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Nos écoles vues d’ailleurs

De Jennifer Lewington
Photos : Matthew Liteplo

Pour les pédagogues formés à l’étranger, l’Ontario offre un contexte propice non seulement à l’apprentissage, mais aussi au perfectionnement.

Photo d'une enseignante et de deux jeunes élèves qui regardent un élève qui a levé la main pour répondre à une question.
Samantha Lengyel, EAO

Nombre d’enseignantes et d’enseignants expérimentés viennent de loin pour écrire le prochain chapitre de leur carrière professionnelle dans les écoles publiques de l’Ontario. Nous avons demandé à quatre membres de l’Ordre nés et formés à l’étranger de nous parler de leur expérience en classe, de leur souplesse d’adaptation à une nouvelle culture et à une pédagogie différente, et de leur perfectionnement professionnel.

Un cheminement évolutif

Dès son premier jour de suppléance pour le District School Board of Niagara, en 2003, quand ses élèves se sont levés pour chanter Ô Canada, Samantha Lengyel, EAO, a compris qu’elle était bien loin de l’école primaire où elle avait enseigné dans son Angleterre natale. «Au Royaume-Uni, on n’entame pas la journée en entonnant le God Save the Queen, dit-elle. Tout me paraissait bien différent.»

Mme Lengyel a immigré au Canada en 2000, peu après ses noces avec Nick, un Canadien qui enseigne pour le même conseil scolaire. En 2002, alors jeune maman, elle obtient l’autorisation d’enseigner, puis commence à faire de la suppléance en 2003.

Outre l’expression matinale de nationalisme, Mme Lengyel constate également l’absence d’inspecteurs qui, en Angleterre, sont envoyés par le Ministère dans les salles de classe pour évaluer les progrès des élèves. «L’approche anglaise accapare énormément les pédagogues pendant leur première année de travail», dit-elle. À Londres, où elle a enseigné pendant deux ans, Mme Lengyel pouvait compter sur un mentor et un programme de perfectionnement analogue à celui de l’Ontario, sans cependant bénéficier du temps de préparation des leçons. «Il y avait fort à faire, et peu de temps pour souffler», ajoute-t-elle.

En 2007, après presque quatre années de suppléance, Mme Lengyel a décroché un poste permanent à temps plein. Elle est aujourd’hui titulaire d’une classe combinée de 3e et de 4e année à la Prince of Wales Public School, à Saint Catharines (Ontario).

Pour Mme Lengyel, son cheminement professionnel au sein de deux systèmes d’enseignement est une évolution. Depuis 2012, elle ajoute à son arc de nouvelles qualifications agréées par l’Ordre afin d’enseigner d’autres matières. «Il va sans dire que, depuis mes débuts, j’ai beaucoup changé. Il faut constamment s’adapter et évoluer.»

Un contexte propice à l’apprentissage

En 2014, Marlon Douglas, EAO, fait le trajet de la Jamaïque jusqu’à Fort Frances, dans le nord-ouest de l’Ontario, pour rendre visite à sa nouvelle épouse qui travaille dans une maison de soins de longue durée. Peu accoutumé aux rigueurs de l’hiver (Fort Frances reçoit en moyenne 20 centimètres de neige tous les mois), M. Douglas conclut néanmoins qu’il pourra s’y faire et s’installe en Ontario l’année suivante.

Titulaire d’un baccalauréat en éducation (enseignement et formation professionnels techniques) que lui décerne l’University of Technology, Jamaica en 2009, M. Douglas avait enseigné à contrat le dessin technique et la technologie du bâtiment pendant six ans dans différentes écoles de l’île caribéenne.

À son arrivée, M. Douglas croyait que, comme en Jamaïque, il pourrait faire des démarches directement auprès des différentes écoles, mais il a dû chercher parmi les postes qu’affichait chaque conseil scolaire. En décembre 2015, il est embauché par le Rainy River District School Board à titre d’aide-enseignant à la Crossroads School, à 22 kilomètres de Fort Frances, une école qui dessert le canton de LaVallee et la Première Nation de Naicatchewenin. «Je venais d’un autre pays, et les deux années où j’ai été aide-enseignant dans cette école – tout d’abord dans une classe combinée de 5e-6e année, puis dans une salle de transition – ont été la meilleure expérience de ma carrière, affirme-t-il. C’était le contexte idéal pour me familiariser avec un nouveau système, une nouvelle culture et une nouvelle vie.»

Une sortie de pêche sur glace avec des élèves lui a permis de découvrir les traditions autochtones. «Même si les élèves, l’environnement et la façon d’être sont bien différents [de ceux de la Jamaïque], l’enjeu demeure le même : créer un contexte propice à l’apprentissage.»

Si M. Douglas avait pu profiter d’un mentorat informel à ses débuts en Jamaïque, il a été heureux de bénéficier, à son arrivée en Ontario, du programme d’insertion professionnelle du nouveau personnel enseignant. Ce programme est géré par le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires.

Après avoir obtenu l’autorisation d’enseigner en 2017, M. Douglas est devenu suppléant pour le Rainy River District School Board. Plus récemment, il a décroché un contrat de trois ans à titre d’enseignant auxiliaire itinérant. Dans le cadre de ses fonctions, il fournit de l’appui aux titulaires de classe qui doivent enseigner le programme-cadre de sciences et technologie.

Michael Naicker, EAO

Une aide opportune

Après avoir enseigné le français et l’allemand au secondaire pendant sept ans dans sa ville natale, Yaoundé, la capitale du Cameroun, Laurent Teinkeu Sieyapche, EAO, a immigré au Canada avec sa famille en 2014. «Je voulais transmettre à mes enfants les valeurs de la société canadienne», affirme le père de deux garçons âgés de cinq et de trois ans.

Déjà titulaire d’un diplôme en enseignement de l’Université de Yaoundé 1, M. Teinkeu Sieyapche s’inscrit à un programme en enseignement de l’Université d’Ottawa afin de faciliter sa progression. Il obtient son diplôme avec distinction en 2017.

À Yaoundé, il n’était pas rare d’enseigner à une classe de 80 à 100 élèves. «Il fallait composer avec le manque d’infrastructure, affirme-t-il, et il n’était pas évident de trouver une chaise ou un manuel pour chaque élève.» L’an dernier, il s’est retrouvé à l’école élémentaire Carrefour des jeunes, école publique de langue française du Conseil scolaire Viamonde à Brampton, où ses classes comptaient environ 20 élèves. «Ici, je connais le nom de tous les élèves, et même celui de leurs parents, dit-il. C’est bien plus facile.»

Au Cameroun, M. Teinkeu Sieyapche utilisait un ordinateur personnel à la maison, mais très peu d’écoles de Yaoundé avaient un accès fiable à l’internet, ou même au réseau électrique. «Une des différences vraiment, vraiment importantes entre le Cameroun et le Canada est la disponibilité des ressources destinées aux élèves ayant des besoins particuliers, ajoute-t-il. [En Ontario], au besoin, je peux obtenir de l’aide en m’adressant au conseil scolaire ou en cherchant en ligne.»

M. Teinkeu Sieyapche a enseigné, entre autres, l’éducation physique, le soccer et le hockey, un sport qu’il a découvert lorsqu’un ami l’a invité à assister à un match opposant les Sénateurs d’Ottawa aux Maple Leafs de Toronto. «Le hockey a piqué ma curiosité; je me suis tout d’abord exercé avec des patins à roues alignées avant de tenter ma chance avec un bâton et une rondelle.»

Les élèves des classes de M. Teinkeu Sieyapche jouaient au hockey dans le gymnase de l’école. «Je leur montrais comment faire des passes et marquer des buts. Ils adoraient ça!»

Cette année, en plus d’enseigner les arts et l’éducation physique aux élèves de 1re et de 2e année à l’école élémentaire et secondaire Maurice-Lapointe, à Ottawa, pour le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario, il est entraîneur de soccer pour les élèves de 5e et de 6e année à l’école.

L’inclusion et la diversité à l’honneur

Né en Afrique du Sud de parents d’origine indienne, à l’époque où la politique d’apartheid était toujours en vigueur, Michael Naicker, EAO, a fait toutes ses études, y compris son programme de formation à l’enseignement, dans des écoles réservées aux élèves d’origine indienne. «Je fréquentais une école pour Indiens dans le KwaZulu-Natal; les élèves africains avec lesquels je jouais avaient leur propre école, tout comme les Blancs», affirme M. Naicker.

Diplômé en éducation de l’Université du Cap-Occidental en 1995, M. Naicker a ensuite décroché une bourse d’études qui lui a permis d’obtenir une maîtrise en éducation de l’Université de Leeds, en Angleterre.

M. Naicker est aujourd’hui directeur adjoint à la Catholic Central High School du Windsor-Essex Catholic District School Board. «Je travaille au sein d’une école multiculturelle accueillant des immigrants de partout dans le monde, affirme-t-il, non sans fierté. Je me fais un point d’honneur de traiter tous ces enfants avec respect et dignité.»

Lorsqu’il pense à sa carrière en Afrique du Sud, où il a enseigné toutes les années jusqu’à la 12e, il salue l’approche progressiste que les écoles ontariennes mettent à profit avec les élèves en difficulté. Dans son pays natal, les élèves du secondaire qui échouaient l’un des deux cours de langue obligatoires (anglais ou afrikaans) devaient reprendre l’année au complet, plutôt que la matière qu’ils avaient échouée comme en Ontario. «J’aime le système canadien qui est bien moins punitif», déclare-t-il.

Perturbé par l’escalade de la violence après l’abolition de l’apartheid, M. Naicker décide, en 2002, de quitter son pays pour faire carrière au Canada, sur la base notamment des recommandations d’amis qui avaient déjà fait le saut. Peu après, une seule visite chez nous suffit pour le convaincre que l’Ontario est un endroit où il envisagerait d’élever des enfants.

Il s’installe en 2005 et fait du bénévolat dans une école de Windsor, puis obtient l’autorisation d’enseigner en Ontario trois ans plus tard. Après avoir travaillé à titre de suppléant pour le Windsor-Essex Catholic District School Board et d’enseignant aux adultes au secondaire, il trouve un poste à la Catholic Central High School en 2007.

L’assimilation du langage pédagogique de l’Ontario et de ses codes et sigles inconnus en Afrique du Sud fut certes un obstacle initialement, mais comme il le dit en souriant : «J’avais traversé l’Atlantique armé d’une maîtrise; j’ai appris et je m’y suis fait.» Selon M. Naicker, les moyens informatiques d’aujourd’hui lui facilitent la vie en tant qu’administrateur d’une école, contrairement aux systèmes traditionnels et gruge-temps qu’il utilisait quand il était directeur intérimaire d’une école du Cap. Comme tant d’autres enseignants formés à l’étranger, M. Naicker estime que, malgré leurs différences, tous les systèmes d’éducation ont un point en commun : «L’objectif est le même partout : favoriser la réussite de nos enfants.»

Des membres de partout

Selon les données de l’Ordre, la proportion des enseignantes et enseignants formés à l’étranger atteignait 16,4 % des membres en règle en 2017. Si l’on exclut les États-Unis du calcul, cette proportion est de 7,1 %. L’Australie, l’Inde, l’Angleterre et l’Écosse trônent au sommet de la liste des pays d’origine des pédagogues de l’Ontario formés à l’étranger, mais ces derniers viennent également en grand nombre de la Jamaïque, du Pakistan, de l’Ukraine, du Nigeria, du Liban, de la Russie et des Philippines.