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Chroniques

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David deBelle, enseignant et bibliothécaire à l’école publique Joyce

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Roméo Dallaire se souvient des Frères Hillaire et Léonidas

Roméo Dallaire

Chef militaire et humaniste bien connu, récemment nommé au Sénat, lieutenant-général Roméo Dallaire se souvient des Frères Hillaire et Léonidas de l’École Napoléon-Courtemanche comme sources d’inspiration et de leadership.

Enfant, Roméo Dallaire vivait entassé avec ses parents et deux autres familles dans une cabane de papier goudronné d’un quartier défavorisé de l’est de Montréal.

Il avait cinq ans lorsque ses parents, un ancien combattant et une Hollandaise mariée de la guerre, ont enfin pu acheter une maison. Ils ont tous emménagé dans ce logis bon marché, froid et inconfortable des temps de guerre. Dehors, raffineries de pétrole et usines chimiques crachaient leurs fumées toxiques sur tout le voisinage.

Les Frères de Saint-Gabriel

Roméo a fréquenté la seule école catholique pour garçons du coin, l’école Napoléon-Courtemanche.

Pendant 12 ans, il a reçu une éducation entouré d’hommes chez les Frères de Saint-Gabriel, un ordre voué à l’enseignement. Parfois, les religieux allaient visiter ses parents, se plaignant du rendement plutôt quelconque de Roméo autour d’un bon repas. Pour le jeune Dallaire, deux des frères se distinguaient des autres.

Frère Hillaire enseignait la chimie en 10e année et, fait qui marqua davantage le jeune Roméo, était responsable de l’orchestre de l’école.

«Frère Hillaire faisait preuve d’une discipline incroyable. Il a fondé l’orchestre avec un groupe de bénévoles, épargnant chaque sou qu’il obtenait de la ville.

«Chaque année, nous faisions partie de la parade de la Saint-Jean-Baptiste. Je n’étais pas particulièrement doué. Je pouvais turluter à la trompette et frapper le tambour, mais je n’ai jamais pu coordonner marche et musique, donc je portais le drapeau.

«Frère Léonidas m’a inculqué l’importance de la communication.»

«Il ne suffisait pas de pouvoir marcher en cadence et de jouer la bonne note. Il fallait le faire tous en même temps. «Frère Hillaire n’avait pas le sens de l’humour bien développé. Il n’était pas grand, mais ses yeux dégageaient tellement de puissance qu’il aurait pu faire fondre un glacier! Il m’a enseigné la cohésion et ça m’influence encore aujourd’hui.»

Frère Léonidas, de son côté, était d’une toute autre trempe. Il enseignait les mathématiques en 9e année, mais ce sont ses fonctions de chef de chœur qui ont marqué le jeune Dallaire.

«C’était un homme très émotif, romantique même. Il aimait nous sensibiliser à la musique qu’on étudiait. Plutôt que de tout simplement s’égosiller à chanter une série de notes, nous devenions complètement imprégnés par ce que nous faisions.»

Deux bandes

«Les deux bandes dont je faisais partie étaient bien différentes, se souvient M. Dallaire.

«Les jeunes du chœur n’étaient pas intellos... c’était plutôt des personnes qui communiquaient du fond de leur cœur. Le sentiment de fraternité y était très présent.

«À l’opposé, les membres de l’orchestre étaient plutôt du type batailleur, plus dynamiques et flamboyants.»

Leadership

Les deux enseignants ont fait naître en lui l’amour de la musique. «La musique n’était pas très présente à la maison. Ils ont éveillé mes sens et m’ont fait connaître des sources de joie.»

Mais au-delà de ces éléments, Roméo Dallaire considère que ses deux enseignants lui ont montré les aspects fondamentaux du leadership : «Le premier m’a appris le courage et la sensibilité; l’autre, la confiance et la détermination.

«Frère Léonidas m’a beaucoup apporté; il m’a inculqué l’importance de la communication. J’étais là, debout avec les autres, à chanter une harmonie à trois voix.» Dallaire se souvient de cette expérience comme d’un reflet de la nécessité des liens entre humains.

«J’ai été soliste. Être choisi pour être soliste et le faire, ça donne confiance en soi! Évidemment, tous les autres sont derrière toi et pensent “il a besoin de ne pas manquer son coup!”»

Avec Frère Hillaire, Roméo Dallaire a appris à s’attaquer à la besogne tête première. Il était plus compétitif et extraverti : «Mettez-y de l’énergie! Souvenez-vous de cette chorégraphie!»

Le défi de la réussite

Au début de l’adolescence, le jeune Dallaire songeait déjà vaguement à une carrière militaire.

Il n’a jamais douté du chemin qu’il voulait emprunter. Son père était sous-officier pour l’armée canadienne. Son premier jouet avait été un modèle réduit de Jeep et, tout jeune, il élaborait des champs de bataille sur le tapis du salon.

Il admet ne pas avoir été premier de classe; ses notes se situaient dans les 70. Dans son autobiographie, J’ai serré la main du diable, Roméo Dallaire décrit comment un major, qui avait fait son service avec son père, lui a un jour fait voir la réalité en face.

Frère Léonidas, chef de chœur, et les jeunes chanteurs de l’École Napoléon-Courtemanche en mai 1957. Roméo Dallaire est le 2à gauche, 2e rang.

Cet ami lui a fait remarquer que, pour être admis au Collège militaire, il devait avoir des notes d’au moins 80. Avec ses résultats, il ne pouvait même pas espérer y mettre les pieds!

Plutôt que se sentir découragé par cette remarque, ce fut une source d’inspiration. Il a obtenu l’aide d’un copain à l’éthique plutôt douteuse et, à la surprise générale, ses notes ont grimpé dans les 90.

Par la suite, il a été accepté au Collège militaire royal de Saint-Jean.

Un mot de fierté

«Lorsque j’ai reçu mon diplôme du Collège militaire, Frère Léonidas m’a écrit pour me dire qu’il était fier de moi, se souvient M. Dallaire. Je l’ai revu une fois. J’avais la quarantaine. C’était à Québec. Il avait quitté la religion et s’était marié, mais était toujours passionné de musique.

«L’ordre n’existe plus, dit-il. L’école et le noviciat ont été démolis pour faire place à une maison de retraite. C’est le lot de nombreux ordres religieux.

«L’école Napoléon-Courtemanche était meilleure que certaines écoles privées d’aujourd’hui. Mes enfants ont fréquenté l’école privée et j’y ai rarement trouvé un orchestre ou un chœur. Je pense que c’est une perte.»

Grâce à leur exemple et à la musique, les Frères Léonidas et Hillaire ont modelé la personnalité du jeune Roméo Dallaire et lui ont donné une conscience sociale et les outils nécessaires pour plus tard devenir commandant militaire.


En 1993, Roméo Dallaire est devenu commandant de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda. Il a été témoin du génocide au cours duquel 800 000 Tutsis et des Hutus modérés ont trouvé la mort en 100 jours.

Sénateur Roméo Dallaire

Nommé au Sénat canadien le 24 mars 2005

Témoin lors des procès des génocidaires au Tribunal pénal international pour le Rwanda en 1998 (www.ictr.org)

Son livre, J’ai serré la main du diable : la faillite de l’humanité au Rwanda (Éditions Libre Expression, 2003), a remporté le Prix du Gouverneur Général 2004, catégorie «Études et essais»

Sujet de Shake Hands with the Devil: The Journey of Roméo Dallaire, documentaire basé sur son ouvrage et réalisé par Peter Raymont. En janvier 2005, le film a remporté le prix du World Cinema Documentary Audience Award au Festival du film Sundance (institute.sundance.org). Disponible sur DVD (www.microfilmsinc.com)

Modèle du personnage joué par Nick Nolte dans le film Hotel Rwanda, en nomination pour l’Oscar du meilleur film dramatique (2004)

Boursier du Carr Center for Human Rights Policy, de l’Université Harvard, 2004-2005 (www.ksg.harvard.edu/cchrp)

Conseiller spécial du gouvernement sur les enfants touchés par la guerre

A inspiré Pax Warrior, un module d’apprentissage interactif sur le maintien de la paix destiné aux élèves du secondaire (www.paxwarrior.com).