De Stuart Foxman
Photos : Raina+Wilson; Coiffure et maquillage : Celeste Morton; Accessoires : Kate Curcio, Studio141 inc.
En tant qu’enseignant de physique et de mathématiques, Crispin Duenas, EAO, aide les élèves à cibler et à atteindre les objectifs fixés. Voilà une activité dans laquelle il excelle en dehors de l’école.
M. Duenas, l’un des meilleurs archers au monde, a fait partie de deux équipes olympiques canadiennes (Beijing 2008 et Londres 2012). Cet enseignant suppléant du Toronto District School Board est très heureux d’avoir l’occasion de participer, dans sa ville natale, aux Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015.
«Lorsque je participe à une compétition, il n’y a que le terrain et ma cible qui comptent. Mais cette fois-ci, je vais apprécier le fait de pouvoir rentrer chez moi et d’avoir une routine normale, déclare M. Duenas. C’est formidable que Toronto accueille un événement multisport. Mis à part le hockey, beaucoup de Canadiens s’intéressent peu au sport en général.»
Comment le tir à l’arc a-t-il séduit M. Duenas? Le cinéma a joué un rôle important. Tout jeune, Robin des Bois et les westerns le fascinaient. Il adorait également Retour vers le futur 3, dont l’histoire se déroule en plein Far West. Dans une des scènes, Marty McFly s’aperçoit qu’une flèche s’est plantée dans le moteur de sa voiture, puis il la retire et la jette. «Je me souviens de m’être écrié, “Mais pourquoi tu ne la gardes pas? C’est super ce truc!”, déclare M. Duenas. La graine du tir à l’arc avait germé.»
Un autre élément y avait contribué. M. Duenas a toujours été en quête de précision et de perfection. À l’époque où il était élève, il était membre de l’équipe de natation, faisait de la gymnastique, étudiait le karaté et la musique (il sait jouer du piano, de la guitare, de la trompette, de la flûte et de la batterie). Il prenait part à une foule d’activités, tout en obtenant de très bons résultats scolaires. «J’ai toujours été attiré par l’idée d’excellence», dit-il.
Autant de qualités qui font du tir à l’arc une discipline idéale. L’un des attraits de ce sport est la possibilité d’obtenir un score ultime – par exemple, en frappant tous les 10 ou en plein dans le mille. Néanmoins, comme le souligne M. Duenas, «[t]outes les flèches n’atterrissent pas au centre, il y a donc cette certitude de pouvoir mieux faire qui vous trotte dans la tête».
C’est en 2000 que M. Duenas a commencé à s’entraîner au tir à l’arc. En 2007, à l’âge de 21 ans, il a décroché la médaille d’argent aux Jeux panaméricains de Rio de Janeiro, au Brésil. En 2011, il a remporté une autre médaille d’argen aux Jeux panaméricains de Guadalajara, au Mexique. Il a obtenu, en outre, une médaille de bronze aux Championnats du monde de tir à l’arc de 2013, en Turquie.
Le tir à l’arc est un sport extrêmement technique, mais aussi très exigeant sur le plan physique. «Le torse est toujours bombé, et les bras sont toujours à hauteur d’épaule. Si vous n’avez aucune force, un moindre vent vous fera dévier, explique M. Duenas. Vous devez également avoir un système cardiovasculaire robuste, car certaines de nos compétitions durent huit heures
«Les archers vous donnent l’illusion de la facilité, poursuit-il, mais imaginez un instant que vous reteniez une pression de 25 kilos au bout de trois doigts, que vous tiriez l’arc jusqu’au visage et que vous mainteniez cette position pendant trois à six secondes avant de frapper une cible de la taille d’un CD accroché à l’autre bout d’un terrain de soccer.»
Durant l’été, M. Duenas se rend au stand de tir à l’arc à 9 h et s’entraîne de trois à quatre heures. Il fait une pause pour dîner et, bien souvent, passe à la salle de gym pour quelque 90 minutes d’exercices de stabilité et d’entraînement cardio (dont la planche abdominale et la rame). Il se repose et, en fin d’après‑midi, retourne au stand et fait du tir jusqu’au coucher du soleil.
Pendant l’année scolaire, M. Duenas rentre chez lui après les cours, il prend un repas léger, puis se rend soit à la salle de gym, soit au stand et s’entraîne environ quatre heures.
M. Duenas a le sentiment que son diplôme de physique de l’Université de Toronto ainsi que la matière qu’il enseigne lui donnent un certain avantage en tant qu’archer.
«L’objectif est de propulser la flèche aussi droit que possible. Vous devez trouver l’angle parfait pour positionner la flèche dans la corde, tout en ajustant la tension. Mes connaissances en physique facilitent mon calibrage.»
Les archers doivent également tenir compte des conditions météorologiques, notamment de l’incidence des vents latéraux et de l’humidité sur la trajectoire de la flèche. M. Duenas incorpore-t-il la science du tir à l’arc (mouvement de projectile et transfert d’énergie) à son enseignement? Absolument! «C’est de la physique classique, explique-t-il. Je peux faire des parallèles, mais ce qui captive beaucoup d’élèves, c’est avant tout le fait qu’un athlète olympique leur donne le cours.»
M. Duenas dit que le métier d’enseignant a fait de lui un meilleur archer. «J’ai appris à être patient et à encaisser les coups.» Réciproquement, il applique en classe certains enseignements tirés de son sport de prédilection concernant la persévérance.
«Certains élèves veulent abandonner parce qu’il est trop difficile de réussir à l’école ou parce qu’ils ont l’impression qu’ils ne vont pas y arriver. Je leur dis qu’il n’y a aucune raison de se sous-estimer, déclare M. Duenas. Je sais qu’il y a toujours une occasion de se rattraper. Il y a toujours une autre séance d’entraînement, un autre tournoi, une autre flèche à tirer.»
Victoria Nolan, EAO
artiste-interprète aux
Jeux parapanaméricains
Cet été, les compétiteurs seront à l’avant-scène. Ce sera le cas de Victoria Nolan, EAO, qui montera sur une véritable scène dans le cadre de «Panamania», le programme artistique et culturel qui se déroulera parallèlement aux Jeux panaméricains et parapanaméricains.
Mme Nolan est enseignante d’éducation de l’enfance en difficulté à la Gledhill Public School, à Toronto, et rameuse de renommée mondiale. Elle est aussi l’une des vedettes de Push, une pièce ayant pour thème la réussite sportive et le dépassement de soi, dans laquelle se recoupent les histoires personnelles de six athlètes canadiens.
«L’intrigue tourne autour de la manière dont l’incapacité a façonné une vie, et sur la façon dont le sport l’a influencée, explique Mme Nolan. Je saisis avec plaisir l’occasion de sensibiliser le public à cet égard.»
Élève, Mme Nolan avait échoué une fois au cours d’éducation physique. Elle trébuchait tout le temps, se heurtait à ses camarades et manquait le ballon. Jamais elle n’avait imaginé qu’un jour elle représenterait le Canada en tant qu’athlète. Jamais non plus elle n’avait pensé que ses problèmes dans le cours d’éducation physique étaient liés à une grave maladie oculaire : la rétinite pigmentaire.
La rétinite pigmentaire se caractérise par une héméralopie (cécité nocturne), suivie d’un rétrécissement de la vision. Il s’agit d’une maladie progressive. Ayant reçu un diagnostic à l’âge de 18 ans, Mme Nolan explique que l’état actuel de sa vision équivaut à regarder à travers un trou d’épingle ou un bâtonnet.
En 2005, à l’âge de 31 ans, le moral de Mme Nolan était au plus bas. À cause de sa rétinite, elle se sentait limitée et craignait que ses deux jeunes enfants ne la perçoivent comme une personne diminuée. Elle a alors décidé de faire de l’exercice physique, et elle a choisi l’aviron. Alors qu’elle n’était plus en mesure de conduire, l’aviron lui a redonné un sentiment de liberté; elle pouvait glisser sur l’eau sans avoir peur.
Un homologue lui a conseillé un jour d’envisager de se joindre à une équipe de compétition. Ainsi, en 2007, elle était membre de l’équipe canadienne d’aviron adapté, laquelle a remporté une médaille aux Championnats du monde. Elle a décroché une autre médaille en 2010 et a également participé aux Jeux paralympiques de 2008 et de 2012.
Après s’être retirée du domaine de l’aviron, Mme Nolan s’est lancée dans le vélo tandem avec Sarah Chaudhery, ancienne rameuse olympique. Elles ont fait leurs débuts en participant à une course de bienfaisance, mais l’envie de faire de la compétition les a tellement démangées qu’elles ont désormais l’intention de rejoindre l’équipe paracycliste nationale. Mme Nolan s’entraîne une heure et demie tous les matins, avant même que ses enfants, âgés de 10 et 12 ans, ne se réveillent. Elle se sert d’un vélo fixé à un support et programmé pour générer une résistance. «Le but de cet entraînement est d’augmenter la vitesse de rotation.
«Je peux me donner à fond, en toute sécurité, car Sarah est au guidon, dit Mme Nolan. Nous pouvons atteindre des vitesses incroyables, jusqu’à 76 km/h. On est à mi-chemin entre la peur et l’excitation.»
Pour l’édition de 2015, Mme Nolan a sauté sur l’occasion de devenir une ambassadrice bénévole officielle. Son rôle consistait à recruter d’autres bénévoles et à faire la promotion des événements de cet été. Sa participation l’a ainsi menée à la pièce Push. Les représentations de cette pièce se donneront au théâtre Michael Young, dans le quartier de la Distillerie de Toronto, tout au long des Jeux parapanaméricains.
Bien que Mme Nolan n’ait jamais été comédienne (à moins que vous ne comptiez ses dix répliques dans Le Magicien d’Oz, à l’âge de 7 ans), elle possède une longue expérience des présentations publiques et se réjouit à l’idée de monter sur les planches. Le script s’inspire des témoignages recueillis auprès de tous les athlètes qui figurent dans Push. Ces derniers seront assis en demi-cercle et mettront en scène la vie de chacun. En plus de jouer son propre rôle d’athlète, Mme Nolan incarnera celui de mère et d’enseignante.
Son incapacité l’a aidée, dit-elle, à devenir une athlète d’élite. «Cela m’a appris beaucoup de choses; notamment, que vous pouvez toujours trouver un moyen de réussir, même si vous ne vous en apercevez pas tout de suite. Cela m’a donné la force mentale de faire de la compétition.»
Enseignante d’éducation de l’enfance en difficulté, Mme Nolan puise dans ses expériences pour encourager les élèves. «Je leur dis que ce n’est pas parce qu’ils sont peu à l’aise dans un domaine aujourd’hui qu’ils n’y excelleront pas demain.»
Elle leur rappelle aussi que tout progrès, si minime soit-il, peut faire une énorme différence, même si, sur le coup, ce n’est pas particulièrement flagrant. «Comme les bateaux sont très longs, il faut déployer des efforts considérables pour les faire avancer à l’aviron. Par exemple, vous êtes au coude à coude avec un autre bateau, vous vous donnez corps et âme, au point d’avoir le sentiment que vous allez mourir, mais vous avez l’impression de stagner. Dites-vous bien que tous les centimètres que vous avez gagnés s’accumulent. En un rien de temps, c’est vous qui êtes en tête.»
Mme Nolan est d’avis que les leçons de vie qu’elle a apprises – en gérant son incapacité, en devenant athlète et en enseignant l’éducation de l’enfance en difficulté – peuvent aider n’importe qui à devenir un meilleur pédagogue.
«Je ne me concentre pas sur ce qu’un élève n’est pas capable de faire. Il faut cerner ses points forts pour l’aider à avoir confiance en lui.»
Pour Tonya Verbeek, EAO, enseigner à des élèves du secondaire et entraîner de futurs athlètes olympiques sont les deux faces d’une même médaille. «J’essaie de tirer le meilleur parti de leur potentiel», dit-elle.
Mme Verbeek, 37 ans, a quitté le monde de la lutte en 2013 avec d’excellentes réalisations à son palmarès. Elle a remporté la médaille d’argent aux Jeux olympiques de 2004, soit la première édition dans laquelle on a inclus la lutte féminine. Elle a également décroché une médaille de bronze aux Jeux olympiques de 2008, une médaille d’argent aux Jeux olympiques de 2012 et diverses médailles aux Jeux panaméricains, aux Jeux du Commonwealth ainsi qu’aux Championnats du monde.
Depuis 2004, Mme Verbeek, qui vit à Thorold, en Ontario, a aussi fait de la suppléance pour le District School Board of Niagara. Après avoir pris sa retraite d’athlète, elle a accepté un poste au sein de l’organisme Wrestling Canada Lutte, à titre d’entraîneuse chargée de repérer les talents.
«Je suis à la recherche de nos futurs athlètes de haut niveau, et je fais tout mon possible pour qu’ils évoluent dans la bonne voie», dit Mme Verbeek.
Pendant les camps et lors des tournées nationales et internationales, elle offre de l’aide en répondant à des questions sur un large éventail de sujets, depuis les tests physiques jusqu’à la nutrition. En tant qu’athlète de compétition confirmée, elle comprend parfaitement ce que vivent les étoiles montantes. Dans le cadre des Jeux panaméricains de l’Ontario, Mme Verbeek servira de mentor à l’équipe de lutte.
«Je donne de l’aide et je sers de partenaire d’entraînement. Les athlètes peuvent s’adresser à moi en ce qui concerne la préparation et les choses à anticiper», précise-t-elle.
Dans sa jeunesse, Mme Verbeek faisait de la gymnastique et du patinage artistique, mais elle participait, par-dessus tout, à des compétitions de corde à sauter (le Double Dutch était sa spécialité). Grâce à son agilité et à son endurance, la lutte allait devenir sa nouvelle aventure sportive. En 11e année, elle s’est initiée à cette activité parascolaire et a adoré le subtil mélange de défis physiques et tactiques. Mme Verbeek compare le combat de lutte – avec ses mouvements et ses prises – à un jeu d’échecs.
Pendant ses six dernières années en tant qu’athlète, elle s’est essayée au rôle d’entraîneuse. «Ce rôle a de quoi séduire par son aspect généreux. J’en tire une grande satisfaction. En tant qu’athlète, l’entraînement et les objectifs sont centrés sur vous. Quand vous êtes entraîneuse, vous aidez les autres. C’est l’enseignante en moi qui s’exprime. Cela m’apporte une autre stimulation et me donne différents défis à relever.»
Mme Verbeek a le sentiment que ses compétences en enseignement font d’elle une bien meilleure entraîneuse. «La manière dont je communique avec les athlètes, en sachant qu’il n’existe pas qu’une seule façon d’apprendre, [me permet de] les atteindre par différents moyens. Il ne s’agit pas simplement de dire les choses; il faut aussi montrer la voie à suivre, faire ressentir les choses.»
Son expérience d’athlète et d’entraîneuse continuet d’enrichir sa pratique pédagogique. Il lui a fallu huit années de dur labeur pour faire partie de l’équipe nationale, ce qu’elle appelle son plus grand défi. Pendant toutes ces années consacrées aux compétitions, elle a dû rester totalement dévouée et disciplinée, et à présent, elle cultive chez les athlètes plus jeunes les mêmes traits de caractère. Non seulement elle trouve des similitudes avec les qualités qu’elle doit appuyer en classe, mais elle transmet aussi des leçons concrètes aux élèves.
Tonya Verbeek, EAO
entraîneuse de lutte aux Jeux panaméricains
«Le rôle d’entraîneuse a de quoi séduire par son aspect généreux. J’en tire une grande satisfaction. En tant qu’athlète, l’entraînement et les objectifs sont centrés sur vous. Quand vous êtes entraîneuse, vous aidez les autres.»
«Il s’agit de trouver une façon de demeurer fidèle à vos buts ultimes et de vous battre continuellement pour y arriver», dit-elle.
Elle essaie d’inculquer cette attitude en classe (elle enseigne deux ou trois fois par mois) et lorsqu’elle a d’autres occasions de s’exprimer auprès d’enfants. Elle se souvient d’une présentation à un groupe d’élèves de 5e année, durant laquelle elle leur avait lu le livre Oh, the Places You’ll Go! deDr. Seuss. «Nous avons discuté de la signification de certains des thèmes abordés, des hauts et des bas, des épreuves de la vie, de la manière dont on apprend de ses erreurs et dont on en sort grandi. Cet ouvrage est un outil pédagogique utile pour tout enseignant.»
Pour aider les élèves à progresser et à réussir, Mme Verbeek préconise les activités parascolaires. Un juste équilibre entre l’école et les loisirs, ou entre le travail et les loisirs, peut améliorer le bien-être et les aptitudes de tout individu. Elle en fait elle-même l’apprentissage.
«Quand j’étais athlète, tout était strict parce que je suivais tout le temps un plan d’entraînement. Pour moi, “équilibre” est synonyme d’“activité physique”. Lorsque je donne une séance d’entraînement, je fais de l’exercice; je m’estime chanceuse d’en faire dans le cadre de mon travail. Il est également important pour moi de rester active dans mon temps libre. C’est pour cela que je fais de l’haltérophilie, que je pratique le yoga chaud, que je fais de la course et que je joue au hockey.»
Elle affirme que les élèves qui suivent leurs passions en dehors de la classe deviennent de meilleurs apprenants.
«Vous apprenez de votre propre expérience en déterminant ce que vous aimez et en cernant les domaines dans lesquels vous voulez progresser. Pour moi, c’était le sport. Pour d’autres, il peut s’agir de participer à une activité artistique ou à un club. Si vous avez une passion et que vous l’intégrez à votre vie, vous vous épanouissez tellement sur le plan personnel. En essayant d’atteindre des objectifs précis, vous apprenez à mieux vous connaître. Déployer des efforts soutenus, maintenir votre concentration et avoir un exutoire en dehors de la classe : voilà des choses passionnantes. Et tout cela est crucial pour les enfants.»