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Sortir des sentiers battus

Quelle incidence l’espace physique a-t-il sur la participation des élèves? Voici cinq enseignants qui ont adapté leur salle de classe traditionnelle aux besoins des apprenants afin de susciter leur enthousiasme.

De Stuart Foxman
Photos : Robert Nelson

Photo de Mélissa Foisy, enseignante agréée de l’Ontario. Elle est assise dans une salle de classe et entourée de jeunes élèves. Souriante, elle prend des notes. Les élèves s’occupent de diverses façons.
Mélissa Foisy, EAO, a créé un milieu d’apprentissage décontracté pour ses élèves de 4e année.

L’ouvrage The Third Teacher laisse entendre qu’il y a trois facteurs à l’œuvre dans une classe : l’enseignant, l’élève et l’environnement. Ce dernier peut être source de motivation ou de démotivation pour les apprenants, et c’est la raison pour laquelle des pédagogues de partout en Ontario ont fait preuve d’imagination pour créer le milieu le plus propice à la réussite des élèves.

Le salon

Au secondaire, Mélissa Foisy, EAO, avait tendance à faire ses devoirs sur son lit ou sur le canapé. Aujourd’hui, quand elle apporte du travail à la maison, son lit et le canapé continuent d’être ses espaces de travail de prédilection. «Il faut être à l’aise quand on travaille», dit Mme Foisy.

C’est le principe derrière un espace aménagé dans sa classe, que tout le monde surnomme «le salon». Mélissa Foisy enseigne la 4e année à l’école publique Héritage du Conseil scolaire public du Nord-Est de l’Ontario, à North Bay. Elle a mis dans sa salle de classe deux fauteuils confortables, trois poufs, des coussins par terre, une lampe, et un banc en bois avec des oreillers et une couverture.

C’est dans le salon que la classe tient ses discussions et que Mme Foisy lit au groupe. Les enfants peuvent utiliser le salon quand ils le veulent. S’ils ont besoin d’écrire, ils y trouveront des planchettes à pince. Mme Foisy a remarqué que les enfants sont plus attentifs dans le salon qu’à leur pupitre, fait qu’elle attribue à l’ambiance intime et détendue de l’espace.

«Ils sont moins distraits, ils ont moins tendance à rêvasser et ils terminent leurs travaux plus rapidement», affirme-t-elle.

La disposition du reste de la classe est loin d’être traditionnelle. Mme Foisy a remplacé les pupitres par six tables rectangulaires, ce qui a donné lieu à une meilleure collaboration.

«Au lieu de lever la main tout de suite pour poser une question, ils s’entraident, explique-t-elle. Quand ils trouvent une stratégie et une meilleure façon d’expliquer, ils apprennent les uns des autres. C’est plus coopératif.»

Au début, il y avait des conflits. Les élèves n’avaient pas l’habitude de partager un espace ni une table. «Ils ont dû adopter des règles de conduite mais, avec le temps, nous sommes devenus un groupe beaucoup plus uni», déclare Mme Foisy.

Quand Mme Foisy a profité d’une journée pédagogique pour remplir les bulletins scolaires, elle s’est calée dans un gros pouf. Elle a terminé son travail plus rapidement et, à la fin de la journée, elle n’a eu mal ni au cou ni au dos. Elle se sentait chez elle, pas à l’école. «Et c’est ça, l’avantage», dit-elle.

Les leaders de la table ronde

Bien que Michael Leonard, EAO, soit l’enseignant de sa classe de 7e-8e année à la Blessed Sacrament Catholic School du Waterloo Catholic District School Board, à Kitchener, il n’en est pas le seul leader. Ce rôle incombe à chaque élève. Et c’est grâce à la disposition de sa classe.

Il n’y a pas de sièges assignés dans sa classe. On y trouve plutôt des tables rondes regroupant quatre élèves chacune. Chaque jour, les élèves mettent à tour de rôle le chapeau de leader et, à intervalles réguliers, ils vont d’une table à l’autre, sauf pour le leader. Ce dernier doit s’assurer que les élèves de sa table ne perdent pas de vue les tâches à accomplir et qu’ils s’échangent des idées.

«Les élèves apprennent à rendre des comptes, dit M. Leonard. Les conversations sont plus enrichissantes et orientées vers le programme-cadre, et je reçois une meilleure rétroaction. De plus, les élèves de 8e année aident leurs camarades de 7e année en raison de la proximité.»

M. Leonard a toutefois plus d’un tour dans son sac. Il comprend que certains élèves ont besoin de bouger et de se dépenser pour rester concentrés. Il y a quelques années, il avait un groupe d’élèves particulièrement turbulents. Avant le début de chaque cours, il les emmenait faire une marche autour de l’école pendant dix minutes. Les élèves perdaient peut-être quelques minutes d’instruction, mais ils étaient plus productifs.

Il a depuis installé un vélo d’exercice dans sa classe aux mêmes fins. Une fois, oubliant qu’il y avait un test, il a dit à sa classe que les roues du vélo devaient tourner pendant toute la journée. C’est donc M. Leonard qui a pédalé pendant 40 minutes!

Les élèves ont également accès à diverses technologies pour améliorer leur apprentissage. Ils ont, entre autres, des ordinateurs portables Chromebook et le programme informatique Google CS First pour concevoir et construire des jouets mécaniques Lego. De plus, ils utilisent les lunettes de réalité virtuelle Google Cardboard pour découvrir le monde.

Photo de Michael Leonard, enseignant agréé de l’Ontario, debout dans la salle de classe. Quatre élèves participent à différentes activités.
Michael Leonard, EAO, a choisi de ne pas prédéterminer les places de ses élèves de 7e-8e année. Ceux-ci s’assoient en groupe de quatre autour d’une table et assument tour à tour le rôle de leader.

Quand M. Leonard demande à ses élèves ce qu’ils aiment le plus dans la salle de classe, ils mentionnent les tables rondes, plus particulièrement les responsabilités qu’on leur donne et la collaboration qui en résulte.

M. Leonard a ce conseil à offrir aux pédagogues qui songent à modifier leur salle de classe : sortez des sentiers battus, même si vous n’obtenez pas toujours les résultats que vous aviez prévu d’atteindre. «L’apprentissage n’est pas noir et blanc; il faut persister dans l’erreur. N’ayez pas peur d’essayer une approche différente et d’apprendre des élèves.»

Une expérience pratique

Quand certains de ses élèves ayant des besoins éducatifs particuliers ont commencé à faire un stage au Village des Valeurs, Julie Prankard, EAO, s’est assurée qu’ils disposent de tableaux à codes de couleur afin de les aider à suivre l’étalage des articles.

«Notre objectif est de veiller à ce que ces stages se passent bien et à ce que les élèves adoptent la meilleure attitude possible», dit-elle.

Mme Prankard enseigne à des élèves du 1er niveau du programme coopératif à la Judith Nyman Secondary School du Peel District School Board, à Brampton. Ses élèves, âgés de 19 à 21 ans, ont divers troubles intellectuels, physiques et d’apprentissage.

Certains pédagogues adaptent leur salle de classe aux besoins des élèves. Mme Prankard, elle, adapte le milieu d’apprentissage pour préparer ses élèves à vivre et à travailler dans la communauté. «Je rencontre les employeurs pour leur expliquer les aptitudes des élèves et ce qu’ils peuvent maîtriser.»

Par exemple, dans une garderie où travaillait un élève ayant une déficience visuelle, Mme Prankard s’est assurée d’avoir des panneaux en braille. Dans un centre de rénovation ReStore d’Habitat pour l’humanité, les élèves avaient des listes de vérification munies d’images représentant les tâches quotidiennes à effectuer.

Avant le début du stage d’un élève à Toys “R” Us, Mme Prankard a participé à une réunion du personnel. Elle lui a expliqué que l’élève stagiaire avait tendance à entrer n’importe où, y compris dans les toilettes des femmes et dans le bureau de la direction. Elle a donc suggéré de poser des signaux d’arrêt sur ces portes afin d’éviter des situations embarrassantes. «Tout le monde s’est montré très compréhensif», de dire Mme Prankard.

Cela ne s’arrête pas au lieu de travail. Savoir prendre les transports en commun est une étape importante vers l’indépendance. Mme Prankard a donc traversé la ville en autobus pour prendre des photos de points de repère en cours de route. Elle a imprimé et laminé les photos, puis les a attachées à un grand anneau pour les élèves. Ils peuvent ainsi les regarder en se rendant à leur stage pour s’assurer d’avoir pris le bon autobus.

Mme Prankard est allée encore plus loin pour une élève ayant des problèmes de mémoire à court terme et qui devait se rendre à son stage à pied. Comme sa famille s’inquiétait, Mme Prankard a elle-même fait le trajet à pied jusqu’au lieu de travail et a attaché des rubans jaunes à quelques arbres longeant le boulevard. Les rubans sont restés attachés pendant toute la session et l’élève a fini par apprendre le trajet.

Les tableaux noirs sont peints en blanc et un mur est recouvert de panneaux pour tableaux blancs du sol au plafond. Ils deviennent de gigantesques toiles pour résoudre des problèmes et échanger des idées. En maths, par exemple, les élèves prennent des marqueurs et tentent de trouver la réponse à une question.

Pour Mme Prankard, c’est une façon parmi tant d’autres d’adapter le milieu d’apprentissage et d’orienter ses élèves dans la bonne voie.

Le modèle de Frayer

Quel est l’un des plus grands défis de l’enseignement des sciences et de la chimie au secondaire? «On obsède sur le contenu», affirme Joe Ross, EAO, qui enseigne ces deux matières à la Gloucester High School de l’Ottawa-Carleton District School Board, à Ottawa.

Étant donné que les élèves ont aujourd’hui accès à de l’information en quelques clics, le rôle de M. Ross a changé. «Ils ont accès au contenu; c’est à moi de fournir les concepts et l’expérience.»

Pour ce faire, M. Ross a modifié sa salle de classe et la méthode d’apprentissage. À la maison, les élèves regardent des vidéos (celles de M. Ross ou des vidéos dans YouTube) et prennent des notes. Toutefois, en classe, ils ne prennent pas de notes et M. Ross donne très peu d’instructions directes.

«Souvent, l’information rentre par une oreille et sort par l’autre; elle n’est pas explorée, affirme M. Ross. Quand les élèves prennent des notes, ils sont moins engagés les uns envers les autres et sont moins portés à penser.»

Afin de favoriser la collaboration, M. Ross s’amuse à modifier l’espace physique. Un jour, les élèves, divisés en groupes de deux se faisant face, débattent des concepts comme la mitose en utilisant le modèle de Frayer (un outil qui aide à définir un concept en reproduisant visuellement ses caractéristiques dans quatre quadrants). À d’autres occasions, il divise les élèves en groupes de trois ou de quatre pour analyser des idées et voter ou pour résoudre des problèmes ensemble.

«Mon objectif est d’observer leur apprentissage et de cerner les idées fausses, explique M. Ross. Dans mon cours, nous mettons l’accent sur la collaboration et la discussion entre pairs. Si rien d’autre ne fonctionne, j’apporte mon expertise.»

Tout ne repose pas sur l’espace physique; il y a aussi la stimulation intellectuelle. À la fin de la plupart des cours, les élèves développent une carte conceptuelle pour cristalliser les objectifs d’apprentissage de l’unité. Ils notent une idée au milieu d’une feuille de papier et la lie à quatre bulles, démontrant le lien entre ses composantes.

Au lieu d’un examen final, les élèves du cours de chimie de 12e année élaborent une carte conceptuelle. «Je ne vois pas l’utilité des examens; je vois plutôt l’utilité d’examiner les connaissances, affirme M. Ross. Un examen donne la possibilité de se bourrer le crâne d’information pour une durée limitée. Il ne favorise pas la collaboration, mais engendre plutôt du stress.»

Si nous voulons que les élèves puissent résoudre des problèmes, ils doivent comprendre la relation qui existe entre les choses, dit M. Ross. Sa salle de classe ressemble à une carte conceptuelle vivante. Les élèves sont interdépendants; ils explorent ensemble leur apprentissage et collaborent dans le but de développer des idées.

Liberté = Concentration

«Pensez à une chambre d’hôtel de base. L’espace est fonctionnel, mais il ne vous appartient pas. Pour les élèves, la salle de classe traditionnelle ressemble un peu à une chambre d’hôtel», affirme Christine Farnand, EAO, enseignante à la Queen Elizabeth II Public School du Rainbow District School Board. Elle veut que l’espace appartienne aux élèves.

Elle qualifie sa classe de 1re-2e année d’«espace d’apprentissage mobile». Les meubles – petits canapés, gros poufs, bancs – sont munis de patins glisseurs. Les élèves peuvent réaménager la pièce comme ils le souhaitent, que ce soit pour travailler individuellement ou en équipe.

Les tableaux noirs sont peints en blanc et un mur est recouvert de panneaux pour tableaux blancs du sol au plafond. Ils deviennent de gigantesques toiles pour résoudre des problèmes et échanger des idées. En maths, par exemple, les élèves prennent des marqueurs et tentent de trouver la réponse à une question. Ils font ainsi appel à différentes stratégies et apprennent ensemble les uns des autres.

Les élèves utilisent souvent des tablettes pour faire leurs travaux et Mme Farnand diffuse leurs créations (affiches, vidéos et travaux artistiques) sur un téléviseur à écran de 60 pouces. Cela leur donne un sentiment de fierté.

Auparavant, Mme Farnand exigeait que ses élèves soient assis à leur pupitre pour pouvoir évaluer leurs progrès. «J’ai réalisé qu’en leur donnant plus de liberté, ils sont plus concentrés et à l’aise. C’est une question de choix.»

Depuis qu’elle a réaménagé sa salle de classe, Mme Farnand et ses élèves se sentent beaucoup plus libres. «Je suis devenue enseignante non pas parce que j’aime enseigner, mais parce que j’aime apprendre. Et j’apprends de mes élèves.»

Les élèves sont plus concentrés et, surtout, plus heureux, parce que leur voix a plus d’importance.

«Dans le passé, ils voulaient que je résolve les problèmes. Maintenant qu’ils ont un plus grand contrôle de leur milieu, ils sont capables de résoudre les problèmes eux-mêmes. Je n’ai plus besoin de les pousser. Ils suivent leur propre parcours. Ils sont plus motivés et passionnés, et sont donc plus investis dans leur apprentissage.»

Créez votre propre espace

Voici quelques ressources qui sauront vous inspirer pour transformer votre salle de classe.

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