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À
la fin de mars, après six ans à l'Ordre, dont les deux derniers
comme registrateur et chef de la direction, il prendra sa retraite. Une
maladie du cur met brusquement fin à une carrière
marquée par le don complet de soi.
Qualifiant sa décision de «la plus difficile de sa vie professionnelle»,
il a annoncé son départ prochain après un séjour
surprise à l'hôpital, l'été dernier, où
il a appris qu'il avait un virus au cur. Dès qu'il a pu,
à l'automne, il est retourné travailler. Si sa capacité
de concentration est demeurée intacte, l'endurance ne suivait plus.
Sachant ne plus pouvoir répondre à ses propres attentes,
il a refusé de ne pas être à la hauteur de celles
des autres. Élevées, ces normes personnelles et professionnelles
sont aujourd'hui synonymes du nom Atkinson.
En 1997, Margaret Wilson, alors première registrateure de l'Ordre,
l'avait trié sur le volet. Sa réputation de promoteur de
programmes de perfectionnement professionnel des enseignants était
à la mesure de la province. Fort d'une longue expérience
des conseils scolaires et des fédérations, il était
considéré comme l'homme de la situation, celui qu'il fallait
pour élaborer les normes d'exercice et de déontologie ansi
qu'un cadre de formation. Il excellait dans ces tâches et était
toujours sur la route pour expliquer le but de l'Ordre. La consultation
était sa spécialité et la touche personnelle, sa
marque de commerce.
L'enseignant des
enseignants
Patti Haskell, une
amie et ancienne directrice de l'éducation du Conseil scolaire du district
de Waterloo, dit de lui : «Joe a toujours été l'enseignant des enseignants.
Il a apporté sa contribution à nombre d'organismes provinciaux dont la
Fédération des enseignantes et des enseignants des écoles publiques de
l'Ontario (OPSTF), la FEO, l'École des langues et du leadership des Forces
canadiennes et l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario.
Il était partout. On sentait constamment sa présence.»
En 1966, à la fin de sa formation à l'enseignement au Lakeshore
Teachers' College, où il a siégé comme président
du conseil étudiant, il s'est vu décerner le Prince of Wales
Prize pour avoir été premier de sa promotion. La même
année, il a commencé à enseigner au Conseil de l'éducation
de Toronto, tout en terminant son baccalauréat à l'Université
York. Il a fait sa maîtrise en éducation à l'Institut
d'études pédagogiques de l'Ontario de l'Université
de Toronto.
Il a d'abord enseigné aux cycles moyen et intermédiaire
en milieu urbain défavorisé, puis a enseigné l'éducation
au plein air, les programmes de douance, l'éducation des adultes.
Il a également fait partie de la direction des programmes et du
curriculum du conseil scolaire.
En 1974, il s'est joint au personnel professionnel de l'OPSTF. En 1991,
il a été nommé premier directeur des services de
perfectionnement professionnel de la fédération. Sous sa
conduite, la fédération a acquis une réputation internationale
d'excellence dans l'élaboration et la prestation de programmes
de perfectionnement professionnel de qualité.
Un engagement sans
pareil
Pour certains, c'est
ici qu'il a établi les bases de son héritage en matière
de professionnalisation de l'enseignement en Ontario. Selon Haskell, son
attachement au perfectionnement professionnel et au leadership est sans
égal. Marg Couture, qui lui a succédé à la
tête des services de perfectionnement professionnel de la fédération,
en convient.
«Voilà 26 ans, il a mis en place bon nombre des cours donnant
droit à des crédits permettant au personnel enseignant de
gravir l'échelle salariale, affirme Mme Couture. C'était
là faire preuve d'une grande perspicacité. Son engagement
dans ce secteur reste unique. Son action découle de ses convictions.
S'il s'est associé à l'Ordre, c'est parce qu'il croit en
la responsabilité. Il est admiré et respecté au Canada
et à l'étranger.»
De l'avis de Noel Clark, ancien sous-secrétaire de l'OPSTF, «Atkinson
a consacré d'innombrables heures à créer des cours
donnant droit à des crédits universitaires pour les enseignants
et assortis de méthodes et de matériel variés et
de bonne qualité, applicables immédiatement au travail en
classe. En fait, il a aidé à former toute une génération
d'enseignants.
«Il est sans contredit le favori de ses collègues et de son
personnel, poursuit Clark. Il croit non seulement au mandat de l'Ordre,
mais aussi à son personnel.»
Doug Wilson, registrateur adjoint, partage son avis. «En traitant
les membres du personnel comme les membres de sa famille, il a énormément
contribué à gagner le respect que lui vouent les gens en
tant qu'éducateur et chef de file, explique Wilson.
«Je n'ai jamais rencontré une personne que respecte et admire
davantage son personnel. À son accession au poste de registrateur,
Joe s'est rendu compte de l'ampleur de la responsabilité associée
au maintien des normes de leadership élevées établies
par Margaret Wilson. Et il s'en est tiré avec panache. Il a assumé
ses fonctions de coordonnateur, de registrateur adjoint et de registrateur
avec beaucoup de dynamisme et une grande vision. Nous avons appris à
compter sur sa force, sa sagesse, ses conseils, son honnêteté
et son intégrité.»
Jack Martin, ancien membre du secrétariat de la FEESO et architecte
de l'Ontario Principals' Council, dit qu'Atkinson est consciencieux, crédible
et courageux. Il cherche sans arrêt ce qui est mieux pour la profession
enseignante, a toujours à cur de faire ce qui doit être
fait, et est toujours irréprochable dans les situations difficiles.
«Dans le cadre du Programme de perfectionnement professionnel, il
a défendu une cause difficile, continue Martin. Il a admis que
le programme devait être modifié ou ne marcherait pas et
qu'il lui appartenait de trouver un terrain d'entente entre ce que voulait
le gouvernement et ce qui fonctionnerait.»
En 1992, la FEO lui a attribué un prix en reconnaissance de son
apport aux programmes de perfectionnement professionnel des éducateurs
de l'Ontario, du Canada et des États-Unis.
En 1997, il a mis son expérience au service de l'Ordre comme coordonnateur
des Questions professionnelles. En juin 1999, il est devenu registrateur
adjoint et, en novembre 2000, registrateur.
«Je n'ai pas accepté le poste pour son défi, précise-t-il,
mais parce que, à mes yeux, il constituait l'étape logique
de mon cheminement et une étape normale dans la progression de
la profession; et je voulais en faire partie. J'en suis encore persuadé.»
Trois promesses
En
tant que registrateur de l'Ordre, Atkinson s'est fait une réputation
pour les trois promesses qu'il a formulées au nom de la profession
enseignante. «Nous avons promis au public que lorsqu'ils envoient
leurs enfants dans nos écoles, ils seront confiés à
des enseignants, des directeurs d'école et des agents de supervision
qualifiés et certifiés. Nous leur avons promis que ces personnes
seront compétentes, et nous leur avons dit qu'en nous confiant
leurs enfants, ils avaient l'assurance qu'ils seront en sécurité
entre nos mains.»
C'est le travail accompli par l'Ordre pour tenir ces promesses qui lui
permet de prendre sa retraite satisfait.
Ainsi, il affirme que les Normes d'exercice de la profession enseignante,
mises en place pendant son mandat, et en accord avec ses propres normes
de consultation, sont devenues le «credo» de la profession.
«Ce sont nos croyances, nos principes, les fondements de notre existence,
précise Joe Atkinson. Tout ce qui se fait maintenant dans les facultés
d'éducation repose sur ces normes. Le travail des diplômés
en découle. Nous qui enseignons depuis quelque années déjà
tentons d'orienter notre travail en fonction de ces normes.»
Des normes dynamiques
«Si j'éprouve
une certaine satisfaction, c'est parce que tout ce qui se passera désormais
en éducation en Ontario portera leur marque. Elles sont dynamiques
et elles changeront. Mais, principalement, elles doivent refléter
et orienter la vision de notre société.»
Les normes de déontologie, ajoute-t-il, se sont ajoutées
aux normes d'exercice parce qu'elles établissent les règles
d'éthique qui régissent la profession. «Elles témoignent
de la dimension morale de notre profession.»
«Le cadre de formation précise pour la première fois
comment garder nos connaissances actuelles et pertinentes, ce qui définit
notre travail de base et comment revoir notre façon de travailler
en vue de l'améliorer, souligne le registrateur. Que vous soyez
directeur de l'éducation ou enseignant suppléant, il vous
incombe dorénavant de vous assurer que votre façon d'enseigner
est actuelle et pertinente. Ce cadre reconnaît et valorise le perfectionnement
professionnel.»
Atkinson se définit comme «un apprenant du berceau à
la tombe». «De la naissance à la mort, on apprend sans
arrêt quelque chose. On y réfléchit puis on l'incorpore
à sa prestation. On modifie, consolide et élimine en fonction
de l'information recueillie, des recherches, de l'expérience acquise
et de sa propre maturité», souligne-t-il.
Un droit acquis
à la naissance
D'après lui,
il a acquis le droit d'enseigner dès sa naissance. Sa mère
était enseignante. Sa femme Judy, nouvellement retraitée,
était directrice d'école. Deux de leurs trois enfants sont
en enseignement. «Pour nous, lance-t-il, c'est une affaire de famille.»
Depuis sa nomination au poste de registrateur, l'une de ses priorités
a été de s'adresser aux nouveaux diplômés des
facultés d'éducation de l'Ontario pour leur «parler
de la profession et des raisons pour lesquelles l'Ordre représente
son avenir». Il veut qu'ils aient le sentiment d'avoir pris la bonne
décision.
Enseignant, il aimait travailler avec les enfants différents. Ceux
qu'on appelle les marginaux. Ceux que les autres auraient sans doute exclus.
Ceux qui, dit-il, «si on les abandonnait, auraient été
preneurs au lieu de donneurs». Un jour, dans un centre commercial,
un de ces garçons, aujourd'hui adulte, a arrêté Atkinson
pour lui dire qu'il n'a jamais oublié comment sous son influence
sa vie avait changé. Puis, il lui a présenté son
fils, Joe.
Joe Atkinson pense que quelqu'un quelque part a aidé les enfants
qu'il n'a pu aider. Peut-être, seulement peut-être, un autre
enseignant de l'école a su capter l'attention de ces enfants.
«J'ai toujours été fier de dire à une réunion
de famille ou à un cocktail que je suis enseignant. Et même
si je suis le registrateur de l'Ordre, je me considère encore comme
un enseignant qui inculque les valeurs de la société dans
laquelle nous vivons.»
Avec son penchant pour la plaisanterie et le laconisme, il aurait également
pu être monologuiste, commentent des amis.
Raymond Lemley, écrivain et ancien directeur de l'éducation
de la National Association of Secondary School Principals, aux États-Unis,
connaît Atkinson depuis 25 ans. À la fête du 60e anniversaire
de naissance de Lemley, Atkinson avait volé la vedette et ne la
rendait pas. «Dès qu'on lui passe un microphone, il faut
presque le traverser avec une fourche pour le calmer, assure Lemley. Comme
à d'autres occasions du genre, la fête était devenue
celle de Joe. La seule chose qu'il n'a pas faite, c'est d'ouvrir mes cadeaux.»
Le bénévolat
: une vocation
Il
a recours à cette même passion, cette même vitalité
et ce même sens de l'engagement pour améliorer la vie de
sa communauté.
Il a été président de Centraide d'Ajax-Pickering,
président du conseil d'administration de l'Ajax and Pickering General
Hospital et membre fondateur du conseil hospitalier de la région
de Durham. Élu au conseil de la ville d'Ajax en 1985, il y a siégé
plus de huit ans à divers titres, notamment comme conseiller local,
conseiller régional de Durham et adjoint au maire. Il a été
membre du conseil d'administration de la Central Lake Ontario Conservation
Authority, vice-président de l'Ajax Hydro Electric Commission et
membre du Rogers Cablesystems Advisory Board. Pour sa remarquable contribution
au service de sa communauté, il a été nommé
citoyen de l'année 1995 et récipiendaire de l'Ajax Civic
Award.
Bruce Cliff, ancien président et directeur général
de l'Ajax-Pickering General Hospital, l'appelle un gars formidable, progressiste,
attaché à sa communauté. Les deux ont travaillé
ensemble - Joe à la tête du conseil hospitalier, entre 1993
et 1995 - pour faire des pressions en vue d'agrandir l'hôpital pour
qu'il réponde aux besoins d'une communauté en pleine croissance.
L'un des moments les plus agréables vécus par Cliff a été
l'inauguration d'une nouvelle aile de l'hôpital, présidée
par Atkinson. «C'est l'un des meilleurs membres du conseil avec
lequel j'ai collaboré», a confié Cliff.
Selon lui, c'est parce qu'Atkinson a su rallier le conseil et le personnel
hospitalier et médical qu'ils ont gagné du temps lors des
négociations avec le gouvernement. «Joe est un politicien
astucieux qui fixe des objectifs et motive les gens à les atteindre.»
Cliff exprime son admiration pour lui en ces termes : «C'est un
père de famille solide et un homme de parole aux convictions et
à l'éthique bien ancrées.
«C'est un surhomme, déclare Cliff. Il a un grand sens de
l'humour, est très positif et très juste. Il comprend le
point de vue de l'autre dans un débat. Je ne pense pas avoir rencontré
quelqu'un qui aime davantage sa communauté.»
Fierté et
frustration
Le registrateur déclare
que sa plus grande source de fierté est la façon dont l'Ordre
a rempli son mandat, soit l'agrément des programmes de formation
initiale et de perfectionnement professionnel et la diffusion de la première
recommandation officielle de l'Ordre conseillant les membres sur les limites
à observer avec les élèves et leur responsabilité
envers la sécurité des élèves.
Il soutient, par contre, que sa plus grande frustration vient de «l'incapacité
de la profession à accepter les changements de façon constructive,
originale et positive», et il donne pour exemples les salles de
classe à années multiples, les recommandations du rapport
Hall-Dennis, les modifications apportées au curriculum et la création
de l'Ordre elle-même.
«Notre système d'éducation reste conçu pour
une société agricole, affirme-t-il. L'été,
on libère les enfants pour le travail aux champs. Or, les champs
se raréfient. De nos jours, il faudrait penser à d'autres
possibilités, comme l'école à longueur d'année.
C'est une façon de faire plus efficace, moins chère et nettement
meilleure sur le plan de l'apprentissage.»
La notion selon laquelle tout le monde peut enseigner l'irrite.
«C'est faux! insiste-t-il. Quiconque va à l'école
en tant qu'élève, parent, grand-père, grand-mère,
tante ou oncle, connaît une meilleure façon de faire. Après
tout on est tous passés par là. Eh bien, non! Pour être
bon enseignant, bonne directrice d'école ou bon surintendant, il
ne suffit pas d'avoir été soi-même sur les bancs de
l'école.»
Que pense-t-il de l'opposition avec laquelle l'Ordre doit composer au
sein même de la profession? «C'est en grande partie de la
propagande organisée», réplique-t-il.
«Lorsqu'on parle séparément aux enseignants, ils disent
vouloir être reconnus comme membres de la profession. Quand moi
j'ai commencé à enseigner, c'était un emploi. Mais,
quand mes enfants commencent à enseigner, ils entrent dans une
profession. C'est là où se situe la différence. Pourquoi?
Parce que nous disposons maintenant d'un mécanisme d'autoréglementation.
Nous sommes responsables de nos actes.»
Interrogé sur ce qu'il aimerait voir l'Ordre réaliser, sa
réponse est ferme et classique : remplir son mandat et tenir ses
trois promesses.
«Nous nous rapprochons de mon vu : que l'Ordre garantisse
au public que chaque salle de classe est dotée d'un enseignant
certifié, qualifié, compétent et que les élèves
confiés à cette personne sont en sécurité.
Je tiens à ce que l'organisme soit respecté pour cela. Je
suis persuadé qu'avec le temps, tous nos membres y croiront.»
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