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En décembre dernier, le gouvernement provincial a adopté le projet de loi 37, la Loi protégeant les élèves (la «Loi»), donnant force de loi à des modifications réclamées depuis longtemps afin de protéger les élèves, et de rendre les procédures d’enquête et d’audience de l’Ordre plus efficientes et ouvertes. Pour parler profession s’est entretenue avec Michael Salvatori, EAO, chef de la direction et registraire de l’Ordre, pour explorer ce que signifie la nouvelle loi pour le public et les membres de la profession enseignante de l’Ontario.
Pour parler profession : Dans un mémoire portant sur le projet de loi 37 que vous avez présenté au Comité permanent des finances et des affaires économiques, vous avez parlé de maintenir la transparence, tout en améliorant l’efficience. Ces thèmes figuraient dans le rapport de l’ancien juge en chef de l’Ontario, Patrick LeSage, à qui l’Ordre avait demandé, en 2011, d’examiner ses procédures d’enquête et d’audience. Qu’est-ce qui vous satisfait le plus dans cette nouvelle loi, et pourquoi?
Michael Salvatori : Nous avons désormais un énoncé officiel de nos engagements pour améliorer la transparence et l’efficience dans le but de servir l’intérêt du public et d’assurer la sécurité des élèves, et j’en suis particulièrement satisfait. La Loi représente notre engagement à nous améliorer. Il s’agit d’une déclaration publique et officielle, enchâssée dans la loi sur l’Ordre, de l’engagement que nous avons pris sur la base des conseils de M. LeSage et des recommandations de notre conseil.
Nous dépendons du gouvernement pour modifier nos règlements et la loi sur l’Ordre et, dans la plupart des cas, il donne suite à nos recommandations. La Loi tient compte de nos demandes; nous avons recommandé des modifications à l’issue de l’examen indépendant et demandé ensuite à la ministre de l’Éducation de les entériner.
PPP : Comment la Loi protégeant les élèves permet-elle de mieux servir l’intérêt du public?
MS : Cette loi garantit la sécurité des enfants placés sous la responsabilité des enseignants et, dans les rares cas de non-respect des normes de la profession, elle prévoit un recours. Par exemple, si un membre est reconnu coupable d’avoir infligé à un élève des mauvais traitements d’ordre sexuel, le sous-comité n’a plus de pouvoir discrétionnaire quant à l’ordonnance ou la sanction; le certificat du membre en cause est automatiquement révoqué. Je crois que le message est très clair. De plus, si un membre dont le certificat est révoqué souhaite réintégrer la profession, il doit maintenant attendre cinq ans au lieu de un an avant de présenter une nouvelle demande; je parle toujours ici des cas les plus graves. Pour ce qui est de la transparence, nous avons clarifié un certain nombre de nos processus dans la loi sur l’Ordre et avons ajouté des échéanciers. Par exemple, nous ferons de notre mieux pour traiter une plainte dans les 120 jours et, qui plus est, nous avons précisé de combien de temps un membre dispose pour répondre à une plainte ainsi que les délais accordés aux tierces parties pour nous envoyer les renseignements requis. Ces éléments, dans leur intégralité, viennent renforcer la confiance du public.
PPP : Quelles sont ou seront les preuves tangibles de ces changements?
MS : Le nom du membre sera automatiquement publié dans tous les sommaires de décisions disciplinaires. Le public pourra alors voir dans la revue – qui est beaucoup plus accessible qu’une loi – le nom des membres en cause; il n’y aura plus de pouvoir discrétionnaire quant à la publication du nom. L’information sera à la portée de tous les membres du public et de la profession qui lisent la revue.
Notre initiative de sensibilisation du public des trois dernières années, qui faisait partie des recommandations du rapport LeSage, est une autre manifestation de notre engagement pour la transparence. Nos présentations nous ont permis non seulement de renforcer la notoriété de l’Ordre, mais aussi de parler du projet de loi, des motifs de nos décisions, et de la raison pour laquelle le public devrait accorder sa confiance à notre organisme de réglementation en ce qui concerne nos gestes et notre respect des échéances.
Un de nos objets est de communiquer avec le public au nom des membres. Cela va sans dire. Nos recommandations professionnelles font partie intégrante de notre message au public, car elles existent, en partie, pour lui faire savoir quelles sont les attentes qu’il peut avoir de nos membres.
PPP : Quelles sont les répercussions de ces modifications sur les membres de l’Ordre?
MS : Comme nous le savons, la grande majorité de nos membres appliquent les normes de la profession de façon exemplaire. Ils doivent prendre conscience du fait que, quand un membre s’écarte des normes, il s’expose à des sanctions, mais il ne porte pas atteinte à la réputation de tous les enseignants ou de la profession. Nous savons que nos membres sont des professionnels qui croient à l’intégrité de la profession; je n’ai aucun doute quant à un accueil favorable de ces changements de leur part parce qu’ils se soucient de la protection et du bien-être de tous les élèves, pas juste des leurs.
Bien que nous ayons 243 000 membres, chaque année, nous recevons moins de 1 200 plaintes. Autrement dit, moins de un pour cent de nos membres fait l’objet d’une plainte. Nous agréons les programmes de formation à l’enseignement ainsi que les cours menant à une qualification additionnelle qui permettent aux membres de la profession de raffiner leur pratique et de voir nos normes d’exercice sous une perspective éthique. Tout le travail que nous faisons sous-tend l’excellent travail des enseignantes et enseignants. Ceux qui choisissent l’enseignement comprennent ce que signifie la confiance du public pour notre profession.
PPP : Certains éléments de la Loi ne reflètent pas la direction du conseil de l’Ordre. Qu’est-ce que cela signifie pour l’Ordre et sa capacité à servir l’intérêt du public?
MS : Nous n’avons pas demandé ni n’appuyons certaines dispositions. Nous devons miser sur notre solide partenariat avec le ministère de l’Éducation pour aborder les éléments de la Loi qui s’écartent des recommandations du conseil. Nous en avons repéré huit, dont un a déjà été abordé. Nous continuons à mener des discussions avec le Ministère. La Loi est complexe. Bien qu’il y ait des éléments qui, selon nous, doivent être réexaminés, il y a moyen de le faire soit par le truchement de nos règlements administratifs, soit par d’autres façons, et nous menons des pourparlers avec le Ministère afin de trouver des solutions.
L’essentiel, c’est d’avoir les mêmes objectifs, c’est-à-dire inspirer la confiance du public et assurer la sécurité des élèves. Quand on a le même fondement moral, il existe des solutions.
PPP : Diriez-vous que le changement est un processus évolutif?
MS : Oui. Cette loi est le fruit de recommandations que nous avons formulées il y a quatre ou cinq ans. Les choses ont changé. Les situations ont changé. Les points de vue ont changé. Nous sommes toujours d’avis que la Loi répond aux attentes du conseil en ce qui a trait à la transparence et à l’efficience, mais elle pourrait faire mieux encore.
La Loi n’est pas statique. Au cours des cinq à dix dernières années, nous avons recommandé des modifications législatives à plusieurs reprises, et certaines d’entre elles ont été adoptées. Pendant cette période, nous avons eu une élection provinciale et la prorogation du gouvernement. À cela se sont ajoutés plusieurs autres facteurs imprévisibles. Néanmoins, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir et donné suite à 23 des 49 recommandations du rapport LeSage.
Quand nous avons demandé à M. LeSage de procéder à cet examen, il a passé six mois à mener des consultations intensives avec tous nos intervenants. Le conseil a eu suffisamment de temps pour analyser les résultats et pour organiser un débat ouvert dans une tribune publique. Par la suite, nous avons consulté nos partenaires afin de mieux définir les restrictions qui figurent sur le certificat d’un membre ainsi que notre devoir de communiquer avec les conseils scolaires au sujet de l’échange d’informations. Nous croyons que cette loi est le résultat des consultations et contributions importantes de notre conseil.
PPP : Allez-vous réclamer d’autres modifications pour améliorer la Loi?
MS : Nous accueillons favorablement les modifications qui ont été apportées à la Loi. Nous avons obtenu la plupart des changements réclamés et nous continuerons à exiger des modifications supplémentaires.
À l’instar des enseignantes et enseignants, nous visons l’excellence. L’amélioration est une de nos normes d’exercice et une facette du professionnalisme. En tant qu’organisme, nous devons observer le paysage législatif, nous tenir à l’affût des changements et trouver des façons de mieux représenter les intérêts du public. Pour ce faire, nous prenons le pouls du public, nous organisons des groupes de discussion (comme ceux de l’été dernier) et nous donnons des présentations dans les collectivités et aux conseillers, au cours desquelles nous leur demandons d’évaluer nos processus. Ainsi, nous découvrons comment notre travail et la profession enseignante peuvent inspirer la confiance du public et ce qui ébranle cette confiance; et ce que nous pouvons faire pour la renforcer. Nous continuerons de poser ces questions et de préconiser des changements.
En ce qui concerne la transparence, il arrive que le pendule oscille. Le public est plus averti et a accès à l’information. La technologie a véhiculé certaines de leurs attentes. Nous suivons, et continuerons de suivre, l’évolution des attentes sociétales.
PPP : Pour terminer, quelles conséquences cette loi aura-t-elle sur les autres organismes de réglementation?
MS : Quand nous avons présenté un exposé sur le rapport de M. LeSage, une vingtaine d’organismes de réglementation étaient présents dans la salle pour écouter nos conseils. À l’époque, l’Ordre des éducatrices et des éducateurs de la petite enfance disposait d’une loi quasi parallèle qui avait été promulguée avant la nôtre et prévoyait en grande partie les mêmes modifications. Ce sont des changements positifs pour les organismes de réglementation parce qu’ils améliorent tous les aspects de la transparence et de l’efficience dans le contexte de l’intérêt public, de la protection des consommateurs et de la protection des enfants.
La Loi protégeant les élèves est entrée en vigueur le 5 décembre 2016 et prévoit plusieurs modifications à la Loi sur l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.