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Pratiques exemplaires

Photo d’Anne-Marie Pinsonneault, enseignante agréée de l’Ontario, parmi ses élèves. Elle montre des images de monstres à ses élèves qui les trouvent amusants. Des faces de monstre faits avec de la peluche, des yeux exorbités et des dents proéminentes décorent la salle de classe.

L’enseignement et l’art d’imaginer

Dans la verte région du comté de Kent, aux abords du Michigan, Anne-Marie Pinsonneault, EAO, fait des merveilles grâce à son inépuisable créativité.

D’Hélène Matteau
Photos : Markian Lozowchuk

Exclusivité en ligne : Visionnez une vidéo de nos Pratiques exemplaires à Pour parler profession.

Assis en cercle sur le tapis bleu, une vingtaine d’enfants écoutent Mme Pinsonneault leur expliquer le devoir à faire. Ça va? Oui! C’est l’heure de partir. Chacun prend ses affaires, l’un attache son sac, l’autre, son soulier. À demain!

Les chaises sont renversées sur les tables et le matériel scolaire est soigneusement rangé. Le silence retombe sur la salle de classe. On n’entend plus… que les murs! Car ils parlent. Ils expliquent les concepts à intégrer, les étapes à suivre, les objectifs à atteindre, les habitudes à prendre, les règles de conduite à observer et les récompenses à mériter. Comme des miroirs, ils reflètent la vie des petits de 2e année et l’enthousiasme de leur enseignante, Anne-Marie Pinsonneault, créatrice de ses tableaux colorés qui guident jour après jour l’apprentissage de ses «p’tits cocos».

Petite, vive et solide, Mme Pinsonneault ne fait pas du tout ses 50 ans. En 2012, l’année qui a marqué ses 25 années de carrière comme enseignante, elle recevait un Certificat d’honneur du Prix du Premier ministre pour l’excellence dans l’enseignement. À l’époque, elle travaillait à l’école élémentaire catholique Saint-Francis, à Tilbury. «Elle portait quatre chapeaux! explique Lucie Crête, EAO, directrice de l’école, qui a présenté la candidature de Mme Pinsonneault. Enseignante d’informatique, aide à l’apprentissage AAA, accompagnatrice en littératie, elle aidait aussi les enfants en difficulté. C’est une personne qui se consacre à son travail à 300 pour cent! Elle m’a vraiment impressionnée!»

Photo d’Anne-Marie Pinsonneault, debout dans sa salle de classe avec trois élèves.
Derrière Anne-Marie Pinsonneault, EAO, les murs parlent. Comme des miroirs, ils reflètent la vie des élèves et l’enthousiasme de leur enseignante. Chaque jour marque le début d’une nouvelle aventure!

Cette année, après 13 années en itinérance, Mme Pinsonneault est revenue dans la salle de classe. Toujours au Conseil scolaire catholique Providence, mais, cette fois-ci, à l’école élémentaire catholique Sainte- Catherine, avec la même directrice mutée à Pain Court. C’est dans ce village où elle est née, situé à dix minutes de Grande Pointe, que Mme Pinsonneault a fait ses études secondaires, rencontré son mari et élevé ses deux fils. «J’avais envie de revenir sur le terrain», dit-elle. Autant dire revenir au pays!

«Pour moi, la famille compte tellement! continue-t-elle. Celle de l’école, du conseil [scolaire], de la paroisse, de la communauté. On se tient les coudes!» D’ailleurs, chez Mme Pinsonneault, famille et enseignement se confondent : sa mère, son père, un de ses frères, ses belles-soeurs, sa belle-mère et certaines de ses tantes ont enseigné ou enseignent!

Ses parents, Madeleine Lebrun et Seville Pinsonneault, se souviennent : «L’école a toujours fait partie de notre univers. Les enfants nous suivaient dans nos classes, les fins de semaine, car on avait souvent du bricolage à faire pour illustrer nos thèmes. Anne-Marie nous aidait. Elle était enseignante en venant au monde!» L’intéressée approuve : «Je suis tombée toute petite dans la marmite! Je jouais tout le temps à l’école avec mes deux frères, j’aimais lire, apprendre. Je n’ai pas eu à choisir : l’enseignement était un chemin naturel. J’avais la passion.»

Elle l’a toujours. Une ferveur qui la pousse «à ne jamais se limiter au statu quo, à ce qui a déjà été fait», témoigne une de ses collègues.

Littératie et technologie

Il faut dire qu’Anne-Marie Pinsonneault possède une créativité exceptionnelle. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu son Certificat d’honneur. Ainsi, pour permettre aux élèves (majoritairement anglophones dans cette région) d’intégrer à la fois le français et les outils technologiques, elle les a incités à devenir… auteurs de produits médiatiques!

Par exemple, en utilisant un tableau tactile et un appareil-photo, les petits de la maternelle ont créé Paulo la puce, un livre interactif publié sur YouTube. Ceux de 1re année ont créé une consigne avec le logiciel Publisher à l’aide d’images en ligne, de photos et de mots thématiques pris sur le mur de mots électronique. Quant aux jeunes de 2e et de 3e année, ils se sont lancés dans le marketing! Ils ont inventé un monstre, en ont fait la description détaillée et ont conçu une publicité avec la FlipCam.

Pas étonnant que Mme Pinsonneault ait fait grimper la motivation et les résultats de ses élèves aux tests de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation. Lucie Crête raconte : «En intégrant la littératie dans ses cours d’informatique, elle a vraiment amélioré la lecture et l’écriture chez les enfants, en particulier les garçons, moins motivés au départ, pour lesquels elle créait des thèmes de piraterie ou de chasse au trésor. Certains refusaient de toucher un stylo au début de l’année; à la fin, ils inventaient des histoires, tout fiers de me les faire lire! Si mon fils avait eu le bon âge, je l’aurais placé dans sa classe.»

Créativité bien encadrée

En changeant d’école, l’enseignante n’a rien perdu de son imagination. En septembre, cette année, elle a apporté des cocons de chenilles monarques en classe. Les élèves ont pu suivre de près le cycle de transformation, jusqu’à l’éclosion. Quand les papillons ont ouvert leurs ailes, les élèves leur ont donné chacun un nom, puis les ont relâchés dans la nature sous l’oeil de la caméra. En souvenir, on a produit une joyeuse vidéo, mise en ligne à l’intention des parents, et chacun a écrit et illustré son propre «Livre de papillons»!

«Je n’ai pas eu à choisir : l’enseignement était un chemin naturel. J’avais la passion.»

«Mme Pinsonneault invente des occasions d’apprendre comme ma fille n’en a jamais connues, assure Sheri Sparling, mère d’une élève de 7 ans. Mais elle fait plus : elle l’aide à bâtir sa confiance en elle. L’an dernier, ma fille se sentait comme la pire des élèves. Elle sait maintenant qu’elle peut réussir et jouer un rôle essentiel dans la classe. C’est en grande partie parce que les règles, les routines et les objectifs de Mme Pinsonneault sont clairs. Ma fille comprend exactement ce qu’elle doit faire pour bien apprendre. Son intérêt s’est éveillé : elle adore l’école!»

Un encadrement bien défini : voilà une autre des forces de Mme Pinsonneault, qui fonde sa pédagogie sur une discipline à la fois exigeante et souple. «Elle comprend que les enfants ont besoin de s’amuser en travaillant», résume la directrice, Mme Crête. Alors, elle s’arrange pour que l’apprentissage devienne une expérience stimulante.

D’une part, cela se traduit par des gratifications. «Par exemple, explique Mme Sparling, quand un enfant atteint ses objectifs, Mme Pinsonneault lui remet des “dollars” qui lui vaudront une récompense. Ma fille rêve d’en avoir bientôt assez pour mériter sa journée pyjama!» D’autre part, l’enseignante apporte un soin méticuleux à l’organisation et à l’environnement visuel de sa classe. «C’est une pièce attrayante, accueillante et très fonctionnelle», se réjouit Mme Sparling, qui apprécie le choix de Mme Pinsonneault de faire asseoir les enfants autour de tables en groupes de quatre. «Tout est conçu pour favoriser le travail d’équipe, tout en répondant aux besoins spécifiques de chacun», précise-t-elle.

Mais pour en arriver là, combien d’heures de préparation aura-t-il fallu! Bourreau de travail, Anne-Marie Pinsonneault? C’est en tout cas l’avis de ses parents. «Elle travaille même la nuit, dit son père. Et le prix qu’elle a reçu l’encourage à en faire plus!»

Ne jamais cesser d’apprendre

«Je suis perfectionniste, reconnaît l’enseignante. Je cherche toujours ce qui pourrait être amélioré et comment y parvenir. Surtout cette année. Revenir en salle de classe a été un virage pour moi. Par exemple, j’appliquais déjà la pédagogie explicite proposée par le ministère de l’Éducation, mais instinctivement. J’ai dû mettre au point une méthode pour la transmettre aux enfants. Même chose quand j’ai remplacé les pupitres par des tables : une toute nouvelle façon de gérer le travail pour moi. Mais j’ai du soutien!» Celui de sa foi («Pour moi, Dieu est au centre de tout.»), de sa direction, de ses collègues et de sa famille. Elle n’est jamais à court d’encouragements. «Et puis, j’ai des mentors. Mae Caron, depuis ma première année d’enseignement; ma surintendante, Céline Verville, EAO; Lucie Crête, qui me pousse à développer mes talents. Leur exemple m’inspire. Enseigner, c’est un travail d’équipe, conclut-elle. Ici et au conseil [scolaire], il est encouragé, valorisé et reconnu. C’est une grande force!»

À l’écouter, on la sent rayonnante, totalement dans son élément. Une dernière question : que veut-elle laisser en héritage à ses élèves? «Qu’ils ne cessent jamais d’apprendre tout au long de leur vie, répond-elle. Et qu’ils sachent qu’ils ont été beaucoup aimés.»

Photo d’Anne-Marie Pinsonneault.

Conseils pour développer sa créativité

Vous n’avez pas forcément besoin de passer beaucoup de temps pour développer votre créativité. Il est surtout question de prendre conscience de toutes les occasions qui se présentent à vous quotidiennement et de les exploiter.

De Mme Pinsonneault