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Enseignants remarquables

Cobie Smulders

Une femme merveilleusement douée

Cobie Smulders, vedette de la série Avengers, fait la lumière sur l’enseignante qui l’a aidée à découvrir son pouvoir magique.

De Teddy Katz
Photos : Aaron Richter/Contour by Getty Images; Kim Zebehazy

En juin dernier, sur un enregistrement vidéo, l’actrice Cobie Smulders a dit à tous les finissants de la Lord Byng Secondary School, à Vancouver : «Bravo! Vous avez réussi! Vous y êtes arrivés!»

Mme Smulders a elle-même fréquenté cette école jusqu’en 2000. Dans son message, elle tente de s’adresser directement à chacun des diplômés de cette année scolaire inhabituelle : «Il faut dire les choses comme elles sont : c’est une vraie poisse.» Elle fait référence aux restrictions de la COVID-19 qui perturbent les rituels de l’école et les célébrations de fin d’année. «Vous savez, l’expérience m’a appris à quel point l’école secondaire peut être un milieu difficile; je suis passée à travers, j’y ai survécu moi aussi», plaisante Mme Smulders dans son message.

Dans la vidéo de deux minutes, Mme Smulders est tantôt drôle, tantôt bouleversante, à la fois sensible et touchante alors qu’elle cherche à encourager les diplômés et à établir un lien avec eux. «Je sais que Mme Hughes enseigne toujours à l’école, dit-elle. Je me souviens qu’on a lu La ferme des animaux et que l’expérience a été très convaincante.»

Diplômée de Byng (surnom donné à l’école par les élèves), Amy Hughes y a enseigné l’anglais et le théâtre pendant 31 de ses 33 années de carrière. Elle a enseigné l’anglais à Mme Smulders de la 10e à la 12e année, et a certainement laissé sa marque.

«Je crois que Mme Hughes – j’ai encore du mal à l’appeler Amy – a été le premier enseignant que j’ai vu en tant qu’être humain. Cette femme n’était pas qu’une pédagogue, elle avait une vie après les cours, explique Mme Smulders. Elle m’a fait découvrir de nouveaux horizons et m’a encouragée à lire des ouvrages qui m’ont permis de voir les choses sous un angle nouveau.»

«Dans sa salle de classe, l’enseignante a toujours veillé à ce que les élèves s’assoient en cercle afin d’éviter toute hiérarchie.»

La vidéo de Mme Smulders a vu le jour après que Ryan Reynolds, autre étoile d’Hollywood ayant grandi à Vancouver, eut diffusé une vidéo semblable et acheté de la pizza pour tous les diplômés de son alma mater, la Kitsilano Secondary School, la plus grande rivale de l’école Byng, située à peine à cinq minutes. «Un membre du personnel m’a demandé : “Crois-tu que Cobie en produirait une (vidéo)?” Je lui ai donc posé la question par courriel et elle m’a répondu qu’elle le ferait avec plaisir. Elle continue de redonner à l’école de plusieurs façons», affirme Mme Hughes.

Depuis son départ de l’école Byng, Mme Smulders poursuit une brillante carrière d’actrice. Elle occupe actuellement le rôle principal dans la série dramatique Stumptown du réseau ABC. Elle a partagé la scène avec Tom Cruise et incarné une superhéroïne dans la série Avengers de Marvel, y compris Infinity War (au Québec, La guerre de l’infini) dont les ventes ont battu un record.

À 23 ans, Mme Smulders faisait déjà parler d’elle. Elle a été sélectionnée pour le prix People’s Choice Award en 2014 pour son interprétation dans la comédie à succès How I Met Your Mother de CBS. Elle a joué une Canadienne qui a déclaré au monde entier la passion des Canadiens pour Tim Hortons, le hockey et le système de soins de santé universel. Tous les ans, elle fait un don à l’école Byng sous forme de prix «Au premier plan». La récompense est remise aux élèves connus pour leur détermination, leur créativité et leur individualité, et qui songent à faire carrière en art dramatique. «Depuis environ neuf ans, elle décerne ce prix lors de la remise des diplômes, et son nom n’y figure même pas», affirme Mme Hughes.

Mme Smulders n’est pas la seule vedette à avoir fait ses études à la Lord Byng Secondary School. L’année où elle a obtenu son diplôme, l’école Byng lançait une miniacadémie des arts. Aujourd’hui, les élèves doivent passer une audition pour obtenir une des places convoitées de l’académie, qui attire des musiciens, des acteurs et des artistes talentueux.

«Elle était une élève moyenne, complètement et admirablement ordinaire, et pourtant exceptionnelle», déclare Mme Hughes. Elle ajoute que Mme Smulders n’était pas extravagante ni n’aimait faire l’objet des regards. Néanmoins, l’œil de la caméra l’adorait. Pendant son adolescence, elle a été mannequin un certain temps et a parcouru le monde.

Amy Hughes
Amy Hughes enseigne l’anglais et le théâtre à la Lord Byng Secondary School, à Vancouver.

Malgré son approche discrète, elle faisait un effort pour faire plaisir à ses enseignants. «Vers la fin du secondaire, je savais charmer les gens. Je voulais vraiment mériter l’estime de mes enseignants et j’ai travaillé très fort pour qu’ils soient fiers de moi», explique Mme Smulders.

«Cobie avait du cran. Quand elle souriait, ses yeux brillaient, déclare Mme Hughes. Tu posais une question en classe, puis regardais les élèves. Tu te disais : “Non. Je n’ai pas l’attention de celui-ci ni la curiosité de celle-là”, mais elle, elle me suivrait n’importe où.»

Parallèlement à ses activités en tant que mannequin, Mme Smulders a commencé à manifester un vif intérêt pour les rôles dans les pièces de théâtre de l’école.

«C’est grâce à son intelligence socioémotionnelle particulièrement profonde que Cobie réussit bien dans la vie, déclare Mme Hughes. En fait, les autres finissants l’ont élue “l’élève la plus respectée”.»

Une partie de son quotient émotionnel est peut-être issue de ses expériences à l’école Byng. Avec le recul, Mme Smulders se rend compte que le secondaire peut être une période de croissance magique et douloureuse. Elle souligne qu’à maintes reprises, Mme Hughes les a doucement obligés, elle et ses camarades, à sortir de leur zone de confort.

Par exemple, Mme Hughes aime doter ses élèves des outils nécessaires aux débats. Son objectif est de les amener à penser de façon critique et à développer leurs propres arguments en analysant des récits et en examinant les thèmes, l’intrigue et les personnages.

«Je me rappelle avoir lu à voix haute dans sa classe et m’être sentie extrêmement nerveuse, explique Mme Smulders.» Cela ne surprend pas Mme Hughes. «C’est normal qu’elle ait été un peu nerveuse, puisqu’elle était plutôt timide. Il y a toute une différence entre monter sur scène pour jouer un rôle et y monter pour être soi-même. Dans les émissions télévisées et les films, elle incarne des femmes très audacieuses, mais ce n’est pas du tout Cobie.»

En tant qu’enseignante, Mme Hughes a travaillé fort pour renforcer la confiance de ses élèves. Dans sa salle de classe, l’enseignante a toujours veillé à ce que les élèves s’assoient en cercle afin d’éviter toute hiérarchie.

«Dans le cercle, nous étions contraints de communiquer non seulement entre nous, mais aussi avec Mme Hughes, explique Mme Smulders. Quand je pense à ma vie d’élève au secondaire, il me semble que j’étais constamment aux prises avec des situations qui me pétrifiaient. Par exemple, tu devais présenter tes projets devant les élèves, tu devais à tout prix participer à la course de huit kilomètres pour le cours d’éducation physique et, même si tu étais gênée, tu devais travailler avec un inconnu pour démontrer le projet scientifique.»

Un peu plus tard, la résilience qu’elle avait acquise a été mise à l’épreuve. À 22 ans, après avoir suivi des cours de théâtre postsecondaires pendant quelques années, Mme Smulders est montée dans sa Volkswagen et est partie pour Los Angeles dans l’espoir de poursuivre une carrière d’actrice. Peu de temps après, elle a obtenu un rôle dans la série How I Met Your Mother et n’a jamais regretté sa décision.

Mme Hughes dit qu’elle regarde les émissions de son ancienne élève et admire l’authenticité avec laquelle elle incarne ses personnages. En outre, l’enseignante est fière que son élève puisse garder les pieds sur terre au milieu d’une profession exceptionnelle.

Le fait qu’elle sache comment garder son calme a probablement aidé Mme Smulders à traverser une période particulièrement difficile. À 25 ans, elle a reçu un diagnostic de cancer de l’ovaire. Pendant deux ans, elle a subi de nombreuses chirurgies et n’a levé le voile sur sa lutte contre la maladie que des années plus tard. Actuellement en rémission, la mère de deux fillettes déclare que sa lutte contre le cancer a fait d’elle une meilleure personne et une meilleure maman. «J’aime dire à mes élèves qu’ils ont tous un pouvoir magique, dit Mme Hughes. Cobie a le sien. Elle est tout simplement une bonne personne. Je crois fermement qu’elle a très peu changé au cours des 20 dernières années.»

L’admiration va dans les deux sens. Quand Mme Smulders a informé Mme Hughes par texto qu’elle espérait la mettre en vedette dans le présent article, l’enseignante a dit que c’était une belle leçon d’humilité.

«Les enfants ne comprennent pas ce que vous avez fait pour eux jusqu’à ce qu’ils soient un peu plus vieux et qu’ils aient leurs propres enfants. La plupart des enseignants n’entendent pas les “mercis” parce que les gens vivent leur vie. Le fait que Cobie pense à moi de cette façon, cela m’importe en tant qu’être humain. Je crois que c’est charmant.»

Cette rubrique met en vedette des personnalités canadiennes qui rendent hommage aux enseignantes et enseignants qui ont marqué leur vie en incarnant les normes de déontologie de la profession enseignante (empathie, respect, confiance et intégrité).