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Des écoéquipes déterminées

Comment amener les élèves à changer leurs habitudes quotidiennes afin de créer des écoles écologiques et durables, et un monde meilleur.

De Jennifer Lewington
Illustrations : Nicolas Ogonosky/Anna Goodson

Illustration de quenouilles, d’une abeille volant près d’un arbre et d’une grenouille sur un nénufar

Le personnel et les élèves de l’école où enseigne Lisa Jeffery, EAO, prennent soin de l’environnement depuis 14 ans, mais leur ÉcoÉquipe ne participe à des projets à l’extérieur de la Leamington District Secondary School que depuis six ans.

Été 2014. La population de la région apprend que des algues nuisibles ont proliféré dans le lac Érié à proximité. Les dégâts sont considérables et très étendus : on déconseille aux résidents de Leamington, en Ontario, de se baigner dans le lac, les entreprises de l’ile Pelée souffrent de la baisse de l’achalandage touristique et les voisins du sud-ouest, à Toledo, en Ohio, n’ont pas accès à de l’eau potable. Les membres de l’ÉcoÉquipe de la Leamington District proposent alors un plan d’action.

«L’ÉcoÉquipe a décidé d’investir toute son énergie à se renseigner sur le problème, à informer la collectivité et à travailler avec les intervenants pour tenter de réduire le niveau élevé de phosphore qui contribuait au problème», explique Mme Jeffery, enseignante de biologie préparatoire aux études universitaires en 11e et 12e année. Leur mission, que les membres de l’équipe ont nommée Algaecation [NDLR : amalgame des mots anglais algae et education], a produit un effet bien réel. «En mai 2015, nous avons organisé un sommet sur la prolifération des algues nuisibles pour rassembler des citoyens, des scientifiques, des dirigeants des Premières Nations et des représentants de l’industrie et de tous les ordres de gouvernement, ainsi que des élèves de la 5e à la 12e année. Nous avons appris les uns des autres et travaillé en collaboration pour trouver des solutions. Nous avons bénéficié d’une couverture médiatique, et le ministère des Richesses naturelles et des Forêts a demandé à notre ÉcoÉquipe de contribuer aux stratégies de réduction du niveau de phosphore dans le lac Érié.»

Mme Jeffery ajoute que le Canada s’est depuis engagé à réduire le niveau de phosphore de 40 pour cent et que l’ÉcoÉquipe a trouvé une formule effi- cace pour apporter des changements par l’intermédiaire de son groupe scolaire : «L’équipe se renseigne sur un problème environnemental auprès d’experts et offre des programmes éducatifs pour les élèves et les adultes, puis incite les intervenants à élaborer des solutions. Nous avons aussi utilisé cette formule pour d’autres causes, comme la conservation des milieux humides, la protection des pollinisateurs, le gaspillage alimen- taire, les espèces envahissantes, l’alimentation à base de plantes et l’action pour le climat.» Mme Jeffery reconnait aussi l’aide précieuse de l’Essex Region Conservation Authority ainsi que son appui et sa collaboration au moment de mettre en œuvre des solutions pour résoudre des questions environnementales.

Il faut dire que les causes environnementales importantes ne manquent pas, et les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario sont nombreux à répondre à l’appel. Et ce ne sont pas seulement des enseignants de sciences du secondaire qui cultivent leur fibre verte : les pédagogues de toute la province, du jardin d’enfants à la 12e année, participent activement à des programmes visant à réduire notre empreinte carbone collective.

«À mon école, nous pensons que tout un chacun – le personnel, les élèves et les parents – influe sur la planète chaque jour et que nos habitudes quotidiennes en matière d’énergie, d’eau, d’alimentation, d’espaces verts et de faune, entre autres, sont toutes importantes, souligne Cathy Dykstra, EAO, enseignante de 5e année à la Kortright Hills Public School de Guelph, en Ontario. Une de nos priorités est d’amener les enfants à comprendre pourquoi les habitudes quotidiennes positives sont essentielles.»

Cet enseignement est également une priorité pour Mme Jeffery, qui rappelle à ses élèves qu’il y a tout juste 15 ans, elle ne pensait pas qu’elle verrait de son vivant certains des effets les plus désastreux des changements climatiques. «Pourtant, nous assistons en 2020 à la fonte du pergélisol, au blanchissement des coraux, à des feux de forêt courants, à des sècheresses et à des inondations, en plus de connaitre la réalité des réfugiés climatiques, le Canada se réchauffant environ deux fois plus vite que le reste du monde.»

En plus de répondre à la nécessité d’apprendre aux enfants comment être des citoyens écoresponsables, les écoles écologiques présentent de nombreux avantages immédiats. Par exemple, il a été démontré que les cours d’école vertes produisent des effets positifs sur l’apprentissage des élèves, leur activité physique et leur santé mentale. Une étude réalisée en 2018 auprès de plus de 300 écoles élémentaires du Toronto District School Board a permis d’établir que plus les enfants sont entourés d’arbres, mieux ils se sentent. Ainsi, le couvert végétal peut influer sur le rendement scolaire.

Les avantages de la protection de l’environnement trouvent écho auprès de Martine Bazinet, EAO, enseignante de sciences du jardin d’enfants à la 6e année à l’école élémentaire publique De la Rivière Castor, à Embrun, en Ontario, qui fait l’éloge de son conseil. En effet, elle affirme que le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario a été le précurseur du projet des écoles écologiques en en faisant une priorité. «J’ai la chance d’enseigner aux jeunes enfants à prendre soin de l’environnement en posant des gestes simples qui donnent d’excellents résultats. Ces élèves ne sont pas trop jeunes; ils peuvent contribuer eux aussi, par exemple, en ramassant les déchets ou en évitant d’utiliser du plastique à usage unique, illustre-t-elle. Devant les bouleversements environnementaux actuels, nous nous devons de faire notre part. Je suis là pour leur apprendre comment faire la leur.»

Tous les pédagogues à qui nous avons parlé et qui chapeautent les équipes et projets écologiques de leur école respective s’entendent pour dire que des moyens simples et concrets existent pour augmenter la note en environnement de toutes les écoles élémentaires et secondaires de l’Ontario. Voici leurs conseils. 

Inscrivez-vous à ÉcoÉcoles Canada

Ce programme a été lancé en 2002 quand le Toronto District School Board a mis sur pied le programme Ontario EcoSchools. À l’époque, les écoles pouvaient recevoir une certification provinciale si elles réussissaient à rendre leur école écologique. En 2017, Ontario EcoSchools est devenu ÉcoÉcoles Canada, et l’organisme bilingue a étendu son programme de certification aux écoles de tout le pays.

Mme Jeffery vante le format convivial du programme et son personnel de soutien. «Il nous permet de rester sur la bonne voie. Nous participons à de nombreux projets communautaires, mais le processus de certification nous rappelle qu’il faut prêter attention aux problèmes de l’école, comme prendre soin d’éteindre les lumières et de réduire le gaspillage alimentaire», souligne- t-elle, ajoutant que son école a reçu la certification platine au cours des quatre dernières années. D’ailleurs, leur ÉcoÉquipe a été formée il y a 14 ans et compte plus de 50 membres actifs. «Certains élèves participent à nos réunions hebdomadaires pour s’infor- mer sur les questions environnemen- tales locales et internationales auprès de nos propres membres ou d’experts locaux. D’autres aiment fouiller les données et faire des analyses sur l’énergie et les déchets, rendre compte de leurs résultats et élaborer des plans d’action pour réduire notre empreinte. Enfin, nos adeptes du plein air répondent toujours présents pour participer au nettoyage des plages locales, à la plantation d’arbres, à la restauration des habitats et à la surveillance des amphibiens.»

Intégrez l’écologisme à la culture de votre école

«Les nouveaux enseignants qui arrivent à l’école remarquent les nombreux systèmes mis en place pour favoriser l’apprentissage sur l’environnement et les pratiques durables», mentionne Mme Jeffery. C’est que le personnel enseignant veille à ce que les projets écologiques occupent une place importante dans les activités scolaires. Il en va de même à l’école certifiée or de Michael Michaud, EAO, la Seneca Trail Public School, à Oshawa, en Ontario. L’école a fait de son jardin pollinisateur une partie intégrante de toute l’expérience scolaire : «Nous avons investi beaucoup d’efforts pour faire de notre jardin le point central de nos actions écologiques. Ce projet a eu d’énormes effets sur notre personnel, nos élèves et la collectivité, insiste-t-il. Il a servi de classe en plein air pour en apprendre sur les écosystèmes et comprendre l’importance de planter des espèces de plantes indigènes. C’est aussi un lieu commémoratif où nous avons planté deux arbres à la mémoire de deux anciens membres du personnel enseignant récemment décédés.»

Laissez les élèves prendre les rênes

Les ÉcoLeaders ne doivent pas être que des enseignants et des employés : les élèves possèdent une curiosité innée, et il faut absolument l’utiliser pour les faire participer. À l’école secondaire de Mme Jeffery, l’ÉcoÉquipe prend ses décisions de manière démocratique. «Nous allons parfois de l’avant avec un plan qui n’était pas le mien, et c’est bien ainsi, soutient-elle. Les élèves assument des responsabilités importantes, comme l’éducation des adultes et la mise au défi des dirigeants de la collectivité de prendre des décisions environnementales fondées sur la science.»

«Pour notre part, nous avons élu notre propre ministre de l’Environnement au sein du parlement des élèves afin de garantir que la responsabilité environnementale se reflète dans les activités pour les élèves. Les élèves jouent toute une gamme de rôles. Par exemple, le ministre de la Publicité se voit confier la plupart des entrevues avec les médias, contribue à la rédaction des publications sur les médias sociaux et participe parfois à la rédaction d’articles sur les enjeux environnementaux dans notre journal local.» Mme Dykstra précise aussi que le programme ÉcoÉcoles Canada de son école élémentaire est géré par des élèves de la 3e à la 8e année, ainsi que par une classe de 5e année dont les élèves apprennent la majorité des matières «dans une perspective écologique».

Les groupes se concentrent sur l’autonomisation des élèves et sur le renforcement de la passion pour l’environnement. «Nos ÉcoLeaders remplissent la plupart des exigences requises de la certification or d’ÉcoÉcoles Canada. Ils surveillent le recyclage, l’éclairage des classes et les habitudes technologiques dans toute l’école. Ils font également les annonces le matin, créent les affiches à apposer dans les couloirs et dirigent les assemblées scolaires», énumère-t-elle. Elle ajoute qu’ils organisent des activités et ont pris la parole dans la collectivité lors d’évènements comme le Symposium de Guelph sur la pollinisation. 

Nouez des partenariats au sein de la collectivité et faites-la participer

Le programme de compostage des déchets de l’école de M. Michaud permet aux élèves et au personnel de se débarrasser, à l’école, de leurs déchets compostables (des collations et du diner). «Nos voisins nous permettent ensuite de laisser les bacs verts sur leur trottoir le jour de la collecte, affirme M. Michaud. Nous avons calculé que nous détournons ainsi quelque 30 kilos de déchets du site d’enfouissement chaque semaine.»

Priorisez le plaisir

C’est une évidence, oui, mais il y a de quoi s’amuser quand il s’agit de sauver notre planète. Jacqueline Floh-Hilts, EAO, enseignante au jardin d’enfants à la Churchill Public School de Toronto, certifiée or, a un alter ego : elle est «ÉCOfille». «Je me déguise pendant les assemblées pour encourager les élans écologiques à l’école», indique-t-elle. L’idée, qui était à l’origine un costume d’Halloween, s’est transformée en démarche que tout le monde adore : «Quand ÉCOfille arrive, elle parle aux élèves des initiatives écologiques de l’école. Et quand les enfants me demandent si c’est moi, ÉCOfille, je leur dis que non!»

Melissa Binfield, EAO, enseignante à la St. John Catholic Elementary School à Beamsville, en Ontario, investit les environs de son école (la péninsule du Niagara) pour créer des projets amusants pour les élèves. «Lorsque j’enseignais au jardin d’enfants, mes élèves me posaient des questions sur les raisins sauvages qui poussaient le long de la clôture de notre aire de jeu, raconte-t-elle. Cela m’a incitée à leur parler de l’origine des aliments. Une serre locale nous a donné des pots, des plantes et de la terre. Nous avons donc planté les légumes et nous en avons pris soin dans notre espace du jardin d’enfants. Les enfants les ont regardés pousser et ont ensuite participé à la récolte. Ce projet en a incité plusieurs à demander à leurs parents de créer leur propre potager.»

Servez d’exemple

Karen Stelling, EAO, a toujours protégé l’environnement : elle était membre du club écologique de son école secondaire. Pas étonnant que cette enseignante de sciences et de chimie de 10e et de 12e année au Riverdale Collegiate Institute de Toronto, établissement certifié platine, mette en pratique ce qu’elle prêche dans ses propres classes. «J’emmène mes élèves à l’extérieur autant que possible et, dans certains cours, j’ai institué les Freedom Fridays (vendredis liberté), et nous sortons tous les vendredis, mentionne-t-elle. J’intègre aussi le plus possible les projets sans papier et je pense toujours à la fin de vie d’un produit. Par exemple, si les élèves fabriquent des modèles de cellules avec de la pâte à modeler, le matériel finira au site d’enfouissement. Il est important d’utiliser du matériel déjà à l’état de déchet ou des produits biodégradables. J’ai aussi établi une règle interdisant d’acheter tout matériel destiné à un projet scolaire. Je suis par ailleurs très prudente en ce qui concerne l’utilisation du plastique : avant d’insérer une feuille dans une pochette de plastique, je me demande - et j’incite mes collègues à se demander : “Est-ce que je veux conserver cette feuille pour toujours?” Il est vraiment important d’apprendre à tous que ce n’est pas un problème que quelqu’un d’autre va régler pour nous.»