Flat Stanley
Prenez un enseignant, ajoutez-y une idée et Internet et vous avez un projet d’envergure mondiale.

de Rosemarie Bahr

«Il se nourrit d’aliments plats», explique un élève de 3e année de la Wilfrid Jury School à London.

«Il dort dans un lit plat», ajoute une autre élève.

Flat Stanley se faufile sous les portes et vole comme un cerf-volant. Et parce qu’il est plat — le tableau qui était suspendu au-dessus de son lit s’est effondré sur lui un soir — il peut se glisser dans une enveloppe et voyager n’importe où dans le monde.

Stanley a été vu sur un yak au Tibet, dans la navette spatiale Discovery en orbite autour de la terre, au Louvre, en Antarctique, en compagnie du président Clinton et à plusieurs émissions de télévision. Il s’est aussi rendu dans les maisons et les classes de milliers d’élèves de l’élémentaire au Canada, aux États-Unis, en Australie et ailleurs dans le monde.

En parcourant la planète, Flat Stanley aide les élèves à apprendre la lecture, l’écriture, le calcul et à savoir comment et où vivent d’autres peuples. Pas mal pour un bonhomme en papier!

UN ENSEIGNANT, UNE IDÉE

En 1995, Dale Hubert cherchait à intéresser ses élèves de 3e année à la lecture et à l’écriture. C’était la première fois qu’il enseignait la 3e année, ayant enseigné la 6e année pendant cinq ans et l’enfance en difficulté pendant 11 ans.

«Je crois que l’apprentissage se fait mieux lorsqu’on peut lui donner un sens», dit Hubert. Il s’est souvenu d’un livre sur Flat Stanley et a pensé en faire un projet de correspondance. Mais il savait que les enfants sont souvent à court d’idées lorsqu’il s’agit d’écrire une lettre.

«Par contre, dit-il, lorsqu’on envoie un Flat Stanley, on peut écrire : "Salut, voici un Flat Stanley. Comme il aime les aliments plats, je t’envoie de la pizza et des crêpes. Garde-le près de ton lit la nuit, car il craint la noirceur." À son retour, Stanley porte souvent la marque de ce qu’il a vécu ailleurs. "Il s’est fait arraché le bras pendant un match de hockey dans la rue. Mon père étant médecin, nous l’avons recollé." Des choses de ce genre.»

«Pour les jeunes enfants en particulier, explique Hubert, la communication par l’écriture est assez abstraite. Quelque chose de concret comme un Stanley leur permet d’exploiter un thème commun par l’écriture.»

Hubert a donc relu Flat Stanley, écrit par Jeff Brown en 1964, et s’en est inspiré pour créer un projet de lecture et d’écriture.

La prochaine étape consistait à trouver une classe dans une autre école qui voudrait accueillir Flat Stanley. Hubert s’est donc plongé dans l’univers HTML. Il a créé un site web et a affiché sa demande de correspondants sur quelques babillards électroniques.

INTERNET

En 1995, 13 enseignantes et enseignants se sont inscrits sur la liste. La plupart était de l’Ontario, mais l’un d’entre eux était d’Hawaii. En décembre 2001, plus de 1 000 classes de partout dans le monde avaient manifesté leur intérêt pour le projet.

Hubert n’avait aucune idée de l’ampleur que prendrait le projet : «Quand on dit qu’un livre peut changer sa vie!»

Susan Dykstra, enseignante de l’enfance en difficulté, voue une grande admiration à Flat Stanley. Elle enseigne une classe d’élèves ayant des troubles légers d’apprentissage au cycle moyen à la Wexford Public School de Toronto. «Je recommande vivement le projet Flat Stanley à toutes les classes jusqu’à la 5e ou la 6e année. C’est un excellent moyen pour les jeunes d’explorer le monde dans le cadre d’un projet basé sur la lecture et l’écriture. Mes élèves pensent que John A. McDonald est un hamburger. Mais lorsqu’ils reçoivent une lettre d’Estonie, j’ai beaucoup moins de mal à leur enseigner la désintégration de l’URSS. Cela devient plus accessible, plus concret. Flat Stanley est une excellente ressource et c’est un projet amusant qui permet aux élèves de communiquer entre eux et avec d’autres personnes.»

PLACE À LA CRÉATIVITÉ

L’un des principaux attraits du projet Flat Stanley réside dans les possibilités sans fin qu’il offre. Hubert explique : «Les enseignantes et enseignants peuvent inventer leur propre scénario. Ce n’est pas moi qui leur dit comment faire. Je leur fournis simplement un véhicule pour laisser aller leur créativité.»

Hubert rappelle qu’il n’est pas le seul à avoir utilisé Flat Stanley. Mais d’après lui, son site web est le seul qui vise à en faire un projet de collaboration qui invite au partage d’idées sur le curriculum. Le site renferme des centaines de lettres et de photographies d’élèves, d’enseignantes et d’enseignants et d’amis de Flat Stanley. C’est un site amusant qui regorge de renseignements pratiques, notamment sur la façon dont le projet Flat Stanley s’inscrit dans le curriculum de l’Ontario.

Il arrive parfois qu’un enseignant écrive à Hubert pour lui demander des instructions. Il leur répond : «Faites ce qui convient à votre classe.» Certains enseignants divisent la classe en groupes et demandent à chaque groupe de préparer un Stanley et de l’envoyer à une autre classe ou à un adulte qu’il connaît.

Le site web donne des suggestions qui ont été ajoutées au fur et à mesure que Stanley est devenu un voyageur d’expérience. On recommande notamment d’envoyer plusieurs Stanley, car il peut lui arriver de se perdre ou de se faire manger par un requin.

Le site recommande aussi aux enseignants d’envoyer un message par courriel à la classe avec laquelle ils veulent correspondre pour s’assurer qu’elle a le temps d’accueillir Flat Stanley. La classe peut ensuite lui envoyer Flat Stanley, accompagné d’un journal à remplir. Dans son site web, Hubert a affiché une liste de questions auxquelles les enfants peuvent répondre au sujet de la visite de Flat Stanley.

Par exemple : «Nous recevons un Stanley en provenance d’Hawaii qui dit : "Stanley s’amuse beaucoup même si le temps est assez frais aujourd’hui." Évidemment, un temps frais à Hawaii ne correspond peut-être pas à l’idée que nous nous faisons du temps frais. Nous demandons donc aux élèves de préciser qu’il fait 3° C, par exemple, parce qu’il y a un monde de différence entre 3° C et 3° F. Nous avons aussi envoyé un Flat Stanley qui venait de passer l’Action de grâces avec nous en octobre alors que les Américains n’avaient pas encore célébré cette fête. C’est très intéressant pour les élèves de découvrir les différences entre les deux pays.»

Mais Hubert s’empresse d’ajouter : «Ce qui les frappe le plus, cependant, ce sont les similitudes. Ils écoutent les mêmes émissions de télévision, ils font face aux mêmes problèmes et ils partagent les mêmes intérêts.»

PLUS QUE LA LECTURE

Le projet Flat Stanley a vu le jour pour aider les élèves à lire et à écrire. Mais il englobe les mathématiques, les études sociales, les arts visuels, la technologie, l’utilisation du courriel et la recherche sur Internet.

Dans sa classe de 3e année, Hubert et son partenaire en enseignement, Charlie Smith, utilisent Stanley et son frère Arthur pour enseigner les probabilités. Ils ont également fait voyager Stanley dans le temps pour illustrer la vie des colons au Canada. Stanley revêt alors des vêtements d’époque et mange des aliments typiques de l’époque, c’est-à-dire pas de pizza.

Certains élèves veulent envoyer leur Stanley à des célébrités. Une élève montre où elle peut trouver les adresses voulues. Elle consulte un grand livre dans lequel se trouve une liste de noms. Si le nom recherché n’y est pas : «Nous cherchons sur Internet», affirme-t-elle avec confiance.

La classe a aussi accueilli des Stanley en provenance du Michigan.

«En ouvrant l’enveloppe, explique Hubert, nous commençons par demander aux élèves quelles sont leurs premières impressions du Stanley. L’écriture est-elle propre? La grammaire est-elle correcte? Ensuite nous leur disons, "Rappelez-vous que lorsque vous envoyez un Flat Stanley, vous voulez faire bonne impression vous aussi". Les élèves tiennent à faire un travail de qualité parce que ce sont des jeunes comme eux qui vont le recevoir.»

RENCONTRE AVEC JEFF BROWN

Quelque temps après le début du projet, Hubert a communiqué avec l’éditeur de Flat Stanley, mais n’a reçu aucune réponse. Plus tard, il a reçu un courriel de Jeff Brown. Au début, il a cru qu’il s’agissait de mauvaises nouvelles, car il avait utilisé des images du livre de Brown sans autorisation. «À l’époque, dit-il, j’ignorais même si Brown était toujours vivant.»

Mais Brown a adoré l’idée du projet. Et bien qu’il soit souvent invité à donner des conférences et à visiter des écoles moyennant rémunération, il a accepté de se rendre à l’école d’Hubert gratuitement.

Pendant son séjour à London, Brown est demeuré chez la famille Hubert qu’il a ensuite invitée à lui rendre visite chez lui au Connecticut. «Ce fut des vacances très agréables», rapporte Hubert. Et, après un congé prolongé, Brown s’est mis à écrire une autre histoire mettant en vedette Stanley Lambchop et sa famille.

LES ADULTES AIMENT LES VISITES DE FLAT STANLEY

Flat Stanley semble éveiller la créativité de tous les adultes, pas juste des enseignants. Les photos dans le site web de Flat Stanley font état de ses nombreuses aventures en compagnie d’adultes de partout. Le voilà aux côtés d’un membre du Congrès américain en train de rencontrer le président Clinton; le voici en Antarctique. L’acteur américain Benjamin Bratt a épinglé Flat Stanley sur son chandail lors de son passage à l’émission de Rosie O’Donnell. D’autres adultes ont invité Flat Stanley à se rendre sur le plateau de tournage de l’émission West Wing et à voler dans un avion espion U-2. On a même convaincu Stanley de se réinscrire dans l’armée.

Une professeure de sciences familiales et de consommation d’une université du Missouri a reçu un Flat Stanley de sa nièce. Elle a écrit à Hubert : «Quand j’ai amené Flat Stanley au travail et dans mes classes, j’ai découvert que d’autres l’avaient déjà rencontré. Un de mes collègues a reçu un Flat Stanley d’un jeune membre de sa famille et l’a filmé en train d’amener des cochons au marché à l’autre bout du pays. Les élèves de la ville du Connecticut à qui on a présenté le vidéo n’avaient jamais vu de cochon, encore moins en si grand nombre! Le directeur des études médiatiques et des communications de l’université a fait parvenir un cédérom illustrant l’expérience de l’université à la classe de son neveu en Californie [...] Je pense qu’il faut raconter comment Flat Stanley non seulement enrichit la vie des élèves, mais permet aux adultes de s’amuser.» Son récit était accompagné d’une photo du recteur de l’université en train de rencontrer Flat Stanley.

En l’an 2000, Hubert a remporté un prix ChildNet pour avoir créé un site web pour enfants à la fois intéressant et sécuritaire. Il s’est placé deuxième dans sa catégorie, ce qui lui a permis de passer une semaine à Washington, D. C. pour recevoir son prix. Hubert, sa fille et Stanley s’apprêtaient à se faire photographier devant le Lincoln Memorial lorsque deux touristes du Japon se sont approchés d’eux en s’exclamant : «Regarde! Il a un Flat Stanley!» Hubert raconte que beaucoup de monde à Washington semblait connaître Stanley.

Hubert a également reçu un prix du Premier ministre soulignant l’excellence en enseignement en 2000-2001.

En consultant le vaste site web de Flat Stanley, on comprend rapidement le temps et l’effort qu’Hubert a consacrés à ce projet. «J’étais assis par une belle journée ensoleillée et mon chien voulait aller se promener, mais moi, je travaillais au projet Flat Stanley. Je me disais qu’il faudrait bien que ça cesse un jour, puis je recevais une lettre de la part d’un enseignant me disant à quel point sa carrière avait été enrichie par l’expérience. Bref, il m’était impossible d’abandonner.»

Il se rappelle d’une lettre en particulier. Un enseignant du Michigan lui a écrit : «Je dois vous dire que votre projet, que j’ai découvert tout à fait par hasard, est une des meilleures choses qui me soit arrivée! J’enseigne depuis 23 ans et ce projet m’a redonné le feu sacré pour l’enseignement et l’apprentissage. Mes élèves en savent plus sur la géographie, la rédaction de lettres et de journaux et les autres cultures que jamais auparavant. Je suis ravi d’avoir découvert votre site.»

Le Réseau éducatif de l’Ontario (REO), un projet de collaboration sans but lucratif entre le ministère de l’Éducation et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l‘Ontario visant à offrir des services au milieu de l’éducation, a fourni un appui précieux au projet. Il accueille le site web de Flat Stanley et en assure le soutien technique, y compris la préparation du formulaire de demande automatisé, ce qui a allégé la charge d’Hubert.

Celui-ci espère pouvoir consacrer plus de temps à des projets touchant au curriculum et élargir davantage le projet.

L’AVENIR DE STANLEY

Hubert a récemment reçu une demande de participation d’une clinique vétérinaire. L’ensemble du personnel de la clinique s’est dit très intéressé à accueillir Stanley et à raconter ses expériences à soigner des animaux. Hubert trouve l’idée géniale et croit que les élèves pourraient découvrir différentes carrières de la même façon.

Il aimerait également que Flat Stanley passe plus de temps dans les hôpitaux. «J’aimerais que des enfants alités et incapables de voyager envoient un Flat Stanley à leur image et le laisse voyager à des endroits qu’eux mêmes ne verront jamais», dit-il.

Hubert dit que le Réseau éducatif de l’Ontario espère pouvoir offrir des services de traduction pour que Stanley puisse se rendre dans des pays où on ne parle pas anglais.

Stanley s’est récemment associé au projet Books Without Boundaries, en vertu duquel des élèves envoient des livres là où il n’y en a pas. Ce projet a vu le jour dans un organisme appelé SchoolWorld, basé en Australie, qui fut l’un des premiers partisans de Flat Stanley et qui a établi un lien avec le site web d’Hubert dès sa création.

Il y a aussi cette enseignante de Hong Kong qu’Hubert a rencontrée lors de la remise des prix ChildNet. Elle a dit qu’elle pourrait peut-être traduire le site en chinois. Le visage d’Hubert rayonne de plaisir quand il imagine Stanley en train de visiter la Chine et ce que cela représenterait pour les élèves de correspondre avec des jeunes de ce pays. «Quelqu’un a déjà dit, juste pour rire — Flat Stanley pour la paix mondiale — remarque Hubert, mais quand on y pense, ce projet n’a pas vraiment de limites.»

Sa collègue Susan Dykstra serait sans doute d’accord. Elle est d’avis que le projet Flat Stanley donne aux enfants une ouverture sur le monde.


Pour en savoir plus sur le projet Flat Stanley, inscrivez-vous au projet ou communiquez avec Dale Hubert à l’adresse flatstanley.enoreo.on.ca.

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