De Laura Bickle
Photo : Camelia Linta
Lorsque Gail Prasad était enfant, on avait conseillé à ses parents – qui parlaient, collectivement, hindi, allemand, japonais et français – de l’élever en anglais afin qu’elle réussisse à l’école. Maintenant qu’elle poursuit un doctorat en éducation à l’IEPO de l’Université de Toronto, Mme Prasad remet en question cette affirmation. La recherche menée par le Loran Scholar and Weston Fellow sur le plurilinguisme chez les enfants constitue la première étude canadienne à examiner cet enjeu dans les écoles de langue anglaise, de langue française et d’immersion française. «Mes travaux démontrent qu’une leçon plurilingue créative offre des possibilités qui vont au-delà de l’approche traditionnelle, dite des “deux solitudes”, de l’enseignement de l’anglais et du français, déclare la chercheuse primée. Cela favorise aussi le développement d’écoles inclusives sur le plan linguistique et culturel.» Mme Prasad explique de quelle façon vous pouvez introduire le plurilinguisme dans votre classe et en récolter les bénéfices.
Pourquoi la diversité linguistique et culturelle est-elle importante?
Ce n’est pas rendre service aux élèves et à leurs parents que d’omettre de valoriser les langues qu’ils parlent à la maison et les cultures qui nous entourent. Il semble évident que nos jeunes ne devraient pas sortir du système scolaire avec moins d’atouts qu’ils en avaient en y entrant. Malheureusement, l’exclusion de ressources linguistiques et culturelles en classe se traduit bien souvent par la perte de langues. Dans l’économie mondiale du savoir, nous devons veiller à ce que nos élèves deviennent des citoyens du monde polyglottes, plutôt que des diplômés monolingues.
À quoi ressemble une classe plurilingue?
Il s’agit d’un lieu dynamique dans lequel on encourage les élèves et les enseignants à mettre en commun leurs ressources créatives et communicationnelles, afin de s’ouvrir complètement sur le monde.
Quelles mesures peut-on prendre pour promouvoir le plurilinguisme?
Pour commencer, vous pouvez créer des affiches plurilingues, donner des travaux de rédaction plurilingues, ou encore étudier les similarités et les différences associées à un mot ou à un terme dans diverses langues. Le Centre européen pour les langues vivantes (ecml.at) est une précieuse référence qui offre des activités de sensibilisation linguistique en anglais, de même que des ressources en français propices à l’éveil aux langues. Les travaux que j’ai menés en collaboration avec des enseignants et des enfants sont affichés dans iamplurilingual.com. Si l’on renonce à l’idée que le monolinguisme est la norme communément acceptée, la diversité linguistique et culturelle peut alors donner lieu à la création de ressources dont tout le monde peut bénéficier en classe.
«L’exclusion de ressources linguistiques et culturelles en classe se traduit bien souvent par la perte de langues.»
Quel serait, selon vous, le point de vue des enfants sur cette question?
Lorsqu’il est question des langues et des cultures, les enfants font preuve d’une grande curiosité. Je me souviens d’un élève de 5e année qui a dit que le Père Noël était le «plus grand polyglotte au monde», parce que les enfants lui écrivent dans différentes langues et qu’il répond à toutes leurs lettres. Une perspicacité exceptionnelle à cet âge-là!
Comment espérez-vous que vos travaux influent sur les politiques?
En tant que chercheuse canadienne, enseignante et mère plurilingue appartenant à trois cultures, je me dois de continuer à préconiser des politiques qui reconnaissent, appuient et consolident les ressources que nos élèves incorporent naturellement à leur apprentissage. J’espère que, grâce à mes travaux, les écoles percevront le plurilinguisme comme une ressource scolaire essentielle.