Comment les pédagogues de l’Ontario utilisent la technologie pour faciliter l’apprentissage à distance.
De Stefan Dubowski
photo : matthew plexman; illustration : madison van rijn
Depuis les 10 dernières années, les enseignants sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la technologie pour appuyer leur travail en classe. Or, la crise pandémique des 12 derniers mois qui les a forcés à se tourner vers le web aura certes accéléré cette tendance. Pour bon nombre, la transition n’aura pas été sans difficulté. Voyez comment cinq membres de l’Ordre ont relevé le défi.
En septembre dernier, Wai Chi Tsui, EAO, a rangé son sifflet d’enseignante d’éducation physique à l’école élémentaire La Fontaine à Kleinburg (Ontario) pour devenir enseignante au jardin d’enfants en mode virtuel.
Le Conseil scolaire Viamonde a dû faire en sorte de trouver une autre solution pour les familles qui préféraient garder leurs enfants à la maison. Mme Tsui s’est donc installée devant son ordinateur pour enseigner à une trentaine d’élèves de la maternelle et du jardin. Pour ce faire, elle a dû se familiariser avec la technologie et assimiler en vitesse des techniques d’enseignement efficaces sur le web.
«On avait l’impression de partir de zéro», dit-elle, se souvenant qu’au début, les consignes étaient rares. Elle en est venue à adopter un système qui fonctionne : trois visioconférences quotidiennes de 30 minutes avec Microsoft Teams à l’intention des élèves de la maternelle et du jardin d’enfants, ainsi que de courtes leçons et activités, et des clips de Mini-TFO (tfo.org/fr/mini-tfo et tfo.org/en/mini-tfo) axés sur le curriculum. Elle a ainsi réussi à capter l’attention des élèves sans les saturer.
Les parents accompagnaient leur enfant pour régler la caméra et le micro. «Il ne faut pas s’attendre à ce qu’un enfant de 4 ou 5 ans puisse ouvrir une séance en ligne dans Teams», fait-elle remarquer.
Comme il fallait s’y attendre, il y a eu quelques ratés, comme le jour où Mme Tsui a perdu sa connexion internet (elle s’est ruée sur son téléphone pour utiliser l’accès cellulaire et continuer à enseigner) et la fois où son portable a refusé de se mettre en route (elle a couru pour en allumer un autre et continuer).
Mme Tsui s’estime aujourd’hui plus apte à résoudre rapidement les problèmes techniques de communication en ligne. «Je me sens bien plus confiante par rapport au virtuel, car je m’adapte automatiquement aux indices visuels. J’ajuste le ton et le style pour que les élèves puissent m’entendre clairement. Et mieux ils m’entendent, moins je dois me répéter!»
En mars 2020, Andrew Tomec, EAO, a commencé à se préparer à la nouvelle réalité en adoptant une approche inhabituelle. À titre de suppléant en technologie de l’Ottawa-Carleton District School Board, il avait déjà une idée en tête pour motiver les élèves en ligne, surtout de la 4e à la 6e année.
Juste au moment où les écoles fermaient leurs portes, il a lancé un club en ligne (COVID Computer Club) offrant quotidiennement des ateliers en direct pour montrer aux enfants comment créer des jeux vidéos et pour leur proposer des activités de codage à l’aide d’outils faciles à utiliser, comme Scratch.
«L’avantage de la vidéo en direct, c’est que vous pouvez échanger avec l’auditoire, indique M. Tomec. C’est une télé interactive. Les jeunes peuvent m’envoyer des messages pendant ma présentation, et je peux répondre à leurs questions sur-le-champ, fournir des précisions et adapter le contenu de mes présentations en fonction des réactions que je reçois.»
Si son auditoire n’était pas énorme (le nombre d’enfants correspondait à peu près à la taille d’une classe normale), de nombreux utilisateurs d’Ottawa, mais aussi d’ailleurs au Canada, et même d’Égypte, d’Angleterre, du Maroc, du Monténégro et d’Italie, ont visionné l’enregistrement des vidéos par la suite.
M. Tomec a conçu un nouveau modèle : une série de vidéos, dont une vidéo de 75 minutes, où il ne figure plus dans la phase de formation initiale. La composante en direct suit le visionnement, alors que les jeunes «remixent» son projet pour approfondir leurs acquis.
En janvier, il a lancé une série hebdomadaire de visioconférences en direct à l’attention des pédagogues et d’autres visant les jeunes, dans lesquelles il répond à leurs questions sur Scratch, résout des problèmes de codage et propose des idées. Vous pouvez voir le fruit de son travail (en anglais) à chromeworks.ca/livestream et à chromeworks.ca/videos.
Lorsque Sarah Fields, EAO, enseignante de 1re année, a dû passer rapidement au virtuel, elle a pu s’appuyer sur une précieuse ressource (en anglais), soit le programme «Best Reading! Phonics Short Vowels», puisqu’il existe désormais en ligne à bestreading.ca.
Mme Fields, qui enseigne à la Georges Vanier Catholic School à Ottawa, avait utilisé la version papier du programme en classe pour la première fois il y a deux ans. «J’ai vu à quel point le programme aidait les apprenants, indique-t-elle. Il motive les lecteurs débutants, c’est-à-dire la majorité de mes élèves en septembre dernier.»
L’outil s’est avéré tout aussi puissant dans son format en ligne que dans sa version papier. Pendant la fermeture des écoles au printemps 2020, les élèves accédaient à la plateforme pour lire des textes et jouer à des jeux éducatifs (jumeler l’image et la lettre, trouver la lettre cachée ou encore le mot manquant), et ce, dans le but d’approfondir leur compréhension et de fournir un récapitulatif des voyelles brèves. «Ils ont adoré suivre le programme et ils ont gagné énormément d’assurance», affirme l’enseignante.
Best Reading a été conçu il y a 13 ans par Cathy Jackson, EAO, enseignante suppléante de l’Ottawa Catholic School Board, parce qu’elle ne trouvait pas de ressources adéquates pour aider les élèves à se familiariser progressivement avec les voyelles.
Persuadée que sa création méritait un auditoire plus large, elle l’a par la suite présentée à des éditeurs. DC Canada Education Publishing s’y est intéressé, et la version web est née.
Mme Jackson souligne qu’en plus d’avoir un volet audio qui englobe le son de toutes les lettres et de tous les mots, la version en ligne comporte une section réservée aux pédagogues qui met à leur disposition des ressources et du matériel imprimable à utiliser en classe ou à la maison.
Au moment d’imprimer, DC Canada offrait gratuitement l’accès au site web dc-canada.ca et l’éditeur élaborait un programme similaire sur les voyelles longues.
«Les élèves aussi ont su s’adapter, et avec brio. Leurs compétences en TI sont maintenant très solides.»
— Gabriel Flores, EAO
Pour Gabriel Flores, EAO, enseignant de 2e année à l’Amnuay Silpa Bilingual School à Bangkok, en Thaïlande, le 1er juillet 2020 a signalé le début d’un nouveau paradigme d’enseignement, caractérisé par une classe «hybride» où seulement la moitié des élèves était présente à l’école.
Une solution créative s’imposait sur le plan technologique. M. Flores utilisait deux ordinateurs : un portable pour le relier aux élèves et un ordinateur de bureau branché à un tableau blanc intelligent ou TBI. Grâce à son portable, il pouvait voir ses élèves à la maison et interagir avec eux, tandis que, grâce à son ordinateur de bureau, il pouvait leur montrer son tableau. Des hautparleurs branchés à son portable permettaient aux élèves à l’école d’entendre leurs camarades à la maison et son casque d’écoute haut de gamme lui permettait de communiquer avec tout le monde.
Toute cette technologie venait avec son lot de défis. Par exemple, M. Flores trouvait difficile de diviser son attention entre son écran, les élèves en classe et les élèves à la maison. «J’en avais très mal aux yeux», se souvient-il.
Qui plus est, il lui était difficile de consacrer suffisamment de temps aux élèves qui avaient de la difficulté avec la matière et de les aider individuellement.
Il a donc ajouté des jalons à ses activités pour favoriser le succès des élèves qui tiraient de l’arrière, tout en permettant aux élèves plus avancés d’aller de l’avant. Comme ses collègues, dont certains étaient fébriles à l’idée d’assimiler de nouvelles technologies, il a su s’adapter et jongler avec les différentes demandes. «Après six ou sept semaines, nous étions devenus des experts», affirme-t-il.
Selon lui, les élèves aussi ont su s’adapter, et avec brio. «Leurs compétences en TI sont maintenant très solides, affirme-t-il. Je leur fais faire des recherches en ligne et saisir des captures d’écran avec diverses applis. Ils ont plus d’assurance grâce à leur expé-rience d’apprentissage en ligne.»
«J’espère sincèrement que mes élèves en viendront à réaliser que le succès ne vient généralement pas instantanément, tant dans la salle de classe que dans la vie.»
Enseignant à la St. Anne Catholic High School à Belle River (Ontario), Anthony Tannous, EAO, tenait à offrir à ses élèves de 9e année en immersion française l’occasion d’évaluer leurs pairs afin de les aider à mieux collaborer à parfaire leurs techniques de rédaction et à affiner leur pensée critique.
Avant la pandémie de COVID-19, il suffisait de demander aux élèves de former des groupes de deux pour leur permettre d’évaluer le travail d’un camarade. En raison des restrictions imposées durant la pandémie, ce type d’exercice n’a plus été possible.
En quête d’une solution, M. Tannous s’est tourné vers la technologie, plus particulièrement l’appli de réunions Google Meet. Il a demandé à chaque élève de rencontrer un autre élève sur le web pour des séances d’évaluation de 25 minutes. Un élève présentait son essai à l’autre, puis les deux passaient une douzaine de minutes à en discuter. Ensuite, ils inversaient les rôles. Après 25 minutes, M. Tannous, qui pouvait observer les séances, cliquait sur un bouton pour former automatiquement de nouvelles équipes et ainsi donner aux élèves un point de vue différent sur leur travail. «Je suis ravi d’avoir eu l’occasion de peaufiner ce modèle avec ma classe, indique-t-il. C’est une bonne corde à avoir à son arc s’il faut passer de nouveau à l’enseignement en ligne à plein temps.»
De l’avis de M. Tannous, le fait de recevoir des critiques constructives et d’en donner constitue une leçon importante qui aidera les élèves tout au long de leur parcours scolaire, et bien au-delà. «Je rappelle souvent à mes élèves que l’erreur est humaine. J’espère que mes élèves réaliseront que le succès ne vient pas instantanément, tant dans la salle de classe que dans la vie.»