Formation du caractère

Avoir bon caractère

Bien que les enseignantes et enseignants aient toujours pris à cœur leur rôle de façonneur des générations futures, le développement du caractère est aujourd’hui omniprésent dans tout le curriculum de l’Ontario, du jardin d’enfants à la 12e année.

de Gabrielle Bauer

D’une démarche assurée, Jeff passe à côté du pupitre de Ryan et flanque son étui à crayons par terre. «Eille, niaiseux, remets ça sur mon bureau!» crie Ryan. «Wow! J’ai super peur de toi!» répond Jeff, d’une voix traînante et empreinte de sarcasme. La classe rit. «Bien fait!» dit David Thwaits, EAO, leur enseignant de 7e année du programme d’immersion française de l’école publique Kensal Park de London. «Jeff, Ryan, on rejoue la saynète, mais cette fois en résolvant le conflit avec respect. On en parlera après.»

Loin d’être une activité légère et divertissante, ce petit scénario fait partie intégrante du curriculum, tout comme les fractions et l’analyse de textes. «C’est une des façons dont nous enseignons les traits de caractère, comme le respect, de dire M. Thwaits. Nous faisons des saynètes qui représentent des comportements respectueux et irrespectueux, et nous parlons des répercussions qu’entraînent les deux.»

On s’attend à ce que les élèves de l’Ontario sortent de l’école non seulement en sachant lire, écrire et gérer leur carnet de chèques, mais aussi en sachant faire preuve de justice et d’empathie, en persévérant quand ils effectuent des tâches difficiles. On s’attend, en d’autres termes, à ce qu’ils développent leur caractère.

Le ministère de l’Éducation de l’Ontario définit le développement du caractère comme l’effort délibéré d’insuffler des valeurs que les écoles et les communautés ont en commun. Le terme «développement» n’est pas un hasard, explique Patricia MacNeil, porte-parole du Ministère. «Le caractère n’est pas une matière séparée, c’est pourquoi nous ne l’appelons pas éducation du caractère. Il s’agit d’une approche, d’une attitude, d’une philosophie qui est tissée dans toutes les trames du curriculum.»

Monique Dubreuil, EAO, responsable des services aux élèves du Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario, trouve que le développement du caractère est une idée inspirante. «Les effets se font sentir au-delà d’un moment et d’un endroit précis. Dans notre conseil scolaire, nous le vivons en français, mais il transcende toutes les barrières linguistiques et culturelles.»

Vraies confessions

C’est le deuxième jour d’école dans la classe de 3e année de Dana Campeau, EAO, qui enseigne à l’école publique MacLeod de Sudbury. Les élèves sont rassemblés en demi-cercle autour d’elle.

«Quelqu’un peut-il me nommer quelque chose qui lui fait peur?» demande-t-elle. Après un moment, une main se lève. «J’ai peur des araignées!», déclare Brendan. «Les araignées, c’est super cool!» de dire Joshua en se grattant les cheveux. Quelques enfants ricanent.

«Merci de nous dire comment tu te sens par rapport aux araignées», dit Mme Campeau à Joshua. «Y a-t-il quelque chose qui te fait peur? Ou que tu trouves difficile?»

Joshua hausse les épaules et déclare : «Je pense que je suis pourri en art».

«Voulez-vous savoir ce qui me fait peur?» demande Mme Campeau à la classe. Plusieurs enfants font signe que oui. «Les lacs profonds, répond-elle. Vous savez, ceux dont on ne voit pas le fond.»

Les termes empathie et tolérance n’ont pas été prononcés, mais, selon Mme Campeau, le message passe. «Ils ap-prennent que nous sommes tous différents et que tout le monde, y compris les adultes comme leur enseignante, a des faiblesses et des peurs. Ça rend les gens plus humains à leurs yeux, et c’est là que commence l’empathie.»

«On s’attend à ce que les élèves de l’Ontario sortent de l’école non seulement en sachant lire, mais en sachant aussi faire preuve de justice et d’empathie.»

Le prochain point à l’ordre du jour de Mme Campeau : la persévérance. Une fois que les enfants ont parlé de leurs peurs, Mme Campeau dirige une cérémonie pendant laquelle ses élèves lâchent dans les airs des ballons sur lesquels est écrit «je ne peux pas». Le symbole est clair comme de l’eau de roche, même pour des enfants de huit ans.

Pour favoriser l’honnêteté, Mme Campeau se fait un devoir de féliciter les élèves qui ont fait preuve d’honnêteté, et ce, «même s’ils admettent avoir agi de façon inappropriée, en jouant avec leur sandwich, par exemple». Si elle ne tient pas une promesse qu’elle leur a faite (comme rendre un travail corrigé à une certaine date), elle présente ses excuses au lieu de se justifier. «De cette façon, je fais preuve à la fois d’honnêteté et de responsabilité, et je montre aux élèves que les enseignants ne sont pas parfaits.»

Pierrette Fequet, EAO, qui enseigne la 7e et 8e année à l’école élémentaire publique Carrefour Jeunesse de Rockland, utilise des articles de journaux pour stimuler la réflexion sur le caractère.

«Dernièrement, j’ai fait lire à mes élèves un article à propos d’une jeune femme qui refusait de laisser sa dyslexie sévère entraver sa formation universitaire», confie-t-elle. Cette lecture a donné suite à une discussion sur la persévérance, l’empathie et l’acceptation. «Nous avons parlé de la douleur que les gens éprouvent quand ils se font taquiner, même sans mauvaises intentions. Ce fut une expérience révélatrice pour certains enfants.» Un autre article, celui-là sur le génocide des Arméniens, a mené à des discussions sur «le besoin de prendre position face à l’injustice».

Moments clés d’apprentissage

Au début de chaque année scolaire, Lisa Grant, EAO, demande à ses élèves de décrire leur classe idéale : de quoi elle aurait l’air, comment l’enseignant se comporterait, comment les élèves se comporteraient les uns envers les autres. De cette séance de remue-méninges ressort une liste d’«ententes tribales» que les élèves s’engagent à respecter. «Les comportements reflètent des traits de caractère comme la gentillesse, l’honnêteté et la persévérance», révèle Mme Grant, qui enseigne la 6e année à l’école publique junior Elizabeth Simcoe de Toronto.

Un matin, dans la classe de Mme Grant, Jessica se penche vers Emily et lui demande, suffisamment fort pour que les autres comprennent : «As-tu acheté cette veste au Village des Valeurs?»

Emily tressaille et répond : «Ma mère l’a achetée neuve».

Mme Grant se tourne vers Jessica et lui demande : «Quelle entente tribale te cause des problèmes ce matin?»

«Elle-même nous a dit qu’elle achetait certains de ses vêtements au Village des Valeurs», argumente Jessica, sur un ton défensif.

«Est-ce une excuse?»

Après quelques moments, Jessica regarde au-dessus du tableau, où les comportements sont affichés. «Pas d’humiliation», murmure-t-elle.

Mme Grant acquiesce d’un signe de tête. «Au cours des prochaines minutes, j’aimerais que tu écrives comment tu pourrais te racheter. On peut discuter de tes idées après la pause.»

Selon Mme Grant, «afficher sur le mur les comportements auxquels on s’attend nous rend la tâche plus facile quand vient le temps de s’y référer, et permet aux enfants de les garder en tête. De plus, les élèves ne peuvent pas vraiment discuter du bien-fondé du comportement, puisque ce sont eux qui l’ont inclus dans la liste.»

La directrice de l’école, Arlene Knights, EAO, dit qu’elle sait que les enseignants vont inclure les traits de caractère et les comportements au curriculum de leur propre façon, pourvu que cela cadre avec le plan de l’école et du conseil scolaire.

«Ils peuvent parler des valeurs dans le cours d’anglais, de sciences ou dans un programme après l’école, dit-elle. L’idée est d’utiliser toutes les occasions possibles, dès qu’elles surviennent.»

Monique Dubreuil est d’accord : l’efficacité augmente quand «on insère le développement du caractère dans des programmes tels que la sécurité à l’école ou la sensibilisation à l’environnement, comme nous le faisons dans notre conseil scolaire».

Photo précédente et ci-contre : À l’école publique Kensal Park de London, les élèves plus âgés s’occupent des élèves plus jeunes dans le cadre de Pee Wee Pals, un programme de parrainage qui se déroule pendant la pause du midi.

La classe de 6e année de Lisa Grant recueille des fonds en créant une maison hantée dans leur salle de classe.

Force d’entraînement

À l’ère de Platon, la relation élève-enseignant était perçue comme un terrain propice au développement du caractère. Mais, au fil du temps, l’idée que les écoles ont une responsabilité quant au façonnage du caractère a eu la cote puis l’a perdue.

«On a tenté d’enseigner les valeurs dans les années 1970, mais l’intérêt est allé en déclinant», confie Avis Glaze, EAO, présidente d’Edu-quest International (une entreprise de consultation basée à Markham qui fournit du leadership aux systèmes scolaires partout dans le monde) et ancienne conseillère principale du ministère de l’Éducation de l’Ontario.

Pourquoi? «Le programme avait recours à des histoires et à des exercices qui faisaient peur aux enfants. Par exemple, décider qui ils balanceraient par-dessus bord dans un canot de sauvetage qui coule, explique-t-elle. Les parents ont commencé à se plaindre, ce qui a poussé les pédagogues à se questionner sur le bien-fondé de l’enseignement des valeurs à l’école.»

Un mouvement similaire aux États-Unis s’est affaibli dans les années 1980, confie Marvin Berkowitz, professeur d’éducation du caractère à l’Université du Missouri à St. Louis et l’un des experts auxquels le ministère de l’Éducation de l’Ontario a recours. «Les groupes religieux se sont opposés à l’idée d’enseigner des valeurs sans contexte spirituel», dit-il.

Quand on parle du développement du caractère dans les écoles de l’Ontario, Mme Glaze occupe le siège d’honneur. L’idée a commencé à germer dans sa tête vers la fin des années 1990 alors qu’elle était directrice de l’éducation adjointe du York Region District School Board. «L’intimidation était un gros problème et la violence faisait éruption dans les écoles partout dans le monde, y compris dans ma propre communauté, révèle-t-elle. Cela m’a donné l’idée que l’on pourrait enseigner les traits à caractère social d’une façon plus systématique.»

N’aimant pas les projets qui restent à l’état embryonnaire, Mme Glaze a entrepris un programme de développement du caractère à l’échelle de son conseil scolaire, lequel a inspiré la communauté tout entière. Peu de temps après, le premier ministre Dalton McGuinty lui téléphonait pour lui demander d’élaborer des programmes similaires pour l’ensemble de la province. On a tenu des consultations partout en Ontario au printemps de 2007, qui ont donné naissance au document Finding Common Grounds (que Mme Glaze a coécrit avec deux autres représentants du Ministère) et au lancement du développement du caractère en tant qu’initiative provinciale en 2007-2008. «L’expérience nous a appris que les approches fondées sur la discipline et l’agressivité ne contrôlent pas la violence à l’école, déclare Mme Glaze. Les pédagogues sont prêts pour quelque chose de nouveau.»

Demeurer réalistes

Les gens qui ont de l’expérience dans le domaine s’entendent pour dire que l’enseignement traditionnel et le développement du caractère ne font pas bon ménage. Sermonner les élèves ne sert à rien. «C’est super ennuyant et on fait la sourde oreille», de dire un élève de 7e année.

Même leurs enseignants comprennent que les enfants tendent à devenir cyniques à mesure qu’ils vieillissent, confie Mme Grant, qui a remarqué certains commentaires pointus au sujet des traits de caractère parmi ses élèves de 6e année.

«Pour illustrer le respect, un enfant a dessiné un groupe d’éléphants faisant la révérence à un moine.»

«Je sollicite leur créativité et leur sens de l’humour», confie-t-elle. L’an dernier, Mme Grant a encouragé ses élèves à créer des bandes dessinées pour exprimer leurs traits de caractère personnels, puis elle a présenté les œuvres dans un café de la région et invité les parents à venir les voir. «Pour illustrer le respect, un enfant a dessiné un groupe d’éléphants faisant la révérence à un moine, dit Mme Grant. Ça a fait sourire les gens.»

Alfie Kohn, auteur et conférencier connu dont l’ouvrage fondamental, Punished by Rewards, a fait des ondes de choc dans les milieux éducatifs, croit que l’éducation du caractère dans un cadre officiel pourrait engendrer un respect exagéré pour l’autorité.

Or, Mme Glaze réfute cette notion. «Dans Finding Common Grounds, nous avons clairement énoncé que le développement du caractère n’avait rien à voir avec la docilité. Il s’agit d’un questionnement respectueux, de pensée critique et de combat contre l’injustice. Créer des automates ne correspond pas aux exigences générales du XXIe siècle.»

Sûrement pas. La pensée critique sous-tend l’approche de David Thwaits concernant la résolution de conflit. Dans l’un de ses exercices, les élèves créent un modèle de camp de réfugiés. «Je leur donne des ressources et des obstacles qui engendrent des conflits, comme un membre handicapé, des biens volés ou des désastres naturels», explique-t-il. Par la discussion, ils résolvent les problèmes de distribution des ressources, de justice, d’empathie et de leadership. «Les solutions viennent toujours des élèves eux-mêmes : c’est la clé.»

Exploiter les ressources

Les enseignants ont accès à de plus en plus de programmes pour développer le caractère, dont plusieurs sont conçus par des enseignants. Racines de l’empathie, un programme du jardin d’enfants à la 8e année soutenu par le Service des programmes d’études Canada, suggère qu’un bébé et un parent du quartier visitent la classe à intervalles réguliers. Un instructeur spécialisé enseigne aux élèves à observer le bébé et à prendre note de ses émotions.

«À la fin du programme, même les enfants dissipés et agités deviennent plus doux avec les bébés, confie Mme Grant, dont la classe a suivi le programme. Élever un enfant, c’est beaucoup de travail! dit-elle en riant. Ça leur donne une nouvelle appréciation de ce que leurs propres parents ont enduré!»

Dans un programme similaire, Qui est Personne?, les élèves amènent Personne à la maison à tour de rôle, une semaine à la fois. Personne est une poupée en denim sans distinction de sexe. Pendant l’année, les élèves transforment Personne en lui enseignant à être quelqu’un de bien. (Voir «Point de vue d’un parent», à la page 45).

Kelly Clark, EAO, créatrice du programme et ancienne enseignante, déclare que «la confusion courante sur la façon d’inculquer le respect est ce qui m’a motivée à créer cette ressource. Je voulais donner aux élèves un cadre pour exprimer leurs propres intérêts et aider les autres afin qu’ils fassent l’expérience du respect de soi et du respect des autres d’une façon personnelle et durable.»

Les élèves du collège catholique Samuel-Genest d’Ottawa imaginent ce que serait leur communauté idéale, puis s’engagent dans des projets en conséquence.

Les enseignants ont aussi recours aux pièces de théâtre en guise d’outil de développement du caractère. Le Lorraine Kimsa Theatre for Young People de Toronto choisit plusieurs de ses pièces en fonction de traits de caractère, comme l’honnêteté et la coopération, dit le directeur artistique, Allen MacInnis. Dans El Numero Uno, par exemple, un personnage central ment en niant avoir abîmé des légumes. Cela devient donc sa responsabilité de trouver de nouveaux légumes et de délivrer le village du mauvais sort.

«Le théâtre capte l’attention des enfants, alors ils retiennent le message, confie Mme Grant, dont la classe voit une pièce de Kimsa chaque année. Le lendemain de l’événement, je demande parfois aux enfants d’écrire leur propre pièce en fonction des leçons qu’ils ont apprises dans celle qu’ils ont vue. Ils répètent et présentent un spectacle.»

À mesure que les élèves vieillissent, les programmes de développement du caractère tendent à mettre l’accent sur les relations communautaires et les collectes de fonds, alors que les discussions sur les traits de caractère revêtent moins d’importance. Le programme Me to We (de Moi à Nous) donne un exemple de ce mouvement. «Nous nous rencontrons une fois la semaine pendant la pause du midi et discutons de projets que nous aimerions entreprendre, dit M. Thwaits, qui s’occupe du programme de la 6e à la 8e année à son école. La semaine dernière, nous avons lancé un important projet de collecte de fonds pour fournir de l’eau potable en Équateur. Nous avons aussi visité les banques alimentaires de la région.»

À l’école secondaire St. Patrick du Thunder Bay Catholic School Board, les élèves se sont servis de la pièce Annie comme tremplin à leur collecte de fonds, explique l’enseignant d’art dramatique de l’école, Ryan McCullough, EAO. La pièce n’a pas été choisie au hasard. «Ses thèmes représentent un certain nombre de problèmes sociaux, comme la pauvreté, le racisme, l’abus d’alcool, le pardon et les secondes chances», dit-il.

Grâce aux stations de radio et aux chaînes de télé de la région, cinq spectacles furent présentés à guichets fermés. Les élèves ont aussi vendu des t-shirts et des chapeaux, et ont organisé un tirage au sort. En tout, l’école a ramassé la faramineuse somme de 30 000 $, que l’on a remise à la Regional Food Distribution Association. «Cet événement a rapproché l’école et la communauté», dit M. McCullough.

Henri Babin, EAO, a été témoin de projets communautaires semblables qui ont transformé des adolescents désavantagés en leaders de leur communauté. Enseignant de 9e et de 12e année au Collège catholique Samuel-Genest du centre-ville d’Ottawa, M. Babin dit que la population de son école est composée d’un assez grand nombre d’élèves dans le besoin. «Il y a quelques années, avec mes collègues, nous avons eu l’idée d’impliquer les élèves dans des activités d’aide communautaire», se souvient-il. Il a commencé par un «exercice de visualisation» durant lequel les élèves ferment les yeux et imaginent quelle serait leur communauté idéale. Ensuite, «nous avons choisi des élèves leaders et les avons accompagnés en autobus pour reconnaître les besoins de notre propre communauté». Grâce à l’aide des enseignants, les élèves ont choisi les projets auxquels ils voulaient s’attaquer.

Très vite, toute cette énergie s’est transformée en un cours formel sur le leadership, lequel est maintenant offert par l’école après les heures de classe et qui compte pour un crédit. «Les élèves peuvent concevoir des projets sur le terrain dans le cadre du cours, qui allie la formation du caractère et l’esprit d’entreprise, explique M. Babin. Le meilleur des deux mondes.» Le Ministère a fourni des fonds pour permettre à l’école de planifier et de lancer des projets individuels. L’organisme de bienfaisance Centraide a décerné au cours le prix Bâtisseur communautaire 2009.

Résultats concrets

Pratiquement tous les pédagogues louangent le développement du caractère. «Dans chacun des systèmes scolaires que j’ai visités, les directions d’école me disent que ça améliore l’assiduité, l’attention et la coopération, révèle Mme Glaze, qui a aussi mené une évaluation plus officielle à l’Upper Canada District School Board. Nous avons distribué des questionnaires aux directions d’école et avons discuté avec les membres de la com-munauté, dit-elle. Le verdict? Moins de suspensions et plus de comportements sociables. Même le maire a remarqué un plus grand engagement pour le bénévolat de la part des élèves.»

Le résultat des recherches reflète l’expérience de Mme Glaze. M. Berkowitz est coauteur du rapport de 2005 intitulé What Works in Character Education: A Research-Driven Guide for Educators (en anglais seulement), lequel résume 69 études scolaires à l’échelle de l’Amérique du Nord. Il dit que les études montrent comment le développement du caractère peut améliorer le raisonnement moral – évalué à l’aide de questionnaires «avant et après» auprès des élèves – et diminuer les comportements à risque, comme les activités sexuelles sans protection.

Racines de l’empathie, pour sa part, eut pour effet de réduire la violence et l’agression.

«Les programmes les plus efficaces tendent à bénéficier d’une composante interactive, et d’instructeurs bien formés et de l’engagement des parents», remarque M. Berkowitz. En somme, le rendement scolaire s’est classé huitième dans la liste des améliorations, derrière les compétences en résolution de problèmes, les compétences émotionnelles et l’attachement à l’école.

M. MacNeil dit que le Ministère prévoit évaluer de façon similaire les programmes de développement du caractère en Ontario. Pendant ce temps, les pédagogues peuvent se fier aux 35 années d’expérience et de recherche de M. Berkowitz.

«Si l’on enseigne le développement du caractère avec soin, on aura des enfants plus gentils et qui ont une plus grande conscience sociale, mais il faudra quelques années avant de remarquer les répercussions sur la culture scolaire, conclut-il. Il s’agit d’un projet à long terme.»

Utiliser le programme

Les pédagogues ont beaucoup de liberté quant à la façon dont ils traitent le développement du caractère. Toutefois, les attentes communes sont énoncées dans le document de 2008 du ministère de l’Éducation, Finding Common Grounds. (Une publication équivalente est disponible en français : Vers des points communs  : le développement du caractère dans les écoles de l’Ontario, de la maternelle à la 12e année.) Voici les attentes clés :

Pour les enseignantes et enseignants

  • montrer, par la modélisation, les attributs du caractère choisis par la communauté, et les utiliser pour développer des attentes en matière de comportement dans la classe
  • enchâsser le développement du caractère dans l’enseignement des matières, dans les activités parascolaires et les programmes, et à l’échelle de l’école
  • motiver les élèves à créer un milieu d’apprentissage empathique et fondé sur la collaboration 
  • favoriser le développement des connaissances, des compétences et du leadership requis pour que les élèves puissent jouer leur rôle.

Pour les directions d’école

  • veiller à ce que tous les membres de la communauté scolaire (élèves, enseignants, parents et personnel de soutien) participent au développement et à la mise en œuvre de l’initiative
  • offrir des occasions pour que les élèves participent à l’initiative (surtout ceux qui sont marginalisés et peu motivés)
  • fournir des possibilités d’apprentissage dans le domaine du développement du caractère aux membres de la communauté scolaire
  • faire le suivi pour mesurer l’efficacité de l’initiative et recueillir des données.
Une conférence annuelle sur le caractère

Depuis cinq ans, le caractère est le sujet d’une conférence nationale parrainée par le Trillium Lakelands District School Board. Bien qu’elle vise principalement les pédagogues, les élèves du secondaire peuvent aussi participer et, cette année, 100 places étaient réservées au public.

La conférence de cette année, qui s’est déroulée au Deerhurst Resort de Huntsville, a attiré plusieurs centaines de participants venant de tout le pays. La séance inaugurale avait deux parties : une conférence pour les pédagogues avec des présentations par l’environnementaliste David Suzuki et l’éducateur-auteur Phil Vincent, ainsi qu’une conférence pour les jeunes.

«Les élèves ont montré beaucoup d’enthousiasme durant la conférence de David Suzuki et ils lui ont posé beaucoup de questions», fait remarquer Jeanne Pengelly, agente de communication du Trillium Lakelands District School Board.

La conférence principale comportait des ateliers sur la sécurité dans Internet, la formation du caractère à l’ère numérique et les effets du milieu physique sur la culture de l’école, entre autres.

Au cours d’un atelier intitulé Imagine Your School, une équipe de présentateurs a décrit un projet anti-intimidation mis en œuvre dans les écoles du Toronto District School Board du quartier St. James Town, l’une des communautés les plus vulnérables de Toronto. En concluant, le panel a dit que le meilleur moyen d’aborder le problème de l’intimidation dans les écoles n’est pas d’importer des programmes tout faits, mais de changer la culture de l’école.

«Après la conférence, les gens ont un regain d’intérêt pour la formation du caractère, dit Mme Pengelli, qui a participé à la conférence de cette année. C’est une conférence où l’on fait son plein d’énergie.»

Choisir les traits de caractère

Il existe des initiatives de développement du caractère ailleurs, mais, en Ontario, les traits de caractère ne sont pas «imposés par Queen’s Park», déclare la conseillère en éducation, Avis Glaze.

En effet, chaque conseil scolaire dresse sa propre liste de traits de caractère. Bien que les conseils scolaires puissent décider du nombre de traits de caractère que leur liste comprend, ils en adoptent souvent dix, un pour chaque mois de l’année scolaire.

Répétition inutile de l’effort?

«À peine, confie Jean Hanson, EAO, directrice de l’éducation du Rainbow District School Board, dans la région de Sudbury. Nous n’adoptons pas de projet à moins que les écoles et les communautés approuvent le processus. Les valeurs peuvent changer selon les communautés», déclare-t-elle. Jusqu’à présent, les conseils scolaires ont généré leur liste de traits de caractère, soit durant une réunion publique avec des représentants de l’école et de la communauté, soit par le biais d’un sondage public.

Le Thames Valley District School Board a tenu un sondage en ligne, raconte Jim Copeland, EAO, président du développement du caractère pour le conseil scolaire. En février 2009, on a invité les élèves et les enseignants à y répondre, puis le grand public a suivi en mars. «Nous avons révélé les huit traits de caractère définitifs à la foire de mai.» 

Quant au Rainbow District School Board, il a tenu une réunion publique à laquelle participaient des enseignants, des parents, des représentants de groupes de jeunes et des élèves. «Très rapidement, les choses sont devenues très intéressantes, se souvient Mme Hanson. Quelle est la différence entre la tolérance et l’inclusion? Comment ces traits de caractère se manifestent-ils? Le bonheur est-il un trait de caractère? Rendre les autres heureux est-il un trait de caractère? Voilà le genre de discussions que nous avons eues.»

Bien que la plupart des conseils scolaires choisissent des traits de caractère similaires, des différences existent.

Par exemple, le York Region District School Board a choisi les traits de caractère suivants : respect, responsabilité, honnêteté, empathie, justice, initiative, courage, intégrité, persévérance et optimisme. Le Toronto District School Board a sept traits en commun avec le York Region District School Board. Toronto a remplacé l’initiative, le courage et l’optimisme par le travail d’équipe, la coopération et la gentillesse.


Pour des ressources en anglais, consultez Professionally Speaking.

Haut de la page