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Une formation actualisée

En Ontario, le programme de formation à l’enseignement prolongé est en vigueur depuis un an. Les étudiants doivent désormais répondre à des exigences supplémentaires et suivre deux sessions de cours de plus. Le nouveau programme est-il accueilli à bras ouverts et prépare-t-il bien les nouveaux enseignants au monde d’aujourd’hui? Lisez la suite pour découvrir où nous en sommes.

De John Hoffman
Illustration : Studio 141 inc.

Photo illustrée de Sahana Inpanathan, étudiante du programme de formation à l’enseignement prolongé, souriante, debout en face d’une université.
Sahana Inpanathan, étudiante en enseignement

Sahana Inpanathan a commencé sa formation à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Trent en septembre dernier : elle souhaitait alors enseigner au cycle primaire. Neuf mois plus tard, après avoir effectué des stages dans des classes de niveaux scolaires différents, l’étudiante de Mississauga âgée de 24 ans penchait davantage vers le cycle intermédiaire. Bien que Mme Inpanathan envisage l’enseignement de la 4e à la 6e année, elle a encore le temps d’y penser puisqu’elle figure parmi les 4 500 étudiants de la première cohorte du programme de formation à l’enseignement prolongé.

La formation de Mme Inpanathan durera donc deux sessions de plus. La prolongation aura une incidence non seulement sur le temps qu’elle aura pour décider quel cycle enseigner, mais aussi sur d’autres facteurs. Quand les étudiants de cette cohorte recevront leur diplôme en 2017, ils auront suivi de nouveaux cours obligatoires dans les domaines suivants : études autochtones, éducation environnementale et inclusive, français langue seconde, santé mentale et technologie dans la salle de classe. Ils auront effectué 80 jours d’enseignement pratique et auront reçu une formation enrichie en gestion de classe, en recherche en matière d’enseignement et en analyse de données.

Le nouveau programme, y compris ses exigences supplémentaires applicables aux étudiants du programme concurrent et consécutif, vise à enrichir la formation à l’enseignement de manière à préparer les étudiants aux réalités de la salle de classe moderne.

Tous les pédagogues le savent : au cours des 30 dernières années, les classes de l’Ontario sont devenues plus complexes et plus diversifiées. Les élèves sont de plus en plus affectés par des problèmes de santé mentale, ont des besoins particuliers ou possèdent le statut de réfugié ou d’immigré. Le milieu scolaire reconnaît aussi davantage les besoins uniques des élèves autochtones.

«Le nouveau programme, y compris ses exigences supplémentaires applicables aux étudiants du programme concurrent et consécutif, vise à enrichir la formation à l’enseignement de manière à préparer les étudiants aux réalités de la salle de classe moderne.»

La création d’un programme d’études prolongé et enrichi était inévitable. En fait, certains affirment qu’il se faisait attendre. Avant septembre 2015, l’Ontario était la seule province canadienne à offrir un programme de formation à l’enseignement de deux sessions; l’initiative de passer à un programme de quatre sessions avait déjà été envisagée. «La plupart des facultés voulaient un programme de deux ans depuis un certain temps, déclare Margaret McNay, doyenne associée pour la formation à l’enseignement au sein de l’Université Western. Il y a environ 15 ans, notre faculté et d’autres ont exploré la possibilité d’accroître la durée du programme, mais hors des facultés, il était difficile de trouver de l’appui.»

Alors que la première année du programme de quatre sessions tire à sa fin, nous avons décidé de consulter plusieurs facultés d’éducation de l’Ontario pour nous renseigner sur les progrès réalisés.

Bien que les facultés doivent respecter les mêmes exigences, les détails et les effets de la mise en œuvre du nouveau programme se font sentir de différentes façons au sein des diverses universités. Chloë Brushwood Rose, doyenne associée pour les programmes d’études au sein de la Faculté d’éducation de l’Université York, mentionne quelques-uns des nouveaux cours obligatoires à York. «Nous avons maintenant un nouveau cours obligatoire sur l’éducation inclusive, des cours qui abordent les questions relatives à l’immigration et aux apprenants d’anglais langue seconde, un cours sur les technologies éducatives, ainsi qu’un cours obligatoire sur les nouvelles littératies et cultures liées aux médias dans le cadre du programme pour enseigner aux cycles intermédiaire-supérieur. On donnait déjà ces cours avant, mais on ne pouvait pas les rendre obligatoires.»

Deux sessions de plus

Mme Brushwood Rose affirme que le programme de quatre sessions offre également la souplesse et le temps nécessaires pour approfondir les matières de base. «On est ravi d’avoir l’occasion, par exemple, de consacrer plus de temps à la littératie et à la numératie.»

Certaines facultés tirent parti des sessions supplémentaires pour enrichir leur programme d’études en développant des spécialisations. Par exemple, certains programmes permettent aux étudiants d’obtenir une qualification supplémentaire en français langue seconde.

Mme McNay est d’accord. «Nous avons ajouté la pensée computationnelle (ou codage) à notre cours de maths, dit-elle. Tout le monde connaît le codage, mais on met de plus en plus l’accent sur le codage dans le monde. Je crois que nous sommes l’une des premières facultés à ajouter la pensée computationnelle à notre programme pour enseigner au cycle primaire.»

Le programme de formation à l’enseignement de l’Université Trent comprend un nouveau cours en deux parties intitulé Enseigner à l’apprenant au cycle intermédiaire, lequel est obligatoire pour enseigner aux cycles intermédiaire-supérieur. «Auparavant, une partie du matériel était incluse dans le stage, mais c’est la première année que l’information est offerte dans un cours qui se consacre entièrement aux apprenants du cycle intermédiaire», déclare Cathy Bruce, doyenne de la Faculté d’éducation de l’Université Trent.

En outre, certaines facultés tirent parti des sessions supplémentaires pour enrichir leur programme d’études en développant des spécialités. Par exemple, l’Université Western et l’Université York offrent une spécialité en éducation internationale, c’est-à-dire comment enseigner dans un milieu international ou à des élèves provenant de l’étranger. L’Université Western propose aussi des spécialités en psychologie de la réussite; en sciences, technologies, génie civil et mathématiques; en éducation de la petite enfance; et sur les enjeux des écoles en milieu urbain. L’Université York propose des spécialités en éducation des Autochtones et en immersion en français, tandis que l’Université Trent offre un cours de spécialité en mathématiques et en littératie de la petite enfance.

Plus de pratique

En ce qui a trait à l’enseignement pratique, le nombre de jours requis a doublé et les mécanismes varient dans plusieurs facultés – généralement de manière à faciliter la transition des étudiants vers l’enseignement pratique. «On avait l’habitude de commencer avec neuf semaines de cours suivies de cinq semaines de stage, en automne et au printemps, explique Teresa Socha, présidente des études de premier cycle de la Faculté d’éducation de l’Université Lakehead. On commence maintenant par neuf semaines de cours et un jour de stage par semaine en octobre, pendant cinq semaines. Ensuite, on effectue un stage de quatre semaines en novembre; la première partie du stage est une période d’observation. En février, les étudiants ont un jour de stage par semaine pendant cinq semaines, puis une période de stage de cinq semaines. La deuxième année, les stages sont de cinq semaines en automne et en hiver.»

Mme Brushwood Rose explique que les étudiants de l’Université York effectuaient déjà un stage de 80 jours, avant même que le nouveau programme l’exige. «La période de deux ans nous donne plus de temps pour enrichir l’expérience. Au cours de la première année, nos étudiants offrent du soutien pédagogique dans une classe : ils coenseignent et travaillent avec de petits groupes d’élèves. Pendant la seconde, ils assument les responsabilités de planification et d’enseignement des leçons, et ils participent à des périodes d’enseignement pratique.»

La composante d’observation des étudiants inscrits au programme de langue française de l’Université d’Ottawa est encore plus longue; elle s’intitule Apprentissage par l’engagement communautaire et est suivie au début du stage. «Il s’agit plus ou moins d’un stage sans évaluation effectué en plus des 80 jours d’enseignement pratique exigées, précise Phyllis Dalley, EAO, directrice de la formation à l’enseignement de la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Les étudiants francophones qui fréquentent notre faculté viennent d’une grande variété de régions. Environ un tiers d’entre eux ont immigré au Canada et, pour certains, la salle de classe canadienne constitue un choc culturel.»

Besoins Variés

C’est la raison pour laquelle l’Université d’Ottawa a toujours donné à ses étudiants immigrants l’occasion de passer une semaine à observer comment se déroulent les cours dans la salle de classe ontarienne. «On a généralisé cette pratique, ajoute Mme Dalley. Même les étudiants du Québec ont besoin d’un certain temps pour s’habituer à la culture des classes de l’Ontario, où la population de langue française se trouve en situation minoritaire. Notre population étudiante a toujours été plus bilingue qu’unilingue.» Dans les écoles de langue française de l’Ontario, certains enfants parlent l’anglais plutôt que le français dans la cour d’école. Selon Mme Dalley, ceci a un effet sur la pédagogie parce que les pédagogues doivent composer avec le transfert de langue et autres difficultés liées au travail avec une population bilingue.

«Une introduction plus graduelle à l’enseignement pratique devrait réduire le sentiment de paralysie que les étudiants ressentaient dans le programme de deux sessions, quand ils réalisaient que, dès septembre, ils devaient être prêts à enseigner dans une vraie salle de classe!»

L’Université Lakehead utilise les deux sessions supplémentaires pour assurer la transition vers un modèle de mentorat pour l’enseignement pratique. «Traditionnellement, les enseignants associés ont souvent utilisé un modèle du style “apprentis” où leurs étudiants sont encouragés à faire comme eux, dit Mme Socha. On travaille avec Jim Strachan, agent d’éducation du ministère de l’Éducation, afin de favoriser la transition d’un modèle d’apprentissage à un modèle de mentorat. On collabore aussi avec nos conseils scolaires locaux et régionaux pour encourager les enseignants associés à développer les habiletés de mentorat nécessaires à l’appui de nos étudiants en enseignement.»

Dans le cadre de cette transition, on invite les enseignants associés qui travaillent avec les étudiants de l’Université Lakehead à coplanifier et à coenseigner davantage avec les étudiants de première année. «Avant, les étudiants venaient souvent dans la salle de classe, où ils passaient les quelques premières journées à observer, puis on leur donnait souvent un plan d’unité à préparer et à enseigner, explique Mme Socha. Ils enseignaient souvent des journées entières dès la première semaine de stage. On essaie de promouvoir la coplanification initiale et le coenseignement, surtout durant le premier stage.»

L’Université Lakehead offre aux enseignants associés une journée entière de perfectionnement professionnel, en partenariat avec les conseils scolaires locaux et régionaux. À son campus de Thunder Bay, l’Université Lakehead a également créé un nouveau poste d’agent de liaison; un membre de la faculté a pour rôle de travailler avec les enseignants associés, les étudiants et le conseiller de la faculté afin de faciliter cette transition.

Élèves mieux préparés

Généralement, le stage plus long est très apprécié; le fait de répartir la durée sur deux ans présente une option avantageuse pour les étudiants. Mme Brushwood Rose est d’avis qu’une introduction plus graduelle à l’enseignement pratique devrait réduire le sentiment de paralysie que les étudiants ressentaient dans le programme de deux sessions, quand ils réalisaient que, dès septembre, ils devaient être prêts à enseigner dans une vraie salle de classe!

Mme Inpathanan affirme qu’elle est heureuse d’avoir une année de plus. «L’an dernier, je me suis parfois sentie dépassée; il y avait tellement de matières à apprendre, dit-elle. Mes amis me disaient : “Tu te rends compte! Si le programme était donné en un an, tu serais encore plus stressée.”»

Relever les défis

Tout changement d’une telle envergure ne s’opère pas sans difficulté. Depuis que le nouveau programme coïncide avec une réduction de 50 pour cent du nombre de places dans les facultés d’éducation de l’Ontario, il est maintenant difficile d’offrir certaines matières d’enseignement aux cycles intermédiaire-supérieur, où les étudiants se spécialisent. Cathy Bruce de l’Université Trent explique : «Maintenant, il est plus difficile d’offrir certains des cours, ceux qui comptent le nombre d’inscriptions le plus bas, en raison du nombre réduit d’étudiants et du financement réduit par tête.» En fait, l’Université York, qui affiche le plus grand nombre de programmes en Ontario (550 étudiants en 2016-2017), était la seule faculté capable d’offrir toutes les matières à enseigner aux cycles intermédiaire-supérieur l’an dernier. Comparez cet état de choses avec celui des plus petites facultés comme Lakehead et Trent, qui ont 55 et 136 étudiants respectivement. L’Université Lakehead a entièrement abandonné les cycles moyen-intermédiaire, tandis que l’Université Trent a dû faire de grands efforts pour mettre au programme certaines matières d’enseignement aux cycles intermédiaire-supérieur pour un faible nombre d’étudiants. Par exemple, l’an dernier, l’Université Trent n’a pas donné de cours d’éducation physique aux cycles intermédiaire-supérieur (bien qu’elle le fasse cette année). Aussi, puisqu’il n’y avait que deux étudiants inscrits au cours de physique, elle a combiné la physique, la biologie et la chimie en un seul cours

L’Université d’Ottawa a dû relever des défis semblables dans son programme de langue française. «Il n’est jamais facile de combler les cours de matières d’enseignement en arts, dans notre volet d’école secondaire», affirme Mme Dalley. L’Université d’Ottawa et l’Université Laurentienne ont résolu la question en conjuguant leurs efforts afin de s’assurer que les étudiants des deux établissements puissent suivre toutes les matières en arts. «Ainsi, à l’Université d’Ottawa, on va offrir l’art dramatique et les arts visuels, alors que l’Université Laurentienne offrira la danse et la musique, précise la directrice. Les étudiants de l’Université d’Ottawa et de l’Université Laurentienne seront dans les mêmes cours, mais certains d’entre eux les suivront en ligne.»

Malgré certains de ces défis, Mme McNay fait valoir que, dans l’ensemble, le programme de quatre sessions offre une formation plus solide. «Au fil des décennies, l’enseignement, les écoles et notre société ont gagné en complexité. Plus nous pourrons offrir du soutien, des ressources et du temps de préparation, plus les étudiants seront susceptibles de réussir.»

Le rôle de l'Ordre dans le programme de formation à l'enseignement prolongé

L’Ordre a joué un rôle déterminant dans la conception et la mise en œuvre du programme de formation à l’enseignement prolongé, lequel a été lancé à la suite d’une recommandation de l’Ordre au ministère de l’Éducation. Nous avons commencé à envisager la prolongation du programme de formation à l’enseignement il y a dix ans. En 2006, nous avons publié Préparer le personnel enseignant pour demain, un rapport de 128 pages contenant 66 recommandations sur les cours et programmes de formation initiale et de perfectionnement professionnel continu.

«Nous avons reconnu qu’il était difficile, dans un programme de un an, de couvrir tout ce qu’il y avait à couvrir afin de bien préparer les enseignantes et enseignants à répondre aux besoins des élèves et des classes d’aujourd’hui, explique Roch Gallien, EAO, directeur de la Division des normes d’exercice et de l’agrément de l’Ordre. Quant à la mise en œuvre des changements, l’Ordre a élaboré des lignes directrices générales afin d’aider les facultés d’éducation à s’assurer que les étudiants soient exposés à des connaissances enrichies sur l’éducation de l’enfance en difficulté, sur le bien-être et la santé mentale des élèves, sur l’enseignement aux apprenants d’anglais langue seconde, et sur les besoins des élèves des Premières Nations, des Métis et des Inuits.»

Ces lignes directrices sont énoncées dans le Guide d’agrément à l’intention des fournisseurs, publié par l’Ordre en 2014 en collaboration avec les facultés d’éducation. Sensible au fait que chaque faculté d’éducation est unique, l’Ordre n’a pas défini exactement ce qu’elles devaient enseigner ni la façon dont elles devaient le faire. Il a plutôt collaboré avec elles afin d’ajouter de la substance au nouveau programme tout au long de son élaboration et de sa mise en œuvre.

Comme avec tout nouveau programme, l’exécution du programme de formation à l’enseignement prolongé est surveillée de près. «Nous sommes en train d’examiner chaque programme afin que tous les principaux éléments soient bien en place, affirme M. Gallien. Nous voulons que l’Ordre devienne une ressource pour les facultés. Nous voulons promouvoir un dialogue professionnel entre les facultés et l’Ordre afin de préparer les étudiantes et étudiants en enseignement le mieux possible pour que leurs futurs élèves réussissent dans un environnement sûr et respectueux.»