De Laura Bickle
Photo : avec l’aimable autorisation du Commissariat aux langues officielles
Né à Ottawa, Graham Fraser fut l’un des rares journalistes capables de travailler en anglais et en français. Il a forgé sa carrière auprès des principaux médias écrits du pays (Le Devoir, The Globe and Mail, Maclean’s, Montreal Gazette et The Toronto Star). Son respect pour les deux langues l’a poussé à écrire son cinquième ouvrage, Sorry, I Don’t Speak French: Confronting the Canadian Crisis that Won’t Go Away, ce qui, en plus de son expérience de travail bilingue, en a fait un choix idéal pour le poste de commissaire aux langues officielles en 2006.
Responsable de la promotion des deux langues officielles du Canada ainsi que de la protection des droits linguistiques, M. Fraser est persuadé que «tous les enfants devraient avoir la possibilité de devenir bilingues et de participer pleinement à l’économie, à la gouvernance et à la société du pays».
Poursuivez votre lecture pour connaître le point de vue de M. Fraser sur l’état actuel (et parfois compliqué) de l’éducation bilingue à l’échelle nationale.
Pouvez-vous nous parler d’un cas qui a eu une incidence sur la protection des droits linguistiques du Canada?
Dans Nguyen c. Québec (Éducation, Loisir et Sports), un groupe de parents a demandé à ce que leurs enfants soient déclarés admissibles à l’éducation en anglais — conformément aux dispositions de la Charte de la langue française — mais on leur en a refusé le droit. La décision de la Cour suprême a confirmé le droit à l’éducation dans la langue de la minorité et l’importance de protéger les communautés linguistiques minoritaires. En conséquence, le gouvernement du Québec a adopté une nouvelle loi (loi 115) concernant l’accès à une éducation en anglais.
La langue française est-elle en danger en dehors du Québec?
Près de 10 millions de Canadiennes et Canadiens parlent français, y compris environ 7,3 millions pour qui il s’agit de la langue maternelle. Le nombre de francophones à l’extérieur du Québec est d’environ un million, ce qui représente 10 000 personnes de plus depuis le rapport du recensement de 2006.
Il est plus important que jamais d’intégrer les immigrantes et immigrants de langue française dans les communautés francophones. Le nombre de personnes se disant francophones, mais dont la langue maternelle n’est pas le français augmente de façon considérable. En outre, je vois une solidarité et une mobilisation plus grandes dans les communautés francophones — elles augmentent au Canada, lentement mais sûrement.
Parlez-nous de l’importance de donner aux élèves la possibilité d’apprendre une langue.
Le pays doit fournir un véritable continuum de possibilités d’apprentissage en langue seconde, de l’école élémentaire au palier postsecondaire.
Les vastes défis que nous devons surmonter sont le manque de personnel qui enseigne le français langue seconde et le nombre croissant d’immigrantes et d’immigrants à l’extérieur du Québec qui ne sont pas en mesure de converser dans les deux langues officielles.
En 2011, plus de 341 000 élèves étaient inscrits à des programmes d’immersion : un record absolu. Les parents font parfois la file dans des stationnements d’école toute la nuit en Colombie-Britannique pour inscrire leur enfant. Dans d’autres districts, c’est un système de loterie qui attribue les places convoitées. On nous a dit que le manque de personnel enseignant qualifié en restreint le nombre. Le gouvernement fédéral a la responsabilité de travailler avec les provinces et les universités pour accroître l’offre.
J’ai aussi recommandé que le premier ministre du Canada prenne les mesures nécessaires pour doubler le nombre de jeunes qui participent chaque année à des échanges linguistiques de courte et de longue durée aux paliers secondaire et postsecondaire.
Comment susciter l’enthousiasme de nos élèves pour l’apprentissage du français?
Malgré le déclin des ressources, nous devons rappeler au gouvernement ainsi qu’à nos écoles les avantages liés à la possibilité de pouvoir apprendre le français et le fait que ces diplômés auront une longueur d’avance sur le marché du travail. J’invite le personnel enseignant à créer des occasions quotidiennes pour les élèves de converser dans leur deuxième langue officielle. Cette pratique nous aidera non seulement à améliorer leur savoir, mais aussi à leur permettre de prospérer sur le marché du travail et en tant que citoyennes et citoyens canadiens.
Mon bureau a créé un salon virtuel pour le personnel enseignant (bit.ly/1v23p1Y) qui fournit des outils, des jeux et des ressources visant à encourager les élèves à apprendre ou à enrichir leur deuxième langue.