De Stefan Dubowski
Photos : Matthew Liteplo
Des téléphones intelligents aux ordinateurs portables et des applications utilisées en classe aux logiciels installés dans l’ensemble d’un conseil scolaire, il existe une multitude d’options technologiques pour les enseignants. À titre de professionnel, il importe cependant que vous examiniez non seulement ces solutions, mais aussi la façon dont le matériel informatique, les logiciels, les applications et les jeux influent sur l’apprentissage des élèves et votre travail en tant que pédagogue. Comment évaluer les choix technologiques qui s’offrent à vous et comment en faire le meilleur usage?
Pour vous aider à répondre à ces questions, nous avons interviewé, aux quatre coins de l’Ontario, six enseignantes et enseignants qui tirent parti de la technologie en classe. Lisez ces cas inspirants d’utilisation de l’impression 3D, de portfolios numériques et d’autres outils pour motiver les élèves et améliorer leur apprentissage.
Marcie Lewis, EAO, cherchait le meilleur moyen d’enseigner l’autoréflexion à ses élèves de 6e année du Ridley College, à Saint Catharines. Elle voulait trouver une méthode pour les aider à améliorer leur capacité à évaluer et à comprendre leur travail, à mesurer leurs progrès et à examiner en détail forces et points faibles.
Mme Lewis a introduit le journal vidéo dans le cadre d’un travail multidisciplinaire de six semaines. Ses élèves ont trouvé des réponses à des problèmes dans le monde comme le travail des enfants, le manque de soins de santé mentale dans les pays en développement et la propagation de maladies infectieuses. Pour chaque projet, à l’étape de la recherche, les élèves utilisaient des ordinateurs portables Apple fournis par l’école pour s’enregistrer sur vidéo en train de répondre à des questions pertinentes, telles que : «Comment résumerais-tu ton sujet?», «De quoi es-tu le plus fier par rapport à ton travail jusqu’à maintenant?», «Qu’as-tu appris sur toi-même?».
Les résultats ont été révélateurs, tant pour les élèves que pour l’enseignante. La technologie convenait aux enfants : c’était plus facile pour eux de structurer leur pensée par vidéo que par écrit. La vidéo était donc extrêmement indiquée pour s’attaquer à ces sujets remplis de défis. Mme Lewis a également pu apprendre à mieux connaître ses élèves, surtout ceux qui ne s’exprimaient pas nécessairement en classe. «Parfois, ces élèves ne sont pas aussi à l’aise que d’autres pour s’exprimer en groupe, mais ils ont tout de même beaucoup à dire», fait remarquer l’enseignante. De plus, les élèves ont pu apprendre en regardant leurs vidéos et voir comment leur réflexion a évolué au cours du projet, ce qui a renforcé l’idée que l’on apprend et progresse en faisant des recherches et en étudiant.
Mme Lewis a des conseils pour les enseignants qui souhaitent également utiliser le journal vidéo : d’abord, mettre à la disposition des élèves un endroit calme où ils peuvent se concentrer et enregistrer leurs réflexions; exiger que les élèves fassent des vidéos plutôt courtes, par exemple, pas plus de trois minutes, afin qu’ils soient obligés d’être précis; utiliser un service de partage de fichiers volumineux comme Dropbox (dropbox.com) ou Google Drive (google.com/drive) afin que les élèves puissent vous envoyer leurs vidéos sans engorger votre boîte de réception.
L’an dernier, alors qu’elle enseignait à une classe de 6e année de la St. Gabriel School, à Ottawa, Jennifer King, EAO, a permis à ses élèves d’utiliser la technologie pour faciliter le travail d’équipe. Elle leur a également donné des leçons sur la collaboration constructive. Les élèves ont profité à la fois du logiciel et de son enseignement.
Ils étudiaient des espèces envahissantes, notamment la moule zébrée et la berce du Caucase. Ils ont travaillé en équipes de quatre à cinq élèves pour examiner des moyens d’empêcher ces envahisseurs extrêmement indésirables de détruire les milieux naturels de l’Ontario. Ils ont eu recours à des logiciels de collaboration en ligne, plus précisément Google Apps for Education (google.com/edu), pour recueillir des données et produire leurs résultats. Apps for Education propose des logiciels de traitement de texte (Google Docs), de présentation (Google Slides) et de stockage de données (Google Drive).
La gestion de la documentation était l’élément clé pour que les élèves travaillent ensemble. Ils pouvaient savoir lorsqu’un document était ajouté à partir de l’information contenue dans Google Drive. Ils pouvaient savoir qui, dans leur équipe, contribuait à la documentation, fournissait de nouvelles informations et faisait des commentaires utiles. Ils pouvaient également savoir qui ne contribuait pas. Cela a suscité des problèmes. À un moment donné, des élèves se sont plaints des traînards à Mme King. Plutôt que de faire de la médiation, elle leur a appris à faire des critiques positives. «Ils ont appris à réagir avec respect à un problème de cette nature, dit Mme King, par exemple en expliquant à un membre de l’équipe que le groupe trouve sa rétroaction importante et qu’il a besoin de jouer un rôle plus important.»
Cette façon de faire a favorisé l’autonomie des élèves et leur a permis de gérer une crise survenue pendant un travail d’équipe. Les membres d’une équipe voulaient abandonner parce qu’ils ne pouvaient plus soutenir les idées de leurs coéquipiers. En utilisant leurs nouvelles habiletés en communication, ils ont discuté de la question et consenti amicalement à faire équipe à part. «Les conversations qu’ils ont eues ressemblaient beaucoup plus à des discussions entre adultes, comparativement aux conversations auxquelles j’ai participé dans des circonstances similaires», dit Mme King.
Andrée Levasseur, EAO, avait la conviction que ses élèves de mathématiques de 6e année de l’école élémentaire et secondaire publique Maurice-Lapointe d’Ottawa participeraient davantage si elle enseignait différemment. Plus précisément, elle voulait donner plus de temps aux élèves pour faire leurs exercices en classe. «Sinon, ils font leurs devoirs à la maison, mais lorsqu’ils ont besoin d’aide, l’enseignant n’est pas là», explique-t-elle.
Alors Mme Levasseur et ses collègues ont remanié leurs leçons, en y incorporant des vidéos en ligne et en consacrant plus de temps à la pratique en classe.
Les pédagogues débutent par les vidéos, enregistrant et téléversant leur contenu dans YouTube, habituellement une vidéo dans laquelle ils présentent une leçon de géométrie, de mesure ou d’un autre aspect du curriculum. En classe, les élèves ont recours à des ordinateurs portables ou à des tablettes fournis par l’école pour regarder le contenu. Ils consacrent ensuite la plus grande partie de leur temps en classe à travailler sur les activités conçues par les enseignants afin de les aider à mettre ce qu’ils ont appris en pratique.
Mme Levasseur explique que cette méthode permet aux enseignants d’avoir plus de temps pour répondre aux questions des élèves, plutôt que de leur faire un cours magistral. Les élèves en profitent également. Ils apprennent à leur propre rythme, puisqu’ils peuvent visionner les vidéos aussi souvent que nécessaire pour comprendre les leçons, et ils peuvent recevoir de l’aide immédiatement.
Jusqu’à présent, ce système non traditionnel fonctionne bien. Les élèves «participent et sont motivés, dit l’enseignante. Et ils apprécient le temps dont ils disposent en classe pour travailler sur leurs activités.»
À l’avenir, Mme Levasseur prévoit demander aux élèves de créer leurs propres vidéos. «Parfois, cela va mieux lorsqu’un pair nous enseigne la matière, explique-t-elle. Je crois qu’ils comprennent mieux les leçons et ils semblent vraiment aimer ça.»
Mme Levasseur laisse entendre qu’il est important de n’utiliser la technologie que si la situation s’y prête. «Selon moi, la technologie ne doit pas remplacer les travaux écrits sur papier. Notre but doit être de l’utiliser pour transformer l’enseignement.»
Si vous entrez dans une des classes de mathématiques de la 9e à la 12e année de John Rogers, EAO, à la Bruce Peninsula District School, vous pourriez sortir votre téléphone intelligent pour concourir dans un jeu-questionnaire de mathématiques. Cet enseignant de Lion’s Head commence souvent ses cours par une séance de GameShow, une application interactive élaborée par la société canadienne Knowledgehook (knowledgehook.com/teachers). Pendant dix minutes environ, les élèves doivent répondre à entre cinq et 12 questions, et sont testés sur leur compréhension des concepts mathématiques basés sur le programme-cadre de l’Ontario. Les questions s’affichent à l’écran des téléphones intelligents et des tablettes des élèves, qui doivent saisir leurs réponses, accumuler des points et rivaliser pour déterminer qui connaît le mieux la matière. (Le jeu comprend aussi un mode loisir.)
«J’ai tendance à laisser le jeu en mode compétition, explique M. Rodgers. Les joueurs ne disposent que de quelques secondes pour répondre à chaque question et lorsque la partie est terminée, ils peuvent voir qui a obtenu les meilleurs résultats.» Est-ce que cette compétition rend les élèves anxieux quant à leurs connaissances ou à leur manque de connaissances en mathématiques? Pas selon l’expérience de M. Rodgers. «Aucun élève ne semble bouleversé s’il n’est pas le meilleur, dit-il. Et cette compétition génère beaucoup d’énergie et d’enthousiasme.»
GameShow, un de ces programmes axés sur les réponses des élèves, incite les apprenants à réagir à ce qui est en train de se produire dans le jeu, l’application ou le logiciel. Pendant qu’ils effectuaient des recherches sur les technologies à utiliser dans leurs classes, M. Rodgers et ses collègues ont découvert que les élèves profitent davantage de ce type de système que des logiciels d’enregistrement vidéo, par exemple, ou des programmes de gestion des notes. Avec les technologies axées sur les réponses des élèves, «on peut créer une communauté de discussions sur les mathématiques en classe, explique-t-il. Les élèves discutent des possibilités. On peut faire beaucoup avec un outil comme ça.»
Les discussions sont l’un des principaux moyens d’intéresser les élèves à une matière, et c’est la raison pour laquelle M. Rodgers ne s’en fait pas si un élève n’a pas son propre téléphone intelligent ni sa propre tablette pour participer au jeu. De toute façon, il demande régulièrement aux élèves de travailler en équipe, alors ils partagent les appareils. «Parfois, c’est la meilleure manière d’organiser l’activité, car on a la certitude qu’il va y avoir une conversation.»
Selon M. Rodgers, les technologies éducatives ont fait de grands progrès, ce qui démontre qu’il y avait beaucoup plus de battage que de substance autrefois. «La technologie dans la classe a finalement un sens.»
Quelle que soit la technologie utilisée à des fins éducatives, les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario sont encouragés à consulter la recommandation professionnelle de l’Ordre sur l’utilisation des moyens de communication électroniques et des médias sociaux pour guider leur jugement professionnel.
David Del Gobbo, EAO, s’était donné comme mission de faire participer et d’inspirer les élèves de sa classe de l’enfance en difficulté de 9e année de la Stephen Lewis Secondary School, à Mississauga. À cette fin, il a proposé une activité complexe aux adolescents : résoudre un problème de la vie réelle par l’impression 3D.
Il a demandé aux élèves de relever un défi simple proposé par des camarades de classe, par exemple créer une poignée de remplacement pour une paire de ciseaux. Ils ont dû faire de la recherche sur la question, réfléchir, et évaluer leurs progrès pendant la conception de leurs solutions.
En cours de route, ils ont appris à utiliser deux logiciels gratuits de conception en 3D de la société Autodesk : Tinkercad (tinkercad.com) et 123D Design (123dapp.com).
«Tous les objets créés ont dû être conçus à partir de zéro ou presque, explique M. Del Gobbo. Une des tentations que crée l’impression 3D est de se contenter de réimprimer les conceptions d’autres personnes.»
Une fois les modèles évalués par les pairs et modifiés en fonction de la rétroaction reçue, les élèves ont eu l’occasion de donner une forme réelle à leur travail à l’aide d’une imprimante 3D.
Ce projet a été enrichissant. Les élèves ont affiné leurs habiletés de recherche, de pensée critique et de résolution de problèmes. Ils ont également amélioré leurs compétences en mathématiques, car ils devaient effectuer des mesures précises pour concevoir leurs objets. De plus, ils ont appris l’importance de l’évaluation et de l’amélioration. «Parfois, la manipulation physique de leur objet faisait ressortir d’autres problèmes à résoudre, dit M. Del Gobbo. Un bord pouvait être trop tranchant ou une autre partie pouvait être trop petite. Ils ont souvent apporté des améliorations supplémentaires et imprimé de nouvelles versions.»
Le projet a fait passer l’éducation dans le domaine de la réalité. Comme l’explique M. Del Gobbo, «le sentiment de satisfaction que ressentent les élèves lorsqu’ils regardent l’impression de leur objet, et qu’ils le prennent dans leurs mains, est immense. Cela les encourage à persévérer même devant les obstacles».
En ce qui concerne les enseignants, M. Del Gobbo a démontré le pouvoir des activités pratiques. En leur donnant le contrôle du processus de résolution de problèmes et en concentrant leurs efforts sur un défi de la vie réelle, les élèves ont travaillé avec plus de diligence que si les tâches avaient été plus abstraites. Pour consulter ses plans de leçon, rendez-vous à docs.com/delgobbo.
L’année dernière, les élèves de la Blessed Pier Giorgio Frassati Catholic School de Toronto ont regroupé leurs meilleurs travaux dans des portfolios numériques. Puis, ils se sont préparés à les présenter.
Plus précisément, les enfants ont sauvegardé leurs travaux et leurs devoirs dans leurs propres dossiers Google Drive (google.com/drive). Puis, ils ont organisé leur travail en cernant les meilleurs éléments selon eux, y compris la rétroaction de leurs pairs et enseignants. Ensuite, ils ont élaboré des conférences qu’ils ont eux-mêmes animées au milieu de l’année : des entretiens parents-enseignants «inversés» de manière à ce que ce soit les élèves qui expliquent leurs progrès et les points à améliorer.
«Les élèves ont tout dirigé», dit Maddalena Shipton, EAO, enseignante de français langue seconde de la 1re à la 8e année, qui a participé à ce projet en collaboration avec Daniele Molanaro, EAO, enseignante de 5e année. En plus de Google Drive, ils ont utilisé Google Slides (google.com/slides) pour effectuer leurs présentations, y compris des graphiques pour décrire leur point de départ et leurs réussites. Ils ont utilisé la fonction Screencastify de Slides pour enregistrer leur présentation avec une voix hors-champ afin que les parents qui ne pouvaient pas participer à la conférence puissent visionner la présentation durant leur temps libre.
À la fin de l’année, les élèves sont allés encore plus loin : ils ont approfondi leurs conférences en utilisant le contenu supplémentaire tiré de leurs portfolios afin de créer des présentations sur le passage d’une année à l’autre, dans lesquelles ils expliquaient pourquoi ils devraient passer à l’année suivante. Ils se sont servis d’Adobe Spark (spark.adobe.com) pour créer des vidéos résumant leurs arguments. Les vidéos contenaient un code QR qui, une fois balayé avec un téléphone intelligent, dirigeait les parents et les enseignants vers un formulaire de rétroaction sur lequel ils pouvaient ajouter leurs commentaires.
Ces deux projets étaient liés à une initiative d’autonomisation des élèves, appelée #ICANyet, qui a vu des jeunes combiner des portfolios numériques à une idée motivante : si vous ne pouvez pas faire quelque chose aujourd’hui, persévérez et vous y parviendrez. «Ce concept a permis aux élèves de comprendre que l’apprentissage est un voyage et qu’ils sont sur la bonne voie pour réussir, même si ce chemin n’est pas droit», dit Mme Shipton.
Tina Zita, EAO, sait pertinemment que la technologie a transformé le processus pédagogique pour de nombreux enseignants et élèves, mais elle sait également que, d’une certaine façon, rien n’a changé.
Enseignante-ressource dans le domaine de la technologie auprès du Peel District School Board et autrefois enseignante d’informatique de la maternelle à la 5e année, Mme Zita a vu la technologie devenir de plus en plus courante dans les classes. Toutefois, «nous avons toujours des conversations sur son utilité en classe», dit-elle.
Nous sommes dans cette situation depuis longtemps. Certains soutiennent que la technologie dans les classes est une distraction et que les élèves n’apprennent pas les matières de base, notamment les mathématiques, l’histoire et les langues, et qu’ils ne savent qu’utiliser les ordinateurs.
Pour aider à rétablir les faits, Mme Zita suggère que les enseignants mettent l’accent sur l’éducation lorsqu’ils parlent à des personnes qui se préoccupent des effets de la technologie sur les élèves. «Selon moi, nous devons orienter la conversation vers l’objectif d’apprentissage et l’éloigner de la technologie. La technologie n’est qu’un outil qui permet aux élèves d’accéder à l’information.»
En tant qu’outil, la technologie peut offrir diverses activités, notamment des applications que les élèves peuvent utiliser pour communiquer plus efficacement ou des jeux vidéo qui leur permettent d’apprendre des concepts fondamentaux. Quelle qu’en soit la forme, la technologie n’est véritablement utile que si les enseignants et les élèves l’utilisent à des fins pédagogiques particulières.