Projet pilote de français cadre intensif fort prometteur

de Michael Salvatori

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Dans les conseils scolaires de langue anglaise de l’Ontario, le français cadre est la principale méthode utilisée pour enseigner le français langue seconde (FLS). Contrairement aux programmes d’immersion française dans lesquels la langue d’enseignement pour toutes les matières est le français, on n’enseigne que la langue et la culture en français cadre.

Toutefois, l’an dernier, quatre conseils scolaires de la province ont mis en œuvre un programme pilote connu sous le nom de «français cadre intensif». Il s’agit en fait d’une version enrichie du programme cadre de 5e et de 6e année.

Jodi Saunders enseigne ce programme depuis deux ans à la St. Joseph Catholic School de Gananoque. Pendant cinq mois, ses élèves de 5e année suivent 200 minutes de français chaque jour (communication orale, lecture et écriture), ce qui représente 70 % d’une journée.

Étant donné que l’on met l’accent sur la participation orale, elle donne beaucoup d’occasions aux élèves de parler français et veille à ce qu’ils n’utilisent pas d’anglais pendant 200 minutes chaque jour, ce qui représente un grand défi. Les élèves parlent anglais pendant la récréation et le repas, ainsi que durant les cours de mathématiques, de religion et d’éducation physique.

Après cinq mois de français intensif, les élèves retournent à une forme concentrée du programme régulier, qui comprend des cours d’études sociales, de musique, d’arts et d’art dramatique, en plus d’une heure de français chaque jour.

Le français intensif encourage une communication qui reflète la vie des élèves, correspond à leur niveau cognitif et leur demande de créer des messages utilisables à des fins réelles.

Nouvelle enseignante, Mme Saunders était enthousiaste à l’idée de mettre en œuvre un nouveau programme intensif qui allait représenter une énorme courbe d’apprentissage pour elle.

«C’est un programme pertinent pour les élèves, car tout ce que je fais doit avoir un lien avec leur vie. Quand on parle de sports, ils apprennent à parler de leur sport préféré. C’est facile, car ils ont un point d’entrée dans la langue, et c’est amusant, puisque tout le monde aime parler de soi.» En riant, elle dit qu’elle en vient à bien connaître ses élèves, car ils parlent beaucoup d’eux.

«Le français intensif est une façon authentique d’enseigner la langue et de véhiculer les valeurs culturelles.»

Bev Anderson, conseillère et pédagogue en FLS, affirme que le personnel enseignant, les élèves et les communautés scolaires se sont montrés enthousiastes envers ce modèle. Selon Mme Anderson, les trois facteurs de succès principaux sont le temps, l’intensité et les stratégies d’enseignement.

«Il est important de réserver du temps pour que les élèves vivent l’expérience la plus intense possible. Il est également essentiel d’utiliser des stratégies qui incluent des interactions soutenues entre l’enseignant et les élèves, mais aussi entre les élèves eux-mêmes», déclare-t-elle.

Renée Théroux, conseillère en FLS pour le Peterborough Victoria Northumberland Clarington Catholic District School Board, est du même avis. Elle attribue le succès du programme dans son conseil scolaire au rôle que les pédagogues jouent et à la stratégie de mise en œuvre. Le personnel enseignant a pu participer à une formation de cinq jours qui lui a permis d’apprendre des théories et de les mettre en pratique.

«Le conseil scolaire offre régulièrement des visites d’experts dans les classes et organise des rencontres pendant lesquelles les enseignants du programme échangent des idées et communiquent leur expérience», dit Mme Théroux.

Charlotte Rouleau, directrice du curriculum pour le Catholic District School Board of Eastern Ontario, rapporte que les 48 participants de 5e année à la St. Francis Xavier School de Brockville et à la St. Joseph Catholic School de Gananoque ont connu beaucoup de succès.

À mesure que les élèves gagnent de l’assurance, leur français s’améliore, comme le prouve l’évaluation des compétences en écriture et en communication orale au début et à la fin du programme. Leurs compétences écrites ont même été comparées à celles des francophones de 2e année au Québec.

«Des élèves de 5e année du programme de français intensif ont participé à un camp de trois jours en français avec des élèves d’immersion, raconte Mme Rouleau. Ils n’avaient aucun mal à discuter entre eux. Ils montraient de l’assurance et étaient motivés à parler français avec les conseillers, le personnel de la cuisine et les autres.»

À Gananoque, Mme Saunders dit que, en septembre 2007, ses élèves ne pouvaient même pas répondre à une question simple telle que «Comment vas-tu?» «Après cinq mois, ils pouvaient poser des questions et faire des phrases complexes. Ils parlent sans y penser; ils ne conjuguent pas les verbes dans leur tête ni ne se demandent si un nom est masculin ou féminin», affirme-t-elle.

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Jodi Saunders, de la St. Joseph Catholic School de Gananoque.

 

 

 


En fait, elle n’enseigne pas directement la conjugaison ni le genre des noms à ses élèves. Ils apprennent plutôt en écoutant et en parlant.

À la lumière de ce succès, trois écoles de plus du Catholic District School Board of Eastern Ontario participeront au programme pilote de 5e année. On a l’intention d’offrir un jour le programme en 5e année dans toutes les écoles où on enseigne le français cadre.

«Pour que le ministère de l’Éducation approuve ce programme, il doit exister un désir de changement politique», déclare Mme Théroux.

Un investissement en matière de perfectionnement professionnel et d’élaboration de stratégies pédagogiques est aussi nécessaire. «Il faut que des professionnels, au Ministère et dans les conseils scolaires, soient en mesure d’appuyer les pédagogues.» Et ce fait représente un défi de taille pour mettre le programme en œuvre à l’échelle de la province.

Toutefois, les enseignants du programme, comme Lucie Piché-Cantin de la St. Vincent de Paul Catholic School de Niagara Falls, se réjouissent des résultats de leurs élèves de 6e année de l’an passé.

«C’est vraiment fantastique. Leur français est très avancé. Ils sont capables de s’exprimer au présent, au passé et au futur. C’est une communication qui est vraiment authentique, voire holistique.»

Forte de ses 35 ans de carrière en tant qu’enseignante, directrice d’école et surintendante au ministère de l’Éducation de l’Ontario, Mme Piché-Cantin a récemment interrompu sa retraite pour retourner en classe.

Comme Mme Saunders, Mme Piché-Cantin utilise beaucoup la modélisation et une variété d’approches en classe, telles que l’art dramatique, les arts et l’éducation physique. Ses élèves travaillent en petits groupes en mettant l’accent sur l’expression orale et sur les intérêts et l’expérience des élèves.

«Pour moi, le français intensif est une façon authentique d’enseigner la langue et de véhiculer les valeurs culturelles, parce que l’un ne va pas sans l’autre, dit-elle. Pour les élèves, c’est une occasion unique d’apprendre la langue dans un contexte où ils participent vraiment.»

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