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Pratiques exemplaires

Photo d'une enseignante debout dans un gymnase tenant un balon de basketball sous le bras gauche.

Le sport au service de l’éducation

Si vous cherchez Linda Carrière, EAO, vous la trouverez sûrement sur le terrain de basketball, au beau milieu de ses joueurs. Pour orienter ses élèves, l’enseignante d’éducation physique et entraîneure n’a pas l’habitude de rester collée aux estrades.

De Philippe Orfali
Photos : Brent Foster

Exclusivité en ligne : Consultez nos archives des vidéos Pratiques exemplaires à oct-oeeo.ca/df9bb3.

Linda Carrière, EAO, enseignante de l’école secondaire catholique E. J. Lajeunesse de Windsor, s’implique tout aussi activement dans la vie des adolescents qu’elle côtoie quotidiennement que sur le terrain de basketball. Enseignante et entraîneure dévouée, elle est aussi une confidente pour bon nombre d’élèves qui défilent chaque jour dans son gymnase impeccablement entretenu.

«Tous les jeunes méritent qu’on s’intéresse à eux de façon sincère. Et pour une raison que j’ignore, j’ai le tour avec ceux qui ne réussissent pas nécessairement bien à l’école», constate Mme Carrière, qui est devenue en 2016 la première femme à recevoir le prix d’excellence Wayne-Curtin, décerné à l’entraîneur de l’année par la Windsor and Essex County Secondary Schools Athletic Association, l’organisme sportif du secondaire de sa région.

C’est sa passion pour le basketball qui a amené Linda Carrière à la profession enseignante. Jeune joueuse, elle fut appelée à entraîner une équipe de L’Orignal, près de Hawkesbury, sa ville natale, dans l’Est ontarien. «J’ai pris goût à cette relation d’apprentissage et ça n’a jamais arrêté», explique-t-elle. Elle a par la suite poursuivi ses études en éducation physique et santé à l’Université Laurentienne, tout en continuant le basketball. Son entraîneur de l’époque, Peter Ennis, dirigeait également l’équipe canadienne. «C’est grâce à lui que j’ai vraiment appris que le sport, ce n’est pas juste une question de faire entrer le ballon dans le panier. Il y a énormément de leçons scolaires et de leçons de vie à retirer de la pratique de l’exercice physique et du jeu d’équipe.» Assise dans son bureau, entourée des photographies de ses élèves victorieux, elle pense à Peter Ennis, qui est malheureusement décédé en 1997 des suites d’un cancer et qui est resté son ange gardien. «Sa technique d’enseignement est devenue la mienne.»

Photo de Linda Carrière, enseignante agréée de l'Ontario, avec quatre élèves en train de s'entraîner dans un gymnase.
Linda Carrière, EAO, insiste sur le besoin de montrer un intérêt authentique pour le bien-être de chaque élève.

Mme Carrière est d’avis qu’en discutant avec les élèves, un enseignant doit se montrer humain et faire preuve d’une grande franchise envers ses propres aptitudes, défauts et qualités. Elle aime bien rappeler que, toute bonne élève qu’elle était, elle ne décrochait pas 100 % dans toutes les matières. Ce sont les diverses expériences vécues et sa détermination qui l’ont menée à E. J. Lajeunesse et qui ont permis à cet établissement de se hisser au sommet du palmarès sportif des écoles de sa catégorie.

Elle insiste également sur le besoin de montrer un intérêt authentique pour le bien-être de chaque élève, même si cela n’est pas toujours simple dans de grands groupes. Il suffit parfois de saluer les élèves ou de trouver leurs champs d’intérêt afin de percer la coquille d’élèves plus distants. C’est une leçon qu’elle a retenue au secondaire, alors que son enseignant de mathématiques avait pris l’habitude de s’enquérir de ses exploits sportifs au lendemain d’une compétition. «Ce n’était pas un amateur de basket, mais c’est ainsi qu’il a bâti une relation avec moi. C’est ce qui m’a poussée à exceller en maths. Son geste était un signe de respect qui m’a marquée et je m’en inspire. Certains jeunes viennent à reculons à leurs cours d’éducation physique, mais je fais un effort pour m’intéresser à ce qui leur plaît.»

À la longue, c’est un réflexe qui vient naturellement et qui permet d’établir une saine communication. En s’intéressant à la réussite des élèves au-delà des exigences du curriculum, on gagne leur respect, mais aussi leur attention durant l’apprentissage, souligne Mme Carrière.

Située à une demi-douzaine de kilomètres de la frontière américaine, l’école accueille près de 500 élèves de la ville de Windsor et des localités d’Amherstburg, de LaSalle, de Harrow et de McGregor. Pour une bonne partie d’entre eux, le français n’est pas leur langue maternelle. «Certains arrivent de pays frappés par la guerre, d’autres vivent des situations familiales difficiles», explique Mme Carrière. Nombre de ces jeunes font partie des équipes sportives de l’école, et le sport joue un rôle central dans leur vie. C’est parfois même la seule chose qui les motive à ne pas décrocher. Pour s’entraîner à leur sport, ils doivent faire preuve de détermination, de discipline et d’assiduité, et obtenir de bons résultats scolaires. «Dans ce contexte-là, on développe une relation étroite, une relation de confiance. Le sofa de mon bureau est souvent occupé, dit-elle en refoulant une larme. Ils savent qu’on peut se parler franchement.»

Signe de cette discipline exigée par Mme Carrière, l’entrée des équipes d’E. J. Lajeunesse sur le terrain de basketball étonne souvent leurs compétiteurs. Les joueurs, calmes et posés, téléphone rangé et uniforme soigneusement entretenu, ont l’allure de véritables professionnels. Ceux qui manquent les entraînements sans motifs valables ne jouent pas, mais doivent assister au match afin d’apprendre de leurs camarades.

Tout comme le port de l’uniforme sportif suscite une grande fierté, la perspective d’accès aux programmes spécialisés, dont les majeures haute spécialisation ou, dans le cas de cette école, les académies sportives, est un facteur majeur de motivation pour des jeunes, croit Mme Carrière, notamment parce que cela permet de développer un fort sens de l’appartenance.

Grâce à l’approche de Mme Carrière qui ne met pas l’accent que sur les notes scolaires, mais aussi sur l’épanouissement individuel, les élèves qui ont la chance de la côtoyer apprennent de surcroît à devenir de bons citoyens, à travailler en équipe, à accepter le succès comme les défaites, la critique constructive, l’autonomie et la persévérance, énumère le directeur de l’école, Thomas Couvillion, EAO, qui fut le prédécesseur de Mme Carrière à la tête de la section d’éducation physique. «C’est vraiment remarquable, ce qu’elle fait.

«Linda déteste être au centre de l’attention. C’est une personne très humble, souligne-t-il. À tel point qu’elle ne comprend pas pourquoi le travail qu’elle accomplit est exceptionnel et pourquoi on devrait la célébrer. Pour elle, le succès se résume simplement à voir ses jeunes exceller, au sport, oui, mais surtout dans leurs études et dans la vie.»

L’impact durable du travail quotidien de Mme Carrière est manifeste quand on discute avec ses élèves, et il n’est pas rare que d’anciens élèves viennent la saluer quand ses équipes jouent dans leur région.

«Mon frère a terminé son secondaire il y a quatre ans, et il se tourne encore vers Mme Carrière lorsqu’il a des décisions importantes à prendre, lance Ali, élève de 12e année. Pour moi, c’est quelqu’un vers qui je peux me tourner. Elle est toujours là pour nous pousser, nous écouter, nous conseiller. Elle est aussi très franche. Elle peut être très directe, mais quand ça vient d’elle, on sait que c’est justifié.»

Membre de l’équipe féminine de basket-ball de l’école, Diana, 18 ans, hoche la tête. «Elle nous enseigne, mais elle nous oriente aussi dans la vie. Elle nous parle de difficultés qu’elle a elle-même surmontées et ça nous aide. Peut-être que la plupart d’entre nous ne deviendront pas des athlètes de haut niveau, mais les leçons qu’elle nous inculque sont des leçons qui nous serviront toute la vie.»

Toujours aussi modeste, Linda Carrière jure, pour sa part, que c’est elle qui retire le plus de tous ces échanges.

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

Cinq conseils pour favoriser la réussite

Au gymnase, sur le terrain de basketball ou en salle de classe, voici quelques conseils de Linda Carrière pour faire une différence dans la vie de vos élèves.

  1. Intéressez-vous à eux. Parfois, des ennuis scolaires peuvent cacher quelque chose de sérieux. Démontrer un intérêt sincère pour le quotidien des jeunes permet de gagner leur confiance.

  2. Partagez leur passion. Un de vos élèves adore la planche à roulettes? Demandez-lui de vous montrer ses prouesses. Mieux, utilisez ce qui le motive comme exemple en salle de classe.

  3. N’ayez pas peur d’essayer. Tous les élèves n’apprennent pas de la même manière, c’est normal. N’hésitez pas à innover, à essayer différentes méthodes et à varier vos approches pour favoriser leur réussite.

  4. Assurez leur croissance au-delà de la matière. Trouvez des occasions pour eux de jouer différents rôles (leader, chercheur, apprenant, mentor), lesquels contribueront à leur épanouissement.

  5. En cas d’échec, impliquez-vous. Un échec, ce n’est pas insurmontable. Il faut savoir relever la tête, en retenir des apprentissages et vouloir s’améliorer. Épaulez les élèves à toutes les étapes de leur cheminement.