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Pratiques exemplaires

Pierre Riopel, enseignant agréé de l'Ontario, debout dans une salle classe, à côté d'un drapeau orné de la fleur de lys et de la trille

L’appel de la profession

Pierre Riopel ne voulait pas être enseignant. Le destin en a décidé autrement. Le résultat fut une longue carrière pavée de succès et une distinction prestigieuse. C’est ce qui risque d’arriver quand on ne peut résister à l’appel de la profession.

De Philippe Orfali
Photos : Matthew Liteplo

Exclusivité en ligne : visionnez un portrait numérique de nos Pratiques exemplaires à oct-oeeo.ca/portraits.

Il a quitté sa salle de classe du secondaire il y a de nombreuses années déjà et a rendu sa clé du Collège Boréal de Sudbury en septembre 2016. Mais la fibre enseignante de Pierre Riopel, EAO, elle, n’est pas près de le lâcher. Ce retraité de l’éducation secondaire et postsecondaire demeure aujourd’hui aussi passionné par sa profession que lorsqu’il y est entré, par la force des choses, au milieu des années 1980.

Pierre Riopel a-t-il toujours su qu’il voulait enseigner? Tout le contraire! «Ce n’était pas du tout mon intention de devenir enseignant. Mon père l’ayant été, je voyais bien le montant de travail que cela impliquait, les longues heures et tout le reste! J’avais beaucoup d’admiration pour la profession, mais ce n’était pas pour moi.»

Le destin allait toutefois en décider autrement. De retour à Sudbury, son BA en histoire et en science politique de l’Université d’Ottawa en poche, il travaille comme réviseur et traducteur quand, un jour, le téléphone sonne. Recommandé par une connaissance, Pierre Riopel se voit offrir un remplacement temporaire à l’école secondaire Hanmer, dont il est finissant.

«Initialement, j’ai décliné l’offre! Puis je me suis ravisé et je me suis tout de même présenté le lundi matin suivant, pour aider l’école. À la fin de ma première journée d’enseignement, je suis allé voir le directeur et je lui ai dit : “Wow! Je suis accroché!” Et je suis resté pour le reste du semestre, bénéficiant d’une permission intérimaire, puis le semestre suivant.»

Pierre Riopel, enseignant agréé de l'Ontario, entouré de trois élèves, d'une conseillère en orientation et de la directrice de l'école
Pierre Riopel revisite l’école secondaire de la Rivière-des-Français à Noëlville où Monique Touchette, conseillère en orientation (en blanc) et Shelley Duquette-Lafortune, directrice d’école, planifient les activités de fin d’année avec des élèves de 8e et de 10e année.

Il lui faut toutefois suivre une formation à l’enseignement. Et c’est ainsi que, un an plus tard, il obtient son brevet d’enseignement à l’Université d’Ottawa.

Quoiqu’il souhaite retourner dans le Nord ontarien, c’est finalement dans la région de Toronto qu’il entame sa carrière. Il enseigne tout d’abord l’histoire, le droit et le français pendant un an à l’école secondaire Saint-Charles-Garnier d’Oshawa, aujourd’hui à Whitby, puis à l’école secondaire catholique Sainte- Famille de Mississauga, où il devient chef de secteur.

«Tout était à bâtir. C’était une école naissante fréquentée par une centaine d’élèves. J’y suis allé pour le défi : nous n’avions presque pas de ressources ni de manuels, à cette période clé pour l’éducation franco-ontarienne.»

Ouvert et ambitieux, Pierre Riopel a toujours eu soif de défis. Au début des années 1990, et parallèlement à sa carrière d’enseignant, il accepte un poste de chargé de cours à l’Université d’Ottawa, qui offrait alors des formations à Oakville.

«Au début de ma carrière, quelqu’un m’a dit : “Attends-toi à faire plein de choses dans le domaine de l’éducation. Il n’y a pas que l’enseignement.” Moi qui me lançais dans la profession simplement parce que je voulais être enseignant, au fil du temps, j’ai appris que je pouvais faire plein d’autres choses. On peut être conseiller pédagogique, surintendant, directeur d’école. Il existe bien d’autres rôles de leadership à l’extérieur de la salle de classe. Alors, j’ai gardé les yeux et l’esprit ouverts.»

En 1995, par un autre concours de circonstances, on le sollicite pour occuper la direction adjointe par intérim de son école.

«Ça faisait quelques années à peine que j’enseignais, et on m’offrait déjà un intérim de direction adjointe! Alors, c’est ce que j’ai fait de septembre à décembre. Et là encore, j’y ai pris goût parce que c’était un rôle de leadership à l’intérieur d’une école. Il faut savoir profiter des occasions lorsqu’elles se présentent.»

Nouvelle année scolaire, nouvelle occasion professionnelle. Désirant se rapprocher de sa famille qui vit dans le nord de l’Ontario, il devient professeur adjoint à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne. De 1996 à 2001, il sera ainsi chargé des cours d’études sociales, d’histoire et de géographie destinés aux futurs enseignants francophones de la province.

En 2001, il reprend toutefois le chemin de l’école, cette fois en tant que directeur de l’école secondaire de la Rivière-des-Français, à Noëlville; il convoitait un poste de leadership dans une école depuis de nombreuses années.

Trois ans plus tard, il devient surintendant adjoint de l’éducation au Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario, puis surintendant, directeur associé de l’éducation et, enfin, directeur de l’éducation, en 2010.

En suivant son destin, Pierre Riopel aura ainsi gravi, un à un, chacun des échelons du système d’éducation ontarien.

En 2013, ce membre estimé de la communauté éducative nord-ontarienne est choisi pour diriger le Collège Boréal. Cet établissement collégial, l’un des deux seuls de langue française en Ontario, accueille près de 1 500 étudiantes et étudiants grâce à 7 campus et à 37 centres d’accès situés principalement dans le nord, mais également dans le centre-sud-ouest de la province.

Bien sûr, c’est avant tout avec son chapeau d’éducateur que M. Riopel a relevé ce nouveau défi.

«On considère souvent, à tort ou à raison, que les études postsecondaires sont un bien de consommation parce qu’il faut payer des frais de scolarité. Or, je tenais à ce que la pédagogie soit au centre de toutes nos activités. Je me souciais avant tout d’offrir une gamme de programmes à une population dont les défis sont particuliers.»

La débrouillardise et les aptitudes développées dans les nombreuses petites écoles dans lesquelles il avait œuvré pendant toute sa carrière se sont alors révélées des outils redoutables.

Sous sa tutelle, on a étendu les programmes destinés aux communautés éloignées, et de nombreux programmes dits hybrides (c.-à-d. qu’une partie de la formation est en présentiel, et l’autre, à distance) ont vu le jour. «C’était important pour moi parce que ce n’est pas tout le monde qui peut se permettre de partir pendant deux ans, loin de sa famille. Les gens ont des hypothèques, des emplois, des obligations. Il fallait qu’on puisse se rendre à eux, tout en valorisant la qualité de l’éducation qu’on offrait. Ça connaît un beau succès et ça permet de rendre l’éducation de langue française accessible partout», se félicite-t-il.

Toujours membre actif de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, il a par ailleurs participé au fil des années à plusieurs de ses groupes de travail et de ses sous-comités. Il contribue aussi aux activités du Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques, de multiples associations et regroupements professionnels de l’enseignement en Ontario, et de bien d’autres.

Officiellement retraité du Collège Boréal depuis l’an dernier, Pierre Riopel demeure très engagé, autant en éducation que dans le milieu communautaire franco-ontarien. C’est un facteur parmi d’autres qui a mené le gouvernement français à le nommer chevalier de l’Ordre des Palmes académiques, l’une de ses plus prestigieuses distinctions civiles.

Instituées par Napoléon Ier en 1808, les Palmes académiques sont des titres honorifiques décernés aux personnes «ayant rendu des services éminents à l’éducation». Ces titres peuvent être accordés «aux étrangers et aux Français résidant à l’étranger qui contribuent activement à l’expansion de la culture française dans le monde». Chaque nomination est proposée par le ministre de l’Éducation nationale de France, puis approuvée par le premier ministre.

«J’ai des frissons rien qu’à y penser! J’en suis incroyablement fier. Et, bien humblement, je pense que c’est aussi une façon indirecte de reconnaître tous les collègues avec qui j’ai travaillé, qui sont dans le monde de l’enseignement depuis longtemps et qui y travaillent fort. Ils ont fait et continuent de faire une différence dans leur communauté. Ce prix leur revient autant qu’à moi!»

M. Riopel y voit également une sorte d’hommage à son père enseignant, mais aussi à ses grands-parents, qui ont lutté pour l’accès à l’éducation primaire de langue française, au siècle dernier. «Ma famille venait d’un très petit village qui ne disposait pas d’école. Alors, mon grand-père, qui était “commissaire”, avait préféré offrir son salon pour en faire une salle de classe de fortune plutôt que de forcer les enfants du village à marcher de longues distances. Dans nombre de petites communautés francophones de l’Ontario, maintes personnes ont fait de tels sacrifices, il ne faut pas l’oublier. Je pense beaucoup à mes grands-parents quand je pense à ce prix.»

Le prix lui sera décerné en personne, à Sudbury.

Gageons que la retraite sera de nouveau de courte durée pour Pierre Riopel : il songe à retourner faire de la suppléance au secondaire et, pourquoi pas, terminer ses études de doctorat…

Cette rubrique met en vedette des enseignantes et enseignants qui ont reçu un prix en enseignement. Ces personnes répondent aux attentes de l’Ordre en incarnant des normes d’exercice professionnel élevées.

Matière à réfléchir en 5 temps

Pierre Riopel offre cinq conseils à ceux qui amorcent leur carrière, la profession enseignante ouvrant maintes portes, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école.

  1. Être fidèle à soi-même.

    «Vous n’enseignez pas ce vous savez : vous enseignez ce que vous êtes», disait Jean Jaurès, professeur et homme politique français. Vous savez qui vous êtes. Vivez selon ce qui vous habite, sans compromis.

  2. Partager son leadership.

    Profitez des occasions qui s’offrent à vous pour contribuer au projet de société de la communauté où vous habitez. Faites rayonner vos qualités de leadership au-delà des quatre murs de l’école.

  3. Vivre passionnément.

    Vous lever tous les matins avec l’envie de faire une différence dans la vie de vos élèves, c’est ça, la mesure du succès et du bonheur. D’instinct, vos élèves perçoivent votre passion pour l’enseignement et leur apprentissage.

  4. Apprendre. Toujours.

    Vous enrichirez l’expérience de vos élèves. Lisez, voyagez, explorez, questionnez… vous en sortirez gagnant. Vos élèves aussi. Il faut enseigner pour apprendre et apprendre pour enseigner!

  5. Croire à l’éducation.

    Nelson Mandela, grand homme d’État, a dit que «l’éducation est l’arme la plus puissante qui puisse être utilisée pour changer le monde». Soyez conscient de l’impact que vous avez au-delà de l’école.