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Pratiques exemplaires

Photo de Jason Dupuis, enseignant agréé de l’Ontario, debout les mains dans les poches, près d’un escalier de l’école.

Opérer un virage technologique sans déraper

En 2010, Jason Dupuis, EAO, alors directeur d’école, relève le défi de lancer l’école secondaire catholique Garneau dans un virage périlleux: celui de changer l’approche pédagogique avec l’aide de la technologie, et ce, sans laisser personne à la traîne. Cinq années plus tard, son succès était récompensé.

De Lionel Perron
Photos : Matthew Liteplo

Exclusivité en ligne : visionnez une vidéo de nos Pratiques exemplaires à oct-oeeo.ca/1QPyVYT

Jason Dupuis, EAO, n’enseigne plus depuis déjà quelques mois à l’école secondaire catholique Garneau, en banlieue d’Ottawa, mais sa cote de popularité y est toujours à son zénith, comme sa visite impromptue sur les lieux de son ancienne école à l’approche de Noël le confirme. À peine met-il les pieds dans l’aire de stationnement de l’école qu’il tombe sur une ancienne élève qui, toute surprise de le revoir dans les parages, s’exclame en souriant sous son chapeau de lutin : «Mon Dieu, est-ce que vous vous êtes égaré?»

Cet accueil amical se répète un peu partout dans l’établissement; des gestes qui rendent hommage à sa réputation d’homme «présent sur le terrain et sans préten-tion». Promu au poste de surintendant pour le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est l’été dernier, M. Dupuis continue de recevoir des accolades tant à l’inté-rieur qu’à l’extérieur des murs de l’école. En janvier 2015, il était le premier directeur d’une école secondaire de langue française à recevoir le prix Canada’s Outstanding Principals de l’organisme Learning Partnerhip. Julie Matte, EAO, surintendante au même conseil scolaire, résume ainsi ses réalisations : «Pour tout dire, Jason a amené l’école dans le XXIe siècle.»

Modeste de nature, M. Dupuis estime que c’est le fruit d’un travail d’équipe. «Quand je parle d’équipe, je ne parle pas seulement du personnel enseignant et de la direction de l’école, souligne-t-il. Il faut impliquer tant les élèves que les parents, parce qu’il y a des leaders formels et il y a des leaders informels, et il faut avoir l’engagement de tout le monde pour opérer de grands changements.» Une refonte de l’approche pédagogique était une entreprise périlleuse en elle-même. Ajoutez à ce tableau un virage technologique et l’équation se complique de façon exponentielle. À cette fin, M. Dupuis souligne que ce fut un grand avantage pour lui d’avoir pu miser sur la même équipe de direction pendant quatre ans; cela lui a même permis d’injecter un esprit d’unité au sein de l’équipe.

Photo de Jason Dupuis, enseignant agréé de l’Ontario, assis sur des gradins. Cinq élèves, certains debout d’autres assis, sont avec lui. Ils rient tous.
Jason Dupuis, EAO, n’enseigne plus depuis déjà quelques mois à l’école secondaire catholique Garneau, en banlieue d’Ottawa, mais sa cote de popularité y est toujours à son zénith

Quand il est entré à l’école Garneau, en 2010, M. Dupuis avait pour mandat principal de réorienter l’approche pédagogique en tirant profit des technologies de communication. Son poste le ramenait alors sur des lieux familiers, puisqu’il a fréquenté l’école en tant qu’élève de 1988 à 1993, bien avant l’ère technologique que l’on connaît aujourd’hui. Au début des années 1990, l’internet, que les médias appelaient «l’autoroute de l’information», était méconnu du grand public, alors que l’influence des réseaux sociaux comme Twitter (où vous pouvez joindre M.Dupuis à @Jdupuis_prof) ou Instagram était encore inimaginable.

«Je voulais d’abord que chacun de nos élèves de 7e et 8e année ait accès en tout temps à un ordinateur portatif, et qu’ils puissent même l’apporter à la maison. Ensuite, je voulais que l’enseignement soit axé sur le concret avec une dose de pensée critique. Par exemple, si un élève lève la main pour dire “à quoi ça sert d’apprendre ça?”, il faut savoir lui répondre, sinon ça veut dire qu’on a manqué le coche», dit M. Dupuis.

Mme Matte et M. Dupuis admettent d’emblée que le virage technologique ne s’est pas fait sans heurt et qu’il a fallu faire des ajustements. Mais le succès était au bout de la route. «Par exemple, beaucoup plus d’enseignants ont adopté une approche hybride. Les élèves avaient leurs cours en classe, mais le contenu de chaque leçon ou module était disponible en ligne. Bref, les élèves pouvaient étudier à leur rythme et recevoir un enseignement d’appoint en classe. Notre approche n’était pas strictement basée sur l’acquisition de connaissances, mais sur l’habileté des élèves à interpréter les connaissances», explique M. Dupuis.

Dans l’esprit de l’ancien directeur de Garneau, les écoles sont plus que des maisons d’enseignement. Elles ont également le mandat de transmettre des habiletés difficiles à mesurer sur un bulletin scolaire. «Dans tout ce qu’on fait, affirme-t-il, il doit y avoir un engagement intellectuel des élèves avec des tâches et des expériences authentiques visant à leur inculquer des habiletés importantes comme la pensée critique, l’autonomie, l’initiative, la communication et les bonnes habitudes de travail. C’est absolument primordial aujourd’hui sur le marché du travail.»

Son remaniement pédagogique n’a laissé aucun élève à l’écart. Même ceux ayant des défis physiques et intellectuels y ont trouvé leur compte. Amély Nadon, EAO, a été aux premières loges du virage technologique. Avec l’appui de trois personnes, elle enseigne à une classe distincte qui compte cinq élèves autistes. Elle voit beaucoup de bienfaits à l’intégration technologique dans le cheminement pédagogique. «C’est très difficile d’enseigner à des élèves autistes, dit-elle. Certains sont non verbaux, mais ils arrivent à s’exprimer grâce à une tablette électronique. D’autres sont incapables d’écrire, mais ils peuvent dicter un texte grâce à un logiciel qui transcrit leurs paroles sur l’écran. Pour d’autres encore, la technologie devient une distraction nécessaire, s’ils ont des troubles d’attention, par exemple.»

Cependant, aucune des personnes interviewées pour cet article ne voit la technologie comme une panacée, mais plutôt comme un outil qui peut profiter tant aux élèves qu’aux enseignants. Enseigner à temps plein à des élèves ayant plusieurs troubles d’apprentissage peut parfois prendre l’allure d’une vocation. Pour des enseignants qui vivent les défis quotidiens de Mme Nadon, un bon mot, une marque d’attention ou un vote de confiance peut souvent faire la différence. «On relève des défis professionnels, éthiques et émotionnels chaque jour. On doit collaborer avec des professionnels comme des orthophonistes et des thérapeutes. Parfois, on veut prendre une certaine tangente avec certains élèves, mais on doit d’abord avoir l’appui des parents. Jason était toujours présent pour rencontrer les parents et manifester sa confiance en notre approche», ajoute Mme Nadon.

Au-delà de l’innovation pédagogique, Jason Dupuis a consacré une grande partie de son temps à inculquer aux enseignants et aux élèves de l’école secondaire Garneau un sentiment d’appartenance. «C’est peut-être un exemple banal, mais quand le “défi du saut d’eau glacée” est devenu populaire, en 2014, on a mis M. Dupuis au défi et il l’a relevé devant 1 200 élèves! Toute l’école était là pour y assister. Ce n’était pas grand-chose en soi, mais cela en disait beaucoup pour nous. Il n’y a pas beaucoup de directeurs qui feraient ça», affirme Isabella, une élève de 12e année.

Avec l’appui de M. Dupuis, la jeune fille de 17 ans est au nombre d’une quarantaine d’élèves qui ont fondé l’œuvre de bienfaisance Enfants Entraide. Les membres se réunissent régulièrement sur l’heure du midi pour discuter des problèmes sociopolitiques d’ici et d’ailleurs afin d’organiser des collectes de fonds ou de denrées alimentaires au profit de différentes œuvres caritatives de la région d’Ottawa et ailleurs dans le monde. Elle estime que le leadership de M. Dupuis l’a encouragée à poursuivre sa passion pour l’aide humanitaire en donnant son appui à chacune des levées de fonds à l’école. Elle espère d’ailleurs faire carrière dans ce domaine. Il lui a aussi permis de crée run club, ce qui a contribué à développer son leadership.

«Les écoles ont le mandat de transmettre des habiletés difficiles à mesurer sur un bulletin scolaire.»

Si le passé est garant de l’avenir, sa nomination à titre de directeur laissait présager que le sport allait prendre du galon durant son mandat. Pendant cinq ans, Jason Dupuis a joué pour l’équipe de basketball de Garneau qui a remporté le tournoi Franco, à sa dernière saison. Il fut même choisi le joueur le plus utile du tournoi. Il a également œuvré pendant longtemps en tant qu’entraîneur de basketball. Depuis tout récemment, il est à la tête d’une équipe de hockey novice. Il établit des parallèles entre le travail d’entraîneur et celui de directeur d’école : l’objectif est de tirer le meilleur de tous les élèves, quelles que soient leurs limites physiques ou intellectuelles.

«C’est lui qui a mis sur pied une panoplie d’activités, dont l’équipe de football. Au mois d’octobre, les membres de l’équipe de football de Garneau se sont entraînés avec le Rouge et Noir d’Ottawa de la Ligue canadienne de football. Tout le monde est fier de dire qu’on étudie ici», affirme Isabella. Toutes ces activités soulignent la vision de Jason Dupuis : l’enseignement, c’est plus que des cours magistraux. «L’âme d’une école, c’est sa vie parascolaire. On veut des élèves qui ont des connaissances, mais on veut aussi qu’ils aillent chercher des notions qu’on ne peut pas enseigner en classe, et on peut le faire par l’intermédiaire d’équipes sportives, de clubs et de comités de tout genre», estime M.Dupuis.

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix national en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

Le B.A.-BA de la direction

Le personnel enseignant a son lot quotidien de tracas, mais la direction d’école aussi! Entre la gestion quotidienne de l’établissement, les relations avec le personnel, le conseil scolaire et les parents, on est moins à l’écoute des élèves. Jason Dupuis propose des conseils pratiques.

  1. Être présent sur le terrain

    Il est important de savoir prendre le pouls des élèves et du personnel en pénétrant dans leurs univers afin de mieux comprendre leurs défis et leurs réalités.

  2. Bâtir des équipes performantes

    La collaboration de diverses équipes est à la base de tout changement pédagogique important. Il est essentiel de mettre en place une culture d’équipe.

  3. Avoir une présence sur le web

    De nos jours, il faut avoir une présence active sur le web. L’école 2.0 doit trouver sa place en communiquant ses activités et ses succès sur les réseaux sociaux.