de Lois Browne Des éducateurs canadiens et américains craignent que les élèves ne soient pas suffisamment préparés à ce qui les attend après lécole secondaire. Aux États-Unis, léducation secondaire traverse une période de transformation qui la fera sortir des années 50 et la rendra plus pertinente. Un chercheur dune faculté déducation visite une école secondaire où lon a adopté une méthode révolutionnaire denseignement et dapprentissage. Peut-être que cette méthode est efficace en pratique, dit-il, mais lest-elle en théorie? Les quelque 1 500 enseignants et éducateurs venus à Washington assister à un congrès sur la réforme des écoles secondaires américaines ont accueilli avec des éclats de rire cette blague de Gerald Terozzi, directeur général de la National Association of Secondary School Principals (NASSP). Elle témoigne dune préoccupation que partagent les participants à ce congrès, soit que ce sont les praticiens et non les universitaires qui doivent piloter la réforme. La NASSP compte parmi les organismes qui, avec la collaboration du département de léducation des États-Unis, ont organisé ce congrès pour faire connaître un éventail dinitiatives visant à rendre léducation secondaire plus pertinente pour les élèves. Les critiques sentendent pour dire que les écoles secondaires américaines nont pas beaucoup changé depuis les années 50, contrairement au niveau de pauvreté et à la composition raciale des effectifs scolaires. De nos jours, les écoles américaines sont souvent énormes, certaines comptant près de 5 000 élèves. Les classes sont surpeuplées et impersonnelles, on attend peu des élèves, il ny a aucun lien entre les matières enseignées ou entre celles-ci et le marché du travail, les enseignants consacrent trop de temps aux cours magistraux et il ny a aucune participation de la part des parents. Pour ces raisons, les élèves sont désintéressés et font du surplace. À la fin de leurs études secondaires, ils sont désarmés face au monde qui les attend où la haute technologie et les changements rapides leur réservent un avenir déducation permanente. TAUX DE DÉCROCHAGE ÉLEVÉ DANS LES UNIVERSITÉS Plus du tiers des diplômés des écoles secondaires américaines qui vont à luniversité doivent y suivre des cours de rattrapage. Le quart des étudiants universitaires finissent par laisser tomber leurs études, et la moitié nobtiennent pas leur diplôme. «Il faut cesser de prendre les écoles secondaires pour des escales, des salles dattente et des amicales. La plupart des élèves ne font quacte de présence», a déclaré Patricia McNeil, secrétaire adjointe à la formation professionnelle et à léducation des adultes du département de léducation. «Au mieux, lécole secondaire offre une expérience acceptable. Au pire, elle est dévalorisante, démoralisante et paralysante.» McNeil souligne que le système actuel nest pas désavantageux pour tous les élèves, ce qui freine les réformes. Elle cite dailleurs sa fille aînée en exemple. «Elle a travaillé fort et elle était très motivée. Elle a donc bien réussi. Sans mes quatre autres enfants, jamais je naurais remarqué à quel point la plupart des élèves sont laissés pour compte», affirme-t-elle. «Le problème, ajoute McNeil, cest que les traditions et la familiarité exercent une grande influence sur les enseignants, les directions décole et les parents. Certains directeurs décole tiennent à faire cavalier seul. Des parents craignent que les enfants qui connaissent un bon rendement éprouveront des difficultés si lon apporte des changements draconiens. Et il y a des enseignants qui ne sont pas disposés à modifier des techniques quils utilisent depuis des années.» DES STRATÉGIES FRUCTUEUSES Des représentants de certaines écoles qui ont renoncé avec succès au statu quo au cours des dernières années ont décrit les stratégies quils ont mises en uvre. Selon eux, les écoles, qui varient selon leur taille, leur emplacement, leurs caractéristiques ethniques, raciales et socioéconomiques ainsi que les modalités administratives locales, doivent élaborer des initiatives adaptées à leur situation particulière. Des thèmes communs se dégagent toutefois de lexpérience acquise. Ces thèmes sinsèrent dans une démarche visant à rendre léducation secondaire plus pertinente pour les élèves et à les préparer au monde du travail. Des écoles, seules ou en groupe, ont créé des partenariats avec des établissements postsecondaires et des entreprises pour assurer cette préparation. Elles mettent beaucoup laccent sur des techniques denseignement novatrices, des attentes élevées en matière de rendement scolaire et lévaluation continue du rendement des élèves. La Page High School, à Franklin au Tennessee, compte parmi les quelque 500 écoles secondaires américaines qui participent au programme High Schools That Work, qui part du principe selon lequel les élèves inscrits aux programmes généraux et professionnels peuvent maîtriser des notions théoriques et techniques complexes si lon crée une atmosphère propice à lapprentissage. Joe Yeager, directeur de la Page High School, souligne quil est difficile de maintenir des normes élevées même si lécole se trouve dans un comté relativement aisé. Dans le cadre dune initiative assez récente, des élèves ont dû passer leur dernière année à lécole secondaire à préparer un projet de recherche qui a été évalué par un comité consultatif denseignants. Ce projet permet aux élèves de mettre à profit les connaissances acquises au fil des ans. Lintégration des cours théoriques et professionnels permet de préparer tous les élèves au monde du travail, selon Roy Garcia, directeur de la South Grande Prairie High School au Texas. «Tous les élèves ne sont pas intéressés à passer quatre ans à luniversité; nous devons donc prévoir des activités différentes pour les préparer au marché du travail.» En 1996, cette école a entrepris une réforme en profondeur en vue daméliorer le rendement de 80 pour 100 des élèves dont, selon le personnel enseignant et la direction, les besoins nétaient pas comblés. Les 2 500 élèves ont été divisés en cinq «académies», selon leur cheminement de carrière (affaires et informatique, ou mathématiques, sciences et génie, par exemple), afin de créer de petites communautés dapprentissage qui permettent doffrir aux élèves un enseignement plus personnalisé. Les élèves peuvent approfondir les matières qui les intéressent tout en améliorant leur rendement général. Parmi les autres changements apportés, mentionnons linstauration de trimestres, de périodes de cours plus longues, une utilisation plus rationnelle de lespace, un programme de perfectionnement professionnel approfondi pour le personnel enseignant et lapprentissage dans le cadre de projets. QUELQUES INQUIÉTUDES Bien que la nécessité dopérer une transformation de léducation secondaire semble faire lunanimité aux États-Unis, des participants ont interrogé les conférenciers sur le sort réservé aux élèves les moins performants. En effet, on craint que léducation fondée sur les normes et les tests nentraîne labandon de ces élèves. Steve Seleznow, ancien surintendant adjoint de léducation dans le comté de Montgomery au Maryland, où environ 130 écoles participent à un processus de transformation à léchelle du district, sétait opposé à limposition de normes de rendement dans cet État. «Jai changé davis depuis, a-t-il affirmé. Je croyais que ces normes auraient un effet catastrophique; elles sont en fait un catalyseur. Elles encouragent les élèves à participer beaucoup plus activement à leurs études.» Les tests représentent une véritable pomme de discorde. Joyce Elliot, enseignante à la Robinson High School de Little Rock en Arkansas, a exprimé lopinion de nombreux membres de lauditoire en disant que les élèves sont testés trop souvent. «Les élèves subissent tellement de tests quils ne les prennent plus au sérieux. On a oublié leur raison dêtre», a-t-elle dit sous les applaudissements de la salle. «Les tests devraient servir avant tout à confirmer aux enseignants quils font leur travail correctement.» AIDE FÉDÉRALE Aux États-Unis, le gouvernement fédéral accorde un financement substantiel à léducation, et ses représentants à la conférence ont nommé plusieurs programmes qui aident les écoles secondaires américaines à se restructurer. Le programme New American High Schools, par exemple, est une initiative qui vise à mettre en vedette les écoles où lon a réussi à améliorer lassiduité et le rendement des élèves de même que le taux dobtention du diplôme. Le Smaller Learning Communities Program finance des mesures qui permettent aux grandes écoles comptant plus de 1 000 élèves de créer de petites communautés dapprentissage en vue doffrir une expérience scolaire plus personnalisée. Selon des recherches, les avantages de ces mesures sont visibles après environ deux ans. Les élèves acquièrent un sentiment dappartenance, et les problèmes liés au désengagement, tels que lindiscipline, la violence, la formation de bandes, lusage de tabac et dalcool et le décrochage, sont réduits. De même, le taux dobtention du diplôme et les inscriptions au collège communautaire et à luniversité augmentent. Le programme School-to-Work, lancé en 1994, utilise des fonds de démarrage pour inciter les États à conclure des partenariats avec des entreprises, des syndicats et des organismes éducatifs et communautaires pour élargir les choix qui soffrent aux élèves en transition entre lécole secondaire et luniversité ou le marché du travail. Sans suivre de critères uniformes, ces programmes fournissent une éducation pertinente, des compétences acquises par la formation et en milieu de travail, ainsi que des titres de compétence reconnus. Pour obtenir plus de précisions sur linitiative de réforme des écoles secondaires américaines et le projet New American High Schools, consultez le site web de lOffice of Vocational and Adult Education à www.ed.gov/offices/OVAE
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