle une fille derrière ses lunettes. Mme MacDonald arrive à toute vitesse. «Souviens-toi de ce que nous avons appris hier sur l’utilisation d’un crâne pour déterminer l’identité d’une personne, lui dit-elle, accroupie à ses côtés au sein du groupe. Qui parmi vous pense que c’est un homme?» Aucune main ne se lève. «Qui pense que c’est une femme?» Catherine MacDonald sourit en voyant toutes les mains levées. «Très bien! Et comment le savez-vous? », demande-t-elle. «Parce que la mâchoire est en forme de V, tandis que celle d’un homme est davantage en forme de U», répond une fillette. Elle tape en plein dans le mille! Comme l’a fait Catherine MacDonald avec ses cours d’archéologie novateurs qui ont fait la renommée du Durham Catholic District School Board. Forte de 35 ans d’expérience, elle a invité pour la première fois en 1996 sa classe d’archéologie de 12e année de la Father Leo J. Austin Catholic Secondary School de Whitby à prendre part à de vraies fouilles archéologiques. Ce cours de cycle supérieur a eu un tel succès que le conseil scolaire lui a demandé de l’offrir à des élèves de l’élémentaire de la région. Le résultat : History in Our Hands (l’histoire au bout des doigts), programme d’archéologie unique qu’offre Catherine MacDonald à certains élèves de la 4e à la 8e année afin de leur faire vivre une expérience enrichissante. Le crédit en archéologie de 12e année et le programme offert à l’élémentaire permettent aux jeunes de faire un lien personnel avec l’histoire canadienne et représentent une occasion unique de déterrer des artéfacts d’un chantier de fouilles local. L’excellent travail de Mme MacDonald lui a valu le Prix du premier ministre pour l’excellence en enseignement en 2009, le Prix en archéologie publique Peggy- Armstrong en 2011 et le Prix d’histoire du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement en 2013.
«Ses élèves ont acquis un certain respect pour leur patrimoine.»
Mais ce sont ses anciens élèves qui lui font le plus grand honneur. Plusieurs se réinscrivent à ses programmes pour faire des stages, tandis que plus d’une centaine ont étudié l’archéologie à l’université et sont devenus professeurs ou conservateurs de musée. «Cathy est un bâton de dynamite, affirme Michelle Meraw, EAO, consultante en éducation de l’enfance en difficulté. Grâce à elle, ses élèves sont devenus des apprenants à vie et ont acquis un certain respect pour leur patrimoine.»
Mme MacDonald a découvert sa passion pour l’archéologie à l’âge de 6 ans lorsque son oncle lui a offert un livre intitulé Lost Worlds. «Déterrer le passé et les anciennes civilisations présentait un monde d’aventures.» À 7 ans, coiffée d’un casque colonial, elle a invité chez elle une douzaine d’amis armés de pelles pour chercher des trésors dans sa cour. Leur fouille a été étonnamment efficace : la terrasse s’est effondrée et ils ont craquelé les fondations! «J’ai bien cru que mes parents allaient me tomber dessus, se souvient- elle. Au lieu de ça, ils m’ont abonnée au Musée royal de l’Ontario!» Au fil des années, Mme MacDonald s’est taillée tout un parcours professionnel : elle est devenue membre de comités d’éducation publique pour des sociétés archéologiques du Canada et des États-Unis, a rédigé des chapitres pour des ouvrages archéologiques, a donné des présentations à des conférences sur l’archéologie et siège aujourd’hui au comité consultatif du Musée royal de l’Ontario.
Catherine MacDonald a découvert le pouvoir de l’archéologie dans les années 1980 lorsqu’elle a emmené sa classe d’histoire à Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons, un village jésuite datant de 1639. «Ce fut magique! Tous les élèves – quels que soient leurs intérêts, leur humeur et leur niveau scolaire – étaient attentifs.» Et ça se comprend. Explorer des artéfacts est plus intéressant que d’être cloué à son pupitre, le nez plongé dans un manuel scolaire. Et puis, c’est multidisciplinaire. Il y en a pour tous les goûts : les matheux calculent les coordonnées, les scientifiques aiment identifier les os d’animaux, les artistes s’intéressent aux styles de poterie et tous sont séduits par l’idée de dépoussiérer des objets que des Canadiens ont utilisés il y a des centaines d’années.
«Explorer des artéfacts est plus intéressant que d’être cloué à son pupitre, le nez plongé dans un manuel scolaire.»
Les trois premières parties du programme History in Our Hands se déroulent à l’automne pendant trois après-midis. Mme MacDonald initie des élèves de différentes écoles à l’archéologie au moyen d’activités pratiques et amusantes qui développent la pensée critique. Par exemple, dans l’analyse de la scène du crime, il n’y a pas de bonnes de mauvaises réponses, ce qui encourage les élèves à donner libre cours à leur imagination et à travailler ensemble pour formuler une hypothèse. (L’an dernier, un groupe devait expliquer comment des fragments d’os s’étaient retrouvés dans un arbre; ils ont avancé une hypothèse très crédible selon laquelle un avion s’était écrasé.) Les élèves apprennent également les principales techniques d’archéologie, comme la cartographie, qu’ils devront utiliser lors d’une excavation. «J’essaie de concevoir des activités qui ne sont ni trop faciles ni trop difficiles afin de remuer les méninges des élèves sans trop de frustration, explique Catherine MacDonald. Je les aide à découvrir leurs talents.»
Même les élèves les plus réticents sont prenants. Par exemple, une élève est arrivée dans sa classe au milieu de l’année scolaire et lui a carrément dit que l’histoire et l’archéologie ne l’intéressaient nullement. Ne se laissant pas décourager, Mme MacDonald a fini par découvrir qu’elle s’intéressait au moins à une chose : les bijoux. Elle lui a montré les joyaux de la Couronne britannique et lui a demandé si elle aimerait faire une recherche sur les célèbres accessoires du Royaume-Uni pour un projet. Non seulement a-t-elle produit une superbe exposition et un excellent rapport, mais elle a plus tard obtenu une maîtrise en archéologie. Selon Sue Laforet, EAO, directrice d’école, Catherine MacDonald a le don d’enseigner aux élèves difficiles à atteindre. «Cathy est toujours positive et enthousiaste. Elle est capable de travailler avec les élèves, quel que soit leur style d’apprentissage ou rendement scolaire.»
Chaque groupe de jeunes visiteurs revient en hiver suivre une formation intensive de trois jours en vue des fouilles. On leur fournit des contenants remplis de terre pour qu’ils apprennent à manier la truelle et on leur montre comment trier et classer les objets. Ils décodent des langues mortes à l’aide de tessons de poterie. Ils réalisent rapidement que tout morceau de poterie, aussi petit soit-il, constitue une pièce importante du casse-tête. «Un artéfact ouvre une fenêtre sur un monde», explique Mme MacDonald. À un parent, durant une fouille, qui lui avait demandé quand ils allaient enfin trouver quelque chose d’intéressant, elle lui a répondu : «Ce n’est pas ce qu’on trouve, mais ce qu’on découvre».
Dans le cadre de la formation intensive, les élèves apprennent à respecter les cultures autochtones en recréant leurs activités. Ils fabriquent une casserole en argile ou façonnent une pointe de flèche au moyen d’outils faits de pierre ou de rameaux – un travail pénible qui prend des heures à achever. Lorsque Mme MacDonald leur demande : «Que pensez-vous de ces gens qui ont non seulement vécu dans des conditions difficiles et bravé le climat froid du Canada, mais aussi réussi à développer une culture florissante? » Les élèves sont sidérés. «C’est un bon moyen de leur enseigner l’empathie. On ne leur dit pas d’admirer ces gens; ça vient naturellement.»
L’éthique et le droit sont également à l’Ordre du jour. Catherine MacDonald s’assure que ses groupes savent comment effectuer chaque étape éthiquement et dans les limites de la loi, car chaque fouille peut entraîner de lourdes conséquences. «Je prône une protection bienveillante du patrimoine canadien», dit-elle.
Les fouilles ont lieu au printemps sur un territoire autochtone, au nord de Pickering. Avec la bénédiction des groupes autochtones de la région, chaque groupe de quatre fouille un carré de terre avec deux étudiants universitaires sous la supervision d’archéologues de la Toronto and Region Conservation Authority. Les élèves commencent par enlever une fine couche de sol avec leur pelle. Ils se mettent ensuite à la recherche d’artéfacts, ramassant tout ce qu’ils trouvent dans les différentes couches de sol, allant de poteries et de pointes de flèche à des moules de pieux (les pieux servaient de support à une maison longue), avant de les mettre dans des sacs. Ils mesurent, cartographient, enregistrent, esquissent et interprètent leurs trouvailles, lesquelles sont ensuite consignées dans des rapports de terrain transmis à Mme MacDonald. Ces rapports, qui mentionnent le nom des élèves, sont rédigés par un archéologue et envoyés au ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport. Pour Catherine MacDonald, c’est le plaisir de la découverte qui l’anime. «J’adore voir la joie sur le visage d’un élève lorsqu’il touche un objet vieux de 800 ans.»
«J’adore voir la joie sur le visage d’un élève lorsqu’il touche un objet vieux de 800 ans.»
Après les fouilles, les élèves participent à un colloque sur l’archéologie où ils mettent en commun leurs expériences. Les élèves du cycle moyen travaillent sur des projets de voyage dans le temps et usent de leur imagination pour recréer le passé. Une élève a rédigé et illustré un manuel de 42 pages présentant des artéfacts fascinants et les différentes étapes d’une fouille. Les élèves du cycle intermédiaire achèvent un projet de découverte axé sur la recherche visant à prouver une hypothèse sur une ancienne culture. Une fille qui a étudié la culture autochtone a conçu un diorama digne d’un musée comprenant une maison longue, une zone pour sécher le poisson et des figurines d’argile peintes à la main et disposées debout dans une rivière. À la fin du colloque, les élèves reçoivent un certificat attestant qu’ils ont reçu une formation sur les principes de l’archéologie – une chose rare au Canada.
Le programme de Catherine MacDonald est un franc succès et a permis aux élèves de prendre goût à l’histoire. Bien consciente de ce fait, Sue Laforet, la directrice d’école, espère qu’elle pourra continuer d’offrir le programme. Mme MacDonald souhaite passer le flambeau. «J’aimerais que ce programme se répande partout en Ontario pour que davantage d’élèves puissent renouer avec notre patrimoine.»
Vous pouvez vous aussi initier vos élèves à l’archéologie. Voici quelques-unes des ressources préférées de Catherine MacDonald :