Le Festival autochtone canadien
attire des milliers de personnes au SkyDome de Toronto
Des milliers délèves de
lélémentaire de la région de Toronto se familiarisent avec des éléments de la
culture autochtone, du tipi traditionnel au mode de vie des Autochtones contemporains à
lapproche du prochain millénaire, et constatent que cette culture est profondément
enracinée.
de Wendy Harris
Le
son envoûtant des tambours et des chants autochtones emplissait le SkyDome et son écho
retentissait dans les gradins vides. Sur le terrain, des danseurs autochtones
virevoltaient au rythme de la musique, exécutant avec leurs bras et leurs jambes des
mouvements traditionnels. Autour deux, des milliers denfants étaient assis,
subjugués par la complexité des costumes et lénergie pure qui se dégageait de ce
quils voyaient et entendaient.
Puis, la musique sest tue. Scrutant la foule, les
danseurs se sont mis à la recherche de volontaires pour les accompagner. Des centaines de
mains se sont levées. «Moi! Moi!» semblaient dire leurs visages tournés vers le ciel.
«Je veux danser. Je veux me lever, sauter sur le terrain, sentir le rythme des tambours
et danser.»
9 000 ÉLÈVES
Amber était différente des autres. Elle était assise bien
tranquille, regardant attentivement la jeune danseuse autochtone qui allait et venait
devant lauditoire, essayant de décider qui choisir, pendant que ses amis de 6e année la pointaient énergiquement du doigt en répétant
son nom. Le petit manège a fonctionné : la danseuse a tendu la main à Amber et les deux
jeunes filles se sont avancées sur le terrain. Le tambour a recommencé à jouer, les
voix autochtones se sont élevées et la danse a repris.
Amber était lune des quelque 9 000 élèves de la
région de Toronto qui ont pris part à la première journée éducative tenue lors du
Festival autochtone canadien le 20 novembre. Parrainée conjointement par la Fédération
des enseignantes et des enseignants de lOntario, cette journée avait pour but de
permettre aux enseignantes et aux enseignants damorcer ou de poursuivre avec leurs
élèves une discussion sur les Premières Nations du Canada et leur rôle dans notre
société et notre histoire.
«Cette expérience est réellement enrichissante pour notre
unité détudes autochtones», a déclaré Bonnie Palko, enseignante en 6e année à
la Fern Avenue Public School. «Il y a beaucoup de choses à voir. Quatre-vingt-neuf pour
cent de ce que nous apprenons est visuel. Cest donc un bon point de départ
Je
crois sincèrement quon apprend beaucoup plus en faisant des expériences pratiques
quen se contentant de lire ou découter passivement ce qui est écrit ou
dit.»
Les chants, les danses, les légendes, la musique et
lart visuel omniprésents représentaient certes pour les élèves une expérience
directe exceptionnelle. Différentes parties du stade étaient réservées à la danse, à
la crosse, aux expositions dartisanat interactives, au théâtre et aux aînés.
Dans une large section du terrain, on retrouvait quelque 200 kiosques dartisanat où
des artisans autochtones démontraient leur savoir-faire et vendaient leur marchandise.
Des stands dalimentation avaient été aménagés ailleurs sur le terrain et
lon pouvait y retrouver des aliments traditionnels comme du pain frit, de la soupe
de maïs, du jus de fraise et du chili indien.
Les élèves de Bonnie Palko ont commencé leur journée en
dessinant tous les symboles de la vie autochtone quils pouvaient trouver, sur les
costumes, les tambours, les uvres dart. «Cest très "cool"»,
a lancé Veronica, 11 ans, montrant avec fierté sa feuille remplie danimaux, de
plumes et de lunes. «Cest un peu comme un soleil, sauf quau lieu dêtre
juste un soleil, il y a un visage dhomme. Ici, cest lil dune
femme. Cest un peu dangereux. Cest comme une femme-chat.»
DES ANNÉES DE PRÉPARATION
Selon Ron Roberts, coordonnateur du Festival, lidée
dajouter un élément éducationnel au Festival avait germé pendant des années.
Après avoir rencontré des dizaines denseignantes et denseignants désireux
de montrer à leurs élèves les liens qui existent entre les Autochtones des manuels et
les véritables Autochtones daujourdhui, il est devenu convaincu que la seule
façon de chasser les mythes était de parler directement aux jeunes. Il sest allié
à la FEO, et la journée éducative est devenue réalité.
«Bien sûr, nous ne pouvons pas tout leur enseigner en une
seule journée, a-t-il dit. Mais quand on inculque aux enfants la volonté
dapprendre, ils nont plus besoin denseignant. Cest tellement
important denseigner. Je pense que cest la profession la plus noble qui
soit.»
Roberts veut sensibiliser les enfants aux différences
culturelles, mais également aux similitudes qui existent entre eux et les Autochtones et
à lhumanité de ces derniers. «Il suffit de leur montrer que nous sommes des
êtres humains et quen définitive, nous sommes tous pareils.»
LES AÎNÉS RÉPONDENT AUX QUESTIONS DES ENFANTS
Personne ne symbolise mieux les différences culturelles que
les trois aînés des Premières Nations qui ont répondu aux questions des enfants et
leur ont enseigné les principes ancestraux de la guérison, de la spiritualité et du
respect de lenvironnement. Voici ce que Janice Longboat, une indienne cayuga des
Six-Nations, avait à dire aux enfants : «En venant au monde, nous devenons responsables
de toutes les choses : la terre, lair, le vent, leau et le feu.»
À une question sur le tabac, Sara Smith, une Mohawk des
Six-Nations, a pris soin dexpliquer quil ne devait pas être inhalé et que
cétait une substance sacrée pour les peuples autochtones. «Lorsque nous le
brûlons, nous entrons en contact avec le Créateur
Donner du tabac à
quelquun, cest comme signer un contrat.»
David DePoe, enseignant, a choisi une histoire fondée sur
les enseignements oraux des aînés pour initier ses élèves de 4e et 5e années de la
Wilkinson Public School aux Premières Nations. «Les histoires que jai élaborées
avec eux parlent dharmonie avec la nature et de respect pour toutes les choses
vivantes. Cest ce que jaimerais que les élèves retiennent
Je veux
quils acquièrent un sentiment de respect envers les peuples autochtones et
quils se rendent compte que les Autochtones étaient ici avant nous.»
DePoe a passé une année à rédiger des documents
appropriés sur le plan culturel et il est tout à fait en accord avec les racines
spirituelles et les aspirations des peuples autochtones. Cependant, lors de sa visite au
SkyDome, il souhaitait ardemment quune ou un de ses élèves soit choisi pour aller
danser et fasse une démonstration de la ronde quils avaient mis tant defforts
à apprendre en classe. Mais pas de veine : trop denfants avec le même espoir se
disputaient les rares places disponibles sur le terrain de danse.
«Cest ça la danse autochtone», explique Brian
General, danseur des Six-Nations. Dès les premiers battements du tambour, les gens
laissent tomber leurs inhibitions et reprennent contact avec leurs propres racines
spirituelles et lensemble de la communauté. Depuis des années, General visite les
écoles où il explique aux enfants les messages que véhicule la danse autochtone. Il a
fait remarquer que depuis quelque temps, les questions posées lui semblent beaucoup plus
profondes et intelligentes.
UNE RENCONTRE INHABITUELLE
«Quand jai commencé à faire la tournée des écoles,
javais souvent limpression quon me voyait seulement comme un objet
folklorique. Un enseignant ma même déjà dit que les Autochtones étaient une race
disparue
Maintenant, on pose des questions très réfléchies.» General admet
quil est difficile de présenter le patrimoine traditionnel parallèlement à
lidée que les peuples autochtones vivent parmi nous, dans une société moderne.
«Les gens pensent que nous vivons encore dans des tipis ou des longues maisons. Nous
évoluons comme tout le monde.»
Maureen Edwards, enseignante en 4e année à
la Pringdale Gardens Public School, est très consciente de la difficulté de présenter
les Autochtones dans un contexte historique et en tant que membres dune société
moderne. Autochtone du Manitoba qui a enseigné dans des écoles à prédominance
autochtone du nord de cette province pendant trois ans, Edwards soutient que cette
difficulté est particulièrement grande dans une ville comme Toronto. Ses élèves
rencontrent rarement, voire jamais, des Autochtones dans leur quartier et quand ils en
rencontrent, ils ne les reconnaissent pas.
Edwards a affirmé que beaucoup de ses élèves de diverses
cultures nont jamais entendu parler des Premières Nations du Canada et nont
évidemment jamais rencontré dAutochtones. Mais elle soutient que ses élèves du
Sri Lanka ou des Indes orientales peuvent sidentifier à eux en examinant leurs
propres coutumes indigènes. «Ils ne sont pas sûrs quils existent réellement.
Jessaie de leur faire comprendre que les Autochtones étaient ici les premiers.»
Pendant quEdwards parlait, une de ses élèves, Zerlasht, âgée neuf ans, revenait
dun match de crosse sur le terrain. «Je voulais seulement essayer dutiliser
ce bâton, a-t-elle dit. Cest un peu difficile. Il est gros et pesant. Mais
jai trouvé ça intéressant. Jaimais bien quand ils sautaient et faisaient du
bruit.»
La crosse représente une métaphore frappante de ce que la
journée éducative visait à accomplir. «Ce jeu permet dacquérir un esprit
déquipe et des compétences en communication», soutient Kevin Sandy, instructeur
de crosse. «Cest un jeu qui nous a été donné par notre Créateur. Il a une très
grande signification spirituelle. Mais pour linstant, tout ce que je veux cest que
les enfants samusent et quils apprennent un petit peu. Le reste peut
attendre.»
PRÉPARATIFS POUR 1999
Selon Ron Roberts, coordonnateur, les réactions à la
journée éducative tenue dans le cadre du Festival autochtone ne se sont pas fait
attendre et ont été très favorables. On planifie déjà les activités de lan
prochain avec la FEO et la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants.
Roberts dit quil prévoit établir détroites
relations de travail avec les enseignantes et les enseignants au cours des mois à venir
pour obtenir plus didées en vue du programme de lan prochain et pour
façonner la journée éducative en fonction du curriculum. «Nous nous concentrerons
davantage sur lhistoire et lapport des Autochtones à la société», a-t-il
souligné.
On sattendait à ce que quelque 5 000 élèves
participent ; quand
9 000 élèves et plus se sont pointés, il y a eu un peu de congestion, particulièrement
aux expositions interactives. Par exemple, plusieurs élèves qui voulaient entrer dans la
tente de lartisanat se sont vu refuser laccès parce quil ny avait
plus de place. «Tous ces petits problèmes seront réglés pour le Festival autochtone
canadien de 1999», a déclaré Roberts.