Une rebelle passionnée d’art fait revivre la culture en classe
 
Radio Enfants cultive la langue des francophones de l’Outaouais.

de Tracy Morey

Syntonisez 96,5 FM et vous obtiendrez un mélange des meilleures chansons populaires en français intercalé de segments où des enfants de six ans récitent leurs propres poèmes, d’autres de neuf ans s’interviewent les uns les autres et des élèves de 8e année font les prévisions de la météo.

Bienvenue à Radio Enfants, station radio d’Ottawa, la seule en son genre au Canada. En ondes 108 jours par année, sa programmation est élaborée par des enseignantes et enseignants et des élèves du primaire des conseils scolaires de l’Ouest québécois et de l’Est ontarien (Conseil des écoles publiques de l’est de l’Ontario).

Aline Bard, qui fait partie des initiateurs du projet, a obtenu tellement de succès en programmation artistique dans les écoles qu’elle a récemment donné des ateliers en Suède sur les moyens de lier les enseignants aux arts et à la culture.

POUR BÂTIR UNE IDENTITÉ

«Faire de la radio, c’est facile. Elle se prête au curriculum et c’est un milieu d’apprentissage authentique qui donne aux élèves le goût de créer», dit Bard, qui en est à sa troisième année comme animatrice culturelle au conseil de l’Est de l’Ontario. Son mandat est d’appuyer le personnel enseignant travaillant au développement de l’identité francophone. «Nous voulons que les enfants goûtent et vivent leur langue et leur héritage propres», ajoute-t-elle.

La programmation typique d’une semaine à Radio Enfants comprend la présentation des recettes de salade à l’avocat et de mousse aux fraises par des enfants de 6e année, une critique de livres par des enfants de 10 ans, des quiz en géographie et un feuilleton créé par une enseignante et ses élèves de 7e et 8e années.

Diffusant d’un studio du Musée canadien des civilisations, Radio Enfants dispose également d’un mobile pour les productions en direct dans les écoles. Des écoles secondaires se sont jointes au projet dont le succès est tel qu’il nécessite maintenant les services d’un technicien à plein temps.

«C’est de la radio intelligente, précise Bard, une femme dynamique de 40 ans. Les élèves découvrent la musique française, présentent leurs propres œuvres ou parlent de leur recherche. Une classe de 7e-8e année a fait quelque chose récemment sur les suicides qui m’a donné la chair de poule.

«C’est une façon d’intégrer ce que les enfants apprennent. Quand il faut écrire et lire un bulletin de météo, la météorologie se met à avoir du sens.»

LES DÉCROCHEURS

Selon Aline Bard, le projet radio aide les éducateurs en concurrence avec le monde électronique qui entoure les élèves. «Les élèves sont habitués à appuyer sur des boutons. C’est facile de faire de la production radiophonique et tout le monde a une radio.»

Bard et ses collègues n’en revenaient pas lorsqu’ils ont constaté qu’il n’y avait pas de programmation radio pour les cinq à 18 ans au Canada. Surtout que ce groupe représente 20 pour cent de la population. Alors, il y a deux ans, elle et son équipe ont lancé Radio Enfants pendant quelques semaines. Depuis un an, la station diffuse sur renouvellement d’une licence temporaire de trois semaines.

Récemment, Aline Bard s’est jointe à quatre conseils scolaires pour faire la demande d’une des licences de programmation de radio communautaire sans but lucratif consenties par le CRTC. La demande a été refusée. «Tous ceux qui ont obtenu une licence ne sont pas encore en ondes, souligne tristement Bard, mais nous, nous diffusons 108 jours par année et j’en suis bien fière.»

Le travail est gratifiant pour cette élève de Cornwall qui avait décroché en 10e année pour aller travailler à London. L’expérience l’a galvanisée. Dans un milieu tout à fait anglophone, elle s’est aperçue que ses antécédents francophones lui tenaient à cœur.

LA CULTURE L’INSPIRE

«La musique et les arts avaient tellement d’importance pour moi, s’exclame Bard, enthousiaste. J’ai décidé de retourner à l’école pour que le milieu culturel me prenne au sérieux.» De retour en 12e année à Cornwall, elle devient présidente du conseil étudiant et débute une station radio scolaire. Elle fait le nécessaire pour que les productions théâtrales passent par Hawkesbury et Cornwall, et fait venir des groupes pop de langue française. Le week-end, elle travaille à la station radio de Cornwall.

«Le besoin de créer et de savourer la vie en français et le plaisir de découvrir nos artistes et notre histoire m’ont motivée à enseigner, et aussi le fait que j’avais moi-même trouvé l’école ennuyante en 10e année.»

Elle a travaillé à un centre culturel, obtenu son baccalauréat de l’Université d’Ottawa et enseigné pendant sept ans. Devenue bibliothécaire de son école pendant quelques semaines, elle a transformé la pièce en galerie d’affiches et en présentoirs de livres. Lorsqu’elle a enseigné dans une école secondaire comptant de nombreux élèves désabusés, elle a créé une troupe de théâtre. Moins de trois ans plus tard, la troupe montait Notre-Dame-de-Paris avec 60 danseurs et grand orchestre.

LES ARTS RENFORCENT LE CURRICULUM

Aline Bard, mère super énergique de trois filles, est un imprésario né. Une grande partie de son travail est de relier les artistes au système scolaire. Elle se sert largement du programme Apprentissage par les arts du Conservatoire de musique de l’Ontario, où les artistes et le personnel enseignant travaillent ensemble pour explorer, par exemple, les mathématiques, au moyen de la danse, ou la géographie par la symétrie de l’art visuel.

Dans un projet, les élèves ont fait appel à l’architecture pour créer des espaces sûrs où faire de la lecture de poésie.

C’est au nom du conservatoire qu’Aline Bard s’est jointe à l’équipe canadienne pour donner des ateliers en Suède sur l’utilisation des arts et de la culture en éducation. «Les Suédois s’identifient à la culture canadienne française en ce sens qu’ils aspirent, comme nous, à développer leur identité et à se forger une place dans le monde.»

Le dévouement de Bard est à la fois personnel et politique. Elle demeure consciente de la fragilité de la langue française en Ontario. Même le succès de la campagne des citoyens pour garder l’hôpital Montfort à Ottawa découle du travail d’activistes d’un certain âge, fait-elle remarquer. «Il n’y avait pas beaucoup de jeunes familles parmi les activistes, mais beaucoup de gens aux cheveux gris et j’étais l’une des plus jeunes. Alors, ce sont les jeunes francophones de l’Ontario qu’il faut attirer.»

LES ÉLÈVES ADORENT LA RADIO

Radio Enfants accroche les jeunes, affirme la directrice adjointe de l’École Le Trillium à Vanier. Susie Ouellette qualifie 96,5 FM de «projet fantastique qui est véritablement intégré dans le curriculum.»

«Et les enfants adorent passer à la radio, ajoute-t-elle. Ils rentrent vraiment dans le jeu. Vous devriez les voir devant un micro. Côté expression orale, il va sans dire que c’est un programme extraordinaire. Mais il a aussi de l’impact dans d’autres domaines; il faudrait une page complète pour en faire la description.»

Ajoutons les affaires internationales et les droits de la personne à cette page. Au printemps, Radio Enfants devait diffuser en direct de New York durant les deux jours de la Session extraordinaire des Nations Unies sur les droits de l’enfant.

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